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Article 3 de la convention. Droit des organisations d’organiser librement leur activité et de formuler leur programme d’action. La commission rappelle qu’elle attire depuis des années l’attention du gouvernement sur la nécessité d’abroger l’interdiction du droit de grève prévue à l’article 376 c) du Code du travail pour les travailleurs des entreprises ferroviaires, maritimes et aériennes et pour les travailleurs affectés à des tâches de chargement et de déchargement dans les ports. Dans ses précédents commentaires, la commission avait pris note des éléments suivants: i) selon le gouvernement, la chambre constitutionnelle de la Cour suprême de justice a déclaré inconstitutionnels les alinéas a), b) et e) de l’article 376 du Code du travail portant sur l’interdiction de la grève (décision no 01317-1998); ii) la loi de réforme de la procédure du travail n’a pas modifié l’article 376 du Code du travail.
Dans ses derniers commentaires, la commission a noté que le gouvernement indique à nouveau dans son rapport que la question de l’article 376 c) du Code du travail a été examinée par la chambre constitutionnelle à l’occasion du vote no 01317-1998 et que la législation nationale est apparue conforme à cette décision. La commission a noté toutefois que, dans leurs observations, la Confédération des travailleurs Rerum Novarum (CTRN), l’Union costaricienne des chambres et associations d’entreprises privées (UCCAEP) et l’Organisation internationale des employeurs (OIE) ont indiqué que le projet de loi no 21049 sur la sécurité juridique en cas de grève et ses procédures, qui vise à modifier, notamment, l’article 376 c) du Code du travail, était alors examiné par le Parlement. La commission a également noté que, le 25 octobre 2019, la chambre constitutionnelle de la Cour suprême de justice s’est prononcée sur une consultation législative facultative au sujet du projet de loi no 21049. La commission a pris note du texte du projet de loi et, en formulant des commentaires sur diverses dispositions, elle a prié le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour que la législation ainsi que les modifications qui seraient éventuellement apportées à celle-ci soient conformes à la convention.
La commission note que, dans son rapport supplémentaire, le gouvernement annonce la promulgation, le 21 janvier 2020, de la loi n° 9808 renforçant la sécurité juridique relative à la grève et ses procédures, instrument faisant l’objet du dossier législatif n° 21 049. Le gouvernement précise à ce sujet que: i) la commission parlementaire chargée de sa rédaction s’est concertée avec une centaine d’acteurs sociaux et organismes syndicaux les plus représentatifs, processus qui a permis d’épurer le texte et, dans plusieurs cas, de parvenir à un consensus; ii) cette commission a également reçu une centaine de propositions d’amendements de l’Assemblée législative réunie en plénière qui ont été acceptés, rejetés ou bien retirés; iii) en procédant à certains ajustements, rendus nécessaires par des problèmes de constitutionnalité posés par certains points, le projet a été adopté en deuxième lecture le 16 janvier 2020 et il est ainsi devenu loi le 21 janvier de la même année. La commission note que, tandis que l’UCCAEP indique dans ses observations qu’elle a apporté son plein appui à cette loi, considérant que celle-ci introduit des règles novatrices en matière de grève, la CTRN, la Confédération syndicale internationale (CSI) et l’Association nationale des personnels infirmiers (ANPE) considèrent qu’il s’agit là d’une loi éminemment régressive en matière de droit de grève et qu’elle viole la convention.
