ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards
NORMLEX Home > Country profiles >  > Comments

Observation (CEACR) - adopted 2008, published 98th ILC session (2009)

Indigenous and Tribal Peoples Convention, 1989 (No. 169) - Mexico (Ratification: 1990)

Display in: English - SpanishView all

La commission prend note d’une communication de la délégation syndicale de Radio-enseignement, section XI du Syndicat national des travailleurs de l’éducation (SNTE) du 7 novembre 2007, et de la réponse du gouvernement du 18 août 2008. Dans sa communication, le SNTE affirme que le gouvernement mexicain n’a pas donné suite aux recommandations figurant dans un rapport du Conseil d’administration concernant une réclamation du syndicat (document GB.272/7/2 de juin 1998). La commission note que, par le biais de la communication du 26 août 2008, le gouvernement mexicain a indiqué que la préparation du rapport était complexe car il fallait donner des réponses à diverses réclamations. Il a également indiqué que des consultations étaient en cours à cette fin, et qu’il sollicitait un délai supplémentaire pour la présentation du rapport. Elle note que, le 25 novembre 2008, un rapport complet du gouvernement a été reçu. La commission ne pourra pas l’examiner à la présente session en raison de sa réception tardive, mais examinera les informations en rapport avec la communication.

Antécédents. Cette réclamation avait pour objet la demande de l’Union des communautés indigènes huicholes de Jalisco, via le SNTE, de réintégrer à la communauté huichole de San Andrés de Cohamiata 22 000 hectares que le gouvernement fédéral avait attribués à des groupes agraires dans les années soixante. Les communautés souhaitent récupérer Tierra Blanca et les zones d’El Saucito, dans l’Etat de Nayarit (qui comprend les hameaux d’El Arrayán, Mojarras, Corpos, Tonalisco, Saucito, Barbechito et Campatehuala), ainsi que Bancos de San Hipólito, dans l’Etat de Durango; d’après les plaignants, ces terres appartenaient aussi à San Andrés de Cohamiata.

Au paragraphe 45 de son rapport, le Conseil d’administration: a) a instamment prié le gouvernement de prendre des mesures, dans les cas appropriés, pour sauvegarder le droit des peuples intéressés d’utiliser les terres non exclusivement occupées par eux, mais auxquelles ils ont traditionnellement accès pour leurs activités traditionnelles et de subsistance, sans porter atteinte à des occupants tiers, en vertu de l’article 14 de la convention; b) a demandé au gouvernement d’informer la commission d’experts, dans les rapports qu’il doit fournir au titre de l’article 22 de la Constitution de l’OIT en ce qui concerne l’application de cette convention, sur: i) la décision qui sera rendue par le troisième tribunal collégial de la douzième région à propos de la demande d’amparo présentée contre la résolution du tribunal unitaire agraire dans le cas particulier de Tierra Blanca; ii) les mesures qui ont été prises ou qui pourraient être prises pour remédier à la situation dans laquelle se trouvent les Huicholes, qui sont minoritaires dans la zone considérée et n’ont pas été reconnus lors des recensements de la population agricole, parmi lesquelles pourrait figurer l’adoption de mesures spéciales pour sauvegarder l’existence de ce peuple en tant que tel et de son mode de vie dans l’état où il désire le conserver; iii) l’adoption éventuelle de mesures appropriées pour remédier à la situation qui est à l’origine de la réclamation, en tenant compte de la possibilité que des terres supplémentaires soient octroyées au peuple huichole si les terres dont il dispose sont insuffisantes pour lui assurer les éléments d’une existence normale, ou pour faire face à son éventuel accroissement numérique, comme le prévoit l’article 19 de la convention.

La commission a réexaminé la question en 2001 et en 2006 après réception d’une communication du SNTE indiquant notamment que la résolution présidentielle qui avait attribué les terres à San Andrés de Cohamiata n’avait reconnu à San Andrés qu’une partie de son territoire, privant San Andrés de 43 pour cent de ses terres ancestrales; que c’était justement sur ses terres que résidait la communauté de Bancos et qu’elles avaient été octroyées à San Lucas de Jalpa. Le SNTE ajoutait que San Lucas de Jalpa avait été autorisé à exploiter des zones forestières situées sur les terres en litige; pour le syndicat, cette autorisation était entachée d’illégalité.

