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Interim Report - REPORT_NO25, 1957

CASE_NUMBER 143 (Spain) - COMPLAINT_DATE: 15-APR-59 - Closed

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A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  • Plainte de la Confédération internationale des syndicats libres
    1. 76 La plainte présentée par la Confédération internationale des syndicats libres dans ses communications du 4 mai et du 13 août 1956, contient les allégations suivantes : Le gouvernement espagnol aurait violé les droits de l'homme en brisant les grèves déclarées en avril 1956 à Bilbao et dans d'autres villes et en emprisonnant les grévistes. Le régime dictatorial aurait ordonné la fermeture des fabriques, portant ainsi préjudice à quelque 40.000 ouvriers. Quelques employeurs auraient tenté de normaliser la production, qui accusait un fléchissement, en accordant des augmentations de salaires supérieures à celles qui avaient été fixées par le gouvernement. Celui-ci s'est opposé à cette initiative et a ordonné la fermeture des établissements en question. D'autre part, le régime franquiste aurait recommencé à persécuter des travailleurs qui ont pris part à la grève générale de 1951. Onze personnes des provinces basques auraient été condamnées à des peines de trois à six ans de réclusion pour avoir participé à la grève. Après avoir été remises en liberté, elles ont récemment été emprisonnées à nouveau sans qu'aucune accusation ait été formulées contre elles. Le mécanisme gouvernemental destiné à briser les grèves constitue une violation des droits de l'homme, que l'Espagne s'est engagée à respecter lors de son admission aux Nations Unies. Le chef de l'Etat, pour justifier l'action gouvernementale, a fait état du libéralisme du passé.
    2. 77 Dans sa deuxième communication, la C.I.S.L déclare:
    3. 1) La situation syndicale en Espagne a sa source dans le caractère totalitaire de l'Etat espagnol. Il en résulte, d'une part, l'inexistence de syndicats libres et, d'autre part, l'existence de syndicats créés de toutes pièces par les pouvoirs publics.
    4. 2) En vertu d'un décret du 13 septembre 1936 de la présidence de la Junte de défense nationale, toutes les organisations politiques ou sociales qui avaient constitué le Front populaire ont été déclarées hors la loi et leurs biens mobiliers et immobiliers confisqués. De plus, la loi du 9 février 1939 établissant les sanctions pour responsabilité politique ratifie le décret antérieur et déclare expressément illégales les organisations syndicales comme le Syndicat général des travailleurs, l'Union des travailleurs basques et la Confédération nationale du travail.
    5. 3) Toutes ces organisations syndicales avaient été constituées librement par des travailleurs, conformément à une loi de 1887. Les membres dirigeants de ces organisations furent persécutés et condamnés, les uns, à la peine de mort, les autres, à des peines allant de vingt à trente ans de prison.
    6. 4) Les conditions dans lesquelles les organisations syndicales libres sont interdites, et les syndicalistes libres poursuivis ont encore été aggravées par l'adoption de la loi du 29 mars 1941 sur la sécurité de l'Etat et par le Code pénal du 23 décembre 1944 (articles 172 et 173). Le Code pénal dispose que le fait de constituer, organiser ou diriger des organisations autres que celles imposées par le régime est un crime punissable de peines pouvant atteindre seize ans de réclusion.
    7. 5) En ce qui concerne les travailleurs agricoles, une loi du 2 septembre 1941 a incorporé à l'organisation nationale tous les syndicats, les coopératives agricoles, etc., qui jouissaient d'un statut particulier en vertu de la loi du 23 janvier 1906.
    8. 6) Dans les 26 points de la Phalange, élaborés en octobre 1934 et devenus en 1937 la doctrine politique de l'Etat espagnol, on trouve les principes qui déterminent le régime des « syndicats » en Espagne. C'est ainsi que le point 6 dispose : « Notre Etat sera un instrument totalitaire au service de l'intégration de la patrie », et le point 9 « Nous concevons l'Espagne dans l'ordre économique comme un gigantesque syndicat de producteurs. Nous organiserons corporativement la société espagnole par un système de syndicats verticaux, selon les secteurs de la production, au service de l'intégration de l'économie nationale. »
    9. 7) Conformément à ces principes, le décret du 4 août 1937 approuvant les statuts de la F.E.T (Falange Española Tradicionalista) et des J.O.N.S (Juntas Ofensivas National-Sindicalistas) disposa à son chapitre VII, intitulé « Syndicats », que la Phalange et les J.O.N.S créeront et maintiendront les organisations syndicales aptes à encadrer le travail dans la production et la répartition des biens.
    10. 8) La Charte du travail approuvée par le décret du 9 mars 1938 précise le caractère de l'organisation syndicale créée par le gouvernement lui-même. A son chapitre XIII, la Chante du travail déclare que l'organisation nationale-syndicaliste de l'Etat s'inspirera des principes d'unité, de totalité et de hiérarchie, et que tous les facteurs de l'économie seront encadrés par branches de la production ou services dans des syndicats verticaux. La Charte du travail précise que le syndicat vertical est une corporation de droit public, constituée par l'intégration, au sein d'un organisme unitaire ordonné hiérarchiquement sous la direction de l'Etat, de tous les éléments, ouvriers, techniciens et employeurs, qui participent au processus économique dans un service déterminé ou dans un secteur de la production. La Charte dispose encore que les chefs du syndicat seront choisis nécessairement parmi les militants de la F.E.T et des J.O.N.S et «que le syndicat vertical est un instrument au service de l'Etat, par lequel celui-ci réalisera principalement sa politique économique».
    11. 9) La loi du 26 janvier 1940 sur l'unité syndicale reprend les principes de la Charte du travail et dispose notamment que tous les syndicats autres que ceux du régime sont interdits, et que le fonctionnement des syndicats est soumis à la discipline du mouvement sous l'inspection de la Délégation nationale des syndicats.
    12. 10) La loi du 6 décembre 1940 sur la constitution des syndicats assure de façon encore plus effective la subordination de l'organisation syndicale à la Phalange, aux J.O.N.S et à l'Etat. Elle dispose tout d'abord que les Espagnols, du fait qu'ils collaborent à la production, constituent la communauté nationale-syndicaliste, communauté militante dans la discipline du mouvement. Elle précise que les chefs des syndicats seront nommés par la Direction nationale du mouvement sur la proposition de la Délégation nationale des syndicats et qu'ils devront être nécessairement des militants de la F.E.T et des J.O.N.S.
  • Les dispositions législatives ci-dessus mentionnées révèlent clairement la nature de l'organisation syndicale nationale de l'Etat en tant qu'organisation subsidiaire du régime politique. Cette législation constitue un instrument destiné à renforcer le régime et à maintenir les travailleurs espagnols dans un état de dépendance complète en leur refusant la liberté syndicale, comme d'ailleurs toutes les libertés politiques. Une telle politique est contraire aux principes contenus dans la Constitution de l'O.I.T et dans la Déclaration de Philadelphie, à la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1947, à la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, et à la convention (no 11) sur le droit d'association (agriculture), 1921.
  • Les dispositions du Code pénal et des différentes lois interdisant la constitution de toutes organisations autres que celles imposées par le régime franquiste sont contraires aux articles 2, 3, 4, 8 (concernant la liberté syndicale) et 11 (concernant la protection du droit syndical) de la convention no 87. Les dispositions de la Charte du travail et de la loi du 6 décembre 1940 sur la constitution des syndicats sont contraires aux mêmes articles de la convention no 87 et à l'article 4 de la convention no 98. La loi du 2 septembre 1941 concernant les travailleurs agricoles constitue une violation de la convention no 11, qui a été ratifiée par l'Espagne.
    1. 78 En conclusion, l'organisation plaignante soutient que l'organisation syndicale espagnole ne serait pas l'expression de la libre volonté des travailleurs, mais constituerait une organisation hiérarchique totalitaire imposée aux travailleurs et entièrement subordonnée au chef de l'Etat. Les moyens adoptés par le gouvernement espagnol lors de la grève, en avril 1956, en seraient la preuve. En outre, il n'existe pas de système qui permette aux travailleurs de lutter librement en vue du relèvement de leur niveau de vie, étant donné que la prétendue organisation syndicale ne jouit pas de la confiance des travailleurs. Le gouvernement, poursuit le plaignant, ne reconnaît pas le droit des travailleurs de négocier librement avec les employeurs et il n'admet pas la conclusion de contrats collectifs; le droit de grève n'est pas admis non plus, et pour briser celles qui se produisent, le gouvernement a recours à des moyens de répression. La législation syndicale espagnole, rendue plus rigoureuse du fait de l'application des mesures de police, est incompatible avec les principes de base de l'Organisation internationale du Travail et elle « constitue un défi à l'ensemble des nations ». C'est pourquoi l'organisation plaignante prie le Conseil d'administration d'inviter le gouvernement espagnol à modifier la législation actuellement en vigueur, à rétablir la liberté syndicale et à supprimer les sanctions contre les travailleurs qui ont pris part aux grèves en avril 1956.
  • Plainte de l'Union générale des travailleurs espagnols en exil
    1. 79 Cette organisation, dans une communication en date du 25 juillet 1956, signale que, pendant les grèves de Barcelone, au mois d'avril 1956, on aurait arrêté les travailleurs José Ballebe, Julián Piñero, Francisco Fabregat, José Teixidor, Antonio Petit, Francisco Escrivá, José Castillo, José Ballaro, Antonio Muller et Antonio Senserich. Les détenus auraient été mis par la police à la disposition du département judiciaire no 10. Le juge aurait ordonné des poursuites pour association illicite et propagande contraire à la loi. Bien que le juge ait ordonné la mise en liberté provisoire des détenus, le gouverneur civil de Barcelone, afin d'empêcher leur libération, les a fait de nouveau arrêter peur une période de trois mois, susceptible d'être prolongée de trois mois supplémentaires. Cela constitue, de l'avis de l'organisation plaignante, une atteinte aux libertés individuelles des travailleurs et au droit de grève ainsi qu'une ingérence de l'autorité civile qui lèse l'indépendance de l'autorité judiciaire. Dans une deuxième communication, en date du 22 août 1956, l'Union générale des travailleurs espagnols en exil allègue que le régime franquiste continue à pratiquer les mesures de répression qu'il a introduites contre les travailleurs lors de son accession au pouvoir le 30 mars 1939. Les plaignants présentent une liste de personnes détenues en tant que « détenus sociaux ». Parmi ces derniers, se trouvent Eduardo Villegas, condamné en 1946 pour avoir tenté de reconstituer une organisation syndicale libre, l'Union des travailleurs, et Emilio Salgado, actuellement dans la prison d'Ocaña, condamné en 1917 pour le même délit. La plupart des autres personnes énumérées dans la plainte auraient été condamnées à des peines allant jusqu'à trente ans de prison pour « rébellion militaire ». D'après les plaignants, le fait que ces personnes ont été condamnées pour des délits de rébellion militaire ne doit abuser personne : « Le régime franquiste qualifie ainsi les efforts des travailleurs pour reconquérir leurs droits de citoyens et la liberté syndicale. » « En Espagne - continue l'organisation plaignante - la liberté syndicale n'existe pas, ni aucune des garanties prévues par la Déclaration des droits de l'homme. »
  • ANALYSE DE LA REPONSE
    1. 80 Dans une communication en date du 4 janvier 1957, le gouvernement répond que les plaintes de la C.I.S.L ne font que répéter les allégations avancées par le délégué ouvrier espagnol lors de la 39ème session de la Conférence internationale du Travail. La déclaration du membre gouvernemental de la Commission de vérification des pouvoirs a souligné le manque de fondement de ces allégations. Dans la même déclaration, le membre gouvernemental a déclaré: « Dans ces conditions, après avoir soigneusement étudié la pertinence des différents points soulevés dans les contestations, je ne peux pas aboutir à la conclusion que le délégué travailleur d'Espagne et ses conseillers techniques n'auraient pas été désignés conformément au paragraphe 5 de l'article 3 de la Constitution », c'est-à-dire, continue le gouvernement dans sa réponse, que le délégué des travailleurs aurait été désigné par le gouvernement en accord avec l'organisation représentative des travailleurs. Cette thèse, en dépit de l'abstention du membre employeur et de la décision contraire du membre travailleur, a été acceptée à une grande majorité par la Conférence. Le rejet de la plainte portée contre la représentation ouvrière d'Espagne implique la reconnaissance de l'existence dans ce pays d'organisations représentatives des travailleurs, c'est-à-dire d'organisations libres. Dès lors, on se trouve en présence d'une décision ayant l'autorité de la chose jugée puisqu'il n'y a pas de fait nouveau, ni d'allégation nouvelle dont la Commission de vérification des pouvoirs ou la Conférence n'aient tenu compte. C'est pourquoi le Comité de la liberté syndicale doit repousser résolument la nouvelle plainte de la prétendue « Confédération internationale des syndicats libres ».
