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La commission note avec regret que le gouvernement n’a pas répondu aux multiples observations des partenaires sociaux concernant l’application de la convention, en droit et dans la pratique, soumises en 2016, 2019 et 2020. La commission prie à nouveau le gouvernement de transmettre ses commentaires dans les meilleurs délais.
Article 1 de la convention. Discrimination antisyndicale. Dans ses précédents commentaires, la commission avait pris note des déclarations des organisations syndicales selon lesquelles le système de protection contre la discrimination antisyndicale n’était toujours pas efficace ou dissuasif (notant, par exemple, que même la peine maximale de 300 unités fiscales mensuelles ne peut dissuader une entreprise multinationale). À la lumière de ce qui précède, la commission a demandé au gouvernement de procéder, dans le cadre d’un dialogue avec les organisations les plus représentatives, à l’évaluation du système de protection contre la discrimination antisyndicale. La commission note que le gouvernement indique qu’entre juillet 2019 et juin 2023, la Direction du travail a été saisie de 3 463 plaintes pour pratiques antisyndicales ou déloyales, dont 520 pour avoir entravé la formation ou le fonctionnement de syndicats, exercé des pressions sous forme de menaces de licenciement ou de perte de prestations, 378 plaintes pour ne pas avoir attribué le travail convenu à un dirigeant syndical, 344 pour avoir licencié illégalement des travailleurs jouissant de l’immunité syndicale et 335 pour des actes d’ingérence. La commission note que la Direction du travail tient un registre des condamnations pour pratiques antisyndicales ou déloyales et publie tous les six mois la liste des entreprises et des organisations syndicales en infraction, et note que, selon le registre, entre le second semestre 2020 et le premier trimestre 2023, des amendes ont été imposées à près de 100 entreprises. Les amendes allaient de 5 à 920 unités fiscales mensuelles (soit environ 367 et 67 000 dollars É.-U.) et l’amende la plus élevée n’a été appliquée qu’une seule fois à une entreprise pour pratiques déloyales dans la négociation collective. En ce qui concerne l’invitation faite au gouvernement de procéder, dans le cadre d’un dialogue avec les organisations les plus représentatives, à l’évaluation du système de protection contre la discrimination antisyndicale, le gouvernement indique que le Département du dialogue social du Sous-secrétariat au travail administre le Fonds de formation syndicale et de relations de collaboration, créé par la loi 20940, qui a pour objectif de financer des projets, des programmes et des actions dans les domaines de la formation syndicale, de la promotion du dialogue social et du développement de relations de travail fondées sur la collaboration entre les employeurs et les travailleurs, y compris un programme pour les dirigeants syndicaux mis en œuvre en 2023. Le gouvernement indique également que, depuis 2006, le Département du dialogue social met en œuvre le programme «Réunions de dialogue social», dans le cadre duquel les représentants des travailleurs et des employeurs abordent des questions liées à l’emploi et aux relations professionnelles. La commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations statistiques concernant les actes de discrimination antisyndicale signalés aux autorités. Tout en encourageant toutes initiatives visant à renforcer le dialogue social, la commission prie le gouvernement de répondre de manière directe et effective, dans le cadre des espaces de dialogue existants, aux préoccupations exprimées par les organisations syndicales et à toute autre préoccupation quant à l’efficacité des mécanismes de protection existants contre la discrimination antisyndicale.
Article 4. Promotion de la négociation collective. Organisations de travailleurs et groupes de négociation. La commission avait noté que: i) dans un arrêt de 2016, le Tribunal constitutionnel a estimé qu’il serait inconstitutionnel de disposer que les travailleurs ne peuvent négocier que par l’intermédiaire des syndicats, considérant que, selon la Constitution, le droit à la négociation collective appartient à tous les travailleurs; ii) la Direction du travail avait émis l’avis no 3938/33 de 2018, notant que les accords avec les groupes de négociation (groupes de travailleurs non syndiqués qui s’associent pour négocier) constituent des instruments collectifs reconnus par le Code du travail, qui sont enregistrés par l’inspection du travail; et iii) alors qu’un recours en protection contre l’avis avait obtenu une décision favorable de la Cour d’appel de Santiago, cet arrêt avait ensuite été cassée par la Cour Suprême. La commission fait observer que les groupes de négociation ne sont pas définis dans le Code du travail et rappelle qu’elle a toujours considéré que la négociation directe entre l’entreprise et des groupes de travailleurs non syndiqués, et non avec des organisations de travailleurs lorsqu’elles existent, n’est pas conforme à la promotion de la négociation collective prévue à l’article 4 de la convention, de sorte que les groupes de travailleurs ne devraient pouvoir négocier des conventions ou accords collectifs qu’en l’absence de telles organisations. La commission a prié le gouvernement d’adopter, par le biais du dialogue social, des mesures qui reconnaissent de manière effective le rôle fondamental et les prérogatives des organisations représentatives des travailleurs et de leurs représentants et prévoient des mécanismes visant à éviter que l’intervention d’un groupe de négociateurs dans la négociation collective puisse affaiblir la fonction des organisations de travailleurs ou porter atteinte à l’exercice de la liberté syndicale.