Communication du SNTE de 2007 et réponse du gouvernement. Le SNTE affirme que, même si des recommandations concernant la réclamation mentionnée sont formulées depuis neuf ans, le gouvernement ne prend toujours pas les mesures nécessaires pour remédier aux situations à l’origine de la réclamation. Il ajoute que la situation agraire de la communauté de Bancos s’est aggravée, la «spoliation légale» de cette communauté semblant avoir un caractère définitif. D’après la communication, les tribunaux agraires ont rendu une décision allant dans le sens de la résolution présidentielle de 1981 contestée par la communauté huichole. En vertu de cette résolution, les territoires de Bancos avaient été octroyés à la communauté agraire de San Lucas de Jalpa. Le SNTE indique que, le 10 août 2007, la communauté a présenté une demande d’amparo contre la décision du tribunal supérieur agraire, et qu’il s’agissait du dernier recours en droit interne. Le SNTE indique aussi que la communauté indigène de Bancos a proposé au gouvernement, entre autres, que l’organe chargé de la réforme agraire révise, de façon autocritique, la légalité et correction des actes qui ont donné origine à la titularisation illégitime des terres de Bancos au nom de San Lucas, étant donné que cet organe de l’Etat disposait du matériel technique que lui-même avait élaboré et qui prouvait l’occupation traditionnelle de Bancos. Le SNTE affirme que cela pourrait contribuer à résoudre la question tout en respectant la séparation des pouvoirs.

Le SNTE affirme que, pour l’heure, la législation agraire ne prévoit pas les procédures adéquates mentionnées à l’article 14, paragraphe 3, de la convention pour la reconnaissance des terres traditionnellement occupées par les peuples indigènes, et que les juges sont convaincus que seuls les documents officiels sont valables. Il indique que les décisions ont confirmé la validité des titres octroyés à San Lucas au détriment de la communauté huichole; d’après ces décisions, les titres de 1981 et 1985 étaient légaux. Le syndicat ajoute que la communauté indigène conteste ces titres qui ne reconnaissaient pas l’occupation traditionnelle des terres. D’après le syndicat, l’occupation traditionnelle aurait déjà dû être reconnue conformément à l’article 11 de la convention (no 107) relative aux populations aborigènes et tribales, 1957, en vertu duquel «le droit de propriété, collectif ou individuel sera reconnu aux membres des populations intéressées sur les terres qu’elles occupent traditionnellement». Il indique aussi que le tribunal supérieur agraire a estimé que la convention no 169 n’était pas en vigueur au moment où les décisions ont été rendues; la décision faisant l’objet de la contestation a été rendue le 28 juillet 1981, et l’avis négatif de l’organe de consultation en matière agraire le 20 juin 1985.

Le SNTE ajoute que, même s’il est largement prouvé que les Huicholes ont occupé les terres qu’ils revendiquent depuis très longtemps, titres du vice-roi et expertises topographiques, historiques et anthropologiques à l’appui, ces éléments n’ont pas suffi puisqu’il n’existe en droit interne aucune procédure permettant d’établir un lien entre les faits présentés et les normes internationales. La commission note que, dans sa réponse, le gouvernement indique qu’il est primordial de trouver une solution aux controverses ancestrales sur la possession des terres pour préserver la paix et la stabilité sociale, et qu’il est également primordial de donner effet aux décisions du pouvoir judiciaire et des tribunaux agraires. Il souligne que la communauté en question est une petite communauté. Il indique que le 30 avril 2008, le secrétaire de la réforme agraire et le gouverneur de l’Etat de Durango ont signé un accord de coordination pour régler le problème agraire de cet Etat (le litige opposant San Lucas de Jalpa et Bancos de Calitique o Cohamiata), et qu’il est indispensable de mettre en œuvre des moyens financiers pour trouver une solution. Le gouvernement envisage une négociation après l’épuisement des voies de recours judiciaires. Il ajoute que, le 7 mai 2008, une convention-cadre de collaboration a été signée avec la Commission nationale pour le développement des peuples indigènes (CDI), et que la préservation des terres des peuples et des communautés indigènes est l’un des objectifs de cette convention-cadre.

S’agissant de la situation des zones forestières visées par une concession octroyée par le Secrétariat de l’environnement et des ressources naturelles (SEMARNAT) à San Lucas de Jalpa, que les indigènes de Bancos revendiquent et qui ont fait l’objet de commentaires de la commission en 2005, le gouvernement se dit déterminé à traiter cette question et celle de l’annulation de la concession forestière de San Lucas de Jalpa, même si ces terres font l’objet d’un litige dont sont saisis les tribunaux.

