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Observation (CEACR) - adopted 1995, published 82nd ILC session (1995)

Forced Labour Convention, 1930 (No. 29) - Thailand (Ratification: 1969)
Protocol of 2014 to the Forced Labour Convention, 1930 - Thailand (Ratification: 2018)

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A la suite de la discussion qui a eu lieu à la Commission de la Conférence en 1994, la commission note les informations fournies par le gouvernement dans son rapport.

Les précédents commentaires de la commission ont porté sur les problèmes de l'exploitation des enfants par le travail forcé, de l'inspection du travail, l'application de la législation pénale et du travail par la police et le caractère adéquat des sanctions infligées aux employeurs en cas d'infractions aux lois régissant le travail des enfants.

La commission a noté que de nombreux enfants continuent de travailler sous la contrainte ou dans des conditions d'exploitation qui ne ressemblent en rien à une relation libre d'emploi. La situation est souvent liée au recrutement forcé ou fallacieux, à la tromperie ou à un trafic. Des enfants sont exploités parce qu'ils sont jeunes et sans défense, et sont privés du droit de vivre une enfance normale, privés d'éducation, privés d'un avenir.

La commission a souligné que l'exploitation des enfants par le travail forcé, qu'il s'agisse de forcer des enfants au travail, à la prostitution, à la pornographie, que ce soit dans des usines, des ateliers clandestins, des maisons closes, des résidences privées ou ailleurs, est l'une des pires formes de travail forcé qui doit être énergiquement combattue et sévèrement punie.

Dans ses derniers commentaires, la commission a pris note du rapport de la mission de contacts directs qui, à la demande du gouvernement de la Thaïlande, s'est rendue dans le pays en septembre 1993. La commission a noté que la Thaïlande a connu, ces dernières années, un énorme taux de croissance, émergeant comme un nouveau pays industrialisé; toutefois, de profondes enclaves de pauvreté et des disparités marquées demeurent, voire s'élargissent, entre riches et pauvres. La commission a relevé que si la pauvreté est l'un des facteurs contribuant au travail des enfants, elle ne saurait être évoquée comme prétexte pour perpétuer le travail des enfants, et encore moins l'exploitation des enfants par le travail forcé.

La commission a souligné l'importance d'une action concrète et efficace pour traiter du problème de l'exploitation des enfants par le travail forcé en suivant des objectifs clairs et des stratégies bien définies. Elle a souligné la nécessité d'adopter des mesures telles qu'un cadre juridique complet, l'amélioration de l'application de la loi (exigeant essentiellement la volonté politique de mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour une action efficace), l'encouragement à la sensibilisation de la communauté, et l'adoption d'un programme cohérent d'adaptation. La commission a notamment souligné qu'il est nécessaire de traduire dans la réalité la politique déclarée du gouvernement d'étendre la scolarisation obligatoire de la classe 6 à la classe 9, et de l'étendre dans l'avenir immédiat jusqu'à la classe 7. Ceci signifierait que les enfants quitteraient l'école à 13 ans, ce qui correspond actuellement à l'âge minimum d'admission à l'emploi.

Dans son dernier rapport et dans sa déclaration à la Commission de la Conférence, le gouvernement se réfère notamment à un certain nombre d'initiatives quant à l'application de la loi, l'éducation et la sensibilisation de la communauté. Il a également déclaré qu'il ne pouvait être nié que des enfants travaillent dans des conditions d'exploitation en Thaïlande.

Mesures tendant à assurer le respect de la législation

a) Inspection

La commission a noté précédemment que, bien que la Thaïlande soit dotée de lois pour la protection des enfants, cette législation n'a aucun effet tant que son respect n'est pas correctement assuré par l'intermédiaire de l'inspection du travail et de la police. La commission note, selon le rapport communiqué par le gouvernement pour la période se terminant le 30 juin 1994, que l'inspection du travail a réalisé des inspections dans 35 738 établissements employant 2 486 929 salariés dans tout le royaume. Sur ce total, 29 552 salariés étaient des enfants dont 438 étaient âgés de moins de 13 ans, 3 406 de 13 à 15 ans et les 25 708 enfants restants de 15 à 18 ans. On a relevé 436 établissements violant la législation protectrice de la main-d'oeuvre en matière de durée du travail et de congé, parmi lesquels 192 établissements employaient des enfants âgés de 13 à 15 ans, et 244 des enfants âgés de 15 à 18 ans.

