National Legislation on Labour and Social Rights
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1. La commission prend note du rapport transmis par le gouvernement en réponse à son observation de 2000 qui portait uniquement sur la communication envoyée le 3 août 1999 par une organisation de travailleurs, en vertu de l’article 23 de la Constitution, ainsi que du rapport envoyé par le gouvernement le 9 mai 2000, en réponse à la communication susmentionnée. La commission, rappelant que les commentaires formulés sur des questions d’une plus vaste portée dans son observation et sa demande directe de 1998 demeurent valables, saurait gré au gouvernement de répondre, dans son prochain rapport, qui est dû en 2003, non seulement à la présente observation mais également à ses commentaires de 1998.
2. Dans sa communication, la Centrale unitaire des travailleurs du Pérou (CUT) indiquait que, par le décret suprême no 017-99-AG du 3 juin 1999, le gouvernement a exproprié la communauté indigène de Santo Domingo de Olmos de 111 656 hectares des terres ancestrales, dans la province de Lambayeque, pour les attribuer à des investisseurs privés intéressés par un projet hydroélectrique. Selon la CUT, ni la communauté dans son ensemble ni ses membres n’ont été dédommagés de la confiscation de ces terres. La commission avait noté que, dans sa réponse à la communication de la CUT, le gouvernement indiquait que l’inclusion des 111 656 hectares dans le projet ne constituait pas une expropriation et que, si la propriété de la communauté sur ces terres était confirmée, cette communauté ne perdrait pas ses droits puisque l’article 5 du décret préserve le droit de propriété des tiers.
3. La commission note qu’en réponse à la question posée dans son observation de 2000 sur les mesures prises pour délimiter les terres ancestrales de la communauté, le gouvernement indique que le projet spécial d’attribution des titres de propriété (PETT), mis en place en vertu de la loi organique du ministère de l’Agriculture (décret-loi no 25 902) et régi par le décret suprême no 064-2000, encadre, au niveau national, la clarification sur les plans matériel et légal du statut des terres rurales expropriées et concédées aux fins de la réforme agraire, qui appartiennent à des particuliers, ainsi que des terres en friche («eriazas») qui sont à la libre disposition de l’Etat, en vue de leur transfert au secteur privé. Selon le rapport, la clarification du statut des biens ruraux consiste à régulariser, sur le plan légal, les terres rurales, les communautés paysannes et autochtones ainsi que les terres en friche, en établissant un cadastre rural au niveau national. Le gouvernement indique en outre que la communauté indigène de Santo Domingo de Olmos dispose de tous les éléments techniques nécessaires à son enregistrement et pourrait déjà faire enregistrer les 360 808 hectares qui ne sont pas contestés, mais qu’il manque un élément juridique, à savoir l’inscription de cette communauté dans les registres publics en tant que personne juridique.
4. Dans son rapport de 2001, le gouvernement réaffirme que cette affaire ne constitue pas une expropriation et que le droit de propriété de la communauté restera, sauf si la communauté en fait la preuve.
5. Afin d’examiner ces questions, la commission prend note de la législation qui réglemente le régime juridique des terres agricoles, à savoir: le Code civil, la loi no 26 505 du 17 juillet 1995, sur l’investissement privé dans les activités économiques menées sur le territoire national et sur les terres des communautés paysannes et indigènes et son règlement, approuvé par le décret no 011-97-AG du 12 juin 1997. Elle note que l’article 7 du règlement dispose que sont considérées comme terres en friche («eriazas») les terres cultivables ou adaptées à l’élevage qui ne sont pas exploitées en raison d’un manque ou d’un excès d’eau, et que l’article 9 dispose que lesdites «eriazas» cultivables ou adaptées à l’élevage font partie du domaine de l’Etat, à l’exception de celles pour lesquelles il existe des titres de propriété privée ou communale. La commission note également que le ministère de l’Agriculture tient le registre des terres en friche visées à l’article 7 et vérifie l’exécution des contrats d’adjudication de ces terres. En outre, le même décret (art. 4) déclare en friche («eriazas») 111 656 hectares sur lesquels la communauté de Olmos revendique des droits ancestraux et dispose (art. 5) que cette superficie doit être enregistrée comme étant à la disposition du projet spécial d’irrigation et de production d’énergie hydroélectrique. La commission note que, selon le gouvernement, la procédure d’expropriation n’a pas été poursuivie, mais fait observer que des terres sur lesquelles une communauté indigène revendique des droits ancestraux ont été incorporées au domaine de l’Etat et concédées à des particuliers sans qu’aucun dédommagement ne soit accordé.