La commission se déclare préoccupée par le fait que la situation ayant donné lieu à la réclamation persiste. Elle note que le gouvernement se dit déterminé à essayer de recourir à la négociation lorsque les recours judiciaires seront épuisés. Elle prend également note de la volonté du gouvernement de régler le problème de la concession des zones forestières qui, selon les Huicholes, seraient des terres qu’ils occupaient traditionnellement, voire d’annuler la concession. Elle note que, en l’espèce, le principal problème est la manière dont le droit interne et la convention régissent les droits fonciers. Elle estime que cette question a une importance primordiale car, en général, les peuples indigènes n’ont pas de titres établis conformément au droit civil, alors que, en vertu des conventions nos 107 et 169, l’occupation traditionnelle est en soi source de droits. De plus, la commission rappelle que, dans un autre document sur une réclamation, le Conseil d’administration a estimé que «la convention s’applique aujourd’hui pour ce qui est des conséquences des décisions prises antérieurement à son entrée en vigueur» (document GB.276/16/3, paragr. 36). Malgré le fait que le gouvernement affirme que les procédures des tribunaux agraires permettent de donner effet à l’article 14, le syndicat considère que ces procédures n’ont pas permis de faire valoir les éléments prouvant une occupation traditionnelle, car elles font prévaloir la validité formelle des titres octroyés à San Lucas de Jalpa sur l’occupation traditionnelle.

En vertu de l’article 14 de la convention, l’occupation traditionnelle crée des droits. Aux termes du paragraphe 1 de cet article, «les droits de propriété et de possession sur les terres qu’ils occupent traditionnellement doivent être reconnus aux peuples intéressés […]», ce qui implique que l’Etat est tenu de reconnaître ces droits. En vertu du paragraphe 2 de cet article, «Les gouvernements doivent en tant que de besoin prendre des mesures pour identifier les terres que les peuples intéressés occupent traditionnellement et pour garantir la protection effective de leurs droits de propriété et de possession.» Enfin, aux termes du paragraphe 3 de l’article, «des procédures adéquates doivent être instituées dans le cadre du système juridique national en vue de trancher les revendications relatives à des terres émanant des peuples intéressés». Le paragraphe 3 de l’article 14 renvoie aux droits consacrés par les paragraphes 1 et 2 et, en conséquence, la commission croit comprendre que, pour être adéquates, les procédures doivent permettre aux peuples indigènes de régler leurs conflits territoriaux en prouvant qu’il existe une occupation traditionnelle des terres. Si les peuples indigènes ne pouvaient pas faire valoir l’occupation traditionnelle en tant que source de droits de propriété et de possession, l’article 14 de la convention se viderait de son contenu. La commission est consciente qu’il est difficile de reprendre ce principe dans la législation et de concevoir des procédures adéquates, mais souligne que la reconnaissance de l’occupation traditionnelle en tant que source de droits de propriété et de possession par le biais d’une procédure adéquate est l’élément central du système de droits sur les terres établi par la convention. Le concept d’occupation traditionnelle peut être repris dans la législation nationale de différentes manières, mais il doit être appliqué. Pour ces raisons, la commission prie le gouvernement de faire son possible pour garantir l’application de l’article 14 dans le cadre du traitement de ce cas, y compris par le biais de négociations, et de transmettre des informations sur cette question. Elle demande aussi au gouvernement de fournir son avis sur la proposition de la communauté, dont la commission a pris note, sollicitant que le gouvernement révise ses propres actes de titularisation en faveur de San Lucas afin de corriger la situation examinée. De même, elle prie le gouvernement de donner des informations détaillées sur la manière dont le présent article et la notion d’occupation traditionnelle en tant que source de droits de propriété traditionnelle sont transposés en droit interne, et d’indiquer si les procédures adéquates prévues à l’article 14, paragraphe 3, de la convention existent. De plus, constatant qu’il y a une différence d’appréciation quant à la conformité des procédures avec l’article 14 de la convention, notamment en termes de durée, la commission suggère au gouvernement d’engager des consultations avec les peuples indigènes sur les modifications qui rendraient ces procédures davantage conformes à la convention et le prie d’indiquer les mesures prises en la matière. Enfin, elle le prie de transmettre des informations sur l’application des recommandations figurant au paragraphe 45 a) et b) i), ii) et iii) de la réclamation susmentionnée, en précisant les éléments qui ont été suivis d’effets et ceux qui ne l’ont pas encore été.

A la lumière des informations communiquées par le gouvernement le 25 novembre 2008, la commission le prie de transmettre les informations complémentaires qu’il estime pertinentes pour qu’elle puisse les examiner à sa session de 2009.

[Le gouvernement est prié de répondre en détail aux présents commentaires en 2009.]

© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer