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Observation (CEACR) - adopted 2007, published 97th ILC session (2008)

Forced Labour Convention, 1930 (No. 29) - Brazil (Ratification: 1957)

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La commission a pris note des informations détaillées communiquées par le gouvernement dans son rapport ainsi que des commentaires présentés par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) relatifs à la traite des personnes qui sont examinés dans la demande adressée directement au gouvernement.

Article 1, paragraphe 1 et article 2, paragraphe 1, de la convention. Travail esclave. Depuis de nombreuses années, les commentaires de la commission portent sur la situation de travailleurs victimes de conditions de travail inhumaines et dégradantes, de servitude pour dette ou de traite interne à des fins d’exploitation de leur travail. Ces dernières années, la commission a pu noter avec intérêt un certain nombre de mesures prises par le gouvernement, qui témoignent de son engagement à combattre ce phénomène, désigné au Brésil par les termes «travail esclave». Ces mesures ont permis de doter le pays d’un arsenal législatif adapté aux circonstances nationales grâce à l’adoption de dispositions décrivant précisément les éléments constitutifs du crime de «réduction d’une personne à une condition analogue à celle d’esclave» (art. 149 du Code pénal); d’un plan national d’action et d’une campagne nationale pour l’éradication du travail esclave; d’institutions spécialisées dans la lutte contre ce phénomène, en particulier la Commission nationale pour l’éradication du travail esclave et le groupe d’inspection mobile. Grâce aux visites d’inspection menées par ce groupe, un grand nombre de travailleurs ont pu être libérés du joug d’employeurs malveillants qui exploitent leur travail. Ces victimes ont été indemnisées et des amendes importantes ont été infligées aux personnes qui se livraient à cette exploitation. Malgré tout cela, le phénomène perdure. Ni la législation ni les contrôle de l’inspection du travail, ni les décisions de justice ne semblent être suffisamment dissuasifs pour mettre fin à une pratique qui reste manifestement lucrative. La commission demande par conséquent au gouvernement de continuer à prendre toutes les mesures qui sont de son ressort pour poursuivre dans la voie d’une lutte sans merci contre les personnes qui imposent du travail forcé, et ce malgré les obstacles et les résistances qui subsistent dans le pays.

1. Renforcement et adaptation du cadre juridique. a) Projet d’amendement à l’article 243 de la Constitution (PEC no 438/2001). La commission a demandé au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour accélérer le processus d’adoption de ce projet. En prévoyant l’expropriation, sans indemnisation, des exploitations dans lesquelles l’utilisation de main-d’œuvre esclave serait constatée, cet amendement permettrait d’imposer des sanctions réellement dissuasives aux propriétaires de ces exploitations. Cet amendement prévoit également que les terres expropriées seront destinées à la réforme agraire et réservées en priorité aux personnes qui travaillaient sur lesdites exploitations. La commission note l’indication du gouvernement selon laquelle, depuis fin 2004, la proposition d’amendement, déjà approuvée par le Sénat, attend son adoption en deuxième lecture par la Chambre des députés. Le gouvernement précise que, malgré son engagement en faveur de l’adoption de cette proposition, la procédure évolue très lentement et rencontre une opposition sévère de la part des députées représentant le secteur rural à la Chambre des députés.

b) Liste des personnes utilisant ou ayant utilisé de la main-d’œuvre esclave. Depuis 2003, les personnes physiques ou morales reconnues, par décision de justice définitive, comme ayant utilisé de la main-d’œuvre dans des conditions analogues à l’esclavage figurent sur une liste établie et mise à jour régulièrement par le ministère du Travail. La liste est communiquée, tous les six mois, à différents organes de l’administration publique et aux banques administrant les fonds constitutionnels et régionaux de financement, de manière à ce que les personnes qui y figurent ne bénéficient d’aucune aide, subvention ou crédit public. En outre, pendant les deux ans suivant l’inclusion d’un nom dans la liste, l’inspection du travail vérifie les conditions de travail dans les exploitations concernées. En l’absence de récidive et si les amendes et les dettes envers les travailleurs ont été réglées, le nom peut sortir de la liste (décret no 540 du ministère du Travail et de l’Emploi du 15 octobre 2004).

