National Legislation on Labour and Social Rights
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La commission a pris note des informations détaillées communiquées par le gouvernement dans son rapport ainsi que de la discussion qui a eu lieu à la Commission de la Conférence en juin 1996.
1. Dans sa précédente observation, la commission avait prié le gouvernement de communiquer des informations sur les mesures prises, au niveau fédéral et à celui des différents Etats, pour donner suite aux recommandations du comité constitué par le Conseil d'administration pour examiner la réclamation présentée par la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT), en vertu de l'article 24 de la Constitution de l'OIT, alléguant l'inexécution par le Brésil des conventions nos 29 et 105 (document GB.264/16/7).
Se référant à ses commentaires antérieurs et aux conclusions et recommandations contenues dans le rapport du comité constitué par le Conseil d'administration pour examiner la réclamation, la commission avait observé que les problèmes soulevés constituent de graves violations de la convention no 29 puisque des milliers de travailleurs se trouvent dans une situation de dépendance totale, caractérisée par la servitude pour dette et l'impossibilité de mettre fin à une relation d'emploi reposant sur un vice de volonté. Cette relation d'emploi s'exerce, en effet, dans des conditions qui ne correspondent ni à ce qui a été convenu, ni à ce que prévoient les lois du pays. Elle ne peut, en outre, être rompue sans exposer l'intéressé à des mauvais traitements, des tortures, du harcèlement et, parfois, à un risque de mort. Cette situation constitue en outre une violation de l'obligation faite par l'article 1 b) de la convention no 105, d'éliminer le travail forcé en tant que méthode d'utilisation de la main-d'oeuvre à des fins de développement économique. La commission a observé qu'en dépit des actions entreprises au niveau fédéral et à celui de certains Etats dans le but de faire disparaître le travail forcé, il subsiste d'importantes carences quant à l'application des conventions nos 29 et 105.
La commission a pris note de la création du Groupe exécutif de répression du travail forcé (GERTRAF), créé par le Président de la République avec pour objectif premier, selon ses propres termes, de "définir des sanctions réellement rigoureuses à l'encontre de ceux qui transforment des Brésiliens en esclaves".
Article 25 de la convention
2. Les conclusions du rapport du comité chargé d'examiner la réclamation reconnaissaient comme fondées les allégations concernant les délais excessifs des procédures ou actions en justice et la modestie des sanctions pénales infligées aux personnes convaincues d'avoir imposé un travail forcé. Le comité a, en outre, fait observer que, dans les rares cas où des personnes coupables d'avoir imposé un travail forcé ont été jugées, il s'agissait d'intermédiaires ou de petits propriétaires ou locataires, ce qui laissait dans l'impunité les propriétaires des grandes exploitations ou entreprises recourant aux "services" d'entreprises ou d'intermédiaires individuels pour faire réaliser une partie de leurs activités de production dans des conditions de travail forcé. Il a fait observer, en outre, que le phénomène désigné par le vocable de "terciariziación" (embauche de travailleurs par une tierce partie) favorise l'impunité de ceux qui, au bout du compte, tirent les plus gros avantages de ces pratiques de travail forcé.
La commission a pris note des conclusions relatives à la question des sanctions, aux termes desquelles "si les observations du gouvernement en réponse aux allégations permettent de considérer que le gouvernement s'est engagé à entreprendre une action tendant à combattre la pratique du travail forcé, ces observations ne comportent pas d'éléments permettant d'établir le respect des dispositions de l'article 25 de la convention no 29, selon lequel "le fait d'exiger illégalement du travail forcé ou obligatoire sera passible de sanctions pénales, et tout Membre ayant ratifié cet instrument a l'obligation de s'assurer que les sanctions imposées par la loi sont réellement efficaces et strictement appliquées".