La commission note que le gouvernement indique que, le 19 mai 2022, la Direction du travail a émis un avis modifiant son interprétation des accords conclus entre les employeurs et les groupes de travailleurs qui se sont associés pour négocier collectivement (groupes de négociation), reconsidérant sa doctrine antérieure contenue dans l’avis no 3938/33 de 2018. Le gouvernement informe que dans l’avis no 810/15, la Direction du travail a déclaré que: i) les groupes de négociation, étant des entités qui ne sont pas interdites par la loi, ne peuvent que mettre en place une procédure de négociation atypique en raison de l’inexistence de règles juridiques régissant cet aspect, ii) étant donné qu’il n’existe pas de procédure régie par la loi, la Direction du travail ne peut pas déterminer une procédure ou donner une valeur d’instrument collectif aux accords signés par ces groupes; iii) ces accords ne sont pas des instruments collectifs régis par le Code du travail et ne produisent donc pas les effets juridiques que le Code du travail confère aux instruments collectifs signés dans le cadre de la négociation collective réglementée (contrat collectif) ou non réglementée (convention collective) des syndicats; et iv) les accords conclus avec un groupe de négociation ne peuvent pas non plus faire l’objet d’un accord d’extension des avantages convenus, que ce soit par une extension unilatérale de l’employeur ou avec l’accord des parties, puisque les conditions de l’article 322 du Code du travail ne sont pas remplies. La commission prend note avec intérêt de cet avis et souligne que la Direction du travail précisait qu’elle considérait opportun de rendre un avis qui, en plus de répondre aux questions formulées, permettrait d’adapter l’interprétation en fonction du problème soulevé et de mieux respecter les dispositions de cette convention, ainsi que de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, qui lient l’État du Chili. En outre, la commission note que le gouvernement souligne que les divers programmes de formation syndicale mis en œuvre dans le pays contribuent à la promotion de la négociation collective et que la loi no 20940 permet aux travailleurs et aux employeurs des micro, petites et moyennes entreprises de demander à la Direction du travail d’organiser une réunion d’assistance technique aux fins de la négociation collective. La commission encourage le gouvernement à continuer de prendre des mesures qui contribuent à la promotion de la négociation collective au sens de la convention. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur l’impact de l’avis sur la négociation collective et espère qu’il contribuera à la reconnaissance du rôle fondamental des syndicats dans la négociation collective. La commission prie en outre le gouvernement d’adopter, sur la base des données statistiques relatives à l’enregistrement des instruments collectifs par l’inspection du travail, des mesures visant à garantir que l’intervention des groupes de négociation dans la négociation collective n’affaiblit pas le rôle des organisations de travailleurs et ne porte pas atteinte à l’exercice de la liberté syndicale. La commission prie enfin le gouvernement d’indiquer le nombre de conventions collectives conclues dans le pays, ainsi que les secteurs concernés et le nombre de travailleurs couverts par ces conventions. Notant en outre que, selon les données statistiques fournies par le gouvernement, près de 90 pour cent des instruments collectifs conclus entre juillet 2019 et juin 2023 l’ont été par une catégorie d’entité de négociation appelée «autre type d’entité de négociation», la commission prie le gouvernement de fournir des détails concernant les types d’entités que recouvre cette catégorie.
