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Observation (CEACR) - adopted 1994, published 81st ILC session (1994)

Forced Labour Convention, 1930 (No. 29) - Sudan (Ratification: 1957)
Protocol of 2014 to the Forced Labour Convention, 1930 - Sudan (Ratification: 2021)

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La commission note le rapport du gouvernement, soumis pendant la Conférence de 1993. Elle note également les informations fournies par le gouvernement à la Commission de la Conférence de 1993 ainsi que les discussions ayant eu lieu au sein de la commission.

Dans des commentaires précédents, la commission avait pris note de plusieurs documents de la Sous-commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités de l'ONU (en particulier, les documents E/CN.4/Sub/AC2/1988/7/Add.1, E/CN.4/Sub.2/1988/32 et E/CN.4/1992/55), qui contiennent des allégations de pratiques d'esclavage.

La commission avait relevé qu'en vertu de l'article 163 de la loi pénale de 1991 quiconque force quelqu'un à fournir un travail contre sa volonté sera puni d'emprisonnement pour une durée maximale d'un an ou d'une amende, ou de ces deux peines à la fois. La commission avait relevé également la déclaration d'un représentant gouvernemental à la Commission de la Conférence de 1992, qui avait déclaré que tous les Soudanais sont pleinement libres et égaux en droits et en devoirs, que la loi du Soudan interdit toute forme de commerce d'esclaves, et que, dans la mesure oû les tribunaux n'ont pas eu à connaître d'une pratique qui n'existe pas, le gouvernement n'a pas d'informations à fournir à ce sujet.

La commission avait encore noté que, dans un document soumis par Anti-Slavery International au Comité des droits de l'enfant, des allégations de travail forcé continuaient d'être formulées non plus seulement en rapport avec les populations Dinka, mais aussi en relation avec les Nubiens, et que le comité, dans un rapport de 1993, avait exprimé sa préoccupation quant au travail forcé et à l'esclavage, et demandé des informations supplémentaires à cet égard (document CRC/C19 du 2 mars 1993).

La commission avait prié le gouvernement de fournir des informations détaillées sur les mesures prises pour assurer l'application de l'article 25 de la convention dans la pratique.

La commission a pris connaissance des indications données par le gouvernement à la Commission de la Conférence, ainsi que dans son rapport, selon lesquelles les problèmes soulevés ont trait à des conflits de type tribal, motivés par la volonté de maîtriser des ressources en eau ou des pâturages, ajoutant que ces conflits se sont accrus en raison de la sécheresse et de la désertification. De tels conflits sont réglés dans le cadre de conseils de conciliation dirigés par des sages et des chefs de tribu, chargés de trancher les litiges conformément à la tradition et dont les décisions sont exécutoires. La particularité des règles du droit coutumier ne permet pas d'obtenir des comparaisons avec les règles suivies par les tribunaux ordinaires, de sorte qu'il est difficile de réunir des informations. Le Procureur général a indiqué qu'aucun cas de ce genre ne s'est jamais présenté si l'on en juge par les actes des tribunaux ordinaires. Après avoir effectué plusieurs visites dans les régions en question, une commission chargée d'enquêter sur les allégations susmentionnées n'a pas recueilli d'éléments confirmant leur bien-fondé.

La commission note, dans la réponse du gouvernement aux observations préliminaires du Comité des droits de l'enfant, que "ces accusations relèvent d'une confusion entre l'esclavage et des situations qui sont sans aucun rapport avec celui-ci. Il s'agit en fait de conflits tribaux et de disputes sur les pâturages et les ressources en eau dans certaines régions à composition tribale mixte. Dans ce genre de situation, il arrive qu'une tribu s'empare de membres d'une ou plusieurs autres tribus, qu'elle retient, en attendant le règlement du différend qui les oppose, conformément aux traditions locales" (CRC/C/3/Add.20).

Dans son rapport, le gouvernement rejette toutes les allégations de travail forcé comme n'étant pas fondées ou étayées par des sources bien déterminées ou des données précises, ni fournies par des personnes dont l'identité et l'adresse seraient connues.

La commission a également pris note du rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Soudan, qui s'est rendu dans le pays en septembre et décembre 1993 (Commission des droits de l'homme, 50e session, 1994; document E/CN.4/1994/48 de février 1994). Le Rapporteur spécial, évoquant l'esclavage, la servitude, la traite des esclaves, le travail forcé et des institutions et pratiques analogues, déclare que des rapports et des témoignages sont largement concordants pour ce qui est des circonstances des enlèvements, des lieux de destination des personnes enlevées, des noms, des localités oû des femmes et des enfants seraient détenus dans des camps spéciaux auprès desquels des gens en provenance du Soudan septentrional, ou même de l'étranger, viendraient les acheter. Le rapport évoque, par exemple, le cas d'un garçon enlevé astreint au travail forcé dans une exploitation agricole placée sous la surveillance d'hommes armés. La vente et le trafic d'enfants paraissent être pratiqués massivement de façon organisée et à des fins politiques par des formes armées non régulières telles que les Forces populaires de défense et les contingents de moudjahedines dans les zones de conflit du Kordofan méridional et du Bahr Al-Ghazal. Le Rapporteur spécial fait état de rapports et témoignages répétés, de rapts d'enfants, notamment en été 1993, portant sur 217 enfants, principalement de la tribu Dinka. Le rapport évoque l'inquiétude de la population, qui craint que ces enfants n'aient été vendus comme esclaves au Darfour et au Kordofan septentrional et relate que le gouvernement n'a pris aucune mesure d'enquête sur ce cas, que ce soit au niveau fédéral ou au niveau local. Prenant en considération les témoignages oraux et écrits dont il dispose, le Rapporteur spécial considère que les explications du gouvernement ne sont pas satisfaisantes.

La commission note également les indications figurant dans le rapport, selon lesquelles en septembre 1992 les autorités de l'Etat de Khartoum auraient lancé dans la ville une campagne de "nettoyage" d'enfants vagabonds, considérés comme un danger pour l'ordre public. Les enfants seraient ramassés de façon systématique partout dans la ville et en certains endroits de l'Etat, puis emmenés dans des camps. Alors que les autorités affirment que les enfants en question suivent une formation professionnelle, le Rapporteur spécial estime que les craintes exprimées sont fondées et que la pratique du ramassage des enfants des rues constitue dans la plupart des cas une série d'arrestations et de détentions arbitraires au mépris des formes légales. Le traitement dans les camps et dur et la formation professionnelle n'est en fait qu'un redressement rigoureux des enfants, provenant en majorité du Sud et appartenant principalement aux tribus du sud, essentiellement aux tribus Dinka, Shilluk et Nuer, ou à des familles déplacées depuis les monts Nouba. Selon des sources non gouvernementales, beaucoup d'enfants subiraient un un entraînement militaire, puis seraient renvoyés au combat.

La commission rappelle que l'article 25 de la convention exige non seulement que des sanctions pénales soient imposées par la loi en cas de travail forcé ou obligatoire, mais encore que tout Membre ratifiant la convention ait l'obligation de s'assurer que ces sanctions sont réellement efficaces et strictement appliquées.

La commission prie le gouvernement de fournir des informations complètes sur les mesures prises ou envisagées pour assurer l'application dans la pratique de l'article 25 de la convention et de faire connaître les mesures prises pour protéger les populations Dinka et Nuba contre des pratiques contraires à la convention.

[Le gouvernement est prié de communiquer un rapport détaillé pour la période se terminant le 30 juin 1994.]

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