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La commission prend note des informations supplémentaires fournies par le gouvernement à la lumière de la décision adoptée par le Conseil d’administration à sa 338e session (juin 2020). La commission a procédé à l’examen de l’application de la convention sur la base des informations supplémentaires s reçues du gouvernement et des partenaires sociaux cette année, ainsi que sur la base des informations dont elle disposait en 2019 [voir les sections sur les libertés publiques et l’article 2 ci-dessous].
La commission note les observations de la Confédération des syndicats de fonctionnaires (KESK), reçues le 31 août 2020, de la Confédération syndicale internationale (CSI), reçues le 16 septembre 2020, de l’Internationale de l’éducation (IE), reçues le 1er octobre 2020, et les réponses détaillées du gouvernement à ce sujet. La commission note également les observations de la Confédération des syndicats de la fonction publique (MEMUR-SEN), communiquées avec le rapport supplémentaire du gouvernement.
La commission avait précédemment pris note des observations de CSI, reçues le 1er septembre 2019 et examinées ci-après. Elle avait également pris note des observations de la KESK et de la Confédération turque des associations d’employeurs (TİSK) transmises par le gouvernement avec son rapport et se référant aux questions soulevées par la commission ci-dessous. La commission avait également pris note des observations de la Fédération internationale des travailleurs des transports (ITF), reçues le 4 septembre 2019 et se référant aux informations soumises par la CSI. La commission avait également pris note des observations de la TİSK, reçues le 2 septembre 2019.
La commission rappelle qu’elle avait précédemment prié le gouvernement de répondre aux observations de 2018 de la Confédération des syndicats turcs (TÜRK-İŞ) selon lesquelles les travailleurs employés temporairement par des agences de placement privées ne pouvaient jouir de leurs droits syndicaux, ainsi qu’aux allégations de pression exercée sur les travailleurs, en particulier dans le secteur public, pour les inciter à adhérer aux syndicats désignés par leur employeur. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle, dans le cadre d’un «contrat de travail triangulaire» (dans lequel le travailleur est employé par une agence de travail intérimaire et travaille pour un employeur différent), les travailleurs ont le droit de se syndiquer dans la branche d’activité dans laquelle l’agence de travail est active. La commission prie le gouvernement de fournir des informations additionnelles à cet égard, y compris des exemples concrets de la manière selon laquelle les droits des travailleurs engagés dans le cadre d’un contrat de travail triangulaire sont exercés dans la pratique. En ce qui concerne l’allégation de pressions exercées sur les travailleurs du secteur public, le gouvernement se réfère aux dispositions législatives garantissant la protection contre la discrimination antisyndicale et souligne que les syndicats et les travailleurs disposent de recours administratifs et judiciaires pour contester ces actions. Il se réfère en particulier au premier paragraphe de l’article 118 du code pénal, selon lequel toute personne qui fait usage de la force ou de menaces dans le but de contraindre une personne à adhérer ou à ne pas adhérer à un syndicat, ou à participer à des activités syndicales ou à ne pas y participer, ou à démissionner d’une fonction syndicale, est punie d’une peine d’emprisonnement de six mois à deux ans. En outre, selon le gouvernement, dans de tels cas, la législation prévoit une indemnisation équivalente au moins au montant d’une année de salaire et, en cas de licenciement, la possibilité d’une réintégration. Les employeurs du secteur public ont la responsabilité de respecter la loi dans l’exercice de leurs fonctions et sont donc également responsables en vertu du droit public.

