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Observation (CEACR) - adopted 2010, published 100th ILC session (2011)

Worst Forms of Child Labour Convention, 1999 (No. 182) - Haiti (Ratification: 2007)

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La commission prend note du premier rapport du gouvernement. Se référant à ses commentaires formulés sous la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, concernant la vente et la traite d’enfants et l’exploitation des enfants domestiques, et, dans la mesure où la convention no 182 traite de ces pires formes de travail des enfants, la commission considère qu’elles peuvent être examinées plus spécifiquement dans le cadre de la convention.

Article 3 de la convention. Pires formes de travail des enfants. Alinéa a). Toutes les formes d’esclavage ou pratiques analogues. Vente et traite des enfants. Dans ses observations formulées sous la convention no 29, la commission a noté que la loi de 2003 relative à l’interdiction et à l’élimination de toutes formes d’abus, de violences, de mauvais traitements ou traitements inhumains contre les enfants (loi de 2003) citait, parmi les exemples de situations relevant des mauvais traitements, traitements inhumains ou de l’exploitation, la vente et le trafic d’enfants ainsi que l’offre, le recrutement, le transfert, l’hébergement, l’accueil ou l’utilisation d’enfants aux fins d’exploitation sexuelle, de prostitution ou de pornographie. Elle a également noté que le Comité des droits de l’enfant s’était déclaré vivement préoccupé par le nombre de cas de traite d’enfants au départ d’Haïti vers la République dominicaine (CRC/C/15/Add.202, 18 mars 2003, observations finales, paragr. 60). La commission a par ailleurs pris connaissance du rapport de la mission de recherche du Secrétariat général de l’Organisation des Etats américains (OEA) sur la situation de la traite et du trafic des personnes en Haïti, daté de septembre 2006, qui soulignait une tendance vers la systématisation de la traite et du trafic des personnes en Haïti, cette tendance s’expliquant par la détérioration de la situation socio-économique et politique du pays au cours de ces dernières années, qui empêchait d’apporter une réponse effective aux besoins primaires de la population et ouvrait la voie à la montée de toutes les formes d’exploitation humaine et d’activités économiques illicites.

La commission note que, bien que l’article 2(1) de la loi de 2003 interdise les abus et les violences contre les enfants, de même que leur exploitation, telles que la vente et la traite d’enfants, ce texte de loi ne prévoit pas de sanctions en cas d’infraction à ses dispositions. Cependant, elle note avec intérêt les informations du gouvernement relatives à l’élaboration et l’adoption d’un avant-projet de loi sur la traite des personnes. Elle observe que, en vertu de ce projet de loi, le recrutement, l’enrôlement, le transfert, le transport, l’hébergement ou l’accueil d’un enfant aux fins d’exploitation sont considérés comme une traite et sont constitutifs d’infraction. Conformément à l’article 5, le terme «enfant» comprend toute personne âgée de moins de 18 ans. En outre, l’article 13 du projet de loi prévoit que la traite d’enfants constitue une circonstance aggravante donnant lieu à l’application de la peine maximale prévue par la loi (art. 14), à savoir une peine d’emprisonnement de neuf ans. Cependant, la commission observe que, dans ses observations finales, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes s’est dit préoccupé par le fait que, en dépit du nombre inquiétant de femmes victimes de traite en Haïti, la législation érigeant la traite en délit n’en est toujours qu’au stade de projet et n’a pas encore été soumise au parlement (CEDAW/C/HTI/CO/7, 10 fév. 2009, paragr. 26). Le comité observe de ce fait que les cas de traite ne font peut-être pas l’objet d’enquêtes suffisamment approfondies, avec pour conséquence l’impunité des auteurs.

La commission note également que, d’après le rapport de la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les formes contemporaines d’esclavage, y compris leurs causes et leurs conséquences (A/HRC/12/21/Add.1, 4 sept. 2009, paragr. 19) (rapport de la Rapporteuse spéciale), une nouvelle tendance a été observée ces dernières années en ce qui concerne la question des enfants employés comme domestiques (désignés en créole par le terme restavèks). Il s’agit de l’apparition de personnes qui recrutent des enfants dans les zones rurales pour les faire travailler comme domestiques dans des ménages urbains et à l’extérieur de la maison, sur les marchés. La Rapporteuse spéciale a noté que, en raison de cette nouvelle tendance, de nombreux intervenants ont qualifié le phénomène de traite, étant donné que les parents confient désormais leurs enfants à des personnes étrangères alors que, auparavant, les enfants étaient confiés à des proches. En outre, la commission observe que, d’après un communiqué de presse de l’UNICEF daté du 15 octobre 2010, le nombre d’enfants victimes de traite a progressé depuis le tremblement de terre de janvier 2010, les trafiquants d’enfants ayant tiré profit de la confusion régnant après le séisme pour s’attaquer aux enfants perdus ou séparés de leurs parents. Par conséquent, la commission exprime l’espoir que le projet de loi sur la traite des enfants sera adopté de toute urgence et prie le gouvernement de communiquer des informations sur tout fait nouveau réalisé à cet égard. En outre, elle prie le gouvernement de prendre des mesures immédiates et efficaces afin de veiller à ce que des enquêtes approfondies et la poursuite efficace des personnes ayant livré des enfants de moins de 18 ans à la vente et à la traite soient menées à leur terme.