Le gouvernement n'a pas fourni d'informations concernant les types d'établissements (petites entreprises, usines, restaurants, hôtels, maisons closes, etc.) ayant fait l'objet d'une investigation de la part de l'inspection du travail, ni quant au nombre et à la nature des cas traités par la police, en particulier par la Division de la répression du crime.

La commission espère que le gouvernement communiquera des informations statistiques, non seulement sur le nombre d'inspections réalisées par les services de l'inspection du travail, mais également sur les catégories d'établissements inspectés, les mesures prises à l'encontre des contrevenants et le rôle de la police locale et de la Division de la répression du crime. Dans la mesure où plus de 35 000 établissements ont été inspectés et seulement 438 cas relevés d'enfants de moins de 13 ans travaillant en violation de la législation, il y a lieu de se demander si les inspections ont été réalisées là où le besoin était le plus grand.

La commission a déjà suggéré précédemment que des agents de police de sexe féminin pourraient être chargés, en service actif, d'enquêtes sur les cas touchant des femmes et des enfants. La commission prie le gouvernement de faire savoir sa position sur ce point.

b) Poursuites

La commission note avec préoccupation que le rapport du gouvernement en fait aucune mention des poursuites, condamnations ou sanctions imposées dans les 438 cas précités de travail d'enfants de moins de 13 ans.

La commission se réfère aux informations communiquées à la mission de contacts directs de 1993 par le commandant de la Division de la répression du crime selon lesquelles seuls cinq cas de travail forcé d'enfant avaient fait l'objet de poursuites et, en raison de la longueur et du coût de la procédure, les affaires sont souvent réglées par négociation.

Le gouvernement a mentionné dans une note intitulée "Résoudre le problème du travail des enfants en Thaïlande" (1993) que 58 employeurs étaient poursuivis pour pratiques déloyales et exploitation du travail des enfants; deux ont été condamnés à des peines d'emprisonnement et à des amendes représentant au total 134 300 bahts.

Ces très faibles chiffres de 1993 confirment la constatation de la mission de contacts directs selon laquelle il existe de graves problèmes de coordination dans le mécanisme global d'inspection du travail, tant au sein même de ces services qu'en liaison avec les autorités de police.

La commission espère que le gouvernement communiquera les chiffres les plus récents disponibles sur les poursuites réalisées, par catégorie d'infractions, condamnations et peines infligées.

c) Sanctions infligées

La commission note les informations contenues dans le rapport du gouvernement en ce qui concerne la loi (no 13) B.E. 2537 (1994) portant amendement du Code pénal, adoptée le 11 juin 1994, le projet de loi sur la protection des travailleurs, et les modifications apportées à la loi de 1960 sur la répression de la prostitution.

i) Elle note que la loi portant amendement du Code pénal impose des sanctions nettement renforcées dans les cas de personnes déclarées coupables d'avoir "retenu, enfermé ou privé de sa liberté un enfant âgé de 15 ans au plus, ou si l'un de ces délits est à l'origine d'un préjudice physique ou moral, ou a causé la mort de l'enfant". La commission note toutefois avec inquiétude que cette protection est limitée aux enfants âgés "de 15 ans au plus". Elle espère que le gouvernement fournira des informations sur les mesures prises ou envisagées pour assurer que des sanctions efficaces soient imposées lorsque ces mêmes infractions sont commises à l'encontre de personnes ayant plus de 15 ans.