Suivi des conclusions de la commission de l’application des normes (Conférence internationale du Travail, 108e session, juin 2019)

La commission prend note des discussions qui ont eu lieu au sein de la Commission de la Conférence en juin 2019 concernant l’application de la convention. Elle fait observer que la Commission de la Conférence avait noté avec préoccupation les allégations de restrictions imposées aux organisations de travailleurs s’agissant de constituer des syndicats, d’y adhérer et d’en assurer la gestion et avait prié le gouvernement de: i) prendre toutes les mesures appropriées afin de garantir que, quelle que soit l’affiliation syndicale, le droit à la liberté syndicale peut s’exercer dans des conditions normales, dans le respect des libertés civiles et dans un climat exempt de violence, de pressions et de menaces; ii) s’assurer qu’une procédure judiciaire régulière et en bonne et due forme est garantie aux organisations de travailleurs et d’employeurs et à leurs membres; iii) réviser la loi no 4688 en concertation avec les organisations de travailleurs et d’employeurs les plus représentatives afin d’accorder à tous les travailleurs sans aucune distinction, y compris aux travailleurs du secteur public, la liberté syndicale conformément à la convention, en droit et dans la pratique; iv) réviser le décret présidentiel no 5 pour exclure les organisations de travailleurs et d’employeurs de son champ d’application; et v) s’assurer que la dissolution d’organisations syndicales est le résultat d’une décision de justice et que les droits de la défense et la régularité de la procédure sont pleinement garantis dans un système judiciaire indépendant.
Libertés publiques. La commission rappelle qu’elle formule depuis un certain nombre d’années des commentaires sur la situation des libertés publiques en Turquie. Notant que le gouvernement a indiqué qu’il existait des voies de recours administratives ou judiciaires internes contre tous les actes de l’administration, la commission l’avait prié d’indiquer si les personnes touchées avaient eu recours à de telles voies et quels en avaient été les résultats. La commission l’avait également prié de fournir des informations sur les mesures prises pour garantir un climat exempt de violence, de pressions ou de menaces de quelque nature que ce soit afin que les travailleurs et les employeurs puissent exercer pleinement et librement les droits que leur confère la convention.
La commission rappelle que, dans son commentaire précédent, elle a noté la réaffirmation par le gouvernement que la Turquie est un pays démocratique, respectueux de l’état de droit et qu’aucun syndicat n’a jamais été fermé ni ses fonctionnaires suspendus ou licenciés en raison de leurs activités légitimes. Le gouvernement a indiqué que: i) du fait de l’adoption de la loi sur les syndicats et les conventions collectives de travail (loi no 6356) et des modifications substantielles apportées à la loi no 4688 sur les syndicats des fonctionnaires en 2013, le taux de syndicalisation a régulièrement augmenté, atteignant 22 pour cent dans les secteurs public et privé réunis (66,79 pour cent dans le secteur public; 13,76 pour cent dans le secteur privé). Il existe actuellement quatre confédérations syndicales dans le secteur privé et dix confédérations de fonctionnaires. Comme tous les pays démocratiques, la Turquie dispose d’un cadre réglementaire pour l’organisation de réunions et de manifestations. Lorsque les membres des syndicats transgressent la loi, détruisent les biens publics et privés et cherchent à imposer leurs propres règles pendant les réunions et les manifestations, les forces de sécurité sont obligées d’intervenir pour préserver l’ordre et la sécurité publics. Le gouvernement indique qu’il est possible d’organiser des marches et des manifestations avec notification préalable, comme l’illustrent les célébrations du 1er mai, organisées par tous les syndicats et confédérations de manière pacifique. Le gouvernement réaffirme en outre que les droits et libertés fondamentaux sont protégés par la Constitution nationale. Outre le droit de recours judiciaire contre les actes de l’administration, toute personne peut saisir la Cour constitutionnelle contre les autorités publiques pour violation des droits et libertés constitutionnels. Le gouvernement souligne en outre que les allégations concernent principalement la période de l’état d’urgence entre juillet 2016 et juillet 2018, à la suite d’une tentative de coup d’État, et que les problèmes sont survenus lorsque les prescriptions de l’état d’urgence ont été ignorées et ignorées avec persistance par certains syndicats et leurs membres. Bien que les fonctionnaires n’aient pas le droit de grève, certains syndicats de fonctionnaires et leurs membres ont appelé à des actions de grève et des réunions et manifestations en plein air ont été organisées en violation des dispositions de la loi no 2911 sur les réunions et manifestations. Par conséquent, des procédures disciplinaires peuvent avoir été appliquées à des fonctionnaires impliqués dans la vie politique.