La commission note que, suite à la dernière révision de la liste, en juillet 2007, 22 noms sont sortis de la liste, tandis que 51 l’ont intégrée, ce qui porte le nombre total de personnes physiques ou morales comprises dans la liste à 192. La commission constate avec préoccupation, d’après les informations fournies par le gouvernement, que cette liste fait l’objet de contestations. La Confédération nationale de l’agriculture et de l’élevage (CNA) a présenté un recours auprès du Tribunal fédéral suprême contestant la légalité et la constitutionnalité de la liste adoptée par arrêté du ministre du Travail. Suite à cette action, et en attendant la décision du Tribunal fédéral suprême, plusieurs personnes comprises dans la liste ont demandé à la justice de les faire sortir de la liste, à titre de mesure conservatoire. Certains tribunaux ont accédé à ces demandes, mais le Procureur général de l’Union a contesté ces décisions considérant que la liste n’est pas entachée d’illégalité puisque n’y figurent que les personnes physiques ou morales qui ont été condamnées par une décision de justice définitive, elle-même fondée sur les procès-verbaux dressés suite aux visites d’inspection menées par des agents publics. Le gouvernement indique que, pour mettre fin à cette controverse, un projet de loi instituant la liste des employeurs ayant maintenu des travailleurs dans des conditions analogues à l’esclavage à été déposé, de manière à conférer un caractère légal à la liste établie jusqu’à présent par arrêté ministériel (PLS no 25/05).

Le gouvernement indique, par ailleurs, que le fait de figurer sur la liste a été utilisé pour considérer qu’une exploitation n’avait pas rempli sa fonction sociale. Le Président de la République a ordonné l’expropriation d’une exploitation ayant été déclarée d’intérêt social pour la réforme agraire. En outre, une déclaration d’intention pour l’éradication du travail esclave a été signée par la Fédération brésilienne des banques (FEBRABAN) en décembre 2005, aux termes de laquelle la fédération s’engage à mettre en œuvre un programme d’action incitant ses associés à ne pas accorder de crédit aux entreprises ayant recours au travail esclave.

c) Autres projets de loi. Le gouvernement indique que d’autres projets de loi ont été présentés qui visent, d’une part, à donner une base légale à l’interdiction pour les personnes reconnues comme ayant utilisé de la main-d’œuvre esclave d’obtenir des avantages fiscaux et des crédits ou de participer à des marchés publics et, d’autre part, à aggraver les peines applicables au crime de réduction d’une personne à une condition analogue à celle d’esclave.

La commission a déjà indiqué que la liste constituait un outil indispensable de la lutte contre le travail forcé. Si l’on en juge par les réactions qu’elle engendre, il semble bien que l’objectif recherché par la liste, à savoir porter directement atteinte aux intérêts économiques et financiers de ceux qui exploitent la main-d’œuvre esclave, soit atteint. Par conséquent, la commission espère que le gouvernement continuera à prendre toutes les mesures nécessaires pour accélérer l’adoption des projets de lois et du projet d’amendement constitutionnel précités, ainsi que tout autre projet qui contribue à atteindre cet objectif.

2. Actions de prévention et de sensibilisation. Dans ses précédents commentaires, la commission avait pris note des actions de sensibilisation de l’opinion publique et de prévention prises par le gouvernement. Elle avait relevé le rôle joué dans ce domaine par la Commission nationale pour l’éradication du travail esclave (CONATRAE) en tant qu’organe permanent pour la coordination de l’ensemble des actions devant être prises dans le cadre du plan national d’action. Elle avait également pris note des actions menées dans le cadre du projet de coopération entre le BIT et le gouvernement «Combattre le travail forcé au Brésil» (2002-2007).

La commission note que ces actions se poursuivent et revêtent différentes formes:

–           campagne de publicité pour l’éradication du travail esclave, avec distribution de dépliants alertant la population sur les méthodes utilisées par les intermédiaires «gatos» pour recruter les travailleurs et informant sur les droits des travailleurs et sur les moyens de dénoncer les cas de travail esclave;

–           lancement de programmes favorisant l’accès des travailleurs libérés au crédit et à la terre et leur assurant une assistance technique et une formation dans le domaine de l’agriculture, de manière à promouvoir leur émancipation par la production et le travail;

–           initiative «comptoir citoyen», dont l’objectif est de fournir des papiers d’identité et une assistance juridique aux travailleurs libérés ou aux victimes potentielles. Ces comptoirs, fixes ou itinérants, disséminent des informations sur les droits des travailleurs, la citoyenneté et les pièges de l’esclavage, notamment dans les zones reculées où le recours au travail esclave est répandu;

–           projet «esclave, n’y pense pas», dont l’objectif est de réduire le nombre d’adolescents déplacés vers les régions de l’Amazonie, en mobilisant l’école et les professeurs pour qu’ils jouent un rôle de prévention contre le travail esclave.