Sur ce point, le gouvernement se réfère à son rapport, à la difficulté que constitue, pour l'imposition de peines, l'absence de définition, dans la législation, du concept de travail en esclavage évoqué à l'article 149 du code pénal. Cet absence de clarté quant à ce que l'on doit entendre par travail en esclavage a empêché, dans bien des cas, de fixer les limites entre ce qui constitue un tel travail et d'autres formes de travail qui, bien que s'accomplissant des conditions extrêmement pénibles, ne réunissent pas les caractéristiques du travail en esclavage.
Mesures législatives
3. Pour tenter de résoudre ce problème de conceptualisation des différentes situations recouvertes par la notion de travail en esclavage, un projet de loi est actuellement examiné par le Groupe exécutif de répression du travail forcé (GERTRAF). Ce projet définit le travail dégradant comme "celui qui attente à la dignité humaine et qui se rencontre dans les situations suivantes: travail en esclavage ou situation analogue; travail forcé, sous réserve des dérogations prévues par la loi; exigence de services excédant la capacité physique du travailleur; exigence de services de la part d'employés d'un âge inférieur à l'âge minimum prévu par la loi; travail accompli dans des conditions insalubres, pénibles, dangereuses, sans mesures tendant à les restreindre; travail accompli dans des conditions de non-respect généralisé de la législation du travail, notamment des normes concernant la santé, l'hygiène, la sécurité et la durée du travail; travail accompli dans des conditions humiliantes ou sous surveillance et donnant lieu à des châtiments corporels; travail accompli pour un salaire inférieur au minimum légal; exploitation d'activités interdites par la loi, comme la prostitution, les jeux de hasard, la contrebande et le crime organisé." Le premier paragraphe de ce texte dispose que la caractérisation des situations citées est indépendante du lien établi entre les parties. C'est en effet, la prestation de services, sous quelque modalité que ce soit et sous quelque désignation que ce soit, qui est considérée. L'article 2 prévoit des sanctions administratives à l'encontre de ceux qui sont convaincus d'avoir imposé des formes de travail dégradantes, sans préjudice des sanctions pénales auxquelles les situations examinées peuvent donner lieu. Le projet de loi tend à rendre impossible, pour qui soumet des travailleurs à des formes dégradantes de travail, d'obtenir des organismes officiels de crédit et des organes de l'administration publique un prêt, un financement, une exonération des intérêts ou tout avantage comparable; de soumissionner pour des appels d'offres publics et de conclure des contrats avec des organes de l'administration; de percevoir des subventions, primes d'incitation ou allocations, directement ou indirectement de l'administration publique. L'article 3 prévoit que le ministère du Travail publie au Journal officiel la liste des personnes physiques ou morales aux fins de l'application de la loi.
Le ministère du Travail a également saisi le GERTRAF d'une proposition d'amendement de la Constitution qui permettrait d'exproprier de leurs terres les personnes ayant recouru à un travail dégradant.
S'agissant des observations de la commission concernant l'impunité dont bénéficient les entreprises recourant au système de travail par sous-traitance, le Congrès a été saisi d'un autre projet de loi - no 929 de 1995 - élaboré par le Forum national contre la violence en milieu rural, qui réunit des représentants de la Confédération nationale des travailleurs de l'agriculture (CONTAG), de la Commission pastorale de la terre (CPT), du Secrétariat à l'inspection du ministère du Travail, du ministère public fédéral et du ministère public du Travail, des commission parlementaires des droits de l'homme et de l'agriculture, et de la Sous-commission parlementaire sur le travail en esclavage. Ce projet de loi fixe les peines de prison applicables aux conduites qualifiées par la loi, lesquelles recouvrent:
- le recrutement, direct ou indirect, de travailleurs hors de la localité où le travail doit être accompli, avec retenue sur le salaire du coût du transport, de l'hébergement ou de toute avance sans garantie des conditions de retour au lieu d'origine (art. 2);
- le transport de travailleurs en contravention aux normes légales, mettant en péril la vie ou la santé de ces travailleurs (art. 3);
- le fait de contraindre des travailleurs, par tromperie, coercition physique ou psychologique, de travailler ou de continuer de travailler dans un établissement ou à une activité de quelque nature que ce soit. Sont considérées comme tromperie la rétention des documents, l'absence de contrat écrit ou de consignation sur un registre et la signature de documents en blanc (article 6);
- la détention de travailleurs en état d'esclavage ou dans des conditions analogues à celles de l'esclavage, ainsi que le fait de vendre, acheter ou intervenir dans une transaction dont l'objet est la force de travail de personnes en situation d'esclavage ou dans une situation analogue.
