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Direct Request (CEACR) - adopted 2009, published 99th ILC session (2010)

Forced Labour Convention, 1930 (No. 29) - Belgium (Ratification: 1944)
Protocol of 2014 to the Forced Labour Convention, 1930 - Belgium (Ratification: 2019)

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Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphe 1, de la convention. Traite des personnes. Dans ses précédents commentaires, la commission avait pris note avec intérêt des différentes mesures prises par le gouvernement pour lutter contre la traite des personnes, notamment l’adoption de différentes lois réprimant la traite et organisant la protection des victimes et la mise en place d’institutions spécialisées. Elle avait prié le gouvernement de continuer à fournir des informations sur toute nouvelle mesure prise pour renforcer la lutte contre la traite des personnes ainsi que sur les difficultés rencontrées par l’ensemble des acteurs intervenant dans cette lutte et les réponses qui y sont apportées, et de continuer à communiquer les publications et rapports des institutions compétentes dans le domaine ainsi que les données statistiques disponibles.

En ce qui concerne les nouvelles mesures prises pour renforcer la lutte contre la traite, le gouvernement indique dans son dernier rapport que les travaux de la Cellule interdépartementale de coordination de la lutte contre la traite des êtres humains, placée sous la présidence du ministre de la Justice et réunissant les représentants des différents ministres compétents (Justice, Intérieur, Affaires étrangères, Affaires sociales, etc.), ont été relancés officiellement le 25 juin 2008. Ces travaux ont notamment porté sur l’élaboration de la circulaire relative à la mise en œuvre d’une coopération multidisciplinaire concernant les victimes de la traite des êtres humains et/ou de certaines formes aggravées de trafic des êtres humains, du 26 septembre 2008. Cette circulaire vise à organiser la collaboration entre les différents services concernés (police, inspection du travail, Office des étrangers, centres d’accueil spécialisés, ministère public) afin de mieux protéger les victimes de la traite en déterminant les conditions d’obtention du statut prévu par la loi du 15 septembre 2006 modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers. La circulaire met l’accent sur la nécessité d’une sensibilisation constante des acteurs qui interviennent en première ligne au moyen d’une formation continue qui permette la détection de toute victime potentielle et, par la suite, un accompagnement adapté des victimes pendant la période de réflexion prévue par le statut protecteur. Une brochure multilingue destinée aux victimes de la traite contient les coordonnées des trois centres d’accueil spécialisés, dont les services sont accessibles 24 heures sur 24. La circulaire prévoit qu’elle fera l’objet d’une évaluation par la Cellule interdépartementale de coordination de la lutte contre la traite des êtres humains dans les 24 mois de sa publication.

Par ailleurs, un plan d’action national de lutte contre la traite des êtres humains a été approuvé par le Conseil des ministres le 11 juillet 2008. Ce plan dresse un bilan de la politique menée dans le domaine de la lutte contre la traite et détermine les projets qui devraient être développés au cours des dix prochaines années. Il contient un certain nombre de propositions, notamment quant à d’éventuelles évolutions législatives et réglementaires, au développement d’initiatives préventives, aux recherches et poursuites en matière de traite des êtres humains et à la protection des victimes. Ainsi, en ce qui concerne le personnel domestique des diplomates, parfois victime de la traite, le plan d’action propose qu’un titre de séjour puisse être octroyé à une victime sur la base de l’action civile déclenchée devant les tribunaux du travail suite à une plainte, l’action pénale étant rendue impossible par l’immunité dont jouissent les diplomates. Pour ce qui est du problème de la sous-traitance, également évoqué par la commission dans sa dernière demande directe, le plan d’action reprend la proposition d’instaurer une coresponsabilité des donneurs d’ordre ayant recours à des sous-traitants qui emploient une main-d’œuvre victime de la traite. La commission note, au vu des informations contenues dans le plan d’action, que le ministre de l’Emploi avait été sollicité par la Cellule interdépartementale de coordination de la lutte contre la traite des êtres humains en vue de déterminer les suites à donner à ce projet, mais que celle-ci n’a pas obtenu de réponse.