La commission note que la société civile et le BIT, par l’intermédiaire de son projet de coopération, sont souvent associés à ces initiatives ainsi qu’à l’organisation de séminaires et de journées de réflexion. Elle relève, par ailleurs, avec intérêt que le monde de l’entreprise développe lui aussi des initiatives faisant appel à la responsabilité sociale de l’entreprise. Ces différentes initiatives qui visent à garantir que la filière, la chaîne de production ou les produits achetés sont exempts de travail esclave, font peser une pression morale et économique sur les entreprises ou exploitations qui seraient tentées de recourir au travail esclave et les incitent à adopter de bonnes pratiques en matière de droit du travail. Le gouvernement se réfère notamment: au Pacte national pour l’éradication du travail esclave lancé en 2005, comptant plus de 120 signataires, parmi lesquels les grandes chaînes de supermarché, des groupes industriels et financiers, qui se sont engagés à ne pas acquérir des produits issus du travail esclave; à l’Institut du charbon citoyen, qui a notamment pour objectif d’éradiquer le travail esclave dans la chaîne productive de ce secteur et de promouvoir l’intégration des travailleurs libérés dans le marché du travail; à l’Institut coton social qui poursuit sensiblement le même objectif.

La commission se félicite des efforts déployés par le gouvernement et le prie de continuer à fournir des informations sur les mesures prises afin de poursuivre les activités de sensibilisation et de mobilisation de la population dans la lutte contre le travail esclave. Prière d’indiquer les mesures prises pour soutenir et promouvoir les initiatives privées menées dans ce domaine, pour protéger les populations marginalisées susceptibles de devenir des victimes et pour réinsérer les travailleurs libérés.

3. Renforcement et protection de l’inspection du travail. Dans ses précédents commentaires, la commission a noté le rôle central du Groupe spécial d’inspection mobile (GEFM) dans la lutte contre le travail esclave et a demandé au gouvernement de fournir des informations sur les moyens mis à sa disposition pour mener à bien ses fonctions. Elle a, par ailleurs, fait part de sa préoccupation face au contexte de violence et d’intimidation dans lequel les inspecteurs du travail, les procureurs et les juges devaient travailler. Dans son rapport, le gouvernement indique que, pour chacune de ses interventions, le GEFM est composé d’inspecteurs du travail, d’agents de la police fédérale et de procureurs du ministère public du Travail. Selon les données statistiques fournies par le gouvernement, depuis sa création en 1995, le GEFM a effectué plus de 560 opérations qui ont touché plus de 1 800 propriétés et permis de libérer plus de 25 000 travailleurs. Le nombre des opérations est chaque année en augmentation, ce qui démontre que le GEFM ne fait pas face à des restrictions ou à des entraves particulières. Le gouvernement ne nie cependant pas que le GEFM et les autres acteurs publics et privés qui interviennent dans la lutte contre le travail esclave rencontrent des difficultés. Il indique qu’il a pris des mesures pour atténuer ces problèmes, par exemple en augmentant les indemnités journalières des fonctionnaires publics en service à l’intérieur du pays. S’agissant du traitement des plaintes déposées auprès du Secrétariat de l’inspection du travail (SIT), le gouvernement indique que ce secrétariat examine leur pertinence et détermine si un contrôle doit avoir lieu. Le temps écoulé entre la réception d’une plainte et la visite d’inspection dépend des circonstances de l’infraction dénoncée: localisation de l’entreprise, conditions d’accès, existence de milices armées, nombre de travailleurs concernés. Un système informatisé de contrôle des plaintes est en cours d’installation qui permettra de mieux traiter les informations et indirectement d’améliorer la capacité de réaction du gouvernement. En ce qui concerne la protection des inspecteurs du travail, le gouvernement rappelle que la police fédérale est présente lors de chaque opération et qu’elle peut intervenir en tant que police judiciaire.

La commission prend note de l’ensemble de ces informations. Elle constate qu’en septembre 2007 la secrétaire du SIT a décidé de suspendre toutes les visites d’inspection du GEFM. Cette décision répondait aux accusations portées à l’encontre du GEFM par une commission temporaire extérieure du Sénat, établie après un contrôle effectué par le GEFM dans une exploitation, à la suite duquel un grand nombre de travailleurs avaient été libérés. La commission sénatoriale a demandé l’ouverture d’une enquête de police sur les méthodes utilisées par le GEFM lors de cette inspection. Le SIT a considéré que le climat d’intimidation et de suspicion ne permettait pas au GEFM de poursuivre ses activités dans de bonnes conditions. La commission constate que le GEFM a repris ses visites d’inspection après la signature d’un accord de coopération entre le ministère du Travail et de l’Emploi et le Procureur général de l’Union. Les services du Procureur général de l’Union assurent désormais le suivi juridique des actions menées par le GEFM et assistent les inspecteurs du travail en cas d’action les mettant en cause. Rappelant que le GEFM est le maillon indispensable de la lutte contre le travail esclave, la commission s’inquiète des pressions auxquelles il doit faire face et demande au gouvernement de continuer à prendre toute les mesures pour permettre au GEFM de mener ses activités dans un climat serein et exempt de menaces ou de pressions politiques. La commission souhaiterait que le gouvernement continue à fournir des données sur l’action déployée par le GEFM (nombre de plaintes reçues par le Secrétariat de l’inspection du travail, nombre d’opérations menées, nombre de travailleurs libérés) et qu’il indique les mesures prises pour renforcer la capacité d’intervention et de réaction du GEFM.