    2. 81 En outre, poursuit le gouvernement, la Confédération internationale des syndicats libres n'a pas qualité pour présenter une plainte de cette nature du fait que, d'une part, elle fait preuve d'une évidente partialité, d'une partialité qui caractérise « son attitude persistante contre les travailleurs organisés de l'Espagne » et, d'autre part, du fait qu'il n'existe en Espagne aucune organisation représentant à un titre quelconque les travailleurs espagnols et ayant qualité « pour soumettre à l'Organisation internationale du Travail des plaintes ou de prétendues revendications de ces travailleurs ». Plus que jamais les travailleurs espagnols possèdent une organisation syndicale très forte, très efficace et très libre, libre non seulement de toute ingérence du gouvernement, mais encore de toute influence politique, nationale ou internationale, étrangère aux véritables buts syndicalistes. La preuve la meilleure et la plus évidente de ce fait est fournie par la loi établissant les bases de l'organisation syndicale et par le règlement de 1947 qui assure la désignation d'une façon absolument libre et démocratique des titulaires de toutes les fonctions syndicales, sans aucune espèce de discrimination et à tous les degrés hiérarchiques.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  • Question préliminaire relative à la recevabilité de la plainte de la C.I.S.L.
    1. 82 Le gouvernement espagnol soutient que la Confédération internationale des syndicats libres n'aurait pas qualité pour présenter une plainte contre l'Espagne au Comité de la liberté syndicale, et cela pour deux raisons : « 1) la C.I.S.L ne possède, en Espagne, aucune organisation affiliée et, en conséquence, elle ne saurait faire état de sa qualité de représentant des travailleurs espagnols pour saisir l'Organisation internationale du Travail de leurs plaintes ou de leurs prétendues revendications ; 2) la C.I.S.L persiste dans l'attitude de partialité manifeste qu'elle a adoptée envers les organisations de travailleurs en Espagne ».
    2. 83 La question du droit de présenter des plaintes au Comité de la liberté syndicale est réglementée au chapitre II du premier rapport du Comité « Procédure en vigueur pour l'examen des plaintes relatives à des atteintes prétendument commises à l'exercice des droits syndicaux ». Au paragraphe 14 de ce rapport, il est précisé que « les seules plaintes recevables, à l'exception de celles qui sont officiellement transmises à l'O.I.T par l'Assemblée générale ou le Conseil économique et social des Nations Unies, sont celles qui émanent, soit d'organisations de travailleurs ou d'employeurs, soit de gouvernements ». Les paragraphes 27 et 28 du même rapport prévoient divers cas - dissolution de l'organisation plaignante, absence des plaignants du pays en cause, etc. - qui peuvent faire naître des doutes sur le droit d'une organisation de présenter une plainte. Le Comité de la liberté syndicale s'est, dans de nombreux cas, prononcé sur la question du droit de présenter des plaintes. Dans le cas no 78 (Suisse), le gouvernement suisse indiquait que le fait qu'une plainte a été présentée par une organisation qui ne comprend aucune section en Suisse pourrait constituer un motif suffisant pour qu'il ne réponde pas à cette plainte. Le Comité a décidé que cette circonstance, à savoir le fait que l'organisation plaignante n'a pas de section dans le pays mis en cause, « ne devrait pas être prise en considération pour juger de la recevabilité de la plainte. Il peut, en effet, arriver que seules des personnes se trouvant à l'extérieur du pays mis en cause jouissent de la liberté nécessaire pour soumettre à l'appréciation du Comité un cas de violation incontestable de la liberté syndicale ». Le fait que la plainte a été présentée par une organisation n'ayant aucune section dans le pays en cause est une circonstance dont il convient de tenir compte en procédant à l'examen du fond de la plainte, pour la simple raison qu'ainsi que l'a constaté le Comité dans son premier rapport, il est malaisé de savoir dans certains cas dans quelle