La commission se félicite que, conformément à ce que les organes de contrôle de l’OIT ont toujours fait valoir, la version telle que modifiée de l’article 376 du Code du travail contenue dans la loi définisse les services publics essentiels comme étant ceux dont la suspension, l’interruption ou la paralysie est susceptible de porter un préjudice important aux droits à la vie, à la santé et à la sécurité publique. La commission note cependant que cet article inclut la liste des services publics considérés comme essentiels dans lesquels la grève est interdite et que certains de ces services ne constituent pas des services essentiels au sens strict du terme, notamment: les services de transport en général, dont les transports ferroviaires et maritimes, les services de chargement et de déchargement de denrées périssables, les pharmacies, les consultations et soins médicaux programmés, ainsi que la distribution de carburants. La commission rappelle que, si ce que l’on entend par service essentiel au sens strict du terme dépend largement des conditions spécifiques de chaque pays, le critère qui détermine qu’un service est essentiel au sens strict du terme est l’apparition d’une menace manifeste et immédiate pour la vie, la sécurité ou la santé des individus dans tout ou partie de la population. La commission rappelle en outre que, dans les situations où une limitation importante ou une interdiction totale de la grève n’apparaît pas justifiée et où, sans remettre en cause le droit de grève pour la plus grande partie des travailleurs, il pourrait être envisagé d’assurer la satisfaction des besoins de base des usagers ou encore la sécurité ou le fonctionnement continu des installations, l’introduction d’un service minimum négocié comme solution de rechange possible à une interdiction totale de la grève pourrait être appropriée (voir Étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, paragr. 136).
La commission note également que l’article 376ter du code contient une liste de services qualifiés d’importance prééminente, qu’il définit comme étant ceux qui, par leur caractère stratégique pour le développement économique et social du pays, sont ceux dont la paralysie ou la suspension entraînerait un préjudice important pour les conditions de vie de l’ensemble ou d’une partie de la population. La commission note que, selon les dispositions de cet article, la tenue d’une grève dans des services d’une importance prééminente est subordonnée à la mise en place de services minimaux définis d’un commun accord entre les parties et que la durée maximale d’une grève dans ces services est de dix jours civils (vingt et un jours ou dix jours discontinus dans les services éducatifs), après quoi, si aucun accord n’est en vue, le conflit doit être soumis à un arbitrage obligatoire. A cet égard, la commission estime que le recours à l’arbitrage obligatoire pour mettre fin à un conflit collectif du travail et à une grève n’est acceptable que dans des circonstances déterminées, à savoir: i) lorsque les deux parties au conflit en sont d’accord; ou ii) lorsque la grève peut faire l’objet de restrictions, voire d’une interdiction, à savoir: a) dans le cas d’un conflit concernant des fonctionnaires qui exercent des fonctions d’autorité au nom de l’État; b) dans le cas d’un conflit affectant des services essentiels au sens strict du terme; et c) dans des situations de crise nationale ou locale aiguë, mais alors pour une durée limitée et uniquement dans la mesure de ce qui est nécessaire pour faire face à la situation. Ainsi, la seule prolongation des conflits ou l’échec de la conciliation ne constituent pas en soi des éléments qui justifieraient l’imposition d’un arbitrage obligatoire (voir étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, paragraphe 153).
En ce qui concerne les services de chargement et de déchargement dans les ports, la commission note que la loi considère le chargement et le déchargement de médicaments, de fournitures ou d’équipements médicaux et de denrées périssables comme des services essentiels, et les services de chargement et de déchargement dans les ports d’autres types de produits comme des services d’une importance prééminente. La commission rappelle qu’un service minimal pourrait être établi pour tous les services de chargement et de déchargement dans les ports afin de garantir l’accès de la population aux médicaments et aux équipements médicaux.
