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Observation (CEACR) - adopted 1993, published 80th ILC session (1993)

Forced Labour Convention, 1930 (No. 29) - Peru (Ratification: 1960)
Protocol of 2014 to the Forced Labour Convention, 1930 - Peru (Ratification: 2021)

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La commission prend note des informations communiquées oralement et par écrit par le représentant gouvernemental à la Commission de la Conférence en 1992 relatives aux allégations de la Fédération nationale des travailleurs des mines, de la métallurgie et de la sidérurgie du Pérou (FNTMMSP) sur la situation des travailleurs des mines et des laveries d'or de Madre de Dios et sur le travail sans rémunération de mineurs dans les entreprises d'épluchage de châtaignes de Puerto Maldonado. Ces informations concernent également la situation des communautés indigènes d'Atalaya, question qui avait déjà été soulevée par la commission dans ses précédents commentaires.

I. Communautés indigènes d'Atalaya

La commission prend note du rapport final de la Commission multisectorielle (créée par la résolution 083-88-PCM, constituée par différentes instances des ministères du Travail, de la Justice et de l'Agriculture et de l'Institut péruvien des questions indigènes) sur la situation des communautés indigènes d'Atalaya, communiqué par le gouvernement. Ledit rapport permet d'établir que "les communautés indigènes d'Atalaya qualifiées de "cautivas" (captives) sont réduites à un état de servitude à l'intérieur d'exploitations agricoles ou forestières grandes ou moyennes, constituant ainsi une main-d'oeuvre gratuite ou semi-gratuite par le jeu des mécanismes du système de l'"enganche": assujettissement en contrepartie de dotation en moyens de travail. Ledit système consiste, pour le patron, à fournir à l'indigène à titre d'avance des instruments de travail, des aliments ou de l'argent pour lui permettre d'extraire du bois grâce à quoi ensuite, en théorie, le travailleur efface sa dette initiale et se procure un revenu pour la subsistance de sa famille. Ainsi astreints à payer la dotation initiale plus les intérêts, les indigènes restent définitivement prisonniers du cercle vicieux de l'exploitation et de la misère. Selon le rapport, 17 exploitations ont été dénoncées pour n'avoir comme base de relations du travail que l'esclavage et la servitude".

Formes d'embauche de la main-d'oeuvre

Selon le rapport communiqué par le gouvernement, dans les exploitations ayant fait l'objet d'une inspection, "il existe une population qui, de génération en génération, hérite de la condition de servitude. Il est fréquent que les enfants soient enlevés de force, ou séquestrés sous couvert d'un parrainage par baptême, pour être retenus comme domestiques". Les autres formes de servitude sont celles qui résultent des mécanismes décrits ci-avant de l'"enganche". Le rapport déclare que "les indigènes, soumis par la force à des conditions de travail impliquant l'aliénation de leur libre volonté, sont plongés dans un système d'esclavage tel qu'ils se trouvent privés de toute liberté et de leurs droits constitutionnels".

S'agissant des conditions de travail, le rapport indique que les indigènes "travaillent de 10 à 12 heures par jour et, qui plus est, ne perçoivent pas un salaire leur assurant le minimum vital et sont encore moins rémunérés pour les heures supplémentaires effectuées, au mépris des dispositions de l'article 44 de la Constitution nationale. Ne sont pas non plus respectées en ce qui les concerne les dispositions de la législation du travail relatives aux congés, à la sécurité sociale et à la sécurité dans le milieu du travail". En outre, le rapport signale "la difficulté ou l'impossibilité (pour les indigènes) de se déplacer librement jusqu'à l'extérieur de l'exploitation ou du campement" et dénonce "l'emprisonnement pour dette dans des cellules improvisées dans l'enceinte des exploitations". Le rapport conclut en indiquant que la situation dans la région d'Atalaya "appelle une action urgente de la part de l'Etat".

La commission prend note des recommandations de la Commission multisectorielle auxquelles s'est référé le représentant gouvernemental, lors de la discussion devant la Commission de la Conférence, au sujet des tâches à accomplir par le ministère du Travail: 1) inspection préventive des exploitations et campements ayant fait l'objet d'une dénonciation; 2) création d'une "zone régionale de travail d'Atalaya" dont l'inspection doit être renforcée de manière adéquate; 3) coordination des organisations indigènes pour la formation permanente des dirigeants et des autorités communales en matière de travail. Il est prévu, entre autres recommandations, d'appliquer les sanctions qui s'imposent et de prolonger le mandat de la commission multisectorielle.

Dans sa déclaration devant la Commission de la Conférence, le représentant gouvernemental a déploré qu'il n'avait pas été possible de mettre en oeuvre les recommandations relatives à la création de la zone régionale de travail et à la formation des dirigeants et autorités communales. Il a également indiqué que les inspections du ministère du Travail n'avaient pas permis non plus d'examiner à fond la situation dans les exploitations dénoncées, en raison du manque de collaboration des autorités locales et des employeurs, et de la pénurie de ressources.

La commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour mettre un terme aux pratiques de servitude pour dettes, aux procédés fallacieux ou violents d'embauche de la main-d'oeuvre, aux conditions inhumaines de travail et à l'exploitation du travail des mineurs dans des conditions de travail forcé dans les communautés indigènes d'Atalaya.

II. Travail sans rémunération des enfants dans les entreprises d'épluchage de châtaignes de Puerto Maldonado

La commission s'est référée antérieurement aux allégations de la FNTMMSP concernant la situation dans les entreprises d'épluchage de châtaignes de Puerto Maldonado. Dans ces entreprises, des centaines d'enfants travaillent avec leurs mères jusqu'à 12 heures par jour sans percevoir de rémunération de quelque nature que ce soit, étant donné que sont employées essentiellement des mères de famille, qui recourent à l'aide de leurs enfants pour parvenir à remplir le nombre de barils de châtaignes exigé chaque jour.