En ce qui concerne l’usage excessif présumé de la force par les forces de sécurité, le gouvernement rappelle qu’il a pris toutes les mesures nécessaires pour empêcher que de tels incidents ne se produisent. Il explique que ces incidents se sont largement produits pour deux raisons: i) l’infiltration d’organisations terroristes illégales dans les marches et manifestations organisées par les syndicats et ii) l’insistance de certains syndicats à organiser de telles réunions dans des zones non prévues à cet effet. Le gouvernement informe que les forces de sécurité sont intervenues dans 2 pour cent des cas sur 40 016 actions et activités en 2016; dans 0,8 pour cent des cas sur 38 976 activités en 2017; et dans 0,7 pour cent des cas sur 36 925 activités en 2018. Selon les informations supplémentaires fournies par le gouvernement, le taux d’interférence des forces de sécurité a diminué de 0,8 pour cent en 2017 à 0,7 pour cent en 2019. Le gouvernement indique en outre qu’en 2019, 51 525 manifestations/activités ont été menées, impliquant 32 166 244 personnes, ce qui représente, par rapport à 2018, une augmentation de 3,6 pour cent du nombre d’événements et une augmentation de 11,07 pour cent en termes de participants. Le gouvernement a indiqué dans son rapport de 2019 que l’intervention de la police ne se produit qu’en cas de violence et d’attaques contre les forces de sécurité et les citoyens et lorsque la vie des citoyens est gravement affectée.
La commission rappelle que dans son rapport de 2019, le gouvernement a indiqué qu’une stratégie de réforme judiciaire a été lancée le 30 mai 2019 par le Président de la République. Les principaux objectifs de cette réforme sont notamment le renforcement de l’état de droit, la protection et la promotion effectives des droits et libertés, le renforcement de l’indépendance du pouvoir judiciaire et l’amélioration de l’impartialité, l’accroissement de la transparence du système, la simplification des procédures judiciaires, l’accès à la justice, le renforcement du droit à la défense et la protection efficace du droit au procès dans un délai raisonnable. Le gouvernement a indiqué qu’un plan d’action clair et mesurable serait également préparé et que le ministère de la Justice publierait des rapports de suivi annuels.
Tout en prenant note de ce qui précède, la commission a noté avec préoccupation les observations de la CSI selon lesquelles, depuis la tentative de coup d’État et les sévères restrictions aux libertés publiques imposées par le gouvernement, les libertés et droits des travailleurs ont été davantage restreints (la CSI a dénoncé, en particulier, la répression policière des manifestations et le licenciement systématique des travailleurs cherchant à s’organiser). La commission a noté en outre avec préoccupation l’allégation de l’assassinat, le 13 novembre 2018, du président du syndicat des travailleurs du caoutchouc et de la chimie Lastik-İş et la condamnation, le 2 novembre 2018, de 26 syndicalistes à cinq mois de prison avec sursis pour «désobéissance à la loi sur les réunions et manifestations» après une manifestation en mars 2016 demandant la reconnaissance du droit syndical dans une entreprise privée (la CSI affirme que la manifestation avait été dispersée violemment par la police). La commission note également avec préoccupation les allégations de la CSI selon lesquelles les dirigeants syndicaux suivants auraient fait l’objet de poursuites pénales pour leurs activités syndicales légitimes: i) Le secrétaire général du syndicat d’enseignants Eğitim Sen a été arrêté en mai 2019 pour avoir assisté à une réunion de presse et n’a donc pas été autorisé à assister à la Conférence de l’OIT; ii) Kenan Ozturk, président du syndicat des transports TÜMTIS, et quatre autres responsables syndicaux ont été arrêtés en vertu de la loi no 2911 pour avoir rendu visite, en 2017, aux travailleurs injustement licenciés d’une compagnie de fret dans la province de Gaziantep et avoir tenu une conférence de presse; en attendant leur procès pénal, un autre dirigeant de TÜMTIS, Nurettin Kilicdogan, est toujours en prison; iii) Arzu Çerkezoğlu, président de la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DISK) fait l’objet de poursuites pénales pour son intervention devant le panel public organisé en juin 2016 par le parti de l’opposition de Turquie; et iv) en mai 2019, le ministère public a engagé des poursuites contre Tarim Orman-is, président du Syndicat des fonctionnaires de l’agriculture, des forêts, de l’élevage et de l’environnement pour avoir critiqué le gouvernement après avoir publiquement défendu le droit des travailleurs à bénéficier des installations publiques.
