National Legislation on Labour and Social Rights
Global database on occupational safety and health legislation
Employment protection legislation database
Display in: English - SpanishView all
1. La commission rappelle que, dans son observation de 2005, elle s’était déclarée très préoccupée quant à l’application de la convention en Croatie, notamment dans l’usine de Salonit-Vranjic. Elle rappelle la discussion qui a eu lieu à la Commission de la Conférence en juin 2006; dans ses conclusions, la Commission de la Conférence a invité le gouvernement à accepter sans délai une mission de contacts directs de haut niveau afin de constater la situation sur le terrain et de suivre cette affaire. La commission note que le gouvernement a accepté l’invitation.
2. La commission a reçu un rapport de la mission de contacts directs de haut niveau du Bureau (la mission), qui a eu lieu en Croatie du 2 au 6 avril 2007 pour donner suite aux conclusions de la Commission de la Conférence de juin 2006. Elle note que la mission visait à faire le point sur la situation du pays pour les activités entraînant l’exposition des travailleurs à l’amiante à l’occasion du travail; à rechercher des informations sur l’exposition passée et actuelle des travailleurs à l’usine de Salonit-Vranjic et sur la pollution passée et actuelle de l’environnement par l’amiante provenant de l’usine; et à examiner les mesures prises et envisagées pour assurer l’application effective de la convention en droit et en pratique, ainsi que les dispositions prises pour consulter les partenaires sociaux sur ces mesures.
3. Outre les rapports soumis par le gouvernement en 2006 et les communications présentées par l’Association des travailleurs atteints de l’asbestose (Vranjic, ci-après l’Association), la commission a examiné le rapport de la mission, les nombreux documents écrits et les autres informations mises à la disposition de la mission par le gouvernement, certains fonctionnaires, les organisations qui représentent les travailleurs exposés à l’amiante, notamment à l’usine de Salonit-Vranjic et l’Association, ainsi que les conclusions de la mission.
4. La commission se félicite que la mission ait pu se dérouler de manière efficace avec l’entière coopération du gouvernement et de tous les ministères compétents, notamment le ministère de l’Economie, du Travail et de l’Entrepreneuriat (MELE) et les partenaires sociaux, et que des dispositions aient été prises pour faciliter les réunions entre les membres de la mission et les autres acteurs concernés, notamment les travailleurs exposés à l’amiante, en particulier à l’usine de Salonit-Vranjic.
5. La commission note que, d’après les déclarations formulées dans le cadre de la mission, le gouvernement entend assurer la pleine application de la convention et rendre la législation croate conforme aux dispositions de l’acquis communautaire. Le gouvernement a reconnu qu’il fallait réviser les dispositions sur la protection de la santé, l’emploi et la protection sociale, et renforcer les capacités, notamment institutionnelles pour pouvoir le faire. Le gouvernement a également partagé le point de vue selon lequel il faut d’urgence trouver une solution aux problèmes des travailleurs de Salonit-Vranjic, notamment en ce qui concerne leurs droits à pension et leurs demandes d’indemnisation. Il faut également mettre en place un dispositif permettant d’accéder à leurs demandes d’indemnisation, puisque Salonit-Vranjic a fait faillite et qu’il faudra utiliser des fonds publics, Salonit-Vranjic étant auparavant une entreprise publique. La commission prend note de la déclaration du gouvernement selon laquelle, même s’il entend assurer la pension la plus avantageuse qui soit à tous les travailleurs, et pas uniquement à ceux qui souffrent de maladies liées à l’amiante, ces solutions dépendent de l’autorisation du ministère des Finances. Dans ce contexte, la commission se félicite particulièrement de l’engagement pris par le MELE à la fin de la mission: il s’est engagé à examiner si les décisions financières actuelles pouvaient être revues afin de prendre les dispositions financières nécessaires pour régler ces questions – et que le MELE a invité les autres ministères concernés à faire de même. La commission a également favorablement accueilli l’engagement pris le MELE d’envisager une solution partielle à ce problème urgent et grave.
6. Toutefois, la commission regrette profondément de ne pas être en mesure de vérifier si ces intentions ont été suivies de mesures concrètes, ni de procéder à un examen détaillé des questions soulevées dans son observation de 2005, car le gouvernement n’a pas transmis de rapport au BIT sur les mesures prises depuis la mission, même si cela lui avait été demandé. Dans ce contexte, la commission prie instamment et fermement le gouvernement de faire tous les efforts nécessaires pour prendre les mesures formulées dans les conclusions de la mission, et ce sans délai, et de donner la première priorité au traitement des cas concernant les travailleurs qui souffrent de l’asbestose et d’autres maladies de ce type. Il est indispensable que le personnel et les moyens financiers nécessaires soient prévus pour mettre en œuvre de manière effective les différentes mesures. Les conclusions pertinentes de la mission sont reproduites ci-après:
Dispositions législatives à l’état de projet
La mission a été informée que les dispositions législatives qui suivent concernant le diagnostic, les soins médicaux et les demandes d’indemnisation des personnes souffrant de maladies provoquées par l’amiante sont à l’état de projet et n’ont pas encore été transmises au Conseil économique et social et au parlement.
