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Individual Case (CAS) - Discussion: 1991, Publication: 78th ILC session (1991)

Freedom of Association and Protection of the Right to Organise Convention, 1948 (No. 87) - United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland (Ratification: 1949)

Other comments on C087

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