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La commission prend note des observations de la Confédération syndicale internationale (CSI), reçues le 15 mars 2022 et le 1er septembre 2022, qui font référence aux questions traitées dans le présent commentaire. La commission prend également note des observations de l'Organisation internationale des employeurs (OIE), reçues le 25 août 2022, qui réitèrent les commentaires formulés lors de la discussion tenue à la Commission de l'application des normes de la Conférence (ciaprès la Commission de la Conférence) en juin 2022 sur l'application de la convention par le Bélarus.

Suivi des conclusions de la Commission de l’application des normes(Conférence internationale du Travail, 110e session, mai-juin 2022)

Suivi des recommandations de la Commission d’enquête nommée en vertu de l’article 26 de la Constitution de l’OIT

La commission prend note de la discussion qui a eu lieu au sein de la Commission de l’application des normes de la Conférence (la Commission de la Conférence) en juin 2022 concernant l’application de la convention. La Commission de la Conférence a déploré et profondément regretté les allégations d’extrême violence visant à réprimer les protestations et rassemblements pacifiques, ainsi que la détention, l’emprisonnement et le traitement violent des travailleurs pendant leur détention. La Commission de la Conférence a également déploré l’escalade des mesures déployées pour réprimer les activités syndicales, ainsi que la destruction systématique des syndicats indépendants. Elle s’est déclarée profondément préoccupée par le fait que, 18 ans après le rapport de la Commission d’enquête, le gouvernement n’ait pas pris de mesures pour donner suite à la plupart des recommandations de la Commission. La Commission de la Conférence rappelle les recommandations de la Commission d’enquête de 2004, notant l’absence de progrès dans leur mise en œuvre et la nécessité de les appliquer pleinement et efficacement, sans plus tarder. La Commission de la Conférence a prié instamment le gouvernement: i) de rétablir sans délai le plein respect des droits des travailleurs en matière de liberté syndicale; ii) de s’abstenir d’arrêter, détenir, traiter violemment, intimider ou harceler, y compris par voie judiciaire, les dirigeants syndicaux et les membres de syndicats menant des activités syndicales légales; iii) d’enquêter sans retard sur les cas allégués d’intimidation ou de violence physique par la voie d’une enquête judiciaire indépendante; iv) de libérer immédiatement tous les dirigeants syndicaux et membres de syndicats arrêtés pour avoir participé à des rassemblements pacifiques ou pour avoir exercé leurs libertés publiques dans le cadre de leurs activités syndicales légitimes, et d’abandonner tous les chefs d’accusation connexes, y compris pour les personnes suivantes: Aliaksandr Yarashuk, membre du Conseil d’administration du BIT; Siarhei Antusevich, vice-président du Congrès des syndicats démocratiques du Bélarus (BKDP); Gennadiy Fedynich, dirigeant du Syndicat biélorusse des travailleurs de la radio et de l’électronique (REP); Mikalai Sharakh, président du syndicat libre biélorusse (SPB); Aliaksandr Bukhvostov, président du syndicat libre des travailleurs de la métallurgie (SPM); et Zinaida Mikhniuk, viceprésidente du syndicat biélorusse des travailleurs de la radio et de l’électronique (REP); v) de donner accès, de manière urgente, aux visiteurs, notamment aux fonctionnaires du BIT chargés de vérifier les conditions d’arrestation et de détention et le bien-être des personnes susmentionnées; et vi) de prendre des mesures immédiates pour mettre pleinement en œuvre le rapport de 2004 de la Commission d’enquête et les conclusions de la Commission de l’application des normes de la Conférence, y compris ses conclusions adoptées en 2021. La Commission a décidé d’inclure ses conclusions dans un paragraphe spécial du rapport et de signaler ce cas comme défaut continu d’application de la convention.