La commission prend note des statistiques communiquées par le gouvernement dans son rapport, provenant notamment du Collège des procureurs généraux et de l’Office des étrangers. Les données du Collège des procureurs généraux concernent le nombre d’affaires de traite des êtres humains enregistrées par les différents parquets du pays entre le 1er janvier et le 31 décembre 2007. Selon ces statistiques, les parquets ont ouvert 418 dossiers en 2007 pour faits de traite des êtres humains (à comparer à 451 dossiers ouverts en 2006). Alors qu’en 2006 la majorité des dossiers ouverts pour traite concernaient des faits d’exploitation sexuelle (64 pour cent contre 30 pour cent pour des faits d’exploitation par le travail), en 2007, la tendance s’est inversée, avec 52 pour cent de dossiers ouverts pour des faits d’exploitation par le travail, et seulement 40 pour cent de dossiers concernant des faits d’exploitation sexuelle. Le gouvernement explique cette inversion de tendance en indiquant que l’exploitation sexuelle est de plus en plus difficile à contrôler, notamment en raison du développement d’Internet, ces chiffres pourraient ainsi être sous-estimés. Les statistiques font en outre ressortir que, parmi les 418 dossiers ouverts pour traite en 2007, 118 ont fait l’objet d’un classement sans suite, principalement en raison d’un manque de preuves ou de la prescription des faits. Au 10 janvier 2008, 125 des dossiers ouverts pour traite en 2007 faisaient l’objet d’une information. Les données de l’Office des étrangers indiquent qu’en 2007 presque autant d’hommes que de femmes ont été victimes de la traite (88 contre 90) alors qu’au cours des années précédentes les femmes constituaient la majorité des victimes. Ce rééquilibrage s’explique, selon le gouvernement, par la surreprésentation de l’exploitation économique, dont sont victimes un plus grand nombre d’hommes, par rapport à l’exploitation sexuelle, dont sont victimes un plus grand nombre de femmes. Pour ce qui est des secteurs d’exploitation, sur les 178 victimes répertoriées en 2007, 114 étaient victimes d’exploitation économique, contre 51 victimes d’exploitation sexuelle (en outre, 9 personnes ont été répertoriées comme étant victimes de trafic, et 4 comme victimes d’autres types d’exploitation). En ce qui concerne les condamnations, le gouvernement indique que les dernières statistiques disponibles auprès du Service de la politique criminelle remontent aux années 2004 et 2005, c’est-à-dire avant la création d’une infraction de traite des êtres humains par la loi du 10 août 2005.

La commission prend note du rapport 2007 sur la traite et le trafic des êtres humains du Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme (le Centre) publié en mai 2008, qui contient une évaluation intégrale de la politique de lutte contre la traite des êtres humains, analyse plusieurs dossiers d’exploitation sexuelle dans lesquels le Centre s’est constitué partie civile et présente un aperçu de la jurisprudence belge sur la période 2006-07 couvrant aussi bien des cas d’exploitation sexuelle que d’exploitation économique.

En ce qui concerne la coordination des différentes initiatives prises au niveau national dans le domaine de la lutte contre la traite des êtres humains, le rapport du Centre indique que, en dépit du fait que de nombreux travaux ont été approuvés par la Cellule interdépartementale de coordination de la lutte contre la traite des êtres humains, de nombreux projets pourtant approuvés n’ont pas trouvé les relais politiques nécessaires à leur mise en œuvre. Le Centre déplore notamment la présence très variable, mis à part quelques exceptions, des représentants politiques aux réunions de la cellule interdépartementale, laquelle n’a pas pu réellement jouer le rôle moteur d’évaluation et d’amélioration de la politique qu’elle devait assurer (p. 24 du rapport).

Parmi les décisions de justice citées dans le rapport du Centre, la commission prend note de différentes décisions rendues dans des affaires de traite aux fins d’exploitation économique. Certaines de ces décisions précisent la notion de «mise au travail dans des conditions contraires à la dignité humaine», un des éléments constitutifs de la traite (voir, par exemple: tribunal correctionnel de Gand, 22 octobre 2007, 19e chambre; Cour d’appel de Liège, 24 octobre 2007, 4e chambre). Dans une affaire (Cour d’appel de Mons, 26 décembre 2007, 13e chambre) dans laquelle des personnes de nationalité roumaine avaient été attirées en Belgique grâce à des promesses alléchantes de travail fixe et largement rémunéré pour en réalité être rarement payées et parfois logées dans des conditions assez médiocres, la cour a précisé qu’il importait peu que les victimes aient pu, en fait, voyager comme elles le souhaitaient en Belgique ou vers la Roumanie dès lors qu’au plan économique elles étaient liées au prévenu, et ce en l’absence de situation administrative régulière sur le territoire belge (les faits ont eu lieu avant l’entrée de la Roumanie dans l’Union européenne). Dans une autre affaire, le tribunal correctionnel de Bruxelles (4 janvier 2007, 58e chambre) n’a pas retenu la qualification de traite des êtres humains, bien que les conditions de travail des plaignants étaient déplorables (dix heures de travail par jour payé 4 euros de l’heure, accompagné de mauvais traitements), retenant uniquement les infractions de droit pénal social. Enfin, une autre affaire a montré le manque de connaissance du rôle des centres d’accueil de la part de certains juges, le tribunal correctionnel de Huy semblant considérer, d’une part, que les centres d’accueil inciteraient les victimes à déposer plainte en vue de bénéficier de titres de séjour en Belgique et, d’autre part, que ce serait la révélation des faits de viols qui leur permettrait de bénéficier de ces titres de séjour (tribunal correctionnel de Huy, 27 avril 2007, 7e chambre).