Alinéas a) et d). Travail forcé ou obligatoire et travail dangereux. Travail domestique des enfants. Dans ses observations au titre de la convention no 29, la commission formule des commentaires depuis de nombreuses années sur la situation de centaines de milliers d’enfants restavèks qui sont souvent exploités dans des conditions qui relèvent du travail forcé. Elle a noté que, dans les faits, beaucoup de ces enfants, dont certains n’ont que 4 ou 5 ans, sont victimes d’exploitation, obligés de travailler de longues heures sans rémunération, objets de discriminations et de brimades en tous genres, mal logés, mal nourris et souvent victimes de violences physiques, psychologiques et sexuelles. En outre, très peu d’entre eux sont scolarisés. La commission a également pris note de l’abrogation du chapitre IX du titre V du Code du travail, relatif aux enfants en service, par la loi de 2003. Elle a noté que l’interdiction portée à l’article 2(1) de la loi de 2003 vise l’exploitation des enfants, y compris la servitude, le travail forcé ou obligatoire, les services forcés ainsi que les travaux qui, de par leur nature ou les conditions dans lesquelles ils s’exercent, sont susceptibles de nuire à la santé, à la sécurité ou à la moralité des enfants. Elle a également noté que, au nombre des dispositions abrogées, figurent celles de l’article 341 du Code du travail, lequel permettait de confier un enfant dès l’âge de 12 ans à une famille, pour être employé à des travaux domestiques.

La commission observe néanmoins que l’article 3 de la loi de 2003 prévoit qu’«un enfant peut être confié à une famille d’accueil dans le cadre d’une relation d’aide et de solidarité». Elle note que, dans son rapport, la Rapporteuse spéciale s’est dite vivement préoccupée par l’imprécision de la notion d’aide et de solidarité et a estimé que les dispositions de la loi de 2003 permettent à la pratique du restavèk de se perpétuer.

D’après le rapport de la Rapporteuse spéciale, le nombre d’enfants qui travaillent en qualité de restavèk serait compris entre 150 000 et 500 000 (paragr. 17), ce qui représente environ un enfant haïtien sur dix (paragr. 23). A la suite de ses entretiens avec des enfants restavèks, la Rapporteuse spéciale a constaté que tous s’étaient vus attribuer une lourde charge de travail par leurs familles d’accueil, souvent incompatibles avec leur plus complet développement physique et mental (paragr. 25). En outre, la Rapporteuse spéciale a été informée que ces enfants sont souvent maltraités et victimes de violences physiques, psychologiques et sexuelles (paragr. 35). Des représentants du gouvernement et de la société civile ont soulevé que des cas de passages à tabac et de brûlures étaient régulièrement signalés (paragr. 37). La commission note que, au vu de ses constatations, la Rapporteuse spéciale a qualifié le système restavèk de forme contemporaine d’esclavage. La commission exprime sa profonde préoccupation face à l’exploitation du travail domestique des enfants de moins de 18 ans exercé dans des conditions assimilables à l’esclavage ou dans des conditions dangereuses. Elle rappelle au gouvernement que, en vertu de l’article 3 a) et d) de la convention, le travail ou l’emploi des enfants de moins de 18 ans dans des conditions assimilables à de l’esclavage ou dangereuses constitue des pires formes de travail des enfants et est, aux termes de l’article 1, à éliminer de toute urgence. La commission prie le gouvernement de prendre des mesures immédiates et efficaces afin de veiller, en droit et dans la pratique, à ce que les enfants de moins de 18 ans ne puissent travailler comme domestiques dans des conditions assimilables à l’esclavage ou dans des conditions dangereuses en tenant compte de la situation particulière des filles. A cet égard, elle le prie de prendre les mesures nécessaires afin de veiller à ce que des enquêtes approfondies et la poursuite efficace des personnes ayant soumis des enfants de moins de 18 ans à un travail domestique forcé ou à des travaux domestiques dangereux soient menées à leur terme et que des sanctions suffisamment efficaces et dissuasives soient imposées dans la pratique.