La Commission de la Conférence a également renvoyé cette question au Conseil d’administration pour qu’il en assure le suivi lors de sa session de juin 2022 et envisage, à ce moment-là, toute autre mesure, notamment celles prévues par la Constitution de l’OIT, pour garantir le respect des recommandations de la Commission d’enquête. La commission prend note de la décision du Conseil d’administration concernant l’examen de toute autre mesure, notamment celles prévues par la Constitution de l’OIT, visant à assurer le respect par le gouvernement du Bélarus des recommandations de la Commission d’enquête [GB.346/INS/13(Rev.1)]. La commission note que le Conseil d’administration, à sa 346e session en novembre 2022: a) a déploré que le gouvernement du Bélarus n’ait fait aucun progrès dans la mise en œuvre des recommandations de la Commission d’enquête de 2004; b) a prié instamment le gouvernement d’assurer le plein respect de la liberté syndicale et, en particulier, d’abroger toutes les mesures législatives et autres ayant directement ou indirectement pour effet d’interdire les syndicats indépendants ou les organisations d’employeurs; c) a prié instamment le gouvernement de libérer immédiatement tous les dirigeants syndicaux et membres de syndicats arrêtés pour avoir participé à des rassemblements pacifiques ou pour avoir exercé leurs libertés publiques dans le cadre de leurs activités syndicales légitimes, et d’abandonner tous les chefs d’accusation connexes; d) a prié instamment le gouvernement de permettre au BIT de vérifier d’urgence les conditions d’arrestation et de détention et le bien-être des syndicalistes susmentionnés; e) a noté que la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations examinera à sa réunion de novembre-décembre 2022 l’application, au Bélarus, de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; f) a prié instamment le gouvernement de soumettre au Comité de la liberté syndicale, pour examen à sa réunion de mars 2023, toutes les informations concernant les mesures prises pour mettre en œuvre toutes les recommandations en suspens de la Commission d’enquête et concernant les faits plus récents faisant partie de la plainte; g) a prié le Directeur général de soumettre au Conseil d’administration, à sa 347e session (mars 2023), un document détaillant les options relatives aux mesures prévues à l’article 33 de la Constitution de l’OIT ainsi que d’autres mesures visant à garantir le respect par le gouvernement du Bélarus des recommandations de la Commission d’enquête, en tenant compte des points de vue exprimés; et h) a décidé d’inscrire à l’ordre du jour de la 111e session (2023) de la Conférence internationale du Travail un point concernant les mesures prévues à l’article 33 de la Constitution de l’OIT visant à garantir le respect par le gouvernement du Bélarus des recommandations de la Commission d’enquête.
La commission prend note des informations ci-dessus avec une profonde préoccupation car elles témoignent d’une absence totale de progrès dans la mise en œuvre des recommandations de la Commission d’enquête de 2004 et dans le traitement des recommandations en suspens des organes de contrôle de l’OIT. À cet égard, la commission rappelle que, dans ses précédents commentaires, elle a exprimé de profondes préoccupations concernant la situation des libertés publiques au Bélarus et l’application de la convention en droit et dans la pratique, et a prié instamment le gouvernement de prendre un certain nombre de mesures pour y remédier. Pour commencer, la commission note avec un profond regret que, dans son rapport, le gouvernement se contente de réitérer les informations qu’il a précédemment fournies et qu’il considère que la commission comprend mal et interprète mal la situation sur le terrain.
Libertés publiques et droits syndicaux. La commission rappelle que, dans son précédent commentaire, elle a noté la détérioration continue de la situation des droits de l’homme dans le pays après l’élection présidentielle d’août 2020 et, à cet égard, a prié instamment le gouvernement: i) d’enquêter sans délai sur tous les cas présumés d’intimidation ou de violence physique en ouvrant une enquête judiciaire indépendante et de fournir des informations détaillées sur les résultats de cette enquête; ii) de prendre des mesures faire libérer tous les syndicalistes encore en détention et d’abandonner tous les chefs d’accusation découlant de la participation à des manifestations pacifiques; iii) de prendre toutes les mesures nécessaires, y compris législatives, si besoin est, pour assurer le droit à un procès équitable et à un système judiciaire et une administration de la justice impartiaux et indépendants; iv) d’assurer un système judiciaire et une administration de la justice impartiaux et indépendants en général afin de garantir que les enquêtes sur ces graves allégations soient réellement indépendantes, neutres, objectives et impartiales; et v) de communiquer copies des décisions de justice pertinentes confirmant la détention et l’emprisonnement des travailleurs et des syndicalistes. La commission note avec un profond regret que le gouvernement réitère que: i) les citoyens mentionnés dans les plaintes déposées par les organisations syndicales comme ayant prétendument subi des préjudices pour leur participation à des manifestations et grèves pacifiques ont été accusés d’infractions disciplinaires, administratives et, dans certains cas, pénales pour avoir commis des actions illégales spécifiques. La traduction en justice de ces citoyens n’a rien à voir avec une persécution pour l’exercice de leurs droits et libertés publics ou syndicaux; ii) l’article 60 de la Constitution garantit la protection des droits et libertés de tous par un pouvoir judiciaire compétent, indépendant et impartial. Toute ingérence dans l’administration de la justice par les tribunaux est interdite et sanctionnée par la loi. Tous les procès sont publics. Le principe du contradictoire et l’égalité des parties dans la procédure s’appliquent et les parties ont le droit de faire appel; iii) le droit interne ne prévoit pas la communication de copies des verdicts des tribunaux aux personnes n’ayant aucun lien avec le procès. Les organes de contrôle de l’OIT peuvent obtenir les copies demandées auprès des personnes autorisées à avoir accès aux verdicts.