Plusieurs décisions de justice ont par ailleurs été rendues en 2007 et 2008 dans des affaires de traite aux fins d’exploitation sexuelle. La commission note que dans un certain nombre d’affaires les tribunaux ont accordé aux victimes des dommages et intérêts au titre du préjudice matériel (remboursement des gains dont les victimes avaient été privées) en plus des dommages et intérêts pour le préjudice moral (voir notamment: tribunal correctionnel de Bruxelles, 20 décembre 2007, 46e chambre). Dans une autre affaire en revanche (Cour d’appel de Gand, 31 mai 2007, 3e chambre), il a été estimé qu’il s’agissait de gains irréguliers qui ne pouvaient donner lieu à un dédommagement. Le Centre indique que cette décision paraît assez isolée sur ce point, de nombreuses juridictions octroyant aux victimes à titre de dommage matériel le montant des gains dont elles ont été privées (p. 108 du rapport).

La commission note qu’en conclusion le Centre recommande notamment d’apporter davantage d’attention à la détection et à l’identification des victimes et à l’application effective du délai de réflexion pour les victimes. Le Centre considère également qu’il devrait être fait davantage usage du témoignage anonyme de façon à accroître la protection et la confiance des victimes vis-à-vis des services de police et du système judiciaire en général. Une attention spécifique devrait être apportée aux victimes atypiques d’exploitation économique notamment par le recours à la formation et à la sensibilisation des personnels des différents services concernés. Le Centre a souligné la nécessité de rechercher une solution au niveau européen en vue de permettre aux victimes ayant été exploitées dans un autre pays de bénéficier d’un statut protecteur en Belgique lorsqu’elles se retrouvent dans ce pays. Il a également proposé d’instaurer une loi établissant la coresponsabilité financière des donneurs d’ordre dans le cadre de la traite des êtres humains à des fins d’exploitation économique et de sensibiliser les autorités judiciaires afin de systématiser l’octroi aux parties civiles des confiscations prononcées en vue de les indemniser. Le Centre recommande aussi, dans une étape ultérieure, d’adapter la loi afin que le statut de victime de la traite des êtres humains leur soit octroyé indépendamment de leur collaboration avec la justice.

Prenant note de toutes ces informations avec intérêt, la commission saurait gré au gouvernement de continuer à communiquer, dans ses prochains rapports, des informations concernant les mesures prises pour lutter contre la traite des personnes, les difficultés rencontrées ainsi que les solutions proposées pour remédier à ces difficultés. Elle lui saurait gré également de continuer à communiquer les dernières données statistiques disponibles ainsi que les documents et rapports des institutions qui prennent part à la lutte contre la traite des personnes. En outre, elle le prie de communiquer copie de l’évaluation de la circulaire du 26 septembre 2008 par la Cellule interdépartementale de coordination de la lutte contre la traite des êtres humains (prévue par la circulaire) lorsque cette évaluation aura été faite.

Article 25. Sanctions pénales prononcées pour traite des personnes. La commission note que le rapport du gouvernement contient des statistiques provenant du Service de la politique criminelle concernant les condamnations prononcées pour des infractions qui relèvent de la traite des êtres humains. Le gouvernement précise qu’une partie de ces statistiques se base sur l’article 77bis de la loi du 15 décembre 1980, lequel, avant l’entrée en vigueur de la loi du 10 août 2005, réprimait à la fois la traite et le trafic des êtres humains. La commission espère que le gouvernement pourra communiquer, dans son prochain rapport, des données statistiques prenant en compte la seule infraction de traite des êtres humains, prévue par les articles 433quinquies à 433novies du Code pénal. D’autre part, elle lui saurait gré de communiquer copie de décisions de justice rendues dans des affaires de traite, de façon à examiner comment les juridictions répressives belges appliquent les nouvelles dispositions incriminant la traite des êtres humains.

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