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La commission note avec une  profonde préoccupation  que le rapport du gouvernement, attendu depuis 2017, n’a pas été reçu. Compte tenu de l’appel urgent qu’elle a lancé au gouvernement en 2020, la commission procède à l’examen de l’application de la convention sur la base des informations à sa disposition.
Partie I de la convention. Migrations dans des conditions abusives. Droits fondamentaux de tous les travailleurs migrants. La commission note que l’Ouganda est l’un des pays qui accueille le plus grand nombre de migrants internationaux en Afrique de l’Est, à savoir: 1,7 million en 2020, selon le Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies – (DESA, 2020a). L’instabilité de la région, la porosité des frontières internationales, le manque d’opportunités économiques, l’espoir de trouver de meilleurs moyens de subsistance ailleurs constituent les principaux facteurs de migration dans la région. Selon le profil de gouvernance des migrations de l’Ouganda (Organisation internationale pour les migrations – OIM), la législation qui régit actuellement les migrations en Ouganda est fragmentée et il n’existe pas de politique ni de cadre global de gouvernance des migrations. La législation existante se concentre sur les droits des ressortissants ougandais travaillant à l’étranger et pourrait être renforcée pour prendre en compte les droits des immigrants vivant en Ouganda. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures adoptées pour veiller à ce que les droits fondamentaux des travailleurs migrants soient respectés sur son territoire, qu’ils soient ou non en situation régulière. Elle le prie également de fournir des informations actualisées sur les flux migratoires, notamment des informations statistiques ventilées par sexe, par secteur, par nationalité, par pays d’origine et par pays de destination.
Travailleurs migrants ougandais. La commission prend note des informations contenues dans le rapport intitulé «Women’s labour migration on the Africa-Middle East corridor: experiences of migrant domestic workers from Uganda» (ci-après dénommé «le rapport sur la migration de main d’œuvre féminine»). Selon ce rapport, les travailleuses migrantes ougandaises se retrouvent souvent dans des situations où elles sont très vulnérables aux abus et aux mauvais traitements. Le rapport contient des témoignages d’exploitation, notamment de violences sexuelle et physique, de rétention de salaire, de surcharge de travail, de travail dans plusieurs domiciles, de repos limité et de mauvaises conditions de vie. La commission note que, selon le rapport, les agences de recrutement locales et étrangères jouent souvent un rôle central dans la perpétration de violences et d’abus à l’encontre des travailleurs domestiques migrants. À cet égard, la commission note que, d’après le profil de gouvernance des migrations de l’Ouganda, le pays a instauré un cadre institutionnel destiné à mettre en œuvre sa politique migratoire, notamment: 1) le Conseil national de la citoyenneté et de l’immigration et la Direction du contrôle de la citoyenneté et de l’immigration (DCIC), au sein du ministère de l’Intérieur, sont chargés de la gestion des frontières, de la délivrance des visas, du traitement de la citoyenneté, des demandes et des expulsions; 2) le Département des services de la diaspora est l’organisme gouvernemental chargé de prendre contact avec la diaspora ougandaise; et 3) les mécanismes nationaux de coordination des migrations (NCM) – établis en 2015 pour renforcer la coordination des acteurs de la migration dans les États membres de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) – chapeautés par le Cabinet du Premier ministre et composés de représentants d’agences gouvernementales, d’organisations internationales, d’organisations de la société civile clés liées à la migration et de membres des milieux universitaires. La commission note dans le rapport annuel 2020 de l’OIM sur l’Ouganda qu’une unité sur la mobilité de la main-d’œuvre et le développement humain a été créée en consultation avec le ministère de l’Égalité hommes-femmes, du Travail et du Développement social (MGLSD) et l’Association ougandaise des agences de recrutement externe (UAERA), qui a pu obtenir un financement pour: 1) encourager les politiques et les pratiques de recrutement éthique afin d’améliorer la sécurité et la régularité des filières de migration de main-d’œuvre, de prévenir l’exploitation des travailleurs migrants ougandais et de mieux les protéger; 2) contribuer à l’élaboration d’une politique nationale de migration de main-d’œuvre et à la révision de l’accord bilatéral existant en la matière; et 3) renforcer les capacités de collecte, d’analyse et de partage des données sur la migration de main-d’œuvre afin de soutenir la gouvernance de ce type de migration en Afrique de l’Est et dans la Corne de l’Afrique. La commission observe en outre que 200 législateurs ougandais ont été formés dans ce domaine, ainsi qu’au recrutement éthique. Ce programme de formation s’inscrit dans le cadre du projet mondial de l’OIM sur la promotion du recrutement éthique dans l’industrie hôtelière et touristique, qui vise à réduire le risque d’exploitation des travailleurs migrants dans l’industrie hôtelière et sa chaîne d’approvisionnement et à instaurer ainsi un recrutement éthique. Enfin, la commission prend acte des efforts du gouvernement pour instaurer un cadre institutionnel solide destiné à mettre en œuvre sa politique migratoire mais observe que, dans la pratique, de nombreux travailleurs migrants ougandais restent vulnérables aux abus tout au long du processus de recrutement et sur le lieu de travail des pays de destination. Par conséquent, la commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures concrètes prises: i) pour prévenir l’exploitation des travailleurs migrants et mieux les protéger contre les mouvements clandestins et l’emploi illégal; et ii) pour renforcer les politiques et les pratiques de recrutement éthique des agences d’emploi privées afin d’améliorer la sécurité et l’organisation des filières de migration de main-d’œuvre.
