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Abolition of Forced Labour Convention, 1957 (No. 105) - Eritrea (RATIFICATION: 2000)

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Article 1 a) de la convention. Sanctions comportant l’obligation de travailler imposées pour l’expression de certaines opinions politiques ou la manifestation d’une opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi. Dans ses précédents commentaires, la commission a noté que plusieurs dispositions de la proclamation n° 90/1996 sur la presse prévoient des restrictions à la reproduction et la publication (concernant l’impression ou la réédition d’une publication ou d’un journal érythréens sans autorisation; l’impression ou la diffusion d’un journal ou d’une publication étrangers qu’il est interdit d’introduire en Érythrée; la publication de nouvelles ou d’informations inexactes troublant l’ordre public (art. 15(3), (4) et (10)) dont la violation est passible de peines de prison. Or, aux termes de l’article 110 du Code pénal transitoire de 1991, les personnes condamnées à une peine privative de liberté sont soumises à l’obligation de travailler en prison. Le gouvernement a indiqué que l’expression d’une opinion ou conviction politique ne constitue pas un délit en Érythrée et que, depuis l’indépendance, aucun citoyen n’a été détenu pour avoir exprimé son opinion ou pour avoir critiqué le gouvernement. S’agissant de la liberté religieuse, le gouvernement s’est référé à la proclamation n° 73/1995 concernant les institutions et activités religieuses et a indiqué qu’aucune ingérence n’est permise dans l’exercice des pratiques ou rites religieux dès lors que ceux-ci ne sont pas utilisés à des fins politiques ou ne portent pas atteinte à l’ordre public ou à la moralité. À cet égard, la commission a noté que, dans sa résolution de juin 2017 sur la situation des droits de l’homme en Érythrée, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies avait noté «avec une vive inquiétude les graves restrictions apportées à la liberté de ne pas être inquiété pour ses opinions, à la liberté d’expression, y compris le droit de rechercher, de recevoir et de répandre des informations, à la liberté de circulation, à la liberté de pensée, de conscience et de religion, et au droit de réunion pacifique et de libre association, ainsi que la détention de journalistes, de défenseurs des droits de l’homme, de personnalités politiques et de chefs et membres de groupes religieux en Érythrée» (A/HRC/RES/35/35). Elle a également noté que, dans le cadre du Groupe de travail sur l’examen périodique universel, le gouvernement a accepté les recommandations de certains pays l’encourageant à «réformer la législation dans le domaine du droit à la liberté de conscience et de religion»; veiller à ce que «les droits de chacun à la liberté d’expression, de religion et de réunion pacifique soient respectés»; et «prendre les mesures nécessaires pour garantir le respect des droits de l’homme, y compris les droits des femmes, les droits politiques, les droits des personnes placées en détention et le droit à la liberté d’expression s’agissant de la presse et autres médias» (A/HRC/26/13/Add.1). La commission a exprimé l’espoir que le gouvernement prendrait toutes les mesures nécessaires pour assurer que la législation en vigueur ainsi que toute législation en préparation concernant l’exercice des droits et libertés ne contiennent aucune disposition qui pourrait permettre de sanctionner l’expression de certaines opinions politiques, la manifestation d’une opposition idéologique à l’ordre politique, économique et social établi ou la pratique d’une religion, par une peine de prison aux termes de laquelle un travail pourrait être imposé.
La commission note que le gouvernement réitère dans son rapport sa déclaration selon laquelle aucun citoyen n’a été arrêté arbitrairement pour avoir exprimé une opinion ou conviction politique et aucune cour ou tribunal n’a imposé de peine d’emprisonnement pour l’expression de points de vue ou la critique du gouvernement. À cet égard, la commission note que, dans ses observations finales de mai 2019 concernant le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies s’est déclaré préoccupé par les informations faisant état de la persistance des arrestations et du placement en détention de personnes qui ne font qu’exprimer leur opinion, notamment des personnalités politiques, des journalistes, des responsables religieux et communautaires (CCPR/C/ERI/CO/1, paragraphe 39). En outre, la Rapporteuse spéciale des Nations Unies se réfère, dans sa déclaration d’octobre 2020 sur la situation des droits de l’homme en Érythrée, à de nombreux cas d’arrestations et d’emprisonnement prolongé de journalistes et d’écrivains qui ont critiqué le gouvernement, ainsi que de particuliers, membres de communautés religieuses, en raison de leur foi ou de leur conviction. Elle ajoute que l’Érythrée continue de limiter gravement les libertés publiques et que les défenseurs des droits de l’homme, journalistes indépendants et groupes d’opposition ne peuvent pas travailler librement dans le pays. La commission note aussi que le gouvernement indique que de nouveaux codes ont été adoptés et seront promulgués sous peu, comme le Code civil et le Code pénal, d’autres codes y afférents ainsi que les codes de procédures civile et pénale.
La commission rappelle que la convention protège les personnes qui ont ou expriment des opinions politiques ou manifestent leur opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi en interdisant de les punir par des sanctions aux termes desquelles un travail pourrait leur être imposé, notamment des peines d’emprisonnement comportant l’obligation de travailler. Les libertés d’opinion, de croyance ou d’expression se matérialisent à travers l’exercice de différents droits tels que le droit de réunion, le droit d’association ou la liberté de la presse. L’exercice de ces droits permet aux citoyens de diffuser leurs opinions, de les faire accepter ou de pratiquer leur religion. Tout en reconnaissant que ces droits peuvent souffrir certaines restrictions qui sont nécessaires dans l’intérêt de l’ordre public pour protéger la société, de telles restrictions doivent être strictement encadrées par la loi. À la lumière de ces considérations, la commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, en droit comme dans la pratique, pour assurer qu’aucune sanction comportant du travail obligatoire ne puisse être imposée aux personnes qui expriment pacifiquement des opinions idéologiquement opposées au système politique, social ou économique établi ou qui pratiquent une religion, par exemple en restreignant clairement le champ d’application des dispositions de la proclamation n° 90/1996 sur la presse et la proclamation n° 73/1995 aux situations impliquant un recours à la violence, ou en supprimant les sanctions comportant une obligation de travailler en prison. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur tout progrès accompli à cet égard, ainsi que sur l’application dans la pratique des dispositions des proclamations précitées, en précisant les actes qui ont donné lieu aux condamnations et le type de sanctions imposées.
Article 1 b). Service national obligatoire à des fins de développement économique. Dans ses précédents commentaires, la commission s’est référée à son observation formulée au titre de la convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930, en ce qui concerne le large éventail des activités exigées de l’ensemble de la population dans le cadre de l’obligation de service national, comme le prévoit la proclamation n° 82 de 1995 relative au service national et la déclaration de 2002 concernant la campagne de développement Warsai Yakaalo. Elle a rappelé que cette obligation de service national, à laquelle tous les citoyens âgés de 18 à 40 ans sont soumis pour une durée indéterminée, a notamment pour objectifs la reconstruction du pays, la lutte contre la pauvreté et le renforcement de l’économie nationale et, par conséquent, est clairement en contradiction avec l’objectif poursuivi par la convention n° 105 qui, à son article 1 b), interdit le recours au travail obligatoire «en tant que méthode de mobilisation et d’utilisation de la main-d’œuvre à des fins de développement économique». En conséquence, elle a instamment et fermement prié le gouvernement de prendre sans délai les mesures nécessaires pour éliminer, en droit et dans la pratique, toute possibilité de recourir au travail obligatoire dans le cadre du service national en tant que moyen de mobiliser de la main-d’œuvre à des fins de développement économique.
La commission note que, dans les conclusions qu’elle a adoptées en juin 2018 sur l’application de la convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930, la Commission de l’application des normes de la Conférence a pris note de la déclaration du gouvernement selon laquelle la campagne de développement Warsai Yakaalo avait cessé et qu’un certain nombre de conscrits avaient été démobilisés et avaient intégrés la fonction publique avec un salaire adéquat. La commission note également que la commission de la Conférence avait exhorté le gouvernement à modifier ou abroger la Proclamation sur le service national, à mettre fin au travail forcé comme l’exige la convention, et à se prévaloir sans délai de l’assistance technique du BIT.
Se référant au rapport de la Mission consultative technique de juillet 2018, la commission note l’existence d’un consensus, entre les divers interlocuteurs que la mission a rencontrés, quant à l’importance de comprendre le contexte du service national avant d’interagir avec l’Érythrée. Ce contexte repose notamment sur le fait que l’obligation pour chaque citoyen d’accomplir un service national doit être examinée à la lumière de la situation de «ni guerre, ni paix» que a été dévastatrice pour le pays, et que le service national s’inscrit dans le combat national pour la libération de l’Érythrée, même si un service national d’une durée indéterminée n’a jamais été à l’ordre du jour du programme du gouvernement. Tout en reconnaissant que beaucoup d’Erythréens sont prêts à participer à un service national qui n’était pas prévu pour être «indéfini», et que le service national est essentiel, non seulement pour assurer le développement du pays, mais aussi pour garantir sa survie, la commission note que la mission a estimé que le service national ne peut être considéré comme un cas de force majeure, et que les exceptions énumérées par la convention n° 29 ne peuvent s’appliquer au travail forcé imposé à des fins de développement économique pendant une durée indéfinie. En outre, une série de parties prenantes ont indiqué à la mission qu’à la lumière du récent traité de paix signé par l’Érythrée et l’Éthiopie, le caractère obligatoire du service national ne se justifierait plus et qu’une démobilisation est à attendre, même si aucune date n’a été précisée.
La commission note que le gouvernement déclare dans son rapport que l’Érythrée met actuellement en place les principes fondamentaux de la construction de la nation et qu’elle attache une grande importance à ces principes, qui consistent à créer et accroître le bien-être national par un travail productif bien organisé fondé sur la connaissance, et à assurer une répartition équitable des ressources et des opportunités. Si de grands chantiers tels que l’approvisionnement en eau pour tous, la remise en état des infrastructures de transport et de communication, la production d’énergie verte et la fourniture d’électricité, les projets de logement, des infrastructures de santé et d’enseignement modernes sont menés à bien, cela pourrait élargir les possibilités de création de postes et de perspectives d’emploi pour la population. Le gouvernement est conscient que l’engagement avéré, la participation totale de la population et son infatigable travail et sa résilience sont nécessaires pour transformer la vieille économie de subsistance traditionnelle en une économie industrielle développée et pour apporter un changement durable à la qualité de vie des gens. À cet égard, la population est invitée à entreprendre des activités de reconstruction économique telles que le reboisement, la conservation des sols et de l’eau et les programmes de sécurité alimentaire. Le gouvernement réitère que le travail forcé ou obligatoire n’est pas utilisé et que la pratique consistant à exiger de la population diverses formes de travail reste d’une ampleur limitée de manière à être compatible avec la convention.
En outre, la commission note que, dans ses observations finales de mai 2019, le Comité des droits de l’homme s’est déclaré préoccupé par les allégations indiquant que les appelés au service national sont affectés à différents travaux, notamment dans des entreprises privées dans les secteurs miniers et du bâtiment, contre une rémunération très faible ou sans aucune rémunération (CCPR/C/ERI/CO/1, paragraphe 37).
La commission rappelle que l’interdiction énoncée à l’article 1 c) de la convention s’applique même lorsque le recours au travail forcé ou obligatoire en tant que méthode de mobilisation et d’utilisation de la main-d’œuvre à des fins de développement économique est de nature temporaire ou exceptionnelle. La commission souligne en outre qu’il n’y a pas lieu, au nom du développement, de déroger au respect des droits de l’homme universellement reconnus (paragraphe 308 de l’étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales). En conséquence, la commission prie instamment le gouvernement de prendre sans délai les mesures nécessaires afin d’éliminer, en droit comme dans la pratique, l’utilisation du travail obligatoire dans le contexte du service national en tant que méthode de mobilisation de la main-d’œuvre à des fins de développement économique. À cet égard, notant que le gouvernement a indiqué aux membres de la Mission consultative technique sa volonté de faire appel à l’assistance technique du Bureau, la commission encourage vivement le gouvernement à collaborer avec l’OIT en continuant à se prévaloir de l’assistance technique du Bureau dans ses efforts pour mettre sa législation et sa pratique en conformité avec les dispositions de la convention. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises ainsi que sur tout progrès accompli en la matière.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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