D’autre part, la commission exprime à nouveau ses préoccupations en relation avec les modifications apportées par la loi aux dispositions suivantes du Code du travail:
  • -l’article 371, qui impose une durée maximale de 48 heures pour les grèves dont le but est de protester contre les politiques publiques, à condition que ces politiques affectent directement les intérêts économiques et sociaux des travailleurs. À cet égard, la commission note que, dans ses observations, l’ANPE déclare que cette limitation de la durée de la grève est incompatible avec la liberté syndicale du fait que, outre qu’elle fixe par défaut un délai disproportionné et totalement déraisonnable, elle implique de sacrifier l’efficacité de la mesure de pression qui est la raison d’être même de la grève. La commission rappelle en outre que, tant la CTRN que l’UCCAEP et l’OIE ont indiqué qu’en 2018 le pays a connu la plus longue grève de son histoire (pratiquement trois mois), suite à l’adoption d’un projet de loi proposant une réforme fiscale. Selon la CTRN, il s’agissait alors d’une grève dirigée contre des politiques publiques, de ce fait non réglementée dans le Code du travail, contre laquelle le gouvernement a intenté plusieurs actions visant à ce qu’elle soit déclarée illégale;
  • -l’article 378, selon lequel une grève ne peut en aucun cas se reproduire pour les mêmes raisons qu’une grève précédente; et
  • -l’article 661bis, qui dispose que, lorsque la grève a eu lieu dans des services publics non essentiels et qu’elle a été déclarée légale, que huit jours civils se sont écoulés depuis la signature de la déclaration sans que les parties n’aient trouvé une solution au conflit, ou au moins un accord tendant à ce qu’elle cesse, le temps de poursuivre les négociations, l’employeur peut demander au juge de suspendre la grève s’il démontre dûment que la grève entraîne pour la population de graves préjudices, difficiles ou impossibles à réparer. À ce sujet, la commission rappelle que la suspension de la grève devrait être limitée aux situations dans lesquelles un service non essentiel peut devenir essentiel dans la mesure où sa durée ou sa portée met en danger la vie, la sécurité ou la santé de l’ensemble ou d’une partie de la population (voir étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, paragraphe 131).
Enfin, la commission avait noté que, dans son arrêt susmentionné du 25 octobre 2019, la chambre constitutionnelle de la Cour suprême de justice a considéré qu’un vice de constitutionnalité entachait le projet de loi no 21 049 en ce qu’il prétendait insérer dans l’article 350 du code du travail la faculté de dissoudre un syndicat pour cause d’actes délictueux de ses dirigeants. La commission a pris note que, dans sa décision, la Chambre constitutionnelle a souligné que la responsabilité pénale personnelle et très personnelle des dirigeants syndicaux ne peut être transférée à l'ensemble du syndicat. La Commission note avec intérêt que la loi n'a pas introduit une telle réforme dans l'article 350 du Code du travail.
La commission exprime le ferme espoir que, à la lumière des commentaires qui précèdent, le gouvernement prendra, en consultation avec les partenaires sociaux, toutes les mesures nécessaires pour que la législation soit conforme à la convention. Elle prie le gouvernement de la tenir informée de la situation et elle rappelle au gouvernement que l’assistance technique du Bureau est toujours à sa disposition pour aider à parvenir à la pleine conformité de la législation à la convention.
Application de la convention dans la pratique. La commission rappelle que, dans sa dernière demande directe, elle avait prié le gouvernement de continuer à communiquer des informations sur les inspections effectuées dans les secteurs de l’ananas et de la banane, ainsi que sur les plaintes déposées pour violation des droits syndicaux dans ces secteurs. La commission prend note des informations statistiques fournies par le gouvernement et accueille favorablement le fait que, au cours de la période 2016-17, 72 inspections au total ont été effectuées dans le secteur de la banane et 93 dans celui de l’ananas, contre 371 et 109 respectivement en 2018-19. La commission note également qu’entre 2016 et 2019 l’inspection du travail a traité 12 cas de harcèlement antisyndical et de pratiques déloyales au travail dans le secteur de la banane, ainsi que 5 cas dans celui de l’ananas. La commission note toutefois que les informations fournies n’indiquent pas si les inspections ont été effectuées d’office ou à la suite d’une plainte, ni ce qui les a motivées. Il ne ressort pas non plus des informations fournies le nombre de cas dans lesquels des violations des droits syndicaux ont été constatées. Notant que, dans ses observations, la CTRN allègue une violation des droits syndicaux des travailleurs de ces secteurs, situation qui aurait empiré en raison de la pandémie de COVID-19, la commission encourage le gouvernement à demander à l’inspection du travail de continuer à effectuer des inspections dans les secteurs de l’ananas et de la banane afin de garantir le respect des droits syndicaux. La commission prie également le gouvernement de continuer à fournir des informations détaillées sur les inspections effectuées, en indiquant si elles ont été effectuées d’office ou à la demande d’une partie, ainsi que sur les plaintes déposées pour violation des droits syndicaux dans ces secteurs, et d’indiquer leurs résultats, en y incluant le nombre et la nature des violations éventuellement identifiées ainsi que les sanctions imposées.
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