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Worst Forms of Child Labour Convention, 1999 (No. 182) - Senegal (RATIFICATION: 2000)

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La commission note que le rapport du gouvernement ne contient pas de réponse à ses précédents commentaires. Elle se voit donc obligée de renouveler ses précédents commentaires.
Répétition
La commission prend note des observations de la Confédération syndicale internationale (CSI), reçues le 1er septembre 2019, et de la réponse du gouvernement à ces observations.
Article 3 a) de la convention. Vente et traite à des fins d’exploitation économique et travail forcé. Mendicité. Législation. Dans ses commentaires précédents, la commission a constaté avec préoccupation que, bien que l’article 3 de la loi no 2005-06 du 29 avril 2005 relative à la lutte contre la traite des personnes et pratiques assimilées et à la protection des victimes interdise d’organiser la mendicité d’autrui en vue d’en tirer profit ou d’embaucher, d’entraîner ou de détourner une personne en vue de la livrer à la mendicité ou d’exercer sur elle une pression pour qu’elle mendie ou continue de le faire, l’article 245 du Code pénal dispose que «le fait de solliciter l’aumône aux jours, dans les lieux et dans les conditions consacrés par les traditions religieuses ne constitue pas un acte de mendicité». Elle a fait observer que, à la lecture conjointe de ces deux dispositions, il semblerait que le fait d’organiser la mendicité des enfants talibés ne puisse être incriminé, ne s’agissant pas d’un acte de mendicité au sens de l’article 245 du Code pénal. Elle a donc prié instamment le gouvernement de redoubler d’efforts pour faire adopter les divers projets de lois afin d’interdire et d’éliminer la mendicité par les enfants talibés et les protéger contre la vente et la traite et le travail forcé ou obligatoire et assurer leur réadaptation et intégration sociale. En outre, la commission a pris bonne note du projet de code de l’enfant ainsi que d’un projet de réglementation des daaras (écoles coraniques), mais elle observe qu’ils sont en phase d’élaboration ou de consultation depuis plusieurs années. Elle a donc prié le gouvernement de redoubler d’efforts pour faire adopter les divers projets de lois afin d’interdire et éliminer la mendicité par les enfants talibés.
La commission note avec une profonde préoccupation l’information du gouvernement selon laquelle la réforme législative annoncée est toujours en cours. Tout en réaffirmant son engagement à lutter contre toute forme de travail forcé et de traite des personnes, en particulier des enfants, le gouvernement indique que le projet de loi portant statut des daaras a été adopté en Conseil des ministres le 6 juin 2018 et est en attente de passage à l’Assemblée nationale. En outre, la Cellule de lutte contre la traite des personnes (CNLTP) a, après évaluation de la loi 2005-06 du 10 mai 2005 relative à la lutte contre la traite des personnes et la protection des victimes, élaboré un projet de réforme soumis pour adoption et prenant en compte la conformité technique et l’efficacité dans l’application. Au vu de ce qui précède, la commission s’attend à ce que le gouvernement puisse sans délai faire état de l’adoption des divers projets de lois afin d’interdire et éliminer la mendicité par les enfants talibés et les protéger contre la vente et la traite et le travail forcé ou obligatoire. La commission prie le gouvernement de fournir des informations quant aux progrès réalisés à cet égard.
Article 7, paragraphe 1. Sanctions et application dans la pratique. Dans ses précédents commentaires, la commission a noté que le nombre d’enfants talibés forcés à mendier – pour la plupart, des garçons âgés entre 4 et 12 ans – était estimé à 50 000. Elle a exprimé sa profonde préoccupation devant la persistance du phénomène de l’exploitation économique des enfants talibés et devant le faible nombre de poursuites engagées en application de l’article 3 de la loi no 2005-06 et prié instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de garantir que celui-ci est effectivement appliqué. En outre, elle a noté avec regret l’absence de statistiques sur le nombre de poursuites engagées, de condamnations prononcées et de sanctions imposées en application de la loi no 2005-06 et prié le gouvernement de les fournir.