a) Projet de loi concernant le suivi médical obligatoire des travailleurs exposés à l’amiante. Ce projet de loi propose une méthodologie pour suivre l’état de santé des travailleurs exposés à l’amiante, mettre en place un conseil chargé du suivi de ces cas et un conseil chargé de faire appliquer la procédure en matière de diagnostic.
b) Projet de règles concernant le suivi médical des travailleurs exposés à l’amiante, le diagnostic et les critères appliqués pour établir une liste des maladies professionnelles provoquées par l’amiante (point important: les critères utilisés pour le diagnostic).
c) Projet de loi sur les demandes d’indemnisation des travailleurs exposés à l’amiante. Ce projet de loi réglementera la prise en considération des demandes formulées par les travailleurs atteints de maladies provoquées par l’amiante, la procédure à suivre et l’organe chargé de gérer les demandes. Ce projet de loi devra également prévoir un dispositif de règlement des différends plus rapide et permettant un traitement extrajudiciaire des demandes formulées par les travailleurs exposés à l’amiante.
d) Projet de loi sur les conditions d’acquisition du droit à une pension de vieillesse par les employés exposés à l’amiante. Ce projet énonce les conditions spéciales d’octroi d’une pension de vieillesse aux travailleurs qui ont été exposés à l’amiante, qui ont développé une maladie provoquée par l’amiante, ainsi qu’aux travailleurs qui ont perdu leur emploi en raison de licenciements ou de la fermeture de leur entreprise dus à l’interdiction de l’amiante.
e) Projet de règlement sur les procédures de gestion de déchets contenant de l’amiante.
Mesures législatives
La commission a été informée que les cinq mesures législatives susmentionnées étaient à l’état de projet en raison de limites budgétaires, ou qu’elles devaient donner lieu à un examen budgétaire. La mission a noté que l’approche législative retenue était une approche fragmentée et non un cadre législatif intégré et unique. Les travailleurs concernés pourraient avoir des difficultés à prendre connaissance de chacun de ces textes législatifs et à les comprendre. Toutefois, la mission sait que ces différents textes font l’objet d’un examen depuis quelque temps. Elle propose que les textes législatifs comprennent des dispositions sur les sanctions à prendre pour assurer leur application, et qu’ils prévoient des procédures d’appel rapides et accessibles.
La mission a estimé que les différentes mesures législatives devaient être adoptées depuis longtemps et qu’il était désormais urgent d’aller de l’avant en menant des consultations tripartites et de les soumettre au parlement sans délai. Si ces mesures n’étaient pas mises en œuvre, la Croatie n’assurerait pas la pleine application de la convention et les travailleurs qui ont été exposés à l’amiante, dont beaucoup sont déjà morts, près de mourir ou malades, resteront sans protection. Les cinq mesures législatives à l’état de projet font l’objet de discussions et donnent lieu à des promesses depuis longtemps et il n’est plus possible de différer leur adoption. Ces mesures doivent être adoptées cette année (2007) (l’engagement avait été pris de les adopter l’année dernière). Le fait de différer l’exercice de la justice constitue un déni de justice.
Mesures institutionnelles
La mission a mené des discussions avec l’ensemble des ministères compétents; tous étaient disposés à donner des informations. La mission savait également que des groupes de travail et des organes de coordination avaient été créés pour aller de l’avant concernant différentes mesures législatives et concrètes. Toutefois, la commission est restée préoccupée par les lacunes importantes en matière de coordination, au sein des ministères mais aussi entre les ministères. Cela est probablement dû à des problèmes de compétences et à des problèmes institutionnels qu’il faut s’employer à régler. Cette absence de liaison hiérarchique claire a eu des effets majeurs pour la notification des maladies professionnelles et pour les vies des individus. Aujourd’hui, il est urgent de définir des critères précis et transparents pour diagnostiquer les maladies professionnelles et d’instaurer un système permettant de notifier ces maladies depuis l’entreprise aux niveaux local et national. Le manque de clarté en la matière a eu des effets irréparables sur la fiabilité des informations et des statistiques concernant les personnes touchées par des maladies liées à l’amiante. La mission n’a pas rencontré le ministère des Finances, qui pourrait jouer un rôle essentiel afin de réaliser des progrès pour presque chaque mesure, ce qui permettrait d’éviter ou de limiter les retards actuels. Toutefois, la mission a également cru comprendre que chaque ministère responsable considérait cette question comme prioritaire pour allouer ses ressources.
