National Legislation on Labour and Social Rights
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Un représentant gouvernemental (le ministre du Travail) espère qu'il régnerait un esprit de dialogue constructif afin que ce cas puisse être discuté de manière réceptive et impartiale. Son gouvernement a lu avec grand soin les commentaires de la commission d'experts et avait pris note des inquiétudes de la commission au sujet des conséquences de l'état d'urgence au Nicaragua qui a entraîné la suspension de certaines garanties constitutionnelles. Un débat politique n'a pas sa place au sein de cette commission, mais certaines observations formulées par la commission d'experts au sujet de l'état d'urgence au Nicaragua nécessitent certaines explications concernant les causes qui ont conduit le gouvernement à prendre cette décision. Le conflit armé et l'agression influent sur tous les domaines de la vie nationale, y compris dans le domaine du travail. La décision prononcée par la Cour internationale de justice le 27 juin 1986 reconnaît clairement ces circonstances. A aucun moment le Nicaragua a violé ses engagements juridiques internationaux. Il a tout simplement, vu la gravité des circonstances, recouru à une faculté que lui accorde l'article 27 de la Convention américaine des droits de l'homme, de l'Organisation des Etat américains et dans l'article 4 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui permet à un pays de prendre des mesures exceptionnelles telles que celles-ci. En dépit du contexte de conflit armé, son pays a fourni des efforts considérables afin de consolider la nouvelle assise politique au moyen d'une consultation populaire, ainsi que la promulgation d'une nouvelle Constitution nationale en janvier 1987. Dans cette Constitution divers droits sont reconnus officiellement aux travailleurs parmi lesquels la participation des travailleurs à la gestion des entreprises, article 81; l'égalité des salaires pour un travail égal, article 82; la garantie du salaire minimum et des prestations sociales; des conditions de travail garantissant l'intégrité physique, la santé, l'hygiène et la réduction des risques professionnels; la stabilité de l'emploi; la sécurité sociale; la durée de travail de huit heures quotidiennes ainsi qu'une protection du travail des mineurs. Une attention particulière doit être accordé aux articles 49 et 87 de la Constitution qui garantissent l'entière liberté syndicale. L'article 83 reconnaît expressément le droit de grève. Ces dispositions sont entièrement conformes aux articles 2, 3, 5 et 7 de la convention no 87. Les efforts qui viennent d'être décrits représentent un progrès substantiel en vue d'honorer les engagements pris par le gouvernement devant cette commission en 1985. Ce processus de modification de certaines dispositions législatives non conformes à la législation a été entrepris de manière logique, à savoir en premier lieu l'élaboration d'une nouvelle constitution et ensuite la modification de la législation courante. Pour cette tache, le gouvernement aura recours en temps voulus aux bons offices et à l'assistance technique du BIT.
Le décret exécutif no 245 du 9 janvier 1987 a prorogé la suspension de certains droits et de certaines garanties constitutionnelles. La base juridique de cette décision se trouve dans le paragraphe 9 des articles 150, 185 et 186 de la Constitution et ce dernier spécifiant qu'il existe de nombreux articles qui ne peuvent être suspendus en cas d'état d'urgence. Parmi les droits protégés afin de respecter l'engagement juridique au titre de la convention no 87, se trouve l'article 87. Le fait que les libertés syndicales n'ont pas été suspendues par le décret et soient maintenues malgré l'état d'urgence est démontré par l'augmentation continue du nombre de syndicats durant les sept années qui ont suivi la révolution, 1200 syndicats ont vu le jour, alors qu'en 40 ans de dictature on avait à peine réussi à créer 126 syndicats. En vertu des mêmes dispositions constitutionnelles, d'autres droits ont été préservés, notamment le droit des travailleurs à la participation à la gestion administrative des entreprises, le droit à l'emploi, la sécurité sociale, la législation concernant l'hygiène et la sécurité du travail et autres dispositions semblables, et ce malgré l'état d'urgence.