4. Article 25. Application de sanctions efficaces. a) Sanctions administratives. La commission rappelle que l’application effective de sanctions en cas d’infraction à la législation du travail est un élément essentiel de la lutte contre le travail esclave, dans la mesure où le travail esclave se caractérise par la réunion de plusieurs infractions à la législation du travail devant être réprimées en tant que telles. En outre, prises dans leur ensemble, elles constituent une infraction pénale appelant des sanctions spécifiques, comme examinées ci-après. La commission note que le gouvernement indique que le montant des amendes infligées pour les infractions à la législation du travail est en constante augmentation. Il souligne, par ailleurs, le rôle joué par le ministère public du Travail qui, dans le cadre de l’action civile publique, demande, en plus des amendes, le versement d’indemnisations pour le préjudice moral subi par le travailleur et pour le préjudice moral collectif. Le gouvernement fournit des statistiques sur l’ensemble de ces procédures et se réfère à plusieurs décisions de justice où le montant de l’indemnisation a atteint des records. Le gouvernement considère que le montant élevé des amendes infligées et des indemnisations demandées pour préjudice moral collectif ainsi que la liste sont d’une grande efficacité puisqu’ils portent atteinte à l’avantage économique retiré du recours au travail esclave. La commission considère effectivement à cet égard que le travail esclave perdurera tant qu’il gardera son caractère lucratif. Le versement d’amendes et d’indemnisations d’un montant dissuasif, allié à l’impossibilité d’accéder aux subventions et aux financements publics et d’écouler sa marchandise ainsi qu’aux mesures d’expropriation, constitue un élément de la pression économique devant s’exercer sur les personnes qui exploitent le travail d’autrui. La commission prie, par conséquent, le gouvernement de continuer à veiller à ce que les sanctions administratives soient dissuasives et effectivement collectées, et de communiquer des informations à cet égard.

b) Sanctions pénales. La commission rappelle que, conformément à l’article 25 de la convention, le gouvernement doit s’assurer que les sanctions pénales imposées par la loi sont réellement efficaces et strictement appliquées. Elle s’est inquiétée à plusieurs reprises du très faible nombre de procès et de condamnations prononcées par les juridictions pénales en application de l’article 149 du Code pénal pour réduction d’une personne à une condition analogue à celle d’esclave.

Le gouvernement indique que, selon le ministère public fédéral, entre 1996 et 2006, 110 procédures pénales à l’encontre de personnes accusées de maintenir des travailleurs en esclavage étaient en instance devant la justice fédérale. Le ministère public fédéral a transmis, pour instruction, aux différents ministères publics des Etats 882 dossiers provenant du ministère du Travail et de l’Emploi faisant état de pratiques de travail esclave, dont 144 en 2005. Toujours selon le ministère public fédéral, seulement trois condamnations ont été prononcées pour exploitation de travail esclave par les juridictions pénales et, dans un cas, la peine de réclusion a été commuée en peine de travail d’intérêt général. Tant le gouvernement que le ministère public fédéral et les mouvements associatifs considèrent que la cause principale de l’impunité prévalant dans le pays réside dans l’indétermination de la juridiction compétente pour juger des crimes d’exploitation du travail esclave – justice fédérale, justice de droit commun ou justice du travail. Le gouvernement précise que cette détermination incombe au Tribunal suprême fédéral.

Depuis lors, la commission a eu connaissance de l’arrêt du Tribunal suprême du travail du 30 novembre 2006, qui décide que la compétence pour instruire et juger le crime de réduction d’une personne à une condition analogue à celle d’esclave (art. 149 du Code pénal) appartient à la justice fédérale. La commission espère que cette décision mettra fin aux conflits de juridiction qui ont empêché de juger les auteurs de ces crimes. Elle souhaiterait que le gouvernement fournisse des informations sur les décisions de justice rendues sur la base de l’article 149 du Code pénal par les juridictions fédérales. La commission souligne à cet égard qu’il est indispensable pour éradiquer la pratique du travail esclave que les auteurs de ces crimes fassent l’objet de sanctions pénales dissuasives.

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