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Observation (CEACR) - adopted 1991, published 78th ILC session (1991)

Forced Labour Convention, 1930 (No. 29) - Pakistan (Ratification: 1957)

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La commission note qu'aucun rapport n'a été reçu du gouvernement. Elle a toutefois pris note des discussions qui ont eu lieu à la Commission de la Conférence en 1990 sur l'application de la convention par le Pakistan.

Servitude pour dettes. 1. Dans ses commentaires précédents, la commission s'était référée aux allégations selon lesquelles des entrepreneurs connus sous le nom de Kharkars avaient recours, pour la construction de digues et de canaux d'irrigation, à des travailleurs asservis et avait noté dans le rapport présenté au gouvernement du Pakistan par une mission d'évaluation sectorielle du BIT (juillet-août 1986) une référence à l'emploi d'enfants illégalement asservis dans des camps Kharkar obligés de creuser de nuit des tunnels d'irrigation dans des régions rurales éloignées. Rappelant la déclaration du gouvernement à la Commission de la Conférence en 1987, selon laquelle le programme en cinq points présenté par le Premier ministre s'engageait à l'élimination totale de tout type d'exploitation de la main-d'oeuvre, tel le travail forcé, la commission avait prié le gouvernement de fournir des informations détaillées sur les mesures concrètes prises ou envisagées à cet égard.

La commission a noté que, dans sa déclaration à la Commission de la Conférence en 1989, le représentant du gouvernement a nié l'existence de tout camp Kharkar ainsi que l'existence de toute main-d'oeuvre asservie dans le pays. De même, dans son rapport sur l'application de la convention reçu en mars 1990, le gouvernement déclarait qu'il n'avait connaissance d'aucun camp Kharkar et qu'aucun travail des enfants n'est permis; en vue de dissiper les appréhensions à cet égard, le gouvernement indiquait qu'il se proposait d'introduire une loi devant le Parlement en vertu de laquelle toute forme d'exploitation des travailleurs, y compris la servitude pour dettes, constituera une infraction punissable conformément à la loi, et que le projet de loi sur l'abolition de la servitude pour dettes était en préparation.

La commission note les informations communiquées par le gouvernement à la Commission de la Conférence en 1990, selon lesquelles il a décidé d'abolir la servitude pour dettes au moyen d'une loi qui garantira une totale liberté aux travailleurs asservis. Le projet de loi a été approuvé par le Cabinet et devrait bientôt être promulgué. En vertu de cette loi, les travailleurs asservis seraient libérés de tout travail obligatoire; la loi disposerait que seraient nuls et non avenus tous les contrats, coutumes, traditions, pratiques ou ententes créant des obligations pour les travailleurs asservis ou leurs familles, qu'ils aient été conclus ou en vigueur avant ou après l'entrée en vigueur de la loi. Par ailleurs, toute obligation faite aux travailleurs asservis de rembourser une dette ou une partie de celle-ci serait réputée éteinte et non exécutoire. Les infractions à la loi seraient punies par des amendes substantielles et des sanctions pénales. Les travailleurs asservis travaillant après l'entrée en vigueur de la loi seraient payés au taux prescrit et des comités locaux de surveillance contrôleraient l'application de la loi.

La commission note ces indications avec intérêt. Elle espère que le gouvernement communiquera des informations sur les mesures prises à cet égard.

2. La commission rappelle qu'elle avait précédemment pris note des discussions au sein du Groupe de travail des Nations Unies sur les formes contemporaines d'esclavage de la Sous-commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités, au cours de sa quatorzième session qui s'est déroulée en août 1989.

La commission avait noté que le rapport du Groupe de travail (document E/CN.4/Sub.2/1989/39 du 28 août 1989) se référait aux informations fournies par Anti-Esclavage International concernant le travail des enfants lié à la servitude pour dettes dans les pays de l'Asie du Sud; ces informations sont présentées dans le rapport du Séminaire de l'Asie du Sud sur la servitude des enfants qui s'est tenu en juin-juillet 1989 et auquel ont participé des représentants d'organisations non gouvernementales de cinq pays. Pour ce qui est du Pakistan, le rapport indique qu'une exploitation à grande échelle de travailleurs asservis se pratique dans la briqueterie, le tissage des tapis, le nettoyage et l'emballage du poisson, la fabrication de chaussures, la fabrication de bidis, la réparation de voitures, l'agriculture, les mines, les carrières et le concassage des pierres.