6. La commission indique que le rattachement au domaine de l’Etat et la concession ultérieure au secteur privé de terres sur lesquelles les indigènes revendiquent des droits ancestraux posent des questions quant à la conformité de telles mesures avec les articles 13 et 14 de la convention. En conséquence, elle examinera la revendication des droits ancestraux de la communauté de Olmos sur les terres contestées à la lumière de ces articles de la convention.
7. La commission note que le paragraphe 1 de l’article 13 de la convention porte sur les terres que les peuples intéressés occupent ou utilisent d’une autre manière, tandis que le paragraphe 1 de l’article 14 stipule que «les droits de propriété et de possession sur les terres qu’ils occupent traditionnellement doivent être reconnus aux peuples intéressés» et que le paragraphe 2 de ce même article dispose que les gouvernements doivent, en tant que de besoin, prendre des mesures pour identifier ces terres. Dans un commentaire de 1988 relatif à l’application de la convention (no 107) relative aux populations aborigènes et tribales, 1957, la commission avait déjàétabli que l’occupation traditionnelle confère le droit sur la terre en vertu de la convention, que ce droit ait été reconnu ou non. En cherchant à déterminer si les terres contestées étaient auparavant occupées traditionnellement par des populations indigènes, la commission a constaté que la communauté paysanne de Olmos justifie de quatre résolutions de reconnaissance des terres, à savoir: résolution du 9 mai 1544, délivrée par Blasco Núñez de Vela, Vice-roi du Pérou; résolution du 22 avril 1550, délivrée par Pedro de la Gasca, président de la «Audiencia de los Reyes»; résolution du 13 avril 1578, délivrée par Francisco Toledo, Vice-roi du Pérou; et résolution suprême no 086 du 4 août 1931, délivrée par le ministère des Travaux publics, qui reconnaît les communautés paysannes de Olmos comme populations indigènes. Les trois premières résolutions attestent des droits de la communauté sur les terres et ont été enregistrées par-devant notaire en 1847, en 1948 et en 1974. La commission n’entrera pas en matière sur la validité juridique de ces résolutions en tant que titres de propriété, mais en prend note dans la mesure où elles démontrent l’existence de l’occupation traditionnelle et de la volonté de la communauté de Olmos de ne pas renoncer à ses droits sur les terres en question puisqu’elle a tenté de les faire reconnaître tout au long des siècles. De plus, la commission prend note de la plainte déposée le 24 juillet 1999 par le président de la communauté paysanne de Olmos, que lui a transmise la CUT.
8. Sur la base de l’ensemble des informations dont elle dispose, la commission note qu’il y a eu occupation traditionnelle, même s’il n’est pas possible de déterminer si cette occupation porte sur toute la superficie des terres contestées. Elle fait observer que, selon la carte transmise par la CUT, ces terres seraient situées au centre de terres traditionnellement occupées par la communauté de Olmos et note avec préoccupation que, selon la CUT, ces 111 656 hectares revêtent une importance stratégique pour les communautés et qu’une grande partie de la superficie restante est constituée de collines et présente un problème d’eau. La commission rappelle que la convention était déjà en vigueur en 1999, lors de la promulgation du décret susmentionné et que, dans son observation de 1998 (paragraphes 14 et 15), elle avait déjà exprimé l’inquiétude que la loi no 26 505 favorise la dispersion des terres communales.
9. En conséquence, la commission attire l’attention du gouvernement sur le fait que ce qu’il décrit comme une incorporation au domaine de l’Etat constitue en réalité, dans la mesure où il y a eu occupation traditionnelle, une négation des droits de propriété et de possession établis aux articles 13 et 15 de la convention, quel que soit le procédé utilisé. La commission note que la communauté indigène de Olmos demande que ses terres finissent par lui être restituées, même dans un avenir lointain. Elle prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, conformément au paragraphe 2 de l’article 14 de la convention, pour déterminer, en consultation avec les peuples intéressés comme le stipule l’article 6 de la convention, les terres traditionnellement occupées par les peuples concernés et espère que, une fois ces terres délimitées, il prendra les mesures adéquates pour garantir, comme le stipule le paragraphe 2 de l’article 14 de la convention, la protection effective des droits de propriété et de possession des peuples intéressés, y compris, le cas échéant, sur les 111 656 hectares en question.
10. D’une manière plus générale, la commission craint que la loi no 26 505, son règlement d’application et la législation connexe ne portent atteinte aux droits des peuples indigènes sur les terres qu’ils occupent traditionnellement. Elle prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour empêcher le rattachement des terres occupées traditionnellement par les indigènes au domaine public et veiller à ce que les titres fonciers correspondants soient rapidement délivrés. La commission espère que le gouvernement lui transmettra dans son prochain rapport des informations sur les mesures prises et les progrès réalisés.
La commission adresse une demande directe au gouvernement.