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Definitive Report - REPORT_NO407, June 2024

CASE_NUMBER 3443 (Portugal) - COMPLAINT_DATE: 23-MRZ-23 - Closed

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Allégations: Les organisations plaignantes allèguent que le collège arbitral du secteur de l’éducation a établi de manière illégale des services minima à l’occasion de deux grèves d’une journée qu’elles ont déclenchées, en mars 2023, dans plusieurs districts du pays

  1. 405. La plainte figure dans une communication de plusieurs fédérations et associations syndicales d’enseignants et d’éducateurs: l’Association syndicale des enseignants diplômés (ASPL), la Fédération nationale des enseignants (FENPROF), la Fédération nationale de l’éducation (FNE), l’Association syndicale des enseignants (PRÓ-ORDEM), le Syndicat des éducateurs et enseignants diplômés des écoles supérieures et des universités (SEPLEU), le Syndicat national des professionnels de l’éducation (SINAPE), le Syndicat national et démocratique des enseignants (SINDEP), le Syndicat indépendant des enseignants et éducateurs (SIPE) et le Syndicat national des enseignants diplômés de l’enseignement polytechnique et universitaire (SPLIU) datée du 23 mars 2023, ainsi que dans une communication additionnelle du SPLIU, datée du 14 avril 2023.
  2. 406. Le gouvernement a fourni ses observations dans des communications en date du 12 septembre 2023 et du 8 janvier 2024.
  3. 407. Le Portugal a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (nº 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 408. Dans leur communication en date du 23 mars 2023, les organisations plaignantes allèguent que le collège arbitral du secteur de l’éducation a établi de manière illégale des services minima lors de deux grèves d’une journée qu’elles ont déclenchées, pour les enseignants et les éducateurs, dans les districts d’Aveiro, Braga, Bragança, Coimbra, Braga, Porto, Viana do Castelo, Vila Real et Viseu, le 2 mars 2023, et dans les districts de Beja, Castelo Branco, Évora, Faro Leiria, Lisboa, Portalegre, Santarém et Setúbal, le 3 mars 2023.
  2. 409. Les organisations plaignantes indiquent que les services minima ont été fixés comme suit: i) dans le cadre de l’enseignement préscolaire et 1er cycle de l’enseignement fondamental: assurer 3 heures d’éducation (préscolaire) ou d’enseignement (1er cycle) par jour, se terminant à l’ouverture de la cantine; ii) dans le cadre des 2e et 3e cycles de l’enseignement de base et de l’enseignement secondaire: mise à disposition de 3 temps d’enseignement (leçons) par jour, par classe, garantissant la couverture hebdomadaire des différentes matières/disciplines/composantes de formation du curriculum; iii) quel que soit le cycle d’enseignement, assurer un soutien scolaire et thérapeutique, garantir le soutien aux élèves en situation de vulnérabilité et en danger de déscolarisation et assurer la continuité des mesures en cours visant à soutenir le bien-être social et émotionnel des élèves; et iv) pour assurer les services minima décrits, école par école, en fonction de la taille et du nombre d’élèves qui la fréquentent, il est prévu: un enseignant pour chaque groupe/classe de l’enseignement préscolaire et du 1er cycle; un enseignant pour chaque classe/matière dans les autres cycles, et un enseignant ou technicien pour apporter un soutien, selon la spécialité, aux élèves qui ont besoin des mesures identifiées ci-dessus.
  3. 410. Les organisations plaignantes font observer que la prestation des services minima déterminés par l’instance d’arbitrage correspondrait selon elles à un pourcentage égal ou supérieur à 60 pour cent de la composante d’enseignement journalier d’un éducateur et d’un enseignant.
  4. 411. Les organisations plaignantes allèguent que le ministère de l’Éducation, en tant que demandeur de l’établissement d’un service minimum, avait l’obligation de démontrer que les deux journées grèves en question étaient susceptibles de causer des dommages irréparables justifiant l’établissement d’un service minimum; or ce dernier aurait mis en avant la succession des grèves déclenchées dans le secteur depuis décembre 2022 du fait d’une autre organisation syndicale, le Syndicat des professionnels de l’éducation (STOP), alors que les organisations plaignantes n’ont depuis cette date déclaré qu’une seule journée de grève.
  5. 412. Les organisations plaignantes allèguent que l’établissement d’un service minimum n’est légalement justifié que lorsqu’il existe un risque irréparable, en l’occurrence dans le secteur de l’éducation; en l’absence d’une telle démonstration, et à l’exception de la tenue d’évaluations finales, d’examens ou d’épreuves à caractère national qui doivent être organisés à la même date dans l’ensemble du pays (en vertu de l’article 397 de la loi générale sur l’emploi public (LTFP)), il n’y aurait aucune raison de le mettre en place.