Articles 2 à 6. Mesures visant à prévenir et à lutter contre les mouvements clandestins de migrants, l’emploi illégal des migrants, migrations dans des conditions abusives et sanctions efficaces.  La commission rappelle que les dispositions de l’article 37(1) et (2) de la loi sur l’emploi de 2006 interdisent d’organiser des mouvements illégaux ou clandestins de migrants à des fins d’emploi et de fournir une assistance à cet égard, ainsi que d’employer une personne connue pour être en situation irrégulière dans le pays, et définissent les peines et sanctions applicables (art. 96/1). La commission note que, selon le site web de la Commission de réforme législative de l’Ouganda, une révision de la loi sur l’emploi de 2006 a été entreprise en vue de l’aligner sur les normes internationales et que cette révision a abordé, entre autres questions, celles des travailleurs migrants, des travailleurs domestiques et de l’exportation de main-d’œuvre. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur: i) le nombre et la nature des infractions à l’article 37(1) et (2) de la loi sur l’emploi constatées; ii) les poursuites judiciaires engagées contre les organisateurs de mouvements clandestins et les personnes qui les aident à organiser leurs activités et les sanctions imposées; iii) le nombre d’inspections d’établissement effectuées et le résultat de ces inspections s’agissant de l’emploi illégal de travailleurs migrants; iv) toute procédure judiciaire engagée contre des employeurs qui embauchent illégalement des travailleurs migrants, et les sanctions imposées en la matière; et v) les mesures prises pour établir avec d’autres États un contact et un échange d’informations systématiques sur les mesures visant à réprimer les mouvements clandestins de travailleurs migrants et leur emploi illégal, ainsi que les organisateurs de ces activités. Enfin, la commission prie le gouvernement de fournir des informations sur l’état d’avancement de la révision de la loi sur l’emploi de 2006.
Accords bilatéraux. La commission note, d’après le profil migratoire de l’Ouganda ainsi que le rapport sur la migration de main-d’œuvre féminine, qu’outre le protocole d’accord signé en mars 2017 avec l’Arabie saoudite, l’Ouganda a conclu un accord bilatéral avec la Jordanie en novembre 2016 et poursuit les négociations en vue d’accords avec Oman, les Émirats arabes unis, le Qatar, le Koweït, le Liban, Bahreïn et l’Iran. Le rapport sur la migration de main-d’œuvre féminine mentionné ci-dessus indique qu’entre 2016 et début 2019, on dénombrait 17 597 travailleuses domestiques migrantes ougandaises en Arabie saoudite et 4 119 pour la seule Jordanie, et que le nombre total de travailleuses migrantes ougandaises au Moyen-Orient au cours de la dernière décennie pourrait être supérieur à 100 000. Selon le rapport, dans la pratique, les accords bilatéraux conclus avec l’Arabie saoudite et la Jordanie ne sont pas toujours appliqués de part et d’autre: les agences de recrutement (agréées par le ministère du Travail ou non) facturent des frais de recrutement, la procédure officielle de recrutement n’est pas respectée, les contrats de travail ne sont pas fournis et, lorsqu’ils le sont, soit ils ne sont pas respectés soit leurs dispositions ne sont pas compatibles avec les dispositions de la législation nationale du travail ougandaise ou aux dispositions des normes ratifiées de l’OIT relatives au droit des travailleurs migrants à la protection sociale. La commission souhaite souligner l’importance du rôle que jouent les accords bilatéraux et autres dispositifs pour s’assurer que les travailleurs migrants bénéficient des protections contenues dans les conventions. Dans ce contexte, il importe que le contenu de ces accords et dispositifs soit communiqué de manière compréhensible à ceux qui en bénéficient. Il conviendrait aussi de s’assurer que ces accords prévoient le suivi adéquat de leur application et l’accès à des mécanismes d’exécution, ainsi que le dialogue social (voir Étude d’ensemble de 2016 concernant les instruments relatifs aux travailleurs migrants, paragraphe 163). La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises pour assurer une large publicité et diffusion du contenu des accords bilatéraux relatif au travail conclus. Elle prie en outre le gouvernement de veiller à ce que ces accords bilatéraux: i) soient cohérents avec les dispositions des instruments internationaux du travail ratifiés par le pays; ii) comportent une dimension de genre, dans la mesure où les travailleuses migrantes, en particulier les travailleuses domestiques, font face à des conditions d’abus spécifiques; et iii) adoptent un système de suivi et d’évaluation périodique réguliers de la mise en œuvre effective des dispositions de ces accords.
Article 7. Consultations avec les organisations d’employeurs et de travailleurs. La commission rappelle que les gouvernements sont tenus de consulter les organisations de travailleurs et d’employeurs sur les questions visées par la convention. La commission prie par conséquent le gouvernement de fournir des informations sur la manière dont la consultation des organisations de travailleurs et d’employeurs ainsi que l’opportunité pour elles de prendre des initiatives sont assurées en ce qui concerne les lois et règlements et autres mesures visant à détecter, éliminer et prévenir la migration dans des conditions abusives et l’emploi illégal de travailleurs migrants.
Article 9. Droits découlant d’emplois antérieurs. La commission tient à rappeler que les travailleurs migrants en situation irrégulière et embauchés illégalement ne perdent pas les droits qui leurs sont dus pour le travail qu’ils ont effectivement accompli. En outre, en cas de contestation, ces travailleurs migrants doivent avoir la possibilité de faire valoir leurs droits devant un organisme compétent ( Étude d’ensemble de 2016, paragraphe 303). La commission prie à nouveau le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises pour s’assurer que: i) les travailleurs migrants dont la situation ne peut être régularisée bénéficient d’un traitement égal s’agissant des droits découlant d’emplois antérieurs en ce qui concerne la rémunération, la sécurité sociale et les autres avantages; ii) le travailleur concerné a la possibilité de faire valoir ses droits devant un organisme compétent; et iii) les coûts de l’expulsion ne sont pas supportés par le travailleur migrant ou sa famille.
Article 10. Politique nationale d’égalité. La commission rappelle que l’article 6(2) et (3) de la loi sur l’emploi de 2006 concerne l’obligation de promouvoir l’égalité de chances dans l’emploi des travailleurs migrants et des membres de leur famille se trouvant légalement sur le territoire ougandais, et que l’article 6(3) de la même loi interdit la discrimination fondée sur la race, la couleur, le sexe, l’ascendance nationale, la religion, l’opinion politique, l’origine sociale, le statut VIH ou le handicap. L’article 75(g) prévoit expressément que la nationalité, entre autres motifs, ne doit pas constituer un motif de licenciement.  La commission prie à nouveau le gouvernement de fournir des informations sur l’application pratique des articles 6(2) et (3) et 75(g) de la loi sur l’emploi, notamment sur les mesures prises par les autorités concernées pour promouvoir l’égalité de chances et de traitement entre les travailleurs migrants en situation régulière dans le pays et les nationaux; et sur les plaintes déposées par des travailleurs migrants auprès des autorités compétentes concernant des violations des articles 6(2) et (3) et 75(g) de la loi sur l’emploi, ainsi que les résultats obtenus à la suite de ces plaintes.
Article 14. Libre choix de l’emploi et restrictions. La commission rappelle que la convention autorise certaines restrictions au principe de l’égalité de traitement en ce qui concerne l’accès à l’emploi. L’article 14 a) permet à l’État de subordonner le libre choix de l’emploi à des restrictions temporaires pendant une période prescrite ne devant pas dépasser deux années, tandis que l’article 14 c) permet de restreindre l’accès à des catégories limitées d’emplois et de fonctions lorsque cela est nécessaire dans l’intérêt de l’État. La commission prie à nouveau le gouvernement d’indiquer toutes restrictions à l’emploi imposées aux travailleurs migrants en application des articles 6(5) et 97(2)(c) de la loi sur l’emploi, en fonction desquelles le ministre peut, par voie de règlement, limiter les types d’emplois accessibles aux travailleurs migrants.
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