La commission a noté que la CSI s’est déclarée préoccupée par la gravité et la persistance des violations de la liberté syndicale et des mesures autoritaires du gouvernement visant à s’ingérer dans les affaires syndicales et à imposer de lourdes restrictions au droit syndical. La CSI a allégué qu’il est devenu presque impossible pour les syndicats en Turquie de fonctionner. Elle a affirmé que, à cet égard, à partir de 2016, le gouvernement a justifié la poursuite des violations des libertés publiques sous couvert de l’état d’urgence par des décrets associés. En conséquence, quelque 110 000 fonctionnaires et 5 600 universitaires ont été licenciés; environ 22 500 travailleurs d’établissements d’enseignement privés ont vu leur permis de travail annulé; 19 syndicats ont été dissous et environ 24 000 travailleurs font l’objet de diverses formes de mesures disciplinaires liées aux manifestations des travailleurs. Plus de 11 000 représentants et membres de la KESK ont été suspendus de leurs fonctions ou licenciés en raison de leurs activités syndicales, sous prétexte de la sécurité nationale et des pouvoirs d’urgence. En outre, la CSI a indiqué que le gouvernement a continué de faire respecter les lois d’état d’urgence qui permettent la dissolution arbitraire des organisations syndicales. Le décret no 667 adopté en 2016 dispose que «les syndicats, fédérations et confédérations (...) dont il est établi qu’ils sont liés à des formations menaçant la sécurité nationale ou à des organisations terroristes, ou qu’ils en communiquent ou y adhèrent, sont interdits sur proposition de la commission et sur approbation du ministre concerné». La CSI a allégué en outre que la loi ne fait aucune distinction entre un syndicat en tant qu’organisation ayant une finalité publique objective et des acteurs individuels et déclare tous les membres du syndicat coupables par association en ordonnant la fermeture du syndicat. Bien que le gouvernement ait mis en place une commission d’enquête chargée d’examiner ses actions, y compris les cas de dissolution de syndicats, le processus n’a pas bénéficié de la confiance des victimes et des syndicats en raison de la manière dont il a été constitué et des résultats des processus à ce jour (la CSI a affirmé qu’il est marqué par un manque d’indépendance institutionnelle, de longues périodes d’attente, une absence de garanties permettant aux individus de réfuter les allégations et la faiblesse des preuves invoquées dans les décisions de maintenir les licenciements).
La commission note que dans son rapport supplémentaire, le gouvernement indique que M. Kenan Ozturk, le président du syndicat des travailleurs du transport TÜMTIS, et quatre autres membres du syndicat arrêtés en 2017 ont été acquittés en mai 2018 et qu’un autre dirigeant du TÜMTIS, M. Nurettin Kilicdogan, a été libéré en février 2020. En ce qui concerne l’allégation de la CSI sur les travaux de la commission d’enquête, le gouvernement indique que la commission a commencé ses travaux le 22 décembre 2017 et qu’en date du 2 octobre 2020, elle avait rendu 110 250 décisions (12 680 acceptées et 97 570 rejetées). Selon le gouvernement, 60 des décisions d’acceptation sont liées à l’ouverture d’organisations qui ont été fermées (associations, fondations et chaînes de télévision). Le gouvernement souligne que 87 pour cent des demandes ont fait l’objet d’une décision dans un délai de 33 mois. Le gouvernement informe en outre qu’actuellement, six tribunaux administratifs d’Ankara sont compétents pour traiter les cas d’annulation des décisions de la commission d’enquête et que le «délai moyen de traitement» (pour finaliser une demande d’annulation) varie, selon le tribunal, entre 191 et 347 jours.
