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Observation (CEACR) - adopted 2005, published 95th ILC session (2006)

Indigenous and Tribal Peoples Convention, 1989 (No. 169) - Guatemala (Ratification: 1996)

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1. La commission prend note du rapport détaillé du gouvernement et des documents qui y sont joints; elle prend également note: 1) du troisième rapport sur l’application de la convention au Guatemala établi par le Conseil des organisations mayas du Guatemala (COMG) et transmis par la Centrale générale des travailleurs du Guatemala (CGTG) le 2 novembre 2005; 2) des observations et des commentaires d’ordre général formulés par le gouvernement à propos de la communication du COMG reçus le 31 mars 2005; 3) de la communication de l’Union syndicale des travailleurs du Guatemala (UNSITRAGUA) du 21 janvier 2005; et 4) des commentaires formulés par le gouvernement à propos de cette communication reçus le 11 novembre 2005.

2. La commission note avec intérêt qu’une délégation du Guatemala, menée par le Vice-président de la République et comptant parmi ses membres Mme Rigoberta Menchu, prix Nobel de la paix, s’est rendue au siège de l’OIT à Genève le 30 septembre 2005 en vue de solliciter l’assistance technique du Bureau pour appliquer la convention, car plusieurs conflits sont apparus, qui intéressent les peuples indigènes. Le gouvernement exprime qu’il souhaite mettre fin à l’exclusion systématique des peuples indigènes du processus décisionnel, entend leur donner voix au chapitre dans le cadre de ces conflits (qui, en général, sont des conflits fonciers) et trouver des méthodes de consultation.

3. La commission note aussi qu’en novembre 2005 le Conseil d’administration a déclaré recevable une réclamation de la Fédération des travailleurs ruraux et urbains présentée en vertu de l’article 24 de la Constitution de l’OIT et alléguant le non-respect par le gouvernement de certaines dispositions de la convention.

Articles 6 et 7 de la convention. Consultations et participation. 

4. La commission prend note des informations contenues dans le troisième rapport alternatif du COMG. Ce rapport indique que les peuples indigènes constituent la population majoritaire du pays et représentent le principal groupe d’actifs, et que leurs droits doivent être pleinement reconnus. Il indique aussi que des initiatives sont menées sporadiquement en vue d’institutionnaliser la participation de ces peuples, que certaines décisions de justice donnent effet à la convention et que d’autres mesures sont prises, mais qu’il n’existe aucune politique cohérente regroupant des mesures politiques, administratives et financières pour atteindre les objectifs fixés. Le rapport indique en outre que la participation des peuples indigènes reste symbolique et le système politique électoral demeure un moyen d’exclusion. S’agissant des consultations, il n’existe pas de mécanismes institutionnels concrets permettant leur tenue, et le précédent gouvernement a accordé 31 concessions d’exploitation et 135 concessions de prospection des ressources minérales sans que les peuples indigènes n’aient été préalablement consultés sur la viabilité de ces activités et sur leurs incidences pour l’environnement. A ce jour, ces activités se poursuivent et aucun programme n’est prévu pour réduire leurs effets ni pour dédommager les communautés qu’elles pourraient léser.

5. Dans les commentaires qu’il formule à propos de ces communications, le gouvernement indique qu’il renforce la participation des peuples indigènes, que fin 2004 une instance a été mise en place pour préparer un conseil sur les peuples indigènes, le pluriculturalisme et les rapports interculturels en vue d’instaurer un conseil permanent. Il sera chargé de conseiller le gouvernement sur les politiques publiques intéressant les peuples indigènes. La commission note qu’en mars 2005 un conseil indigène (CAI) a été créé. D’après le gouvernement, l’intégration des indigènes dans les partis politiques prend du temps mais des progrès sont faits en ce sens. Il reconnaît que les partis doivent revoir leurs objectifs et intégrer davantage les peuples indigènes et que ces derniers doivent présenter un plus grand nombre de propositions de fond. Le gouvernement admet qu’il n’existe pas de mécanismes de consultation et que l’élaboration d’un projet de loi sur la consultation des peuples indigènes constitue l’un des principaux objectifs de la Commission paritaire de réforme et de participation.

6. La commission fait observer que, depuis 1998, elle demande des informations sur les mécanismes de consultation mis en place conformément à la convention. Elle signale au gouvernement que les dispositions sur les consultations, notamment l’article 6, sont des dispositions fondamentales de la convention, dont dépend l’application des autres dispositions. Les consultations sont le moyen prévu par la convention pour institutionnaliser le dialogue, mettre en place des processus de développement permettant aux peuples indigènes d’exercer une influence, prévenir et résoudre les conflits. Les consultations prévues par la convention visent à concilier des intérêts parfois contradictoires par le biais de procédures appropriées. La commission a noté avec intérêt que le gouvernement s’est intéressé à la question des consultations en sollicitant l’assistance technique du Bureau pour donner effet aux dispositions de la convention en la matière; elle l’invite à poursuivre sur cette voie et espère que, l’année prochaine, il pourra transmettre des informations sur les mesures législatives et pratiques adoptées pour mettre en œuvre cette disposition essentielle de la convention.