En ce qui concerne le droit de grève qui est suspendu pour le moment, le gouvernement du Nicaragua estime qu'il s'agit là d'un droit fondamental. Néanmoins, il faut comprendre qu'étant donné les conditions très difficiles qui sont les nôtres, le gouvernement n'est pas en mesure de l'assurer. Le gouvernement a pris note des propositions énoncées par la commission d'experts et par le Comité de la liberté syndicale en ce qui concerne la possibilité de limiter l'état d'urgence aux régions ou aux zones rurales où se déroulent certaines opérations militaires. Son gouvernement avait répété à maintes reprises qu'il voulait non seulement limiter l'état d'urgence à certaines zones, mais qu'il avait l'intention de le lever entièrement. Toutefois, les agressions auxquelles est soumis le pays l'en empêchent.
En ce qui concerne le droit d'association des fonctionnaires publics, les articles constitutionnels 131 et 49 de la Constitution nationale établissent les bases d'une libre organisation des fonctionnaires publics. En outre, l'article 87 ne comporte aucune exclusion en ce qui concerne les droits syndicaux. Les fonctionnaires du gouvernement et les fonctionnaires publics ont constitué un syndicat intitulé "Union nationale des employés" qui vient d'être enregistré auprès du département des associations syndicales du ministère du Travail.
En ce qui concerne la possibilité juridique de créer des organisations d'employeurs, le ministre a indiqué que la réglementation relative aux syndicats (article premier) stipule que les syndicats sont des associations d'employeurs, d'employés, de travailleurs ou d'agriculteurs qui ont pour objectifs l'amélioration et le développement économique, l'étude des problèmes communs et la défense des intérêts des parties concernées. Cette disposition est liée à l'article 49 de la Constitution qui prévoit la liberté d'organisation pour les citoyens en général. Dans la pratique, on trouve de nombreuses organisations d'employeurs actuellement au Nicaragua et ceci est démontré au sein même de cette commission par la présence de représentants d'employeurs.
Pour ce qui est des modifications législatives proposées par la commission d'experts concernant l'exercice du droit de grève (l'obligation de réunir une majorité des travailleurs pour avoir le droit de faire grève, l'interdiction de grève dans certaines zones rurales, ainsi que l'arbitrage obligatoire après un délai de 30 jours de grève et l'interdiction imposée aux organisations des travailleurs à s'adonner aux activités politiques, le ministre déclare que le gouvernement élabore actuellement les bases juridiques qui lui permettront d'examiner ces questions. Maintenant que la Constitution est promulguée, il sera aisé d'harmoniser la législation du travail à la convention. Cela est du ressort du parlement et implique la consultation avec des représentants de tous les secteurs d'activité.
Les membres employeurs déclarent qu'ils ont essayé de discuter ce cas depuis de nombreuses années, mais qu'ils avaient rencontré jusque-là certaines difficultés; en 1986 le représentant du Nicaragua ne s'est pas présenté et l'année d'avant il y a eu également des problèmes. Les observations formulées par la commission d'experts en 1987 mentionnent de nombreux cas - au moins six - actuellement devant le Comité de la liberté syndicale, et notamment une plainte de l'Organisation internationale des employeurs (OIE). En fait, il s'agit toujours de la même question, à savoir le non-respect des droits syndicaux et des libertés civiles. Ils ont noté que le Comité de la liberté syndicale avait exprimé l'espoir que l'état d'urgence ne serait pas entendu et ils ont déploré que la nouvelle Constitution ne mentionne pas la liberté d'association des employeurs. Ils ont demandé au représentant gouvernemental de donner des explications à cela étant donné que la Constitution précédente garantissait quant à elles ces libertés à tous les citoyens. Les rapports de la commission d'experts et ceux du Comité de la liberté syndicale indiquent clairement que les employeurs avaient été affectés par les conséquences. Il y a là une violation de la convention no 87 - autre que la structure de l'état d'urgence - étant donné que la convention stipule des droits spécifiques à la fois aux travailleurs et aux employeurs. Il ne s'agit pas seulement d'une question théorique. Le représentant gouvernemental s'est référé à la présence d'une délégation d'employeurs du Nicaragua au sein de cette commission, mais il a noté que dans cette délégation il n'y avait qu'un nombre réduit de personnes en provenance des organisations les plus représentatives des employeurs du Nicaragua, alors que le gouvernement avait préféré envoyer des représentants qui lui sont plus favorables, mais qui ne sont pas représentatifs de l'ensemble des employeurs. Quant à l'état d'urgence ils ont estimé que la déclaration du représentant gouvernemental reflétait un complexe de persécution et ils se sont demandé si cela n'était pas dû au fait que les citoyens n'appuyaient pas le gouvernement. Le nombre de syndicats constitués n'a pas une grande importance puisqu'ils ne sont pas autonomes et qu'ils ne sont pas, par conséquent, conformes aux dispositions de la convention no 87. La commission d'experts a attiré l'attention sur le fait que de nombreux droits importants avaient été suspendus à la suite de la prorogation de l'état d'urgence, et elle a souligné également d'autres dispositions non conformes à la convention no 87. Après les missions de contacts directs, en 1983 et la discussion de ce cas par la commission en 1985, le gouvernement avait donné l'assurance de pallier les contradictions, mais les promesses n'ont pas été tenues. L'Organisation internationale des employeurs avait de bonnes raisons de présenter des observations à la commission d'experts sur l'application de la convention puisque deux heures après la promulgation de la nouvelle Constitution l'état d'urgence a été prorogé. Il n'y avait pas de raison d'être satisfait de cette situation. En fait la situation avait empiré.
Le membre employeur du Nicaragua a formulé des critiques à l'égard du ministre du Travail pour avoir soumis des rapports sans consultations préalables avec le Conseil des entreprises privées (COSEP) et autres organisations d'employeurs. En vertu de la nouvelle Constitution, le droit de grève est garanti; toutefois, ce droit a été suspendu lors de la prorogation de l'état d'urgence. Il a souligné que cette constitution n'accordait pas aux employeurs le droit d'association. En ce qui concerne les accords collectifs en vigueur, il souligne qu'en vertu du décret no 532 ces accords devaient être soumis préalablement à l'autorisation du ministre du Travail afin d'être validés; ceci va à l'encontre du droit à la négociation collective et va à l'encontre de la libre volonté des partis. Il a noté la déclaration du gouvernement selon lesquelles des tentatives étaient faites en dehors de la sphère militaire pour impliquer certains groupes y compris les employeurs dans la déstabilisation politique et économique du pays. Le Conseil des entreprises privées (COSEP) veut protester énergiquement devant cette commission face à cette accusation extrêmement grave, car ce sont ses membres qui ont souffert au cour décennies. Le membre employeur déclare enfin que les employeurs du Nicaragua se battent pour conserver la libre entreprise et luttent pour les principes proclamés par l'OIT.
Le membre employeur de l'Argentine a déclaré qu'en tant qu'employeur de la même région, il compatit avec les employeurs du Nicaragua qui connaissent actuellement des restrictions de leur liberté d'association, telles que celles imposées à la COSEP. Les rapports de la commission d'experts et du Comité de la liberté syndicale soulignent la gravité de la situation. Les employeurs du Nicaragua n'ont plus la possibilité de s'exprimer et ils risquent bientôt de ne plus pouvoir exister. La démocratie signifie que l'on reconnaît l'état de droit et les droits des citoyens; lorsque ces droits fondamentaux sont suspendus, ceci signifie qu'il y a là une violation de ces droits. Son pays a connu une situation similaire mais connaît à nouveau aujourd'hui la démocratie. Il a déclaré que cette discussion porte sur des mesures exceptionnelles limitant les libertés fondamentales. Il a invité, par conséquent, le représentant gouvernemental à oeuvrer auprès de son gouvernement dans le sens d'une modification de la situation actuelle et pour l'adoption de mesures nécessaires en vue de mettre fin aux mesures discriminatoires.
Les membres travailleurs se sont félicités de la reprise du dialogue avec le gouvernement. Ils estiment qu'il est toujours préférable de dialoguer même si ce dialogue s'avère par moment difficile. Le gouvernement a soumis certains rapports que la commission a examinés. Aujourd'hui, le représentant gouvernemental a donné des informations très importantes, en particulier qu'en dépit de la situation actuelle, certains efforts sont fournis en vue d'améliorer ces questions. Il ne faut néanmoins pas sous-estimer la gravité de l'affaire. Par le passé, certaines mesures constructives ont été prises, telles que les contacts directs pourrait encore y avoir recours à l'avenir. Ils ont reconnu que l'instabilité de la situation rend difficile l'application des normes et, notamment, des normes concernant la liberté syndicale et la liberté de négociations. Les cas présentés au Comité de la liberté syndicale, par les organisations d'employeurs aussi bien que de travailleurs se sont avérés des plus préoccupants. Certaines organisations syndicales affiliées soit à la CISL, soit à la CMPE sont sérieusement limitées aujourd'hui dans l'exercice de leurs activités par des peines d'emprisonnement ou de menaces de disparition. Personne n'a le droit d'affirmer que les syndicalistes sont manipulés par des puissances étrangères ou qu'ils font preuve d'antipatriotisme. D'autres instances, telles que les Nations Unies sont plus habilitées à débattre de l'état d'urgence, mais lorsqu'il s'agit de la suspension d'autres droits, ceux-ci doivent être discutés. Le représentant gouvernemental a mentionné un fait nouveau qui devrait être examiné par la commission d'experts, à savoir le décret en date du 23 février 1987 qui réinstitue le droit d'organisation. Ils se sont posé la question de savoir si les restrictions imposées en vertu de l'état d'urgence devaient être étendues à tout le territoire et ont considéré que cette question devait être examinée. Ils ont observé que l'état d'urgence, bien que justifiant certaines restrictions partielles, peut également servir à tout interdire. Le représentant gouvernemental a concédé qu'il existait certaines lacunes et même des divergences dans les textes législatifs. Les membres travailleurs quant à eux sont particulièrement préoccupés de la question du pluralisme syndical. L'Union nationale des employés qui regroupe les fonctionnaires est-elle véritablement libre, autonome et indépendante? En outre, le gouvernement a indiqué dans son rapport que la création de plusieurs syndicats concurrents dans une même entreprise favoriserait les employeurs, affaiblissait les structures et l'unité de la classe ouvrière. Les membres travailleurs estiment que la décision relative à cette question n'appartient pas au gouvernement mais aux travailleurs eux-mêmes. Ils ont souligné que dans ce cas, il faut être conscient des problèmes délicats, de la nécessité de poursuivre le dialogue et de rechercher - dans le cadre d'un tripartisme réel au niveau national - la façon dont la convention pourrait être mieux appliquée.
Un membre travailleur du Royaume-Uni a estimé que la présence aujourd'hui du ministre du Travail démontre la bonne volonté de ce pays. Dans le passé, la discussion de ce cas a été difficile, en partie en raison d'une certaine confusion et en partie en raison d'une mauvaise compréhension. Le Congrès des syndicats de son pays a eu des contacts avec les travailleurs nicaraguayens et il espère pouvoir visiter le pays. Tout le monde s'accorde à reconnaître que, dans une situation de guerre ou proche de la guerre, l'état d'urgence était inévitable; cependant, avec l'état d'urgence, ce sont les travailleurs qui ont le plus souffert. Le décret du 23 février 1987, qui rétablit le droit d'organisation pour les syndicats, constitue de prime abord un événement positif mais il est difficile de faire des commentaires à son propos avant que la commission d'experts ne l'ait examiné. Il s'est demandé si le décret a aboli toutes les restrictions visant les syndicats par le décret no 245 du 9 janvier 1987. Il a fait part de ses préoccupations particulières à l'égard du droit d'organisation dans le secteur public et s'est demandé si ce droit était actuellement garanti. Il a estimé que les gouvernements qui sont confrontés à certaines difficultés devraient faire des plans à l'avance, en conformité avec les conventions de l'OIT, pour qu'une législation du travail puisse être appliquée dès que cesse l'état d'urgence. Il s'est demandé si le représentant gouvernemental pouvait donner des assurances sur ce point, confirmant de cette manière que les commentaires de la commission d'experts, les discussions au sein de cette commission et les résultats de la mission de contacts directs sont pris en considération. S'agissant des difficultés rencontrées par les dirigeants syndicaux, il a déclaré que l'arrestation des membres des associations professionnelles, où que ce soit dans le monde, est un affront pour tous les travailleurs. L'histoire a montré qu'en cas d'état d'urgence national, un gouvernement prudent accorde toujours un maximum de liberté à ces syndicats pour s'attirer non seulement leur appui, mais aussi la sympathie des syndicats de par le monde. De la même façon, une restriction des droits des syndicats dans de telles situations reçoit la condamnation des syndicats à travers le monde.
Le membre travailleur de la Belgique, s'est dit profondément attaché, à l'instar de tous les syndicalistes, aux principes énoncés par la convention no 87. Le pluralisme syndical, la liberté d'expression et le droit de réunion sont des droits fondamentaux qui doivent être respectés où que ce soit, même dans des circonstances parfois difficiles. L'existence réelle de ces droits et libertés suppose que le droit d'un peuple à l'autodétermination et à construire son propre futur ne soient pas constamment remis en cause. Il a suggéré d'inviter le gouvernement à envisager, avec le Bureau, d'adoucir les restrictions appliquées durant l'état d'urgence, comme l'a proposé la commission sur la liberté d'association. Pour ce faire, il faudrait peut-être limiter ces restrictions à certaines zones ou protéger un certain nombre de droits fondamentaux. Mais il conviendrait aussi de réaffirmer le droit de chaque peuple à disposer de lui-même et à déterminer son avenir.
Le membre employeur de Cuba a fait part de sa satisfaction à l'égard des informations fournies par le représentant gouvernemental. Il rappelle que le Nicaragua a souffert de la dictature pendant 40 ans et a estimé que certains qui demandent aujourd'hui la liberté d'organisation appuyaient Somozas et à présent se sont alliés aux envahisseurs impérialistes. Tout le monde sait que les impérialistes alimentent la contre-révolution au Nicaragua.
Un autre membre employeur du Nicaragua a déclaré que ce sont les employeurs qui font preuve d'intolérance en refusant la participation de membres employeurs aux différentes commissions de la Conférence et en insinuant que la délégation des employeurs nicaraguayens n'était pas représentative et qu'elle était associée au gouvernement. Il a souligné que la délégation est constituée de représentants des différents secteurs et que tous les employeurs ont eu la possibilité de participer à ces discussions en toute liberté. Il existe un pluralisme dans la délégation des employeurs du Nicaragua. Son organisation a, pour sa part, critiqué le gouvernement quand elle a estimé qu'il allait à l'encontre de ses intérêts. La critique doit cependant être constructive, surtout dans les circonstances très graves que vit le pays. Il a indiqué que chacun aspire à la liberté et à la coexistence pacifique mais son organisation a perdu 1300 membres qui ont été assassinés. Qui viole la liberté d'association dans ce cas? Conscient de la difficulté d'atteindre la perfection, il a souligné toutefois que l'article 49 de la constitution nationale garantit expressément la liberté d'association. Tous les Nicaraguayens devraient oeuvrer pour éliminer les motifs des difficultés actuelles et pour préparer un cadre juridique pour permettre l'adoption de nouvelles lois.
Un membre travailleur de l'URSS a déclaré que ce cas doit permettre l'expression de la sympathie et de la compréhension de la commission et s'est dit d'accord avec les membres travailleurs sur la nécessité d'un dialogue tranquille. Malheureusement, il ne peut approuver le reste de la déclaration des travailleurs. Le représentant gouvernemental a été très convaincant et a présenté des arguments valables. Comment dans ces conditions peut-on rechercher des arguments juridiques pour prétendre que le Nicaragua viole le droit des syndicats? Certaines mesures ont été nécessaires en raison de l'agression de l'extérieur. Comment peut-on discuter de la limitation de l'état d'urgence à certains secteurs particuliers. Le pays est beaucoup trop petit pour cela. Il est prêt à reconnaître que la pluralité des syndicats favorise les employeurs car tout le monde sait que certains employeurs ont participé aux complots contre la république, armes à la main. Il est vrai que l'état d'urgence fait obstacle au développement économique ou autre mais le gouvernement fait le maximum pour maintenir la liberté d'association. Il a noté qu'un conseil de coordination a été créée pour l'ensemble des syndicats il y a quelque temps, qui a pour but de promouvoir les progrès économiques, mais la question véritable qui se pose actuellement est celle de la sauvegarde même du pays. Il a indiqué qu'il avait compris le représentant gouvernemental qui a souligné qu'il s'agissait seulement de mesures temporaires; le pays a besoin de temps et d'assistance de la part de plusieurs secteurs tels que la communauté internationale, le mouvement syndical international et l'OIT pour pouvoir restaurer et garantir le développement indépendant du Nicaragua. Il appartient à cette commission - et en fait à l'OIT dans son ensemble - d'exprimer sa compréhension de la situation et son indignation à l'égard des actes d'agression au Nicaragua.
Le membre travailleur du Nicaragua a déclaré que les travailleurs du Nicaragua luttent actuellement pour défendre leur vie et leurs libertés fondamentales. Le principal obstacle à l'action syndicale dans les zones rurales est constitué par les agressions des mercenaires contras qui se sont soldées par l'assassinat de 127 syndicalistes. Il a rappelé les conditions qui ont existé sous la dictature. Comme le montre une plainte déposée par la CMT en 1973 devant le BIT, les employeurs s'efforçaient de supprimer les syndicats. Il est donc étonnant que ces mêmes employeurs défendent aujourd'hui les travailleurs. Selon certaines opinions exprimées au sein de cette commission, la situation syndicale actuelle au Nicaragua serait désastreuse. Or, selon un rapport établi par un syndicat suisse, 6,5 pour cent des travailleurs étaient syndiqués en 1979; aujourd'hui, 75 pour cent des travailleurs sont organisés et regroupés dans sept centrales syndicales. Le membre travailleur s'est prononcé en faveur de la défense des droits universels, tels que la liberté syndicale. Il a indiqué que plus de 500 réunions syndicales ont eu lieu dans son pays pour demander que le droit de grève, la liberté syndicale, la réforme agraire et l'hygiène et la sécurité du travail soient reconnus dans la Constitution. Les travailleurs sont les premiers à regretter que l'état d'urgence ait été instauré mais leur principale aspiration est d'obtenir la paix. Il a souligné que cette année, le 1er mai a pu être célébré par toutes les centrales syndicales comme cela existe dans d'autres pays. En conclusion, il a adressé une invitation au dialogue à toutes les parties concernées au Nicaragua pour avancer sur la voie de la réconciliation.
Le membre travailleur de l'Uruguay a exprimé sa préoccupation à propos de la situation au Nicaragua. Se référant au rapport de la commission d'experts suggérant de limiter géographiquement l'état d'urgence, estime que la situation doit être analysée de manière globale, par rapport à l'agression à laquelle le Nicaragua est soumis et qui devrait être condamnée, comme la Cour internationale de Justice l'a fait en 1986. Il a rappelé l'appui de son gouvernement et de son organisation syndicale aux efforts du groupe de Contadora. Il a lancé un appel pour que tous les gouvernements, employeurs et travailleurs fassent de même pour parvenir à la paix.
Un membre travailleur de la RSS de Biélorussie a déclaré comprendre la position du gouvernement. Il a estimé que l'agression contre le Nicaragua influence l'ensemble de la situation de ce pays. Il relève que, même dans de telles conditions, le gouvernement a impulsé une croissance importante du mouvement syndical, beaucoup plus forte qu'en 40 ans de dictature. Il est évident que, dans des circonstances de guerre, il est difficile de garantir des droits et pourtant même dans cette situation le gouvernement fait ce qu'il peut. La liberté syndicale ne peut être garantie que lorsque l'indépendance nationale est garantie. Il s'est étonné de certaines positions adoptées par les membres employeurs et a proposé que la commission reconnaisse que les difficultés d'application de la convention no 87 au Nicaragua sont liées à l'agression dont il est la victime.
