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Report in which the committee requests to be kept informed of development - REPORT_NO306, March 1997

CASE_NUMBER 1903 (Pakistan) - COMPLAINT_DATE: 23-SEP-96 - Closed

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477. La Confédération internationale des syndicats libres (CISL) a présenté dans une communication du 23 septembre 1996 une plainte contre le gouvernement du Pakistan pour violation des droits syndicaux. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications des 4 et 13 novembre 1996.

  1. 477. La Confédération internationale des syndicats libres (CISL) a présenté dans une communication du 23 septembre 1996 une plainte contre le gouvernement du Pakistan pour violation des droits syndicaux. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications des 4 et 13 novembre 1996.
  2. 478. Le Pakistan a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations du plaignant

A. Allégations du plaignant
  1. 479. Dans sa communication du 23 septembre 1996, la Confédération internationale des syndicat libres (CISL) allègue que, le 6 juin 1996, un groupe de policiers a attaqué des membres du Syndicat des travailleurs de l'usine Pak China Fertilizer Limited, qui manifestaient de façon pacifique contre la décision unilatérale de l'employeur de rejeter les accords conclus entre les parties à propos de la réduction des effectifs. L'usine appartient au groupe Schon de Karachi, qui l'a achetée en 1992 après sa privatisation. L'organisation plaignante ajoute que, selon ses informations, nombre de travailleurs ont été violemment battus par la police qui, aidée de quelque 80 "gorilles" recrutés par l'employeur, a occupé l'usine et la cité ouvrière adjacente, menaçant les travailleurs ainsi que leurs familles.
  2. 480. L'organisation plaignante ajoute que 45 dirigeants syndicaux ont été arrêtés et conduits en des lieux inconnus (sans doute les cellules des locaux de la police des agglomérations voisines). Menottés et enchaînés, le secrétaire général du syndicat, M. Haji Hakar Khan, et son président, M. Lala Manzur, ont été conduits à la ville de Dera Ismail Khan, à 500 kilomètres au sud de Haripur. Il semble que ces arrestations aient été opérées en vertu de l'article 3 de la loi sur le maintien de l'ordre, qui permet de garder les personnes en détention sans jugement pendant trois mois. Cette détention peut être prolongée indéfiniment par périodes de trois mois.
  3. 481. Le gouvernement aurait déclaré qu'il s'agissait de manifestations politiques et aurait prétendu, contrairement à la vérité, que l'arrestation des syndicalistes avait été opérée sur ordre de la Cour suprême. Le 9 juin 1996, une délégation de travailleurs a rencontré le ministre fédéral du Travail, de l'Emploi et des Pakistanais de l'étranger, lui demandant d'intervenir pour faire remettre en liberté sous caution les personnes détenues. Le Premier ministre a été instamment prié de libérer immédiatement tous les dirigeants syndicaux.
  4. 482. L'organisation plaignante affirme aussi avoir été informée que les autorités avaient suspendu l'enregistrement du Syndicat des travailleurs de l'usine Pak China Fertilizer Ltd à la demande de l'employeur. Cette suspension est intervenue très rapidement, sans que le syndicat inscrit au registre depuis dix ans n'ait eu la possibilité de se défendre. Le motif invoqué par l'employeur était le fait que l'entreprise fournit de l'ammoniac à l'industrie de la défense et que, en vertu des dispositions restrictives de la législation du travail du Pakistan, l'industrie militaire est l'un des nombreux secteurs où les syndicats sont interdits.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 483. Dans ses communications des 4 et 13 novembre 1996, le gouvernement transmet les informations fournies par le gouvernement de la Province de la Frontière du Nord-Ouest (NWFP). Il indique que l'usine Pak China Fertilizer (Haripur) a traversé une crise financière aiguë due, entre autres, à un excédent de personnel. Pour y remédier, la direction de l'usine, après avoir consulté les dirigeants du syndicat, a décidé de réduire les effectifs. Les parties ont signé le 11 décembre 1995 un accord à ce sujet. Cependant, au lieu de s'en tenir à cet accord, le syndicat s'est emparé de l'usine illégalement.
  2. 484. Le cas a donc été soumis à la Commission nationale des relations professionnelles qui, après avoir entendu les parties et jugé la réduction des effectifs illégale, a enjoint au préfet de police adjoint de la Province de la Frontière du Nord-Ouest d'assurer le fonctionnement normal de l'usine et de convoquer les parties à une réunion afin d'éviter que ne se reproduisent de tels faits. Cependant, les réunions successives avec les dirigeants syndicaux n'ont pu mettre un terme à l'occupation illégale de l'usine, et c'est pourquoi l'administration du district a dû prendre des mesures pour faire appliquer la décision de la Commission nationale des relations professionnelles. Après que la direction et le syndicat furent parvenus à un accord, 316 des 417 travailleurs ont repris le travail. Dirigeants syndicaux et travailleurs sont maintenant tous en liberté, et les relations professionnelles ont retrouvé leur cours normal.
  3. 485. En ce qui concerne l'allégation relative à l'annulation de l'enregistrement du syndicat, le gouvernement déclare que c'est le directeur de l'usine qui en a fait la demande à la Commission nationale des relations professionnelles, au motif que l'usine livre du gaz ammoniac aux forces armées et que, en vertu de l'ordonnance de 1969 sur les relations professionnelles, les travailleurs des entreprises fournissant des services liés à la défense ne peuvent s'affilier à un syndicat. A la demande du directeur, la commission a suspendu les activités du syndicat dans l'usine et a ordonné qu'il soit rayé du registre.
  4. 486. Le gouvernement insiste sur sa volonté de respecter les obligations qui lui incombent en vertu des conventions de l'OIT et affirme qu'il continuera de protéger et de défendre les droits légitimes des travailleurs du Pakistan.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 487. Le comité observe que dans la présente plainte l'organisation plaignante allègue: 1) que la police et les "gorilles" recrutés par l'usine Pak China Fertilizer Ltd ont violemment battu les travailleurs de l'usine qui manifestaient de façon pacifique, ont menacé les travailleurs et leurs familles dans la cité ouvrière adjacente et ont arrêté 45 syndicalistes, dont le président et le secrétaire général du syndicat de l'usine; 2) que l'enregistrement du syndicat a été suspendu sous prétexte que l'usine relève de l'industrie militaire.
  2. 488. Le comité prend note de la déclaration du gouvernement indiquant que les parties sont parvenues à un accord sur le motif principal du conflit collectif (le plan de réduction des effectifs) et que tous les travailleurs et syndicalistes sont en liberté. Le comité comprend que ces travailleurs et syndicalistes n'ont pas été mis en accusation et prie le gouvernement de le confirmer. Le comité constate cependant que le plaignant et le gouvernement divergent sur l'appréciation des circonstances dans lesquelles la police est intervenue: selon le plaignant, il s'agissait d'une manifestation pacifique; selon le gouvernement, qui n'a jamais nié le caractère pacifique de l'action syndicale, il s'agissait d'une occupation illégale de l'usine. Le gouvernement signale en particulier que la Commission nationale des relations professionnelles a considéré que la réduction du personnel par l'entreprise était illégale, mais qu'elle a demandé aux autorités d'assurer le fonctionnement normal de l'usine - illégalement occupée - et de convoquer les parties, lesquelles ont conclu par la suite un accord qui a mis fin au conflit.
  3. 489. Compte tenu du fait que la réduction du personnel de l'usine a été déclarée illégale et que les nombreuses restrictions apportées par la législation pakistanaise à l'exercice des droits syndicaux et du droit de grève expliquent que les organisations syndicales décident parfois d'organiser des manifestations ou d'occuper les lieux de travail pour soutenir leurs revendications, le comité regrette profondément que, dans le cadre d'une action syndicale, de nombreux syndicalistes (dont le président et le secrétaire général du Syndicat des travailleurs de l'usine Pak China Fertilizer) aient été battus et arrêtés et que leurs familles aient fait l'objet de menaces. Le comité signale à l'attention du gouvernement que "la détention de militants et de dirigeants syndicaux pour des raisons liées à leurs activités de défense des intérêts des travailleurs est contraire aux principes de la liberté syndicale" (voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 73), et qu'"un climat de violence à l'encontre des dirigeants syndicaux et de leurs familles ne favorise pas le libre exercice des droits syndicaux garanti par les conventions nos 87 et 98 (que) tous les Etats ont le devoir de garantir". (Voir Recueil, op. cit., paragr. 61.)
  4. 490. En ce qui concerne l'annulation de l'enregistrement du Syndicat des travailleurs de l'usine Pak China Fertilizer Ltd, le comité observe que, selon le gouvernement, c'est le directeur de l'usine qui en a fait la demande à la Commission nationale des relations professionnelles, au motif que l'usine livre du gaz ammoniac aux forces armées et que, en vertu de l'ordonnance de 1969 sur les relations professionnelles, les travailleurs des entreprises fournissant des services liés à la défense ne peuvent s'affilier à un syndicat. C'est pourquoi, à la demande du directeur, la commission a suspendu les activités du syndicat dans l'usine et ordonné qu'il soit radié du registre.
  5. 491. Observant que le motif invoqué pour suspendre les activités du syndicat et annuler son enregistrement est le fait que l'usine fournit des services liés à la défense (livraison de gaz ammoniac aux forces armées) et que, en vertu de l'ordonnance de 1969 sur les relations professionnelles, les travailleurs concernés ne peuvent s'affilier à un syndicat (bien qu'ils exercent en fait leurs droits syndicaux depuis des années dans le cadre de leur syndicat), le comité rappelle les conclusions qu'il a déjà formulées dans un cas précédent relatif à la portée du droit d'organisation au Pakistan (voir 295e rapport, cas no 1771, paragr. 499):
    • ... le comité rappelle que l'article 2 de la convention no 87 dispose que les travailleurs et les employeurs, sans distinction d'aucune sorte, ont le droit de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s'affilier à ces organisations. Certes, l'article 9 de la convention autorise des dérogations en ce qui concerne les forces armées et la police, mais le comité rappelle que les membres des forces armées qui peuvent être exclus doivent être définis de manière restrictive. En outre, la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a fait observer que, l'article 9 de la convention ne prévoyant que des exceptions au principe général, les travailleurs devraient en cas de doute être considérés comme des civils (Etude d'ensemble sur la liberté syndicale et la négociation collective, 1994, paragr. 55) ..., le comité attire l'attention du gouvernement sur la nécessité de garantir dans sa législation ... le droit de tous les travailleurs qui ne sont pas membres des forces armées de jouir de la liberté syndicale et d'exercer des activités syndicales.
  6. 492. Le comité conclut que la suspension des activités du Syndicat des travailleurs de l'usine Pak China Fertilizer Ltd et l'annulation de son enregistrement constituent une violation manifeste de la liberté syndicale, d'autant qu'elle intervient peu après la signature par l'usine et le syndicat d'un accord mettant fin à un conflit collectif, et qu'il semble donc bien s'agir là de représailles contre le syndicat.
  7. 493. Dans ces conditions, le comité prie instamment le gouvernement de prendre immédiatement les mesures nécessaires pour annuler la suspension des activités du Syndicat des travailleurs de l'usine Pak China Fertilizer Ltd, d'inscrire à nouveau au registre des syndicats et garantir le déroulement normal de ses activités.
  8. 494. Enfin, le comité demande au gouvernement de le tenir informé des mesures qu'il aura prises pour donner suite à ses recommandations.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 495. Vu les conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité regrette profondément que de nombreux syndicalistes (dont le président et le secrétaire général du Syndicat des travailleurs de l'usine Pak China Fertilizer Ltd) aient été battus et détenus plusieurs jours pour avoir exercé des activités syndicales. Le comité prie le gouvernement de confirmer que les travailleurs et syndicalistes, qui avaient été détenus et par la suite libérés, n'ont pas été mis en accusation. Le comité signale à l'attention du gouvernement que la détention de militants et de dirigeants syndicaux pour des raisons liées à leurs activités de défense des intérêts des travailleurs est contraire aux principes de la liberté syndicale et qu'un climat de violence à l'encontre des dirigeants syndicaux et de leurs familles ne favorise pas le libre exercice des droits syndicaux garantis par les conventions nos 87 et 98 que tous les Etats ont le devoir de garantir.
    • b) Considérant que la suspension des activités du Syndicat des travailleurs de l'usine Pak China Fertilizer Ltd et la suspension de son enregistrement constituent une violation manifeste de la liberté syndicale, le comité prie instamment le gouvernement de prendre immédiatement les mesures nécessaires pour annuler cette suspension, inscrire de nouveau cette organisation au registre des syndicats et garantir le déroulement normal de ses activités.
    • c) Le comité demande au gouvernement de le tenir informé des mesures qu'il aura prises pour donner suite à ses recommandations.
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