Dans un autre rapport sur la pratique de la servitude pour dettes au Pakistan soumis au groupe de travail, un représentant de Anti-Esclavage International a mentionné des travailleurs des briqueteries qui ont été identifiés comme étant des travailleurs asservis dans une décision rendue par la Cour suprême du Pakistan le 18 septembre 1988. Ce représentant, président de la Bhatta Mazdoor Mahaz (le Front des travailleurs de la briqueterie) et du Front de libération de la main-d'oeuvre asservie du Pakistan créé après l'adoption de la décision de la Cour suprême, a estimé qu'environ 20 millions de personnes, parmi lesquelles 7,5 millions d'enfants, tombent dans la catégorie des travailleurs asservis, dont 2 millions de familles travaillant dans les briqueteries comme de vrais esclaves; la majorité de ces personnes n'existent pas dans les registres du gouvernement, ni dans le recensement - elles n'ont donc pas le droit de vote -, ni dans les registres nationaux - elles ne possèdent donc pas de cartes d'identité. Il a indiqué qu'un enfant né dans une famille de Bhatta Mazdoor (travailleurs des briqueteries) est contraint de commencer à travailler avant d'apprendre à jouer. Son maigre travail peut aider sa famille à rembourser le Peshgi (montant de l'avance ayant entraîné la servitude) que son père et ses aïeux sont censés avoir reçu du propriétaire de la Bhatta pour assurer leur survie. Même les femmes enceintes ou relevant de couches sont contraintes de travailler pour s'acquitter du Peshgi. Mais le système est si ingénieux qu'en dépit de toute sa bonne volonté le travailleur est incapable de s'acquitter du Peshgi dont le montant ne fait que s'accroître. Pour récupérer le Peshgi, le propriétaire de la Bhatta impose le travail forcé à toute la famille, leur versant seulement une somme insignifiante en tant qu'indemnité de subsistance, qui maintient en vie le travailleur et sa famille à un niveau moins qu'humain. Si un travailleur réclame tout son salaire ou désire quitter son travail, le propriétaire le bat cruellement et le torture, pratiques qui peuvent s'étendre à sa femme et à ses enfants. Il n'est pas rare que des femmes soient enlevées ou que le travailleur soit enfermé ou qu'on l'implique dans de fausses affaires criminelles.

Après la décision de la Cour suprême du 18 septembre 1988 ayant identifié les Bhatta Mazdoors comme travailleurs asservis, des milliers de familles ont quitté la Bhatta pour des régions de leur choix à la recherche d'un meilleur emploi. La liberté offerte aux travailleurs des briqueteries par la décision de la Cour suprême a donné une lueur d'espoir à d'autres travailleurs asservis occupés dans la fabrication de tapis, les pêcheries, le concassage de pierres, la fabrication de chaussures, le tissage mécanique, le ramassage du papier et l'agriculture, etc.; ils ont rejoint les rangs du Front des travailleurs des briqueteries et ont constitué le Front de libération de la main-d'oeuvre asservie du Pakistan (BLLFP). Le BLLFP a installé des antennes à travers le pays et fait des efforts soutenus, malgré ses faibles ressources, pour résoudre les problèmes de la servitude pour dettes et pour réhabiliter les travailleurs. Trois mille travailleurs occupés dans l'agriculture, 1.000 dans le concassage des pierres, 500 dans la fabrication de tapis et 500 tisserands sur métiers mécaniques, pêcheurs et ramasseurs de papier ont été libérés.

Le BLLFP avait déjà demandé au gouvernement d'adopter une législation abolissant le système de la servitude pour dettes et de prendre des mesures immédiates pour la réhabilitation des travailleurs asservis.

La commission a noté également qu'au cours des discussions du Groupe de travail des Nations Unies sur les formes contemporaines d'esclavage l'observateur du Pakistan, se référant à l'existence de la servitude pour dettes dans son pays, a déclaré que le gouvernement était pleinement conscient de ces maux sociaux et est déterminé à les éliminer. Il a souligné le ferme engagement du gouvernement d'éliminer la servitude pour dettes sous toutes ses formes et a déclaré que le travail forcé ou Kharkari ne serait pas autorisé. Il a relevé que le Pakistan est tenu de se conformer aux normes internationales du travail et a souligné qu'en vertu de l'article 11 de la Constitution l'esclavage et toutes les formes de travail forcé et de traite des êtres humains sont interdits, de même que le travail des enfants âgés de moins de 14 ans dans les fabriques, les mines ou autres travaux dangereux; le recours illégal au travail des enfants est réprimé par des peines sévères, aux termes de la loi de 1933 relative à l'interdiction du louage des services des enfants et de la loi no 26 de 1988 sur l'emploi des enfants. En cas de violation de la Constitution et de la législation du pays, les victimes ont accès aux tribunaux, comme l'atteste le jugement de la Cour suprême du Pakistan du 18 septembre 1988 sur les travailleurs asservis dans les briqueteries.