La commission note que la Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme a indiqué dans son Rapport de 2022 sur la situation des droits de l’homme au Bélarus à l’approche et au lendemain de l’élection présidentielle de 2020 que, en réponse aux manifestations qui ont eu lieu entre le 9 et le 14 août 2020, «des personnes ont été prises pour cible selon un schéma constant d’usage inutile ou disproportionné de la force, d’arrestations, de détention (y compris avec une mise au secret) et de torture ou de mauvais traitements, notamment le viol et les violences sexuelles et sexistes, et le déni systématique du droit à une procédure régulière et à un procès équitable. L’absence d’enquête efficace sur les violations des droits de l’homme, notamment les allégations de torture ou autres mauvais traitements, constitue une violation des obligations que le droit international des droits de l’homme fait à l’État. Qui plus est, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme a constaté que, outre l’absence d’enquête, il existait une politique active visant à protéger les auteurs de ces actes et à empêcher qu’ils aient à rendre des comptes, comme en témoignent le degré de représailles, l’intimidation des victimes et des témoins, et les attaques contre les avocats et les défenseurs des droits de l’homme».
La commission rappelle que la résolution de 1970 de la Conférence internationale du travail concernant les droits syndicaux et leur relation avec les libertés publiques souligne que les droits conférés aux organisations de travailleurs et d’employeurs doivent être fondés sur le respect des libertés publiques, car l’absence de celles-ci ôte toute signification au concept de droits syndicaux. La commission considère que le fait que le gouvernement ne réponde pas aux allégations très graves de violation des libertés publiques ou ne donne pas suite aux demandes spécifiques et répétées des organes de contrôle de l’OIT, y compris celles formulées par cette commission, renforce la réalité du non-respect délibéré par le gouvernement des obligations que lui fait la convention.
La commission note avec une profonde préoccupation qu’alors que le gouvernement ne répond pas à ses précédents commentaires, de nouvelles allégations d’arrestation arbitraire, de détention, de poursuites et de sanctions pénales à l’encontre de dirigeants syndicaux et de membres de syndicats, ainsi que de perquisitions effectuées à leur domicile, ont été soumises par la CSI. À cet égard, la commission note que la CSI dénonce, comme l’ont fait plusieurs intervenants à la session de juin 2022 de la Commission de la Conférence, l’emprisonnement des 17 syndicalistes suivants, tous dirigeants et membres du BKDP et de ses affiliés: Aliaksandr Yarashuk; Siarhei Antusevich; Hennadzy Fiadynich; Vatslau Areshka; Mikhail Hromau; Iryna But-Husaim; Miraslau Sabchuk; Yanina Malash; Vitali Chych marou; Vasil Berasneu; Zinaida Mikhniuk; Aliaksandr Mishuk; Ihar Povarau; Yauhen Hovar; ArtsiomZ hernak; Mikalaj Sharakh; et Andrei Khanevich. La commission déplore le manque de volonté du gouvernement de libérer immédiatement les dirigeants syndicaux et les membres de syndicats susmentionnés comme l’en a prié instamment la Commission de la Conférence. En conséquence, la commission prie instamment le gouvernement de libérer immédiatement tous les dirigeants syndicaux et membres de syndicats arrêtés pour avoir participé à des rassemblements pacifiques ou pour avoir exercé leurs libertés publiques dans le cadre de leurs activités syndicales légitimes, et d’abandonner tous les chefs d’accusation connexes. Elle le prie également instamment de fournir des informations détaillées concernant la situation de ces syndicalistes, y compris les accusations retenues contre eux, et de donner accès, de manière urgente, aux visiteurs, notamment les fonctionnaires du BIT, chargés de s’assurer des conditions d’arrestation et de détention et du bien-être des personnes susmentionnées. Au cas où, entre-temps, l’un quelconque des syndicalistes susmentionnés aurait été traduit en justice, la commission prie instamment le gouvernement de fournir des informations sur l’issue de toute procédure engagée contre lui et de communiquer copies de toute décision de justice rendue dans son cas.