mesure on peut se fier au témoignage de personnes ne résidant plus dans le pays dont il est question dans la plainte. Dans le cas no 67 (Egypte), le gouvernement égyptien a déclaré qu'une plainte présentée par le Congrès des syndicats arabes (Nazareth) n'était pas légalement recevable du fait que l'organisation plaignante ne pouvait être reconnue du point de vue international et que les accusations n'avaient manifestement été formulées qu'à des fins de propagande politique. Le Comité a estimé que la plainte était recevable, ayant été présentée en due forme par une organisation syndicale et, en ce qui concerne le motif de la plainte, le fait qu'elle ait été dictée par des motifs politiques, ainsi que le prétendait le gouvernement, ne constitue pas une raison pour la déclarer irrecevable. En effet, il convient de procéder à l'examen des motifs en même temps qu'à l'examen du fond de la question et on ne saurait préjuger les mérites du cas d'une plainte « quels qu'aient été les motifs véritables du plaignant ».
    3. 84 Dans le cas présent, il y a lieu de constater que la plainte en question a été présentée par une organisation internationale de travailleurs, la Confédération internationale des syndicats libres, qui figure parmi les organisations internationales non gouvernementales reconnues en tant qu'organes consultatifs par l'Organisation internationale du Travail, et qui est incontestablement une organisation de travailleurs. D'autre part, la plainte originale (communication du 4 mai 1956) a été présentée au Bureau international du Travail par le Conseil économique et social des Nations Unies et elle a été soumise, ainsi que les renseignements complémentaires du 13 août 1956, par écrit, dûment signée par un représentant d'un organisme habilité à présenter de telles plaintes, ainsi que l'exige la procédure prescrite par le Conseil d'administration pour le Comité de la liberté syndicale. Enfin, le fait que la C.I.S.L n'a aucune organisation affiliée en territoire espagnol, bien qu'il s'agisse là d'un point dont il faut tenir compte en procédant à l'examen du fond des allégations, ne signifie nullement, ainsi qu'il ressort de la jurisprudence du Comité, que la Confédération internationale des syndicats libres n'est pas compétente pour présenter une plainte en violation de l'exercice du droit syndical.
    4. 85 En ce qui concerne la partialité politique de la C.I.S.L, fait qui, ainsi que le prétend le gouvernement espagnol, priverait cette organisation du droit de présenter une plainte au Comité de la liberté syndicale, il convient, en se référant au précédent représenté par le cas no 67 (Egypte), mentionné plus haut, dans lequel un problème de même nature s'était posé, de signaler qu'il s'agit d'une question dont il devrait être tenu compte lors de l'examen de fond de la plainte. Elle ne peut en tout cas pas être considérée comme un vice de forme qui puisse affecter la recevabilité de la plainte.
    5. 86 Dans ces conditions, le Comité estime qu'il n'y a pas lieu de contester la compétence de la C.I.S.L, qui fait l'objet de la première objection du gouvernement espagnol.
  • Deuxième question préliminaire : Exception de « chose jugée »
    1. 87 Le gouvernement espagnol affirme que la Conférence internationale du Travail s'étant, à sa 39ème session, prononcée en faveur de la déclaration du membre gouvernemental de sa Commission de vérification des pouvoirs, déclaration selon laquelle le délégué des travailleurs espagnols aurait été désigné en accord avec l'organisation représentative des travailleurs, on se trouve en présence d'un cas de chose jugée, étant donné que la plainte de la Confédération internationale des syndicats libres ne contient aucune allégation de fait ou de droit qui n'ait pas été examinée par la Commission de vérification des pouvoirs de la 39ème session de la Conférence internationale du Travail. Le vote de la Conférence, poursuit le gouvernement, constitue la reconnaissance de l'existence en Espagne d'une organisation représentative des travailleurs et du fait que ladite organisation est libre.
    2. 88 Ainsi que le précise le paragraphe 24 du premier rapport du Comité de la liberté syndicale, « à la suite de discussions au sein du Conseil d'administration, à ses 116ème et 117ème sessions, le Conseil a décidé d'instituer le présent Comité... pour procéder à l'examen préliminaire des plaintes relatives aux atteintes prétendument commises à l'exercice de la liberté syndicale, examen confié jusqu'à présent au seul bureau du Conseil d'administration ». La fonction particulière du Comité, ainsi que le dispose le paragraphe 25 du même rapport, « consiste à examiner, en vue d'une recommandation au Conseil d'administration, si les cas méritent un examen de la part du Conseil d'administration ». Le Comité peut recommander qu'un cas n'appelle pas un examen plus approfondi, soit du fait du caractère purement politique des allégations présentées, soit parce que ces allégations sont trop vagues, soit pour absence de preuves ou décider au contraire que le cas appelle un examen plus approfondi. Les fonctions de la Commission de vérification des pouvoirs, telles qu'elles sont définies à l'article 26 du Règlement de la Conférence internationale du Travail, sont tout à fait différentes. La Constitution de l'Organisation internationale du Travail exige non seulement des Etats Membres, en vertu de l'article 3, qu'ils désignent des délégués et conseillers techniques non gouvernementaux à la Conférence internationale du Travail d'accord avec les organisations professionnelles les plus représentatives, soit des employeurs, soit des travailleurs du pays considéré, sous la réserve que de telles organisations existent, mais elle prévoit en outre que les pouvoirs des délégués et de leurs conseillers techniques seront soumis à la vérification de la Conférence, laquelle pourra, par une majorité de deux tiers des suffrages exprimés par les délégués présents, refuser d'admettre tout délégué ou conseiller technique qu'elle ne jugera pas avoir été désigné conformément aux termes de l'article 3. L'organe de la Conférence qui est chargé de l'examen des protestations en question est la Commission de vérification des pouvoirs. D'après l'article 26, paragraphe 3, du Règlement de la Conférence, il incombe à cette Commission de vérification des pouvoirs d'examiner « toute protestation concernant la désignation d'un délégué ou d'un conseiller technique ». Si la totalité ou l'un des membres de la Commission de vérification des pouvoirs constate que la protestation est recevable et présente un rapport dans ce sens à la Conférence, celle-ci, « au cas où elle jugerait que ledit délégué... n'a pas été nommé en conformité des dispositions de la Constitution, pourra refuser par une majorité des deux tiers des suffrages exprimés par les délégués présents, d'admettre ce délégué... » (article 26, paragraphe 7). Aucune nouvelle protestation ne sera recevable « si elle est motivée par des faits ou allégations que la Conférence a précédemment discutés et déclarés non pertinents ou non fondés par une décision portant sur des faits et allégations identiques » (article 26, paragraphe 4, alinéa c)).
    3. 89 La communication d'une protestation quant aux pouvoirs d'un délégué à la Conférence et la présentation d'une allégation au Comité de la liberté syndicale constituent des procédures différentes, et une décision de la Conférence acceptant les pouvoirs d'un délégué ne doit pas empêcher le Comité de la liberté syndicale de procéder à un examen quant au fond d'une plainte qui lui est soumise.
    4. 90 Dans ces conditions, le Comité estime qu'il ne convient pas de retenir l'objection du gouvernement fondée sur le concept de la chose jugée.
    5. 91 Le gouvernement espagnol, à part les deux questions préalables qui ont été examinées plus haut, n'a présenté aucune observation concernant le fond de la plainte de la Confédération internationale des syndicats libres, ni sur celle de l'Union générale des travailleurs espagnols en exil.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 92. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de décider de ne pas donner suite aux objections préliminaires du gouvernement espagnol quant à la recevabilité de la plainte de la C.I.S.L, fondée sur l'incapacité de cette organisation, et quant à la compétence du Comité de la liberté syndicale, en raison de l'existence d'une « chose jugée»;
    • b) de décider, compte tenu de cette décision, d'inviter le gouvernement espagnol à bien vouloir présenter des observations sur le fond des plaintes qui lui ont été transmises.
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