La commission note l’indication de la CSI selon laquelle, en 2019, il est estimé qu’au Sénégal plus de 100 000 enfants talibés sont obligés de mendier. Au sein de Dakar seulement, près de 30 000 enfants sont forcés à mendier. Une étude menée en 2017 a identifié plus de 14 800 enfants victimes de mendicité forcée à Saint-Louis et a révélé que 187 des 197 daaras de la ville envoient les enfants mendier pendant au moins une partie de la journée; 1 547 enfants – dont 1 089 talibés – ont été retirés des rues de Dakar entre juin 2016 et mars 2017, première phase du programme de «retrait». Cependant, sur les enfants signalés comme «retirés», 1 006 ont été renvoyés à la garde de leurs maîtres coraniques, qui les avaient eux-mêmes soumis à la mendicité forcée et qui les ont, à leur tour, renvoyés aux daaras. Le nombre d’enfants mendiants à Dakar n’a diminué que durant le premier mois du programme, les maîtres coraniques craignant alors d’éventuelles sanctions. Au bout de quelques mois, face à l’échec de l’investigation et de la poursuite des maîtres fautifs, la situation est revenue au statu quo. Bien que la deuxième phase du programme ne répète pas certaines des erreurs de la première phase et garantisse le retour des enfants à leurs parents, le programme ne parvient pas à assurer que justice soit rendue contre les maîtres coraniques ayant forcé les enfants à mendier. La CSI indique que, malgré la nature généralisée et visible des abus, les enquêtes et les poursuites sont extrêmement rares. Aucun maître coranique n’a été sujet à l’investigation de son daara par la police, n’a vu son dossier relayé au système judiciaire, n’a été arrêté ou poursuivi pour avoir forcé des enfants talibés à mendier au cours de la première année du programme de «retrait». La police omet encore souvent d’enquêter sur les cas de mendicité forcée. Une autre pratique persiste et consiste à poursuivre les maîtres coraniques pour des infractions moins graves prévues par d’autres lois, au lieu de les poursuivre pour exploitation de talibés en vertu de la loi no 2005-06 ou du Code pénal. Selon l’observation de la CSI, entre 2018 et 2019, trois maîtres coraniques ont été condamnés pour avoir contraint des enfants à mendier en vertu de la loi no 2005-06. Ils auraient été condamnés à des peines de deux ans avec sursis, de deux ans d’emprisonnement et de trois ans d’emprisonnement. Lorsque les responsables ont identifié un cas potentiel de mendicité forcée, ils ont souvent imposé des sanctions administratives aux auteurs présumés au lieu de mener une enquête et des poursuites pénales.
Dans sa réponse aux observations de la CSI, le gouvernement indique que, face au défi d’application de la loi, le ministère en charge de la protection de l’enfance a intégré, dans ses activités de communication, des actions de plaidoyer auprès des acteurs de la chaîne judiciaire pour la répression des auteurs de délits à l’endroit des enfants.
La commission prend note de l’indication du gouvernement dans son rapport selon laquelle une opération dénommée «Epervier», à laquelle les acteurs nationaux ont participé, a été organisée par Interpol du 6 au 10 novembre 2017 dans quelques pays de la sous-région, y compris au Sénégal. Selon le gouvernement, plusieurs poursuites et condamnations ont été recensées dans le rapport annuel de la CNLTP et dans l’étude sur l’évaluation de la loi. Deux procédures d’information judiciaire contre quatre personnes, ouvertes en mars 2017, et une procédure contre une personne sont en cours. La commission constate néanmoins que, selon le rapport soumis par le gouvernement au Comité des droits de l’homme des Nations Unies en août 2018, durant la période 2009-2016 un seul jugement a abouti, en 2011, à une condamnation d’exploitation de la mendicité d’autrui, violences et voies de fait, prévues et punies par l’article 3 de la loi no 2005-06 (CCPR/C/SEN/5, paragr. 