Application de la convention. La commission rappelle que les questions en suspens concernant l’application de la convention portent sur les préoccupations suivantes: 1) le droit de créer des organisations de travailleurs, ce qui inclut la question de l’adresse légale, et le droit, dans la pratique, de constituer des syndicats en dehors de la Fédération des syndicats du Bélarus (FPB); 2) le droit des organisations de travailleurs de recevoir et utiliser une aide étrangère gratuite (financement obtenu de l’étranger); 3) le droit, en droit et dans la pratique, de manifester et d’organiser des manifestations collectives; 4) le droit de grève; 5) la consultation des organisations de travailleurs et d’employeurs; et 6) le système de règlement des conflits du travail. La commission constate avec un profond regret l’absence d’informations sur les mesures concrètes prises par le gouvernement pour donner effet aux précédentes demandes de la commission visant à répondre à ces préoccupations; au lieu de cela, le gouvernement se contente de réitérer les informations qu’il a précédemment fournies.
La commission note également avec la plus extrême préoccupation les nouvelles informations suivantes fournies par le gouvernement, qui attestent d’une nouvelle détérioration du statut de la liberté syndicale dans le pays. Le gouvernement indique qu’après l’élection présidentielle d’août 2020, les activités de certains syndicats sont devenues extrêmement peu constructives et politisées. Au lieu de s’acquitter de leurs tâches consistant à protéger les droits et intérêts des citoyens dans le domaine du travail et le domaine socio-économique, de prendre des mesures pour mettre en garde les travailleurs contre la participation dans leurs entreprises à des manifestations de protestation illégales de nature politique et d’informer leurs membres du caractère illégal de ces manifestations, qui, dans un certain nombre de cas, ont représenté une grave menace pour l’ordre public et la sécurité de la population, les représentants du BKDP et les dirigeants et membres des syndicats qui lui sont affiliés ont participé à des actes destructeurs et à des activités collectives non autorisées visant à obtenir un changement de régime par des moyens anticonstitutionnels. Ces syndicats, selon le gouvernement, se sont livrés à des comportements contraires à la Constitution et à d’autres textes législatifs nationaux, qui n’étaient pas axés sur leurs tâches et objectifs statutaires mais sur la participation active à des activités illégales et à leur popularisation. Afin d’empêcher d’autres violations de la loi, des demandes ont été adressées au procureur général et à la Cour suprême pour faire cesser les activités du BKDP et de ses syndicats membres. À la requête du procureur général, la Cour suprême a rendu des arrêts pour mettre fin aux activités du Syndicat libre biélorusse (SPB), du Syndicat libre des travailleurs de la métallurgie (SPM), du Syndicat indépendant biélorusse des travailleurs des mines, de la chimie, de l’industrie pétrolière, de l’énergie, des transports, de la construction et autres (affilié au SPB), du Syndicat des travailleurs de la radio et de l’électronique (REP) et du BKDP. Il est ressorti des délibérations de la Cour qu’au lieu de défendre les droits du travail et les droits socio-économiques des travailleurs, les dirigeants et un certain nombre de membres des syndicats susmentionnés ont participé activement à des activités destructrices et à des manifestations collectives qui ont violé l’ordre public, et qu’ils ont également distribué du matériel d’information au contenu extrémiste. Dans ses attendus, la Cour suprême a constaté des violations de la Constitution, de la loi sur les syndicats et d’autres lois et règlements nationaux sur des questions concernant la réception et l’utilisation de l’aide étrangère gratuite. La commission déplore que, suite à ces décisions de justice, le BKDP et ses organisations affiliées à tous les niveaux aient désormais cessé d’opérer dans le pays.