  6. 413. Pour les organisations plaignantes, étant donné que la grève en question a été décrétée pour une durée d’un seul jour (réparti sur 2 régions du pays), rien ne permet de justifier l’existence d’un besoin social impératif dont la satisfaction l’emporterait sur l’exercice légitime du droit de grève, de telle sorte que tout service minimum mis en place dans le cadre de cette grève violerait les principes de proportionnalité, d’adéquation et de nécessité. À cet égard, les organisations plaignantes allèguent que le service minimum prévu pour les grèves illimitées du STOP a eu des effets néfastes sur la sphère juridique des membres des autres syndicats, puisqu’il a fini par s’étendre aux préavis de grève émis par les syndicats plaignants, par le biais de l’analyse du collège arbitral. Les organisations plaignantes allèguent qu’il n’appartient pas à ce dernier de se prononcer sur l’effet conjugué de préavis de grève émanant d’autres structures syndicales, car cela porte atteinte au libre exercice de l’activité syndicale et au droit constitutionnel de faire grève, ainsi qu’à l’autonomie des organisations (cf. communication du 23 avril 2023), constituant par-là même un dangereux précédent susceptible de mettre en péril les droits fondamentaux acquis par les travailleurs.
  7. 414. Elles allèguent enfin que de telles décisions auraient aussi pour conséquence de jeter la confusion dans les établissements sur la compréhension de la notion-même de service minimum, voire son utilisation abusive.
  8. 415. Les organisations syndicales précisent avoir contesté la décision arbitrale devant les tribunaux.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 416. Dans sa communication en date du 12 septembre 2023, le gouvernement déclare que les syndicats susmentionnés ont adressé aux autorités compétentes des préavis de grève pour les enseignants et les éducateurs pour la période comprise entre 00 h 00 et 24 h 00 dans les districts d’Aveiro, Braga, Bragança, Coimbra, Guarda, Porto, Viana do Castelo, Vila Real et Viseu, le 2 mars 2023, et pour la période comprise entre 00 h 00 et 24 h 00 dans les districts de Beja, Castelo Branco, Évora, Faro, Leiria, Lisboa, Portalegre, Santarém et Setúbal, le 3 mars 2023.
  2. 417. Le gouvernement précise que le ministère de l’Éducation avait demandé l’ouverture d’un processus en vue de négocier un accord sur la définition des services minima et les moyens de les assurer, dans les termes et aux fins de la loi, sans chercher à porter atteinte au droit constitutionnel de grève, mais plutôt en vue de sauvegarder un autre droit constitutionnel d’égale importance, à savoir le droit à l’éducation. Le gouvernement fait observer que: i) en l’absence d’une disposition dans un instrument de réglementation collective du travail ou d’un accord entre les parties sur la définition des services minima, l’employeur public peut demander une réunion avec la Direction générale de l’emploi public (DGAEP) en vue de négocier un accord entre les parties sur les services minima et les moyens nécessaires pour les assurer, conformément aux dispositions de la loi générale sur l’emploi public (LTFP) (article 398, paragr. 2). À défaut d’accord à la fin du 3e jour suivant le préavis de grève, la définition des services relève d’un collège arbitral (article 398, paragr. 3, de la LTFP); ii) une réunion a été convoquée pour le 17 février 2023 à la DGAEP en vue de négocier un accord de service minimum pour les grèves en question, mais elle n’a pas abouti; iii) par conséquent, le même jour, conformément à l’article 8, paragr. 4, du décret-loi no 259/2009 du 25 septembre, applicable en vertu de l’article 405 de la LTFP, un collège arbitral a été constitué. Les arbitres sont tirés au sort à partir de chacune des listes d’arbitres pour les travailleurs, les employeurs publics et les présidents, ce qui en garantit l’impartialité; iv) le 19 février 2023, après la constitution du collège arbitral et avant la décision (qui a été rendue le 27 février 2023), le ministère de l’Éducation a demandé le classement de l’affaire, en vertu de l’article 95 du Code de procédure administrative, au motif que la demande de services minima et les moyens nécessaires pour les assurer étaient devenus superflus; et v) le collègue arbitral a néanmoins décidé de se prononcer sur la nécessité de définir les services minima.
  3. 418. Sur les motivations du collège arbitral de définir des services minima, le gouvernement indique que cette instance a: i) considéré que la grève concernait un secteur dont l’importance sociale est indéniable, qui sous-tend la poursuite de droits d’égale importance à ceux qui fondent le droit de grève, ce qui, en principe, justifierait l’instauration d’un service minimum pour les sauvegarder; ii) décidé à la majorité, après avoir analysé et pesé la nature, la portée personnelle et temporelle de la grève et les circonstances dans lesquelles elle se déroulerait; et iii) pris en compte, entre autres éléments, l’effet combiné d’autres grèves qui ont eu lieu dans le secteur, promues par diverses organisations syndicales, et a conclu que la grève en question s’inscrivait dans une période plus large de grèves qui ont eu lieu pratiquement sans interruption depuis le 9 décembre 2022. Par conséquent, la grève en question ne pouvait pas être considérée comme une simple grève d’un jour, ne causant que les désagréments habituels et légitimes propres à toute grève, mais plutôt comme une grève de plus s’inscrivant dans une somme de grèves qui, prises dans leur ensemble, risqueraient de mettre en péril le droit à l’éducation et le droit d’apprendre des enfants et des jeunes.