Dans sa déclaration devant la Commission de la Conférence, le représentant gouvernemental a fait état d'une augmentation de salaire en 1991 dans les entreprises d'épluchage de châtaignes, à l'issue d'une négociation collective. Il a indiqué en outre que, si la législation nationale péruvienne contient des dispositions tendant à prévenir l'exploitation des enfants, mais que le travail des enfants, lié à la pauvreté et à la nécessité d'une stratégie de survie familiale, ne saurait être éradiqué par un simple texte législatif. La commission prend note de la référence faite à l'article 128 du Code pénal qui sanctionne les parents qui, pour se procurer un plus grand revenu, astreignent leurs enfants à un régime de travail sans contrat. A cet égard, la commission prie le gouvernement d'indiquer les dispositions qui sanctionnent également ceux qui, sans avoir de lien familial avec les enfants, obtiennent d'eux, par des moyens indirects, un travail sans rémunération.

La commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur la situation dans le secteur des entreprises d'épluchage de châtaignes, en ce qui concerne l'emploi des femmes et l'utilisation de la main-d'oeuvre infantile dans les conditions décrites, et de communiquer également copie des rapports d'inspection établis sur cette situation, avec des données statistiques permettant d'apprécier l'ampleur du problème.

La commission espère que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour empêcher que les enfants soient, de manière indirecte, contraints de travailler dans des conditions d'exploitation n'ayant aucun rapport avec une relation libre de travail et de faire connaître les progrès enregistrés à cette fin.

III. Travailleurs des mines et des laveries d'or de Madre de Dios

La commission avait pris note des commentaires de l'organisation syndicale susmentionnée concernant, en particulier, les procédés d'embauche auxquels recourent certains particuliers ou certaines agences, qui pratiquent l'"enganche" en général à Puno et Cuzco, pour le compte d'entreprises minières auxquelles la Direction nationale des mines a octroyé des concessions. Les contrats sont généralement de 90 jours (ce qui explique l'appellation de "noventeros" donnée à ces travailleurs) à l'issue desquels l'employeur est censé couvrir les frais de retour, ce qu'il ne fait généralement pas, empêchant ainsi le retour du travailleur à son lieu d'origine. S'agissant des conditions de travail, l'organisation dénonce également les salaires trop bas, les horaires excessifs, l'assistance médicale inexistante et le risque élevé de contracter des maladies telles que la malaria, la tuberculose, la rage et le lupus (uta).

La commission avait prié le gouvernement de communiquer le rapport de la commission multisectorielle, créée par la résolution ministérielle no 275-90-PCM du 26 juin 1990, avec pour mission d'étudier la situation des travailleurs dans les laveries d'or de Madre de Dios, les programmes d'inspection établis ainsi que les projets de normes tendant à assurer la protection de cette catégorie de travailleurs dont il avait fait état.

La commission prend note avec intérêt des informations communiquées par le représentant gouvernemental à la Commission de la Conférence concernant les sanctions et les fermetures décidées à l'encontre de certaines agences clandestines de placement des travailleurs, ainsi que les mesures prises par l'autorité compétente en matière de travail de Cuzco afin que les contrats de travail soient élaborés et conclus sous son contrôle.

La commission prie le gouvernement de communiquer le rapport final de la commission multisectorielle, créée par la résolution ministérielle no 275-90-PCM du 26 juin 1990, ainsi que les programmes d'inspection et des informations sur toute autre mesure qui aurait été prise en vue d'assurer dans la pratique le respect de la convention.

La commission prend note du fait que, selon l'article 42 de la Constitution du pays, "est interdite dans toute relation de travail toute condition empêchant l'exercice des droits constitutionnels des travailleurs ou méconnaissant ou portant atteinte à leur dignité", que cet article ajoute que "nul ne peut être contraint de fournir son travail sans son libre consentement et sans juste rétribution". Par ailleurs, selon l'article 2, paragraphe 20 b), "sont abolis l'esclavage, la servitude et toute forme de traite quelle qu'elle soit" et, selon l'article 2, paragraphe 20 c), "l'emprisonnement pour dette est proscrit".

La commission prend note du fait que le représentant gouvernemental du Pérou a déclaré devant la Commission de la Conférence que les différentes situations évoquées plus haut sont illégales, interdites par la Constitution et tombent sous le coup des sanctions prévues par le nouveau Code pénal de 1991, et qu'il a indiqué en outre que, si le ministère du Travail n'est pas présent sur la totalité du territoire national, des inspections périodiques ont lieu.

La commission relève que les situations examinées constituent des violations graves des conventions nos 29 et 105: assujettissement des travailleurs, impossibilité de rompre la relation de travail, conditions de travail inqualifiables, autant de conditions contraires aux principes de la convention no 29 et aux dispositions de la législation nationale et contraires également à l'obligation inscrite à l'article 1 b) de la convention no 105 concernant l'abolition du travail forcé comme méthode d'utilisation de la main-d'oeuvre à des fins de développement économique. La commission veut croire que le gouvernement prendra les mesures énergiques qu'exige une situation aussi grave, afin d'assurer le respect des conventions nos 29 et 105 et de faire disparaître les procédés violents ou fallacieux d'embauche de la main-d'oeuvre, les mécanismes de la servitude pour dettes, les conditions inhumaines de travail dans les mines et dans les exploitations, la coercition exercée pour maintenir la relation de travail et le travail forcé des enfants, et de communiquer des informations sur toute mesure ou sanction prise, en application des dispositions pertinentes de la législation nationale et de l'article 25 de la convention no 29, à l'encontre de ceux qui imposent le travail forcé.

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