Mesures urgentes pour les travailleurs contaminés par l’amiante à Salonit-Vranjic et Azbest
La mission a pu se rendre sur le site de l’usine Salonit-Vranjic, se rendre compte elle-même de la situation actuelle et bénéficier d’informations sur les méthodes de travail de l’usine lorsqu’elle était opérationnelle. Pour la mission, compte tenu des méthodes de travail de l’usine, il ne fait aucun doute que les travailleurs de l’usine ont été exposés à l’amiante et que leur maladie est une maladie professionnelle. Estimant que de nombreux travailleurs atteints d’asbestose aujourd’hui ont plus de 50 ans et que la plupart d’entre eux ont travaillé pendant plus de 25 ans dans des usines produisant des produits qui contiennent de l’amiante, qu’ils sont malades, que les entreprises pour lesquelles ils ont travaillé ont fermé ou fait faillite, que la majorité d’entre eux n’ont pas pu bénéficier d’une pension d’invalidité en vertu de la législation applicable, et que leur état de santé s’aggrave de jour en jour, il est urgent mais aussi indispensable de prendre des mesures pour que ces travailleurs bénéficient de soins et d’une protection appropriés ainsi que d’une juste compensation. La mission prie instamment le gouvernement d’adopter des mesures sans délai, notamment parce que les travailleurs qui ont passé un contrat avec le Fonds pour l’environnement ne devraient plus recevoir d’indemnités à partir de la fin du mois d’avril 2007. Il faut d’urgence soumettre le projet de loi sur les conditions d’acquisition du droit à une pension de vieillesse par les employés exposés à l’amiante au Conseil économique et social puis au parlement afin qu’il soit adopté. La mission estime qu’il s’agit de la première priorité. L’autre possibilité serait d’adopter sans tarder un décret prévoyant des conditions particulières pour les travailleurs concernés.
La commission recommande également d’accélérer l’adoption de mesures visant à désamianter les locaux et à les assainir avant qu’ils ne soient utilisés pour une autre activité afin que les travailleurs qui pourraient y être employés bénéficient d’un environnement sans danger pour la santé. La mission souligne le caractère urgent de ces mesures étant donné que des déchets contenant de l’amiante sont stockés sur le site et que cela peut avoir des effets sur l’environnement et la communauté vivant dans cette région. Cette mesure devrait également s’appliquer à tout autre site où des produits contenant de l’amiante ont été fabriqués et aux autres aires d’évacuation des déchets où se trouvent des produits contenant de l’amiante.
Mesures judiciaires
Même si le principe de séparation des pouvoirs et l’indépendance du pouvoir judiciaire sont essentiels au respect du droit, il importe que les demandes d’indemnisation concernant les maladies liées à l’amiante soient traitées rapidement et que des décisions judiciaires soient rendues à temps. La situation de ces travailleurs ne permet pas des auditions qui traînent en longueur. C’est pour cette raison que la mission recommande également d’adopter en priorité le projet de loi sur les demandes d’indemnisation des travailleurs exposés à l’amiante.
Mesures préventives
En termes plus généraux, la mission souligne l’importance de la prévention et la nécessité d’un plan de prévention complet sur la sécurité et la santé. La mission recommande l’adoption d’une politique nationale relative à la sécurité et la santé au travail sur la base de la convention (no 187) sur le cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail, 2006. Plus spécifiquement, dans le cas de l’amiante, il faudrait lancer une campagne de sensibilisation ciblant les personnes qui travaillent dans des secteurs où des produits contenant de l’amiante peuvent être utilisés, notamment le bâtiment, la réparation et le dépeçage des navires et les activités portuaires. L’Office pour le partenariat social devrait jouer un rôle essentiel dans ce domaine, mais aussi pour l’adoption de la politique nationale relative à la sécurité et la santé au travail. Cela permettrait d’associer les organisations d’employeurs et de travailleurs à la promotion de la sécurité et de la santé au travail.
Mesures du BIT
Le Bureau international du Travail est disposé à continuer de prêter assistance au gouvernement pour qu’il applique pleinement la convention et mette en œuvre les différentes mesures mentionnées plus haut. Il est disposé à fournir une assistance technique sur la révision de la législation, la formation et le renforcement des compétences des mandants tripartites concernant la sécurité et la santé au travail, et la convention en particulier. S’agissant de cette convention, la formation porterait sur les critères permettant de mettre en évidence les maladies professionnelles provoquées par l’amiante en tenant compte des directives du BIT les plus récentes en la matière. Le bureau de l’OIT de Budapest continuerait à collaborer étroitement avec le gouvernement.
7. La commission espère que le gouvernement prendra des mesures nécessaires pour donner suite aux recommandations formulées par la mission et appliquer pleinement la convention.
[Le gouvernement est prié de fournir des données complètes à la Conférence à sa 97e session, et de répondre en détail aux présents commentaires en 2008.]