Article 15, paragraphe 2. Communication d’UNSITRAGUA concernant les licences accordées à la société Montana-Glamis SA et alléguant que les peuples intéressés n’ont pas été consultés pour déterminer si leurs intérêts étaient menacés, et dans quelle mesure. 

7. La commission note que, d’après la communication d’UNSITRAGUA, le gouvernement a autorisé récemment la société Montana Exploradora de Guatemala SA (qui appartient à la compagnie minière canadienne Glamis Gold) à explorer et exploiter les ressources minières se trouvant dans les départements de San Marcos et d’Izábal. Le syndicat indique que la licence d’exploitation minière porte sur des zones où sont situés deux grands lacs du Guatemala, le lac d’Atitlan et le lac d’Izábal, et où il existe des zones d’écotourisme. L’exploitation nécessiterait 250 000 litres d’eau par heure, mettrait en cause l’approvisionnement en eau potable et entraînerait de graves risques de pollution. Même si les populations de Sololá et de San Marcos sont opposées à l’exploitation minière, le gouvernement a eu recours à l’intimidation pour permettre l’installation d’un cylindre avec l’aide de 1 300 agents de la police et de l’armée. L’installation a commencé le 11 janvier 2005. La population a manifesté son opposition et a barré la route. D’après le syndicat, le gouvernement affirme que la population était armée, mais aucune arme n’a été saisie. Un habitant a été tué et beaucoup d’autres ont été blessés.

8. UNSITRAGUA souligne que ces événements sont la conséquence de l’application d’une politique minière sans consultation préalable de la population; cette politique fait passer l’intérêt des entreprises avant les considérations sociales et le respect de la terre, de la culture, des croyances, des opinions et de la vie des peuples indigènes guatémaltèques. La commission prie le gouvernement de donner des précisions sur cet événement et d’indiquer si le ou les responsables ont été identifiés, jugés et sanctionnés.

9. Dans sa réponse, le gouvernement indique que la législation du Guatemala impose la réalisation et la présentation d’études d’impact sur l’environnement avant l’octroi de toute licence d’exploration ou d’exploitation. La société Montana Exploradora a présenté des études qui ont été approuvées par la Direction générale de gestion de l’environnement et des ressources naturelles du ministère de l’Environnement et des Ressources naturelles (résolution no 779-2003/CRMM/EM). La licence concerne les ressources minières du département de San Marcos mais pas celles d’Izábal, et la communication faite par UNSITRAGUA n’explique pas quels risques comporterait l’exploitation pour les lacs d’Atitlan et d’Izábal. Le gouvernement reconnaît qu’il n’existe pas de mécanisme institutionnalisé pour consulter les peuples indigènes mais signale que des tentatives de rapprochement ont été faites. Par exemple, un premier Forum national sur l’industrie minière a eu lieu et les onze organisations qui ont œuvré pour sa tenue ont communiqué au gouvernement les dix principales conclusions de ces journées de dialogue. Une commission de haut niveau a été formée, constituée de représentants du gouvernement et de l’Eglise catholique, et, en août 2005, un accord a été trouvé en vue de modifier les dispositions de la loi sur l’industrie minière relatives aux compensations, à la salubrité de l’environnement et à la consultation des peuples indigènes. Le gouvernement signale aussi que le Guatemala a déjà sollicité l’assistance technique du BIT pour résoudre le problème de la consultation des peuples indigènes dans le cadre de la convention. Dans le rapport, le gouvernement reconnaît que les événements violents sont dus à l’installation des équipements en vertu d’autorisations élargies octroyées par l’autorité compétente.

10. La commission note que, d’après la communication, le problème de l’exploitation des ressources naturelles ne donne pas lieu aux consultations prévues par la convention. L’article applicable en l’espèce est l’article 15, paragraphe 2, lu conjointement avec les articles 6 et 7 de la convention. L’article 6 concerne les procédures de consultation, l’article 7 le processus du développement et l’article 15, paragraphe 2, la consultation des peuples indigènes à propos des ressources naturelles; ces consultations visent à «déterminer si et dans quelle mesure les intérêts de ces peuples sont menacés avant d’entreprendre ou d’autoriser tout programme de prospection ou d’exploitation des ressources dont sont dotées leurs terres».