Les peines prévues sont alourdies dans le cas où les victimes sont des mineurs, des femmes enceintes, des indigènes ou des débiles ou aliénés mentaux.
Le gouvernement indique dans son rapport que le GERTRAF étudie la possibilité de réunir en un seul et même projet les deux textes susmentionnés.
L'inspection
4. La commission a demandé au gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises pour renforcer le système d'inspection et garantir une investigation systématique et diligente des plaintes pour travail forcé.
La commission prend note du règlement (Portaría) no MTb 369 du 29 mars 1996 communiqué par le gouvernement, qui porte création de six coordinations régionales sous l'égide d'une coordination nationale relevant du Secrétariat national à l'inspection. L'adoption de ce règlement a permis, selon le gouvernement, de procéder à une décentralisation de l'inspection mobile, pour rendre l'action de l'inspection plus souple et plus efficace dans la lutte contre le travail en esclavage.
La commission prend note avec intérêt des informations communiquées concernant les 83 entreprises inspectées en 1995 dans différents secteurs et différentes régions du pays et les inspections réalisées par les délégations régionales du travail dans les zones rurales des communes de Santa Terezinha (MT), Vila Rica (MT), Ariquemes, Costa Marques, Jamari, Jarú, Ji-Paraná, San Miguel et Montenegro (Rondonia), dans les charbonnières du nord de l'Etat de Minas Gerais et du Mato Grosso do Sul, à Alagoas, spécialement dans le secteur de la récolte de la canne à sucre, et à Lucas do Río Verde et Tapurah (MT). La commission prend également note avec intérêt de l'action déployée par le Groupe spécial d'inspection mobile, qui a permis d'améliorer l'efficacité du système d'inspection ainsi que l'ouverture de procédures judiciaires sur la base d'informations recueillies par ce groupe. La commission note que des organisations de travailleurs comme la Confédération nationale des travailleurs de l'agriculture (CONTAG), la Centrale unitaire des travailleurs (CUT) et plusieurs syndicats régionaux ont exprimé leur soutien à l'action déployée par ce groupe spécial et les personnes relevant de son autorité, qui ont fait l'objet de menaces dans le cadre de l'accomplissement de leurs missions.
La lenteur des procédures
5. Dans son rapport, le gouvernement déclare que le pouvoir judiciaire agit dans le sens d'une répression des cas de travail forcé, et souligne que les procédures existantes doivent être respectées dans la recherche de la justice.
La commission observe qu'il ressort des informations détaillées communiquées par le gouvernement que de nombreuses procédures engagées en 1994, 1993 et, pour certaines, en 1991 sont encore en cours. Elle constate donc en la matière une extrême lenteur qui, au regard de nombreuses législations, constituerait un déni de justice.
6. La commission veut croire que le gouvernement continuera de prendre les mesures nécessaires pour garantir que, conformément à la convention et aux dispositions pertinentes de la législation nationale, des sanctions pénales soient infligées aux personnes convaincues d'avoir imposé un travail forcé, et qu'il communiquera copie des décisions de justice prononcées.
La commission prie également le gouvernement de fournir des informations sur les activités déployées dans le cadre du programme intégré de répression du travail forcé, qui relève du GERTRAF, et sur les mesures prises pour accélérer les procédures en cours.
La commission espère que l'examen en cours des projets de loi débouchera rapidement sur l'adoption d'un texte permettant de clarifier les différents concepts de travail en esclavage, travail forcé ou travail dégradant, et que le gouvernement communiquera copie de ces textes dès qu'ils auront été adoptés.