  4. 419. Le gouvernement précise que la décision arbitrale est un acte judiciaire qui équivaut à un jugement de première instance, à toutes fins légales et qui peut faire l’objet d’un recours devant la cour d’appel. Il appartient au ministère de l’Éducation de définir, d’organiser et d’activer les services minima préalablement décrétés, par décision de l’instance d’arbitrage.
  5. 420. Dans sa communication en date du 8 janvier 2024, le gouvernement souligne que les syndicats ont fait appel de la décision du collège arbitral auprès de la Cour d’appel de Lisbonne, qui leur a donné raison (décision du 17 mai 2023). Saisie d’un recours par le ministère de l’Éducation, la Cour suprême de justice a jugé que l’arrêt rendu par la cour d’appel sur la décision de l’instance arbitrale n’était pas susceptible d’appel (décision du 3 novembre 2023). La décision sur le fond rendue par la Cour d’appel de Lisbonne qui a révoqué la décision arbitrale est donc définitive.
  6. 421. Enfin, en ce qui concerne les allégations d’exercice abusif du service minimum dans les établissements d’enseignement, le gouvernement considère qu’il s’agit de propos qui ne sont pas étayés par des documents joints à l’appui de la plainte ou d’autres moyens de preuve.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 422. Le comité observe que le présent cas porte sur la critique des organisations plaignantes de la décision du collège arbitral en date du 27 février 2023 d’instituer un service minimum dans le secteur de l’enseignement, à l’occasion de deux grèves d’une journée dans plusieurs districts du pays, les 2 et 3 mars 2023. Les organisations dénoncent en particulier le fait que le collège en question a fondé sa décision d’instaurer un service minimum en prenant en compte d’autres actions revendicatives qui seraient sans lien avec la leur, ce qui porterait atteinte au libre exercice de l’activité syndicale et au droit constitutionnel de faire grève, ainsi qu’à l’autonomie des organisations. Le comité note à ce propos qu’elles considèrent que: i) le service minimum prévu pour les grèves illimitées du Syndicat des professionnels de l’éducation (STOP) a eu des effets néfastes sur la sphère juridique des membres des autres syndicats, puisqu’il a fini par s’étendre aux préavis de grève émis par les syndicats plaignants, par le biais de l’analyse du collège arbitral; ii) l’établissement d’un service minimum n’est légalement justifié que lorsqu’il existe un risque irréparable pour le secteur concerné. En l’absence d’une telle démonstration, et étant donné que la grève en question a été décrétée pour une durée d’un seul jour (réparti sur 2 régions du pays), rien ne permettrait de justifier l’existence d’un besoin social indispensable dont la satisfaction l’emporterait sur l’exercice légitime du droit de grève; et iii) à l’exception de la tenue d’évaluations finales, d’examens ou d’épreuves à caractère national qui doivent être organisés à la même date dans l’ensemble du pays (en vertu de l’article 397 de la LTFP), il n’y aurait aucune raison de mettre en place un service minimum. Selon les organisations plaignantes, tout service minimum mis en place dans le cadre de cette grève violerait ainsi les principes de proportionnalité, d’adéquation et de nécessité.
  2. 423. Le comité note que le gouvernement indique pour sa part que: i) le ministère de l’Éducation avait demandé l’ouverture d’un processus en vue de négocier un accord sur la définition des services minima et les moyens de les assurer, dans les termes et aux fins de la loi, sans chercher à porter atteinte au droit constitutionnel de grève, mais plutôt en vue de sauvegarder un autre droit constitutionnel d’égale importance, à savoir le droit à l’éducation; et ii) la décision de l’instance arbitrale est intervenue après l’échec des négociations au sein de la Direction générale de l’emploi public (DGAEP).
  3. 424. Le Comité observe que la Cour d’appel de Lisbonne a annulé la décision de l’instance arbitrale (arrêt du 17 mai 2023), au motif qu’il n’y avait pas de base factuelle pour soutenir une atteinte au droit à l’enseignement et à l’éducation et que le droit de grève, qui est un droit constitutionnel, ne peut être restreint que lorsque cela est nécessaire, dans la stricte mesure de ce qui est approprié et proportionné à la défense et au maintien d’un autre droit fondamental qui, dans ce cas, entre en conflit. Le comité note à cet égard que la Cour suprême de justice a par la suite jugé irrecevable le recours formé par le ministère de l’Éducation contre la décision de la juridiction d’appel (arrêt du 3 novembre 2023).
  4. 425. Au vu de ce qui précède, le comité considère que le présent cas n’appelle pas un examen plus approfondi et qu’il est clos.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 426. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité demanderecommande auinvite le Conseil d’administration de décider que le présent cas n’appelle pas un examen plus approfondi.
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