110-113). Elle note, en outre, que dans ses observations finales du 30 janvier 2019 le Comité des Nations Unies contre la torture demeure préoccupé par des informations indiquant que, malgré les efforts annoncés de l’Etat partie pour retirer de la rue les enfants talibés fréquentant les écoles coraniques (daaras), l’exploitation des enfants par des maîtres coraniques à des fins de mendicité forcée est un phénomène qui, loin de décroître, a augmenté pendant la période concernée et que ces enfants continuent d’être soumis à la traite, à la mendicité forcée et à des formes extrêmes d’abus et de négligence par ceux qui en ont la garde (marabouts). Le comité est aussi préoccupé par des informations faisant état de la connivence des autorités par rapport à ce phénomène et de leur inaction pour poursuivre les marabouts abusifs, sauf dans des cas de décès d’enfants ou d’abus extrêmes. Il a enjoint l’Etat à renforcer l’application des lois nationales et à mener des enquêtes impartiales et approfondies sur les actes de traite, de mauvais traitements et d’abus sexuels dont sont victimes les enfants dans les daaras et dans d’autres écoles, et à faire en sorte que les responsables ainsi que les agents de l’Etat qui sont complices et qui n’enquêtent pas sur ces allégations soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, à ce qu’ils soient sanctionnés par des peines appropriées (CAT/C/SEN/CO/4, paragr. 31-32). La commission déplore vivement la persistance du phénomène de l’exploitation économique des enfants talibés et le faible nombre de poursuites engagées en application de l’article 3 de la loi no 2005-06. Elle rappelle une fois de plus que, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, de la convention, le gouvernement doit prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la mise en œuvre effective et le respect des dispositions donnant effet à la convention, y compris par l’application de sanctions pénales suffisamment efficaces et dissuasives. Elle prie donc instamment le gouvernement de prendre sans délai les mesures nécessaires afin de garantir que l’article 3 de la loi no 2005-06 est appliqué dans la pratique aux personnes se livrant à l’utilisation de la mendicité des enfants talibés de moins de 18 ans aux fins d’exploitation économique. Notant le faible impact des mesures prises, la commission prie à nouveau instamment le gouvernement de redoubler d’efforts pour renforcer de manière effective les capacités des agents chargés de l’application des lois et veiller à ce que les auteurs de tels actes ainsi que les agents de l’Etat qui n’enquêtent pas sur ces allégations soient poursuivis et que des sanctions suffisamment dissuasives soient imposées dans la pratique aux coupables. Notant avec un profond regret l’absence de données fournies en ce sens, la commission prie une fois de plus le gouvernement de fournir des statistiques sur le nombre de poursuites engagées, de condamnations prononcées et de sanctions imposées en application de la loi no 2005-06.
Article 7, paragraphe 2. Mesures efficaces prises dans un délai déterminé. Alinéas a) et b). Empêcher que les enfants ne soient engagés dans les pires formes de travail des enfants et prévoir l’aide pour les soustraire à ces formes de travail. Enfants talibés. La commission a précédemment noté les différents programmes de modernisation des daaras et de formation des maîtres enseignants ainsi que divers plans-cadres pour éliminer les pires formes de travail des enfants. Elle a prié le gouvernement de prendre des mesures pour protéger les enfants talibés contre la vente, la traite et le travail forcé ou obligatoire; pour assurer leur réadaptation et intégration sociale; ainsi que de communiquer des informations sur les mesures prises en ce sens dans le cadre du Projet d’appui à la modernisation des daaras (PAMOD), et de fournir des statistiques sur le nombre d’enfants talibés retirés des pires formes de travail des enfants, dont ceux qui auraient bénéficié de mesures de réinsertion et d’intégration sociale dans le centre GINDDI.
La commission prend note de l’observation de la CSI selon laquelle la mise en œuvre du PAMOD s’avère extrêmement lente. Tant que la loi de régulation des daaras n’est pas adoptée, le système de régulation national des daaras ne peut pas être mis en place. En attendant, l’inspectorat des daaras semble manquer de directives et d’instructions claires concernant son rôle et ne semble pas élaborer de plans pour lutter contre la mendicité et la maltraitance des enfants dans les daaras. Il est également difficile de savoir si l’Inspectorat a l’intention d’inspecter tous les daaras, ou seulement ceux enregistrés en tant que «daraas modernes», créant ainsi un risque que les daaras non enregistrés puissent continuer à opérer en échappant à tout contrôle. La commission note que, selon la CSI, le nombre d’enfants talibés victimes de mendicité forcée et d’autres abus graves de la part de leurs maîtres coraniques en 2017 et 2018 reste alarmant. Les abus documentés comprennent des meurtres, passages à tabac, abus sexuels, enchaînements et emprisonnements, ainsi que de nombreuses formes de négligence et de mise en danger, et se sont produits dans au moins 8 des 14 régions administratives du Sénégal. Un rapport documente la mort de 16 enfants talibés victimes d’abus, de négligence ou de mise en danger par des enseignants coraniques ou leurs assistants dans les régions de Saint-Louis, Diourbel et Thiès entre 2017 et 2018. De plus, 61 cas de passage à tabac ou de maltraitance physique de talibés par des maîtres coraniques ou leurs assistants et 14 cas d’enfants emprisonnés, liés ou enchaînés dans des daaras ont eu lieu en 2017 et 2018. De multiples daaras renfermaient des dizaines à des centaines de talibés dans des conditions de saleté et de misère extrêmes, souvent dans des bâtiments inachevés, sans murs, sols ou fenêtres. Les ordures, l’eau des égouts et les mouches encombraient l’air et le sol, et les enfants dormaient par douzaines dans une seule pièce ou à l’extérieur, souvent sans moustiquaire. A ce jour, le programme de modernisation des daaras semble se concentrer davantage sur la construction de nouveaux «daaras modernes» que sur l’amélioration des infrastructures et pratiques des daaras existants.
A cet égard, la commission note l’indication du gouvernement selon laquelle plusieurs initiatives ont été entreprises avec les partenaires au développement pour la construction et l’équipement de 64 daaras modernes dont 32 non publics et l’octroi de subventions à 100 titulaires de daaras. Une enveloppe de 3 750 milliards de francs CFA (BCEAO) a été mobilisée pour le financement d’une expérience pilote de modernisation de daaras incluant la formation des 32 directeurs des daaras non publics du PAMOD, en gestion administrative et pédagogique, en mars 2016, ainsi que la formation de 224 maîtres coraniques, 160 enseignants en langue arabe et 160 enseignants en langue française des daaras non publics, démarrée le 14 juillet 2016. Par ailleurs, en réponse aux observations de la CSI, le gouvernement indique que la mise en œuvre du PAMOD, dont l’échéance est fixée à décembre 2019, a abouti à la construction de 15 daaras modernes et au recrutement de leurs directeurs. Aussi, des démarches sont en cours pour l’enrôlement de talibés dans le Programme de couverture maladie universelle (CMU/talibés). En outre, dans la perspective de mettre un terme à l’exploitation des enfants par la mendicité, le ministère en charge de la protection des enfants a initié des concertations avec l’ensemble des parties prenantes en vue de renforcer le cadre partenarial dans la mise en œuvre d’un plan d’action national pour l’éradication de la mendicité des enfants.
La commission note cependant que, dans ses observations finales du 13 novembre 2019, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies demeure profondément préoccupé par la persistance de la pratique actuelle dans certaines écoles coraniques dirigées par des marabouts qui consiste à utiliser des enfants à des fins économiques, qui les empêche également d’avoir accès à leur droit à la santé, à l’éducation et à de bonnes conditions de vie (E/C.12/SEN/CO/3, paragr. 26). La commission prend note avec profonde préoccupation de la situation des enfants talibés victimes de mendicité forcée et d’autres abus graves de la part de leurs maîtres coraniques. Dans ce contexte, la commission prie instamment le gouvernement de redoubler d’efforts et de prendre sans délai les mesures nécessaires pour protéger les enfants talibés contre la vente et la traite et le travail forcé ou obligatoire et assurer leur réadaptation et intégration sociale. Prière de communiquer les mesures prises, notamment dans le cadre du Programme d’amélioration de la qualité, de l’équité et de la transparence du secteur de l’éducation et de la formation (PAQUET) et du Projet d’appui à la modernisation des daaras (PAMOD) en vue de la modernisation du système des daaras. La commission exprime le ferme espoir que le gouvernement sera en mesure de fournir des statistiques sur le nombre d’enfants talibés qui auront été retirés des pires formes de travail des enfants et qui auront bénéficié de mesures de réinsertion et d’intégration sociale dans son prochain rapport.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
La commission espère que le gouvernement fera tout son possible pour prendre les mesures nécessaires dans un proche avenir.
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