Entreprises financées par l’État. La commission avait noté que l’article 304 du Code du travail ne permet la négociation collective, ni dans les entreprises publiques qui relèvent du ministère de la Défense nationale ou qui ont un lien avec le gouvernement à travers ce ministère ou dans celles où des lois spéciales l’interdisent, ni dans les entreprises ou institutions publiques ou privées dont le budget, au cours de l’une des deux dernières années civiles, a été financé pour plus de moitié par l’État, directement, ou par le biais de droits ou d’impôts. La commission note que le gouvernement indique que, le 14 juillet 2023, la Direction du travail a émis l’avis no 995/30 reconsidérant la doctrine établie en 2019 en ce qui concerne l’article 304 du Code du travail et étendant la capacité de négociation collective des travailleurs visés dans cet article. La commission note que l’avis se réfère expressément aux commentaires formulés par la commission et indique notamment que: i) la doctrine antérieure n’avait fixé aucune limite à l’interdiction imposée par cet article, ce qui permettait de l’appliquer dès lors que le financement en question existait, qu’elle qu’en soit l’origine, privant ainsi un grand nombre de travailleurs des droits fondamentaux de négociation collective et de grève, qui sont essentiels à la liberté syndicale; ii) l’interdiction de négociation collective prévue à l’article 304 du Code du travail s’applique exclusivement aux entreprises publiques ou privées dont le budget a été financé directement par l’État à plus de 50 pour cent au cours de l’une des deux dernières années, c’est-à-dire lorsque ce financement est expressément établi dans la loi sur le budget de l’État et n’est soumis à aucune modalité; iii) l’interdiction ne s’applique pas aux entreprises ou institutions qui fournissent des biens à l’État dans le cadre de passation de marchés publics (appels d’offres ou contrats-cadres et marchés directs), et iv) les fonds alloués à un établissement d’enseignement supérieur dans le cadre du financement de l’enseignement gratuit (avantage en faveur de l’étudiant) ne relèvent pas du champ d’application de l’article 304 du Code du travail, et les établissements d’enseignement subventionnés, ainsi que ceux qui soutiennent ces établissements, sont également exclus de l’interdiction de négocier. La commission note que, toujours selon l’avis rendu, le raisonnement appliqué a été repris par la jurisprudence, citant à titre d’exemple un arrêt de la Cour d’appel de Santiago de 2022 qui souligne que le financement indirect échappe à l’exclusion que prévoit l’article 304 du Code du travail, lorsqu’il résulte de l’attribution de projets et de la conclusion d’accords dans lesquels la réception du financement est conditionnée par l’exécution effective des contreparties. La commission note avec intérêt que, au moyen d’une interprétation restrictive de l’article 304 du Code du travail, l’avis entend limiter les catégories de travailleurs exclues du droit à la négociation collective en raison de cette disposition. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur l’impact d’une telle interprétation sur l’exercice du droit de négociation collective. Toutefois, rappelant qu’en vertu des articles 5 et 6 de la convention, seuls les membres des forces armées et de la police et les fonctionnaires commis à l’administration de l’État peuvent être exclus de la négociation collective, la commission réitère qu’il est nécessaire que le gouvernement prenne des mesures pour s’assurer que l’article 304 du Code du travail est révisé afin que toutes les catégories de travailleurs couvertes par la convention puissent participer à la négociation collective. La commission prie le gouvernement de rendre compte des mesures prises à cet égard.
Article 6. Champ d’application de la convention. Travailleurs du secteur public qui ne sont pas commis à l’administration de l’État. Dans ses commentaires précédents, la commission a prié le gouvernement d’expliquer de manière détaillée comment les fonctionnaires et les travailleurs des services publics qui ne sont pas commis à l’administration de l’État bénéficient des garanties prévues par la convention. La commission note que, dans son rapport sur la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, le gouvernement indique que, bien que la négociation collective soit expressément interdite dans le secteur public, dans la pratique, on constate que les associations de fonctionnaires du secteur public ont régulièrement cherché à négocier avec l’exécutif et qu’en décembre 2022 un accord a été conclu sur la revalorisation de la rémunération des travailleurs du secteur public. La commission se réfère à ses commentaires au titre de la convention no 151, invitant le gouvernement à envisager d’adopter les réformes législatives nécessaires pour fournir un cadre juridique stable à de telles négociations. La commission prie également le gouvernement de donner des précisions concernant l’application des garanties prévues dans cette convention aux fonctionnaires et aux travailleurs publics qui ne sont pas commis à l’administration de l’État.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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