ii) La commission note, à la lecture du rapport du gouvernement, que la loi de 1960 sur la suppression de la prostitution fait actuellement l'objet de modifications et est en cours d'examen par le Cabinet. Selon les indications du gouvernement, le texte tel que modifié élèvera "le degré de sanction imposée aux souteneurs, aux propriétaires, gardiens et gérants de maisons closes, aux personnes surveillant les prostitués dans ces établissements, ou aux personnes retenant, détenant ou commettant un délit pour priver une autre personne de sa liberté et la forcer à se prostituer"; et qu'il prévoira des sanctions contre les clients des enfants prostitués. La commission espère que le gouvernement fournira une copie du texte révisé.

iii) La commission a pris note du projet de modification de la loi sur la protection des travailleurs qui, d'après les indications du gouvernement, réduirait la durée du travail pour les enfants âgés de 13 à 15 ans de 48 heures par semaine dans l'industrie et 54 heures par semaine dans le commerce à 36 heures par semaine, soit 6 heures par jour.

La commission note certaines difficultés quant à l'application de cette loi, notamment quant à l'efficacité des sanctions prévues en cas d'infractions graves.

La commission croit comprendre que l'article 41 de la loi sur la protection des travailleurs interdit l'emploi d'enfants de moins de 13 ans dans n'importe quelle activité et que l'article 46(4) de la loi interdit l'emploi d'enfants de moins de 18 ans dans les maisons closes. Cependant, les sanctions prévues en cas de violation de ces articles sont, en vertu des articles 133 et 128, paragraphe 2, respectivement, limitées à une amende et/ou une peine d'emprisonnement d'un an au maximum dans les cas les plus graves (atteinte physique ou psychologique ou mort de l'enfant).

La commission considère que le choix entre une amende et une peine de prison ne dépassant pas un an ne semble pas vraiment adéquat aux fins de l'application de l'article 25 de la convention.

La commission note en outre qu'en vertu de l'article 139 de la loi ("équivalence de peine") les affaires en instance peuvent être, sur décision d'un responsables municipal ou provincial de haut rang, retirées de la compétence des tribunaux et réglées de façon sommaire moyennant le paiement d'une amende.

Ceci n'est pas compatible avec l'article 25 de la convention qui dispose que le fait d'exiger illégalement du travail forcé ou obligatoire sera puni comme un délit pénal et assorti de sanctions réellement efficaces imposées par la loi et strictement appliquées.

La commission espère que les mesures nécessaires seront prises pour introduire des sanctions efficaces contre l'exaction illégale de travail forcé en général et les articles 41 et 46(4) de la loi en particulier, soit en modifiant les articles 128 et 133 ou d'une autre manière, et pour assurer que les cas comportant du travail forcé ne puissent être retirés des tribunaux en vertu de l'article 139 de la loi ("équivalence").

Finalement, la commission note que, en vertu de l'article 3(2) de la loi sur la protection des travailleurs, celle-ci prévaudrait en cas de conflit de lois. Etant donné le caractère inadéquat des sanctions en vertu de la loi sur la protection des travailleurs, la commission espère que le gouvernement fournira des informations sur les mesures prises ou envisagées pour assurer que les poursuites en vertu de la loi sur la protection des travailleurs n'empêcheront pas que les coupables soient également punis en vertu du Code pénal et de la loi sur la suppression de la prostitution.

Sensibilisation du public

La commission note les informations relatives aux efforts entrepris, notamment dans la région frontalière du Nord-Est, pour avertir les enfants en particulier et le public en général des dangers que revêtent les pratiques de recrutement frauduleux, y compris l'enlèvement, et pour signaler les services appropriés à contacter en cas de besoin. En outre, selon le rapport du gouvernement, des volontaires issus des élites locales (enseignants, chefs de village, prêtres) coopèrent avec le Centre d'opérations pour le travail des femmes et des enfants pour mettre un frein à l'exploitation des femmes et des enfants. La commission espère que le gouvernement continuera à communiquer des informations en la matière.