La commission note avec préoccupation l’allégation la plus récente de la CSI selon laquelle en 2019 et 2020, des dirigeants syndicaux ont continué à faire l’objet d’arrestations et de poursuites alors que le gouvernement tentait de réprimer les voix critiques. Selon la CSI, alors que les tribunaux ont rejeté plusieurs affaires, les autorités sont tombées dans un schéma de ciblage, d’arrestation et de poursuite systématique des dirigeants syndicaux. La CSI fait référence à l’affaire en cours d’Umar Karatepe, directeur des communications du DISK, en notant que sa maison a été perquisitionnée le 5 mars 2020; il a été arrêté et conduit au siège de la police à Istanbul; et les charges retenues contre lui n’ont pas été précisées mais seraient liées à plusieurs déclarations faites sur son compte sur les médias sociaux.
La commission note en outre avec préoccupation l’allégation de la MEMUR-SEN concernant les pressions et le harcèlement exercés sur ses membres, les membres de Bem-Bir-Sen, son affilié, et les membres de Hizmet-Is, affilié à Hak-Is, à la suite des élections locales du 31 mars 2019.
Tout en notant la réponse du gouvernement à certaines de ces allégations, la commission prie le gouvernement de fournir ses commentaires détaillés sur les autres allégations de longue date et graves de violations des libertés civiles et des droits syndicaux. La commission observe que la question du licenciement des syndicalistes à la suite de la dissolution des syndicats est examinée par un comité tripartite du Comité de la liberté syndicale créé pour examiner une réclamation en vertu de l’article 24 de la Constitution de l’OIT alléguant la violation par le gouvernement de la Turquie de la convention no 87. La commission procédera à l’examen de ces questions une fois que le comité tripartite aura achevé ses travaux.
Article 2 de la convention. Droit des travailleurs, sans distinction aucune, de constituer des organisations et d’y adhérer. Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté que l’article 15 de la loi no 4688, telle que modifiée en 2012, excluait du droit syndical les hauts fonctionnaires, les magistrats et les gardiens de prison. La commission note que le gouvernement a réaffirmé que les restrictions prévues à l’article 15 de la loi se limitent aux services publics où l’interruption de service ne peut être compensée, comme la sécurité, la justice et les hauts fonctionnaires.
La commission note que la MEMUR-SEN souligne la nécessité de garantir les droits à la liberté d’association des retraités, des travailleurs suppléants (enseignants, infirmières, sages-femmes, etc.) ainsi que des employés publics qui ne sont pas salariés et qui travaillent sans contrat de travail. La commission prie le gouvernement de fournir ses commentaires à ce sujet.
Rappelant que tous les travailleurs, sans distinction aucune, ont le droit de constituer des syndicats de leur choix et d’y adhérer et que les seules exceptions possibles à l’application de la convention à cet égard concernent les forces armées et la police, la commission encourage le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour revoir l’article 15 de la loi no 4688, telle que modifiée, afin de garantir à tous les employés publics le droit de constituer des organisations de leur choix et de s’y affilier. Elle le prie également de fournir des informations sur toutes les mesures prises ou envisagées à cet égard.