La commission avait pris note également de trois décisions rendues par la Cour suprême du Pakistan dans le cas no 1 de 1988 (concernant l'application des droits constitutionnels fondamentaux: travailleurs asservis dans les briqueteries): la décision datée du 18 septembre 1988 qui n'était pas définitive, la décision du 23 novembre 1988 et la décision définitive du 22 mars 1989. Celles-ci disposent notamment ce qui suit:

i) Peshgi. Le système peshgi (avance entraînant la servitude pour dettes) doit être interrompu sans délai, à l'exception des avances accordées par le propriétaire aux travailleurs contre reçu en bonne et due forme jusqu'à concurrence du salaire estimé d'une semaine. Les peshgis antérieurs non remboursés accordés aux travailleurs par les propriétaires des briqueteries ne seront pas pour le moment considérés comme nuls et irrécouvrables. Les travailleurs sont tenus légalement de rembourser la totalité de ces peshgis, et les propriétaires sont autorisés à les recouvrer par des moyens légaux et non par des méthodes coercitives ou le recours à la police. Un maximum de 5.000 Rs par ménage accordés dans le passé aux travailleurs par les propriétaires sous forme de prêts en bonne forme ou de subventions pour mariages, fêtes religieuses, traitement médical ou cérémonies funèbres ne seront pas recouvrables et devront être considérés comme des donations; ces concessions seront accordées seulement aux travailleurs qui retourneront et reprendront volontairement leur travail. En vertu de la décision du 18 septembre 1988, la question de savoir si le recouvrement des peshgis antérieurs devrait être annulé entièrement et si une législation devrait être adoptée, semblable à celle adoptée en Inde, a été reportée de six mois pour le moment. Cet aspect doit être reconsidéré à la lumière du fonctionnement des mesures susmentionnées.

ii) Retour au travail. Un avis/instruction doit être donné à tous les travailleurs de retourner au travail et de se présenter aux propriétaires de leur Bhatta respective qui leur donneront l'assurance par écrit qu'ils n'utiliseront aucune méthode coercitive ou n'auront pas recours aux forces de police pour les ramener ou les retenir. Cependant, dans le cas où un travailleur ne veut pas retourner, ou, étant retourné, veut quitter son travail dans la Bhatta d'un propriétaire, ou trouver un travail ailleurs dans la Bhatta d'un autre propriétaire, il ne sera pas retenu par la force, à condition que, sur demande faite au juge du district concerné ou au juge civil, il ait obtenu un certificat à cet effet.

iii) Paiement des salaires et exclusion des intermédiaires. Les salaires devront être payés aux travailleurs sur une base journalière, hebdomadaire, par quinzaine, mensuelle comme convenu; aucune déduction ne sera faite pour dommages ou pertes aux briques causés par la pluie; le système existant Jamadar-Jamadarni doit cesser immédiatement, aucun paiement ne leur sera fait au nom des travailleurs ou ne sera recouvrable ou ajustable. Selon la décision du 18 septembre 1988, le paiement des salaires doit s'effectuer en espèces et un reçu en double exemplaire doit être établi - un à l'intention de chaque partie.

iv) Usage de la force contre les membres de la famille du travailleur. Les propriétaires ne devront pas directement ou indirectement demander à un travailleur ou faire pression sur lui en vue d'employer les femmes ou les enfants. Cependant, si les travailleurs le font à leurs propres risques, aucune plainte ne sera présentée contre les propriétaires de la Bhatta à ce sujet. Le chef de ménage qui emploie l'une des femmes contre sa volonté ou les enfants pourra, dans des cas appropriés, faire l'objet de poursuites.

v) Communication. Selon la décision du 18 septembre 1988, chaque cas enregistré quelque part au Punjab par la police, qui a trait de manière directe ou indirecte à la pratique de la servitude pour dettes dans les briqueteries, doit être communiqué au procureur général avec un rapport de police dans les vingt-quatre heures. Le procureur général soumettra dans les vingt-quatre heures une photocopie du rapport de police et tout autre document éventuel, avec ses propres commentaires, à la Cour suprême.