Article 6. Programme d’action pour l’élimination des pires formes de travail des enfants. La commission prend note des informations du gouvernement selon lesquelles un plan national de protection a été validé en 2006. Elle note que ce plan vise dix catégories d’enfants vulnérables qui nécessitent une protection dont notamment les enfants en domesticité et les enfants victimes de traite et de trafic. En outre, le gouvernement indique que, suite à la ratification de la convention, le ministère des Affaires sociales et du Travail (MAST) a jugé nécessaire de revisiter le plan national de protection, et d’y inclure des programmes d’action thématiques assortis de délais. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises dans un délai déterminé dans le cadre des programmes d’action thématiques et du plan national de protection pour protéger les enfants victimes de traite et les enfants domestiques. Elle le prie également de communiquer une copie du plan national.

Article 7, paragraphe 2. Mesures efficaces prises dans un délai déterminé. Alinéa b). Prévoir l’aide directe nécessaire et appropriée pour soustraire les enfants des pires formes de travail des enfants et assurer leur réadaptation et leur intégration sociale. Vente et traite. La commission note que, d’après le Rapport mondial sur la traite des personnes de l’UNODC de février 2009, il n’existe ni système de prise en charge et d’assistance bénéficiant aux personnes victimes de la traite ni centre d’accueil pour héberger les victimes de la traite. Elle note également que le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, dans ses observations finales (CEDAW/C/HTI/CO/7, 10 fév. 2009, paragr. 26), s’est dit préoccupé par le manque de centres d’accueil pour les femmes et les filles victimes de la traite. La commission prie le gouvernement de prendre des mesures efficaces afin de prévoir l’aide directe nécessaire et appropriée pour soustraire les enfants victimes de la vente et de la traite et assurer leur réadaptation et leur intégration sociale. Elle le prie de communiquer des informations sur les mesures prises à cette fin.

Alinéa d). Identifier les enfants particulièrement exposés à des risques et entrer en contact direct avec eux. Enfants restavèks. Dans ses observations formulées en 2009 sous la convention no 29, la commission a pris note de l’existence de programmes de réinsertion d’enfants restavèks, mis en place par l’Institut du bien-être social et de recherches (IBESR) de concert avec différentes organisations internationales et non gouvernementales. Elle a noté que ces programmes privilégient la réinsertion dans le cadre familial afin de favoriser le développement psychosocial des enfants concernés.

La commission observe que le rapport du gouvernement ne contient pas d’informations à cet égard. Elle note que, dans ses observations finales, le Comité des droits de l’enfant s’est dit profondément inquiet de la situation des enfants restavèks placés en domesticité et a notamment recommandé au gouvernement de s’attacher à titre d’urgence à faire en sorte que les restavèks se voient proposer des services de réadaptation physique et psychologique et de réinsertion sociale (CRC/C/15/Add. 202, 18 mars 2003, paragr. 56-57). La commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour assurer que les enfants restavèks bénéficient de services de réadaptation physique et psychologique et de réinsertion sociale dans le cadre des programmes de réinsertion des enfants restavèks. Elle le prie de communiquer des informations sur les résultats concrets obtenus en terme du nombre d’enfants qui auront bénéficié de ces mesures.

Article 8. Coopération internationale. Vente et traite d’enfants. Dans ses observations formulées au titre de la convention no 29 en 2009, la commission a noté que le MAST, en concertation avec le ministère des Affaires étrangères, étudie le problème des personnes exploitées en République dominicaine dans les champs de canne à sucre et des enfants réduits à la mendicité dans ce pays et compte entreprendre des pourparlers bilatéraux en vue d’y remédier. Elle a également observé que le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, dans ses observations finales (CEDAW/C/HTI/CO/7, 10 fév. 2009, paragr. 27), a encouragé le gouvernement «à effectuer des travaux de recherche sur les causes profondes de la traite et à renforcer la coopération bilatérale et multilatérale avec les pays voisins, notamment la République dominicaine, en vue de prévenir la traite et de traduire les responsables en justice».

La commission constate que le rapport du gouvernement ne contient pas d’informations à cet égard. Elle prie le gouvernement de communiquer des informations sur l’état d’avancement des pourparlers visant à l’adoption d’un accord bilatéral avec la République dominicaine.

La commission soulève d’autres points dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.

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