Article 3. Droit des organisations de travailleurs d’organiser leurs activités et de formuler leur programme d’action. La commission rappelle que, dans ses précédents commentaires, elle avait noté que l’article 63(1) de la loi no 6356 dispose qu’une grève ou un lock-out légal qui a été déclenché ou commencé peut être suspendu par le Conseil des ministres pendant soixante jours par décret si cette action porte atteinte à la santé publique ou à la sécurité nationale et que, si un accord n’est pas trouvé pendant cette période, le litige sera soumis à un arbitrage obligatoire. Depuis un certain nombre d’années, la commission prie le gouvernement de veiller à ce que l’article 63 de la loi no 6356 ne soit pas appliqué d’une manière qui porte atteinte au droit des syndicats d’organiser leurs activités sans ingérence gouvernementale. Tout en notant que, dans une décision datée du 22 octobre 2014, la Cour constitutionnelle a déclaré inconstitutionnelle l’interdiction des grèves et lock-out dans les services bancaires et les services municipaux de transport en vertu de l’article 62(1), la commission a relevé que le décret no 678 (KHK) autorise le Conseil des Ministres, en application duquel les sociétés et institutions bancaires locales de transport ont le pouvoir légal de suspendre pour soixante jours la grève des travailleurs des services bancaires. La commission a en outre noté avec préoccupation que, en 2017, cinq grèves avaient été suspendues, y compris dans le secteur du verre pour menace à la sécurité nationale, alors qu’en 2015, la Cour constitutionnelle turque avait déclaré inconstitutionnelle une suspension de grève dans ce même secteur. La commission a rappelé que le droit de grève ne peut être limité ou interdit qu’à l’égard des fonctionnaires exerçant leur autorité au nom de l’État, dans les services essentiels au sens strict du terme et dans les situations de crise nationale ou locale aiguë, pour une durée limitée et dans la mesure nécessaire pour répondre aux besoins de la situation. Rappelant la décision de la Cour constitutionnelle selon laquelle les suspensions de grève dans ces secteurs sont inconstitutionnelles, la commission avait prié le gouvernement de tenir compte des principes ci-dessus dans l’application de l’article 63 des lois no 6356 et no 678 du KHK. Elle avait en outre prié le gouvernement de fournir une copie du KHK no 678. La commission note qu’une copie du décret a été transmise et l’examinera dès que sa traduction sera disponible. La commission note en outre l’indication du gouvernement selon laquelle le pouvoir de suspendre une grève pendant soixante jours revient au Président lorsqu’une grève nuit à la santé générale et à la sécurité nationale ou aux transports publics urbains des municipalités métropolitaines ou à la stabilité économique et financière des services bancaires. Le gouvernement indique que lorsque la grève a été suspendue, le Haut Conseil d’arbitrage fait le maximum d’efforts pour amener les parties à un accord. La procédure judiciaire est ouverte pour le sursis de l’exécution contre la décision du Conseil. Le gouvernement rappelle qu’en vertu de l’article 138 de la Constitution sur «l’indépendance des tribunaux» aucun organe, autorité, fonction ou individu ne peut donner d’ordres ou d’instructions aux tribunaux ou aux juges concernant l’exercice de leur pouvoir judiciaire, leur envoyer des circulaires ou leur faire des recommandations ou suggestions. La commission note que, selon la CSI, bien que la législation indique que la mesure de suspension devrait être limitée aux grèves susceptibles de porter préjudice à la santé publique ou à la sécurité nationale, elle a été interprétée d’une manière si large que les grèves dans les services non essentiels ont également été effectivement interdites. Elle informe à cet égard que, en janvier 2019, une grève déclenchée par le syndicat des chemins de fer affilié à la FIT à Izmir a été reportée en vertu de ces lois. La commission prie le gouvernement de lui faire part de ses commentaires à ce sujet. Considérant que les grèves ne peuvent être suspendues que dans les services essentiels au sens strict du terme, pour les fonctionnaires exerçant leur autorité au nom de l’État ou en cas de crise nationale aiguë, la commission prie le gouvernement de faire en sorte que l’article 63 des lois no 6356 et no 678 KHK soit appliqué en tenant compte de ces éléments.