Mesures de prévention: l'éducation

Pendant un certain nombre d'années, le gouvernement a parlé de s'attaquer au problème du travail des enfants dans toutes ces manifestations en étendant la scolarisation obligatoire jusqu'à la classe 9, soit l'âge de 15 ans. Actuellement, l'âge minimum pour l'emploi des enfants est de 13 ans, mais la scolarité obligatoire se termine en classe 6 que les enfants atteignent normalement à l'âge de 12 ans. La commission rappelle la déclaration faite par le Premier ministre devant la onzième Conférence régionale asienne (novembre 1991) dans laquelle il exprimait sa ferme conviction que la place d'un enfant est à l'école et non dans une usine; qu'il ne suffit pas d'attendre la restructuration économique pour lutter contre l'exploitation du travail des enfants; et qu'il était déterminé à faire disparaître le travail des enfants et à préserver l'avenir des enfants défavorisés du pays.

La commission espère que le gouvernement fournira des informations détaillées sur les mesures concrètes prises pour donner effet à cette politique, qui doit constituer la première étape de l'éradication de ce fléau que sont le travail des enfants et d'autres formes d'exploitation des enfants par le travail forcé.

Exploitation sexuelle des enfants

Dans ses commentaires précédents, la commission s'est référée à certaines données statistiques concernant le nombre d'enfants exploités par la prostitution (estimations variant de 86 000 à 800 000). La commission note les indications du gouvernement à la Commission de la Conférence que, selon les estimations les plus récentes, il y aurait de 20 000 à 30 000 enfants en prostitution. La commission rappelle qu'en 1990 la Division de la lutte contre les maladies sexuellement transmissibles du ministère thaïlandais de la Santé signalait que le nombre des enfants en prostitution s'élèverait à 86 000, et que les données du Département de la police indiquaient que quelque 160 000 personnes prostituées auraient moins de 16 ans. Etant donné le nombre d'enfants victimes de trafic provenant des pays voisins, il n'est guère probable que ces chiffres aient diminué depuis 1990. La commission estime que des mesures rapides et rigoureuses sont requises pour sauver ces enfants pris au piège de la prostitution.

La commission note également la discussion qui a eu lieu au sein de la Commission de la Conférence selon laquelle la Thaïlande ne peut venir à bout du problème de la prostitution enfantine seule, en particulier en présence d'une industrie internationale du tourisme sexuel. L'une des mesures importantes qu'il conviendrait de prendre serait d'entamer des poursuites à l'encontre des agences de voyage qui organisent des visites pour tirer parti de la prostitution enfantine. En outre, comme constaté précédemment, la demande d'enfants prostitués plus jeunes, moins susceptibles d'êtres contaminés par le virus du SIDA s'accroît à mesure que l'épidémie s'étend dans le monde. Les conditions de délivrance des visas, particulièrement aux groupes, doivent être étudiées de près. Il a également été noté au cours des discussions qu'il revenait aux membres de la communauté internationale de poursuivre leurs citoyens, par tous les moyens prévus par la législation nationale, quant les actes qu'ils commettent à l'étranger constituent des crimes dans leurs pays d'origine.

Tout en notant les mesures prises, en particulier la création d'un ministère du Travail et du Bien-être social en septembre 1993, et le désir exprimé par le gouvernement, lors de la mission de contacts directs en 1993, de régler ces graves problèmes humains, la commission estime qu'il est maintenant temps de prendre des mesures concrètes pour donner effet à ces déclarations, de manière à ce que les enfants soient effectivement à l'école et ne soient pas exploités. La commission note avec préoccupation le faible niveau d'application de la législation du travail et pénale destinée à protéger les personnes les plus vulnérables. La commission espère que le gouvernement réexaminera tant la législation existante que les projets de législation à la lumière de la convention, en veillant particulièrement à ce que, conformément à l'article 25 de la convention, l'exploitation du travail forcé soit passible de sanctions pénales réellement efficaces et strictement appliquées.

Le gouvernement est prié de communiquer un rapport détaillé en 1996 sur les points soulevés dans ces commentaires, en particulier pour ce qui concerne le respect de la législation, les inspections, les poursuites et condamnations des contrevenants, les sentences prononcées, l'efficacité des sanctions pénales et l'augmentation de l'âge de la scolarité obligatoire.

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