Le représentant gouvernemental du Nicaragua a rappelé que les raisons de son absence de la commission en 1986 ont alors fait l'objet d'explications détaillées. En réponse aux préoccupations exprimées par les membres travailleurs, et relatives aux implications pratiques de l'état d'urgence sur la limitation des activités syndicales, il a signalé que 55 articles de la Constitution ne peuvent en aucun cas être affectés par l'état d'urgence. Aux termes de l'article 186 de la Constitution, le Président de la République ne peut ni les suspendre ni les supprimer. L'article 87 sur l'exercice de la liberté syndicale fait partie des dispositions protégées. Deuxièmement, il a insisté sur le développement que le mouvement syndical a connu depuis la révolution sandiniste. Au cours des 40 années antérieures à la révolution, 126 syndicats ont été constitués; depuis sept ans, 1384 syndicats se sont créés, ce qui a entraîné aussi une augmentation des travailleurs syndiqués. Les syndicats sont de diverses tendances: il existe sept centrales syndicales qui participent à l'ensemble des activités économiques et sociales et qui peuvent formuler le cas échéant des critiques à l'égard du gouvernement. Troisièmement, il a déclaré que le droit d'organisation syndicale des fonctionnaires est prévu par les articles 49 et 131 de la Constitution nationale. Les fonctionnaires se sont déjà regroupés dans une organisation, l'Union nationale des employés, et le fait qu'il s'agisse d'un syndicat unique ne résulte pas de la volonté du gouvernement. Le gouvernement estime que c'est aux travailleurs de décider s'ils veulent se regrouper en une seule ou en plusieurs centrales. Quatrièmement, le représentant gouvernemental a répondu à un membre travailleur que le gouvernement entend réviser les textes de loi qui en ont besoin et préparer de nouvelles lois avec tous les secteurs intéressés afin qu'elles puissent être mises en oeuvre dès que le pays sera dans une situation plus normale. Cinquièmement, en réponse à certains membres employeurs, il a déclaré que les préoccupations énoncées par ceux-ci sur les restrictions au droit d'organisation dont les employeurs seraient l'objet aux termes de l'article 49 de la Constitution ne sont pas fondées; la liste que cet article contient n'est pas limitative, mais plutôt illustrative. Il s'est référé à l'article premier du règlement sur les organisations syndicales, qui est en vigueur et appliqué, et qui reconnaît le droit d'organisation à la fois aux salariés et aux employeurs. Il a affirmé que, dans la pratique, le gouvernement a donné des garanties aux employeurs pour qu'ils puissent développer leurs activités. L'activité privée reste d'ailleurs prédominante puisque, selon l'Institut national de statistique, elle représente 55 pour cent du produit national brut. Il a déclaré qu'il existe une diversité d'organisations regroupant des employeurs et des travailleurs indépendants; celles-ci disposent du droit de réunion et d'expression, comme le manifestent notamment les opinions exprimées par des membres employeurs du Nicaragua au sein de la présente commission.
Le représentant gouvernemental a souhaité préciser que, lors du prochain examen du cas, la procédure ordinaire de l'OIT sera suivie dans le cadre normal de ses responsabilités et non de la simple continuation de la présente discussion. De même le représentant gouvernemental a signalé que cette situation doit être évalué à la lumière de la situation très grave à laquelle est confronté le pays, situation qui a motivé l'état d'urgence et qui a été décrite antérieurement.
Les membres employeurs ont demandé, au vu des graves préoccupations qui ont été exprimées au sein de la commission, que les conclusions fassent l'objet d'un paragraphe spécial dans le rapport de la commission.
Les membres travailleurs, tout en comprenant les raisons de la demande des membres employeurs, ont proposé de s'en tenir à des conclusions et de réexaminer la situation l'an prochain.
Les membres employeurs se sont ralliés à cette proposition, sous réserve d'une demande d'inclusion d'un paragraphe spécial lors de la prochaine session, au cas où la situation ne se serait pas améliorée.
La commission a pris note des informations fournies par le représentant gouvernemental et des différents commentaires et opinions exprimés durant la discussion de ce cas. Elle s'est félicitée de la reprise du dialogue avec le gouvernement sur les questions soulevées par la commission d'experts. La commission a noté toutefois avec grande préoccupation que la commission d'experts a observé dans son rapport la persistance d'un certain nombre de graves divergences entre, d'une part, la loi et d'autre part, la pratique et la pleine application de la convention, divergences qui résultent notamment du rétablissement de l'état d'urgence dans le pays. La commission a demandé instamment au gouvernement de prendre sérieusement en considération les commentaires de la commission d'experts et, en dépit de l'état d'urgence, de prendre toutes les mesures nécessaires pour supprimer l'ensemble des restrictions existantes en droit et dans la pratique qui concernent le droit des organisations de travailleurs et d'employeurs d'exercer librement les droits garantis par la convention. La commission a demandé au gouvernement de fournir à la commission d'experts des informations complètes sur les mesures prises pour donner effet à la convention.