La commission a exprimé l'espoir que, à la suite des décisions de la Cour suprême sur les travailleurs asservis dans les briqueteries, les mesures nécessaires seraient prises pour supprimer le travail forcé et la servitude pour dettes, aussi bien dans la pratique que dans la législation, tant dans les briqueteries que dans d'autres branches d'activité, et que le gouvernement fournirait des indications détaillées sur les mesures prises ou envisagées à cette fin. En particulier, la commission avait demandé des informations sur les questions suivantes:

a) les mesures prises pour l'adoption d'une législation pour abroger le recouvrement des peshgis antérieurs et, de manière plus générale, pour abolir le système de la servitude pour dettes et pour prévoir des dispositions relatives à la réadaptation des travailleurs asservis aussi bien dans les briqueteries qu'ailleurs;

b) l'application des décisions de la Cour suprême sur la servitude pour dettes dans les briqueteries, y compris les informations détaillées suivantes:

i) l'application dans la pratique de l'exigence selon laquelle les travailleurs désirant quitter les propriétaires de leur Bhatta respective doivent présenter une demande au juge du district ou au juge civil en vue d'obtenir un certificat à cette fin, et les incidences sur la liberté des travailleurs concernés;

ii) la situation en droit et en pratique concernant l'exigence, figurant dans la décision du 18 septembre 1988 mais omise plus tard, que les salaires seront payés en espèces et les reçus délivrés en deux exemplaires;

iii) la situation en droit et en pratique concernant les cas appropriés dans lesquels des personnes employant des femmes contre leur volonté et/ou des enfants ont fait l'objet de poursuites;

iv) les mesures d'application, y compris des copies de documents soumis au procureur général et à la Cour suprême dans le cadre de l'exigence de communication prévue dans la décision du 18 septembre 1988 mais omise plus tard;

c) des informations détaillées sur les mesures prises par la police, le procureur général, les tribunaux et l'inspection du travail pour appliquer l'interdiction du travail forcé aussi bien dans les briqueteries qu'ailleurs, en y joignant des copies des derniers rapports de la Commission des droits de l'homme ayant trait à la servitude pour dettes.

La commission espère que le gouvernement communiquera les informations en question.

Restrictions à la cessation de l'emploi. 3. La loi de 1952 du Pakistan sur le maintien des services essentiels et la loi de 1958 du Pakistan occidental sur le maintien des services essentiels ont fait l'objet de commentaires de la part de la commission et de discussions à la Commission de la Conférence depuis un grand nombre d'années. En vertu des articles 2, 3, paragraphe 1 b), ainsi que de l'explication 2 et de l'article 7, paragraphe 1, de la loi du Pakistan sur le maintien des services essentiels, toute personne occupée par le gouvernement central (dans quelque emploi que ce soit) est passible d'une peine d'emprisonnement jusqu'à un an si elle met fin à son emploi sans le consentement de l'employeur, nonobstant toute condition expresse ou tacite de son contrat prévoyant la démission avec préavis. Aux termes de l'article 3 de ladite loi, ces dispositions peuvent être étendues à d'autres catégories d'emploi. Des dispositions analogues figurent dans la loi du Pakistan occidental pour ce qui est des personnes au service du gouvernement du Pakistan occidental, de toute institution créée par lui, d'une autorité locale ou d'un service concernant les transports ou la défense civile.

La commission avait noté l'indication du gouvernement à la Commission de la Conférence en 1989 selon laquelle le gouvernement avait décidé de se conformer aux exigences de la convention en modifiant la loi de 1952 du Pakistan sur le maintien des services essentiels, de manière qu'un travailleur d'un établissement tombant dans le champ d'application de la loi puisse mettre fin à son emploi, conformément aux conditions expresses ou tacites de son contrat d'emploi, et que l'amendement proposé serait soumis à l'Assemblée nationale. La commission a noté les indications du gouvernement dans son rapport pour la période se terminant en juin 1989 ainsi qu'à la Commission de la Conférence en juin 1990 selon lesquelles la loi sera modifiée en ce sens.

La commission espère fermement que les mesures nécessaires seront bientôt adoptées pour mettre la loi de 1952 du Pakistan sur le maintien des services essentiels de même que la loi de 1958 du Pakistan occidental sur le maintien des services essentiels en conformité avec la convention, et que le gouvernement indiquera les mesures adoptées à cet égard.

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