11. Le gouvernement ne nie pas l’absence de consultations alléguées mais indique que la société a réalisé une étude d’impact sur l’environnement approuvée par la direction gouvernementale compétente. La commission en prend note; elle relève aussi que la population s’oppose à ce projet d’exploitation minière et que des événements violents ont eu lieu. En outre, la commission prend note des préoccupations du bureau de l’Ombudsman pour les droits de l’homme, exprimées dans son rapport de mai 2005, à propos des activités minières. L’ombudsman se réfère expressément au projet dont fait mention l’UNSITRAGUA et exprime sa préoccupation pour les risques que comporte l’exploitation minière à ciel ouvert, et notamment les méthodes utilisées dans ce cas, à savoir la lixiviation au cyanure. Le rapport indique en outre que cette méthode a eu des conséquences nuisibles pour l’environnement et la santé dans d’autres pays, qu’elle est interdite dans d’autres régions du monde. Elle pourrait avoir un impact: 1) sur les ressources en eau; 2) sur la qualité de l’air à cause de l’émission des particules; et 3) sur la fertilité à long terme de la terre à cause des infiltrations de cyanure. La commission attire l’attention du gouvernement sur le fait que ces risques doivent faire l’objet de consultations ou d’études, comme le prévoient l’article 15, paragraphe 2, de la convention et l’article 7, paragraphe 3, respectivement.

12. La commission rappelle que certaines conditions doivent être remplies pour que les activités d’exploration ou d’exploitation des ressources naturelles soient conformes à la convention. Elle signale à l’attention du gouvernement que ces conditions ne sont pas remplies dans le cas mentionné dans la communication d’UNSITRAGUA.

13. La réalisation d’études d’impact sur l’environnement par une société ne saurait remplacer les consultations prévues à l’article 15, paragraphe 2. Aux termes de cet article, «les gouvernements doivent établir ou maintenir des procédures pour consulter les peuples intéressés dans le but de déterminer si et dans quelle mesure les intérêts de ces peuples sont menacés avant d’entreprendre ou d’autoriser tout programme de prospection ou d’exploitation des ressources dont sont dotées leurs terres». Comme l’a signalé la commission dans des cas similaires, c’est au gouvernement, et non aux sociétés, qu’il incombe de mener les consultations. De plus, lorsqu’ils établissent ou maintiennent des procédures de consultation, les gouvernements doivent tenir compte des conditions posées à l’article 6 de la convention et des dispositions de l’article 7 aux termes duquel «les gouvernements doivent faire en sorte que, s’il y a lieu, des études soient effectuées en coopération avec les peuples intéressés, afin d’évaluer l’incidence sociale, spirituelle, culturelle et sur l’environnement que les activités de développement prévues pourraient avoir sur eux. Les résultats de ces études doivent être considérés comme un critère fondamental pour la mise en œuvre de ces activités.»

14. Par conséquent, la commission prie le gouvernement de mettre en place des consultations avec les peuples intéressés en tenant compte des procédures prévues à l’article 6 de la convention pour déterminer si leurs intérêts sont menacés, et dans quelle mesure (article 15, paragraphe 2, de la convention). La commission prie aussi le gouvernement de voir si, les activités d’exploration et d’exploitation de Montana-Glamis se poursuivant, il est en mesure de réaliser les études prévues à l’article 7 de la convention en coopération avec les peuples concernés, si possible avant que les effets potentiellement nuisibles des activités ne deviennent irréversibles. Prière de transmettre des informations détaillées sur cette question, en tenant compte du fait que le bureau de l’Ombudsman pour les droits de l’homme s’est dit préoccupé par l’octroi sans consultations de 395 licences d’exploration et d’exploitation et qu’il y en aurait environ 200 autres en cours.

15. Enfin, la commission note que les deux communications reçues concernent des problèmes et des conflits liés à l’absence de mécanisme de consultation. Elle note aussi que cette question a revêtu un aspect particulier au Guatemala et que, d’après les informations concernant le Forum national sur l’industrie minière, l’accord trouvé avec l’Eglise catholique et la demande d’assistance adressée par le gouvernement au Bureau en vue d’instaurer un cadre pour consulter les peuples indigènes, le gouvernement a déjà pris d’importantes mesures pour trouver une solution. Soulignant que les dispositions sur les consultations sont des dispositions essentielles, dont dépend l’application des autres dispositions de la convention, et rappelant que les consultations prévues par la convention doivent permettre d’instaurer un dialogue pour mettre en place un processus de développement participatif, la commission prie instamment le gouvernement d’intensifier ses efforts pour adopter les mesures voulues, en consultation avec les peuples indigènes et avec l’assistance technique du Bureau, en vue de transposer les articles 6, 15, paragraphe 2, et 7 de la convention en droit interne et de les appliquer. Elle espère que le gouvernement pourra transmettre des informations détaillées sur les mesures adoptées et sur les progrès réalisés en la matière en 2006.

16. La commission adresse une demande directe au gouvernement portant sur d’autres points et sur des points connexes.

[Le gouvernement est prié de répondre en détail aux présents commentaires en 2006.]

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