La commission rappelle que la CSI avait précédemment allégué que le décret no 5 adopté en juillet 2018 prévoyait qu’une institution relevant directement de la Présidence de la République – le Conseil de surveillance d’État (DDK) – était investie du pouvoir d’enquêter et de vérifier les syndicats, associations professionnelles, fondations et associations à un moment donné. Selon la CSI, tous les documents et activités des syndicats peuvent faire l’objet d’une enquête sans ordonnance judiciaire et le DDK a le pouvoir discrétionnaire de révoquer ou de modifier la direction des syndicats. Rappelant que toute loi qui donnerait aux autorités des pouvoirs étendus de contrôle du fonctionnement interne des syndicats au-delà de l’obligation de soumettre des rapports financiers annuels serait incompatible avec la convention, la commission avait prié le gouvernement de transmettre un exemplaire du décret no 5 afin que soit effectué un examen approfondi de sa conformité avec la convention. Elle l’avait également prié de fournir des informations précises sur toute enquête ou tout audit entrepris en application du décret no 5 et sur leurs résultats, y compris tout licenciement ou suspension de dirigeants syndicaux. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle il n’y a jamais eu d’enquête ou d’audit d’une organisation syndicale ou de suspension d’un responsable syndical par le Conseil national de surveillance en vertu du décret no 5. Le gouvernement explique que les pouvoirs d’enquête du Conseil en vue d’assurer la légalité, le fonctionnement régulier et efficace et l’amélioration de l’administration sont énoncés à l’article 108 de la Constitution. Il indique en outre que le Conseil n’a pas le pouvoir de révoquer les responsables syndicaux et qu’il ne s’est jamais ingéré et n’a jamais eu l’intention de s’ingérer dans le fonctionnement interne des syndicats. Les mesures de révocation ne peuvent être prises que par les tribunaux dans le cadre des dispositions légales existantes. En outre, la suspension est une mesure appliquée aux agents publics dans les cas où la prestation de services publics l’exige au cours d’une enquête administrative. Lorsqu’une mesure de suspension doit être prise à l’encontre d’élus tels que des responsables syndicaux, le Conseil de surveillance de l’État ne peut proposer l’application de cette mesure qu’aux autorités compétentes qui, dans le cas des syndicats, font référence aux conseils de surveillance des syndicats et aux comités de discipline. La commission prend note qu’une copie du décret no 5 a été transmise par le gouvernement et l’examinera dès que sa traduction sera disponible. La commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur toute enquête ou audit entrepris par le Conseil, en application du décret no 5 ou de l’article 108 de la Constitution, ainsi que sur ses résultats, y compris les sanctions imposées.
Article 4. Dissolution des syndicats. La commission rappelle qu’après la tentative de coup d’État du 15 juillet 2016, la Turquie était en état de crise nationale aiguë et qu’une commission d’enquête a été créée pour examiner les demandes contre la dissolution des syndicats ordonnée par décret pendant l’état d’urgence. La commission avait vivement espéré que la commission d’enquête serait accessible à toutes les organisations qui le souhaitaient et que la commission d’enquête et les tribunaux administratifs qui examinaient ses décisions en appel examineraient attentivement les motifs de dissolution en tenant dûment compte des principes de la liberté syndicale. Elle avait prié le gouvernement de fournir des informations sur le nombre de demandes présentées par les organisations dissoutes et sur les résultats de leur examen par la commission d’enquête. La commission avait en outre prié le gouvernement de fournir des informations sur le nombre et l’issue des recours formés contre les décisions négatives de la commission d’enquête concernant la dissolution des syndicats. La commission observe que le gouvernement se réfère uniquement aux cas des confédérations Cihan-Sen et Aksiyon-İş. Selon le gouvernement, ces organisations, ainsi que leurs syndicats affiliés, ont été dissous en raison de leurs liens avec l’organisation terroriste FETÖ qui a perpétré le coup d’État visant à renverser le gouvernement démocratiquement élu. Le gouvernement indique que les affaires des organisations susmentionnées sont toujours en instance devant la commission d’enquête. Rappelant que la dissolution et la suspension des syndicats constituent des formes extrêmes d’ingérence des autorités dans les activités des organisations, la commission observe, comme indiqué ci-dessus, que la question de la dissolution des syndicats est examinée par un comité tripartite du Comité de la liberté syndicale créé pour examiner une réclamation en vertu de l’article 24 de la Constitution de l’OIT alléguant l’inexécution par le gouvernement de la Turquie de la convention no 87. La commission procédera à l’examen de cette question lorsque le comité tripartite aura achevé ses travaux.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement, qui réitère le contenu de sa précédente demande adoptée en 2019.
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