La commission rappelle que la Commission d’enquête avait prié le gouvernement de modifier le décret présidentiel no 24 (2003) sur la réception et l’utilisation de l’aide étrangère gratuite. Elle prie depuis plusieurs années le gouvernement d’annuler les sanctions imposées aux syndicats (dissolution d’une organisation) pour une seule violation du décret et d’élargir le champ des activités pour lesquelles l’aide financière étrangère peut être utilisée de manière à inclure les manifestations organisées par les syndicats. La commission rappelle que le décret no 24 avait été remplacé par le décret présidentiel no 5 (2015), puis par le décret no 3 du 25 mai 2020, en vertu duquel l’aide étrangère à titre gratuit ne pouvait toujours pas être utilisée pour organiser ou tenir des assemblées, des rassemblements, des défilés de rue, des manifestations, des piquets de grève ou des grèves, ou pour produire ou distribuer du matériel de campagne, tenir des séminaires ou mener d’autres formes d’activités visant un «travail de propagande politique et de masse auprès de la population», et qu’une seule violation du règlement portait toujours la sanction d’une éventuelle dissolution de l’organisation. La commission observe que l’expression générale «travail de propagande politique et de masse auprès de la population», lorsqu’elle est appliquée aux syndicats, peut entraver l’exercice de leurs droits, car il est normal et inévitable que les syndicats prennent position sur des questions ayant des aspects politiques qui touchent à leurs intérêts socioéconomiques, ainsi que sur des questions purement économiques ou sociales.
La commission rappelle en outre que la Commission d’enquête a prié le gouvernement de modifier la loi sur les manifestations collectives, en vertu de laquelle un syndicat qui enfreint la procédure d’organisation et de tenue de manifestations collectives peut, en cas de dommage grave ou de préjudice substantiel aux droits et intérêts légaux d’autres citoyens et organisations, être dissous pour une seule infraction. Suite à son amendement de 2021, la loi rend une organisation responsable si ses dirigeants et les membres de ses organes directeurs lancent des appels publics à l’organisation d’une manifestation collective avant que l’autorisation d’organiser cette manifestation n’ait été accordée.
Enfin, la commission rappelle qu’elle a pris note avec regret du règlement relatif à la procédure exigeant le paiement des services fournis par les autorités des affaires intérieures pour la protection de l’ordre public, qui décrit les frais devant être payés par l’organisateur d’une manifestation collective au titre du maintien des services publics et des dépenses des organes spécialisés (soins médicaux et services de nettoyage) après la tenue d’une telle manifestation.
À la lecture de ces dispositions, parallèlement à celles interdisant l’utilisation de l’aide étrangère à titre gratuit pour la tenue de manifestations collectives, la commission a estimé que la capacité de mener des manifestations collectives semblerait extrêmement limitée, voire inexistante dans la pratique. Elle a donc prié le gouvernement de modifier le décret no 3 du 25 mai 2020 sur l’enregistrement et l’utilisation de l’aide étrangère gratuite, la loi sur les activités collectives et le règlement qui l’accompagne, et a rappelé que ces modifications devraient viser à abolir les sanctions imposées aux syndicats ou aux syndicalistes pour une seule violation de la législation applicable, à définir des motifs clairs pour le refus des demandes d’organisation de manifestations syndicales collectives, en gardant à l’esprit que toute restriction de ce type devrait être conforme aux principes de la liberté syndicale, et à élargir le champ des activités pour lesquelles l’aide financière étrangère peut être utilisée.
En outre, la commission a noté que le Code pénal a été modifié en 2021 de manière à introduire les restrictions suivantes et les sanctions qui y sont associées: les violations répétées de la procédure d’organisation et de tenue de manifestations collectives, y compris les appels publics en ce sens, sont passibles d’une arrestation, ou d’une restriction de liberté ou d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à trois ans (article 342-2); l’insulte d’un représentant de l’État est passible d’une amende et/ou d’une restriction de liberté ou d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à trois ans (article 369); la peine encourue pour avoir «discrédité la République du Bélarus» a été portée de deux à quatre ans d’emprisonnement assortis d’une amende (article 369-1); le titre de l’article 369-3 du Code pénal, qui était «Violation de la procédure d’organisation et de tenue de manifestations collectives», est devenu «Appels publics à l’organisation ou à la tenue d’une réunion, d’un rassemblement, d’un défilé de rue, d’une manifestation ou d’un piquet de grève illégaux, ou à la participation de personnes à de telles manifestations collectives», ce qui constitue désormais une infraction passible d’une peine pouvant aller jusqu’à cinq ans d’emprisonnement. La commission rappelle que le BKDP a allégué que la responsabilité pénale peut être établie pour la simple organisation de rassemblements pacifiques, que toute critique et tous slogans sont considérés par les autorités comme des insultes au sens de l’article 369 du Code pénal, et que les dirigeants du BKDP étaient menacés d’être poursuivis en vertu de l’article 369-1 du Code pénal pour avoir appelé au boycott des produits bélarussiens et à l’application de sanctions. La commission exprime sa profonde préoccupation quant au fait que la prise de parole par des syndicalistes à la Conférence internationale du travail, leur collaboration avec l’OIT et, dans le cas de M. Yarashuk, sa qualité de membre du Conseil d’administration du BIT, pourraient bien avoir été interprétés par les autorités comme «discréditant la République du Bélarus», ce qui est passible de quatre ans d’emprisonnement.
La commission note que le gouvernement réitère qu’il n’y a aucun lien entre la procédure en vigueur concernant l’obtention de fonds de l’étranger (aide étrangère à titre gratuit) et les articles 5 et 6 de la convention. Le gouvernement souligne une fois de plus que le fait de permettre à des forces extérieures (en l’espèce les syndicats d’autres pays et les associations syndicales internationales) de parrainer la tenue de manifestations collectives au Bélarus peut constituer une occasion de déstabiliser la situation socio-politique et socio-économique du pays, ce qui a alors un effet extrêmement négatif sur la vie publique et le bien-être des citoyens. L’interdiction en vigueur de recevoir et utiliser une aide étrangère gratuite aux fins de mener un travail de propagande politique et de masse auprès de la population est donc liée aux intérêts de la sécurité nationale et à la nécessité d’exclure toute éventuelle influence et pression destructrice de forces extérieures. Le gouvernement rappelle en outre que l’exercice du droit de rassemblement pacifique n’est soumis à aucune restriction, à l’exception de celles imposées conformément à la loi et qui sont nécessaires dans une société démocratique, dans l’intérêt de la sécurité nationale ou de la sûreté publique, de l’ordre public, de la protection de la santé ou de la moralité publiques, et de la protection des droits et libertés d’autrui. Lors de l’organisation de manifestations collectives, les syndicats sont tenus de respecter l’ordre public et ne doivent pas permettre d’actes susceptibles de faire perdre à une manifestation son caractère pacifique et d’infliger un préjudice grave aux citoyens, à la société ou à l’État. De l’avis du gouvernement, la sanction légale prévue pour les organisateurs de manifestations collectives qui causent des dommages ou des préjudices substantiels aux intérêts des citoyens et des organisations, ainsi qu’aux intérêts de l’État et de la société, ne constitue pas, et ne doit pas être interprétée comme, un facteur contraignant pour l’exercice des droits à la liberté de rassemblement pacifique des citoyens et des syndicats. À la lumière de ce qui précède, le gouvernement estime que tout assouplissement de la responsabilité en cas de violation de la procédure d’organisation de manifestations collectives ou toute levée des restrictions à l’utilisation de l’aide financière étrangère pour la tenue d’activités de propagande politique et de masse ne pourrait que conduire à des circonstances susceptibles de renforcer l’influence destructrice extérieure sur la situation du pays, ce qui ne sert pas les intérêts du Bélarus.
La commission note avec un profond regret que le gouvernement n’a pas l’intention de modifier sa législation comme l’a demandé la Commission d’enquête, dont le gouvernement a accepté les recommandations il y a près de vingt ans conformément à l’article 29, paragraphe 2 de la Constitution de l’OIT. La commission réitère donc sa demande antérieure au gouvernement de modifier sans plus tarder le décret no 3, la loi sur les activités collectives et le règlement qui l’accompagne. Elle prie en outre le gouvernement d’abroger les dispositions susmentionnées du Code pénal afin de mettre celui-ci en conformité avec les obligations internationales du gouvernement en matière de liberté syndicale. La commission attend du gouvernement qu’il fournisse des informations sur toutes les mesures prises à cet égard.
La commission rappelle qu’elle prie depuis plusieurs années le gouvernement de modifier les articles 388, (1, 3 et 4), 390, 392 et 393 du Code du travail qui restreignent le droit de grève, ainsi que l’article 42, paragraphe 7, qui autorise expressément un employeur à licencier un travailleur/résilier le contrat de travail d’un travailleur: qui s’absente du travail pour purger une sanction administrative sous la forme d’une arrestation administrative; qui force d’autres travailleurs à participer à une grève ou appelle d’autres travailleurs à cesser d’accomplir leurs tâches sans raison valable; et qui participe à une grève illégale ou à d’autres formes de rétention du travail sans raison valable. La commission rappelle les allégations du BKDP selon lesquelles de nombreux syndicalistes qui ont participé à des manifestations collectives et à des grèves organisées à la suite de l’élection présidentielle d’août 2020 ont été reconnus coupables d’infractions administratives et ont reçu la sanction correspondante sous la forme d’une arrestation administrative, et ont donc été licenciés. La commission regrette que le gouvernement se contente de réitérer son point de vue antérieur selon lequel la législation nationale est conforme aux instruments internationaux du travail; qu’au Bélarus, aux termes de l’article 388 du Code du travail, une grève constitue un refus temporaire et volontaire des travailleurs d’exercer leurs fonctions (en totalité ou en partie) dans le but de régler un conflit collectif du travail; et que les grèves de nature politique sont interdites. La commission rappelle que dès lors que le maintien de la relation de travail constitue une conséquence normale de la reconnaissance du droit de grève, l’exercice licite de celui-ci ne doit pas avoir comme résultat que les grévistes soient licenciés ou fassent l’objet d’une mesure de discrimination (voir Étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, paragr. 161). La commission se voit donc tenue de prier instamment le gouvernement de prendre des mesures pour revoir les dispositions législatives susmentionnées, qui portent atteinte au droit des organisations de travailleurs d’organiser leurs activités en toute liberté, et de fournir des informations sur toutes les mesures prises ou envisagées à cette fin.
La commission déplore l’effet de la dissolution du BKDP sur les activités du conseil national du travail et des questions sociales (NCLSI) et du conseil tripartite pour l’amélioration de la législation dans le domaine social et du travail (le conseil tripartite). À la suite à la dissolution du BKDP, la seule représentation de la voix des travailleurs dans ces structures est désormais le FPB. La commission a précédemment noté le soutien publiquement exprimé à cette organisation par les autorités de l’État au plus haut niveau. Les conclusions de la Commission de la Conférence lors de sa session de juin 2021, reproduites intégralement en 2022, font référence au soutien apporté au FPB par le président du pays, et la Commission de la Conférence a prié le gouvernement dans les termes les plus vifs de s’abstenir de faire preuve de favoritisme à l’égard de tout syndicat particulier. La commission rappelle à cet égard – comme elle l’a fait précédemment – l’importance d’assurer un climat dans lequel les organisations syndicales, qu’elles fassent partie ou non de la structure traditionnelle, puissent s’épanouir dans le pays. Dans ces circonstances, la commission s’interroge sur le maintien de la légitimité du NCLSI et du conseil tripartite.
La commission souligne que, conformément à l’article 11 de la convention, tout Membre de l’OIT pour lequel la convention est en vigueur doit prendre toutes mesures nécessaires et appropriées en vue d’assurer aux travailleurs et aux employeurs le libre exercice du droit syndical. La commission considère que le développement d’organisations libres et indépendantes et leur participation au dialogue social sont indispensables pour permettre à un gouvernement d’affronter ses problèmes sociaux et économiques et de les résoudre dans l’intérêt des travailleurs et de la nation. La commission prie instamment le gouvernement de prendre des mesures pour réexaminer dans cette optique la situation des syndicats dissouts, afin de garantir qu’ils puissent à nouveau fonctionner.
La commission rappelle que, dans son rapport de 2004, la Commission d’enquête a estimé que ses recommandations devaient être mises en œuvre sans plus tarder et que la majorité d’entre elles devraient avoir été appliquées au plus tard le 1er juin 2005. La commission déplore que, 18 ans plus tard, des faits récents révèlent des retours incessants à des situations antérieures, tout espace pour une existence sûre d’un mouvement syndical indépendant au Bélarus ayant pratiquement disparu. La commission prie instamment le gouvernement d’abandonner sa politique de destruction du mouvement syndical indépendant et de réduction au silence des voix libres des travailleurs. Elle le prie instamment d’engager le dialogue avec l’OIT pour mettre pleinement en œuvre, sans plus tarder, toutes les recommandations en suspens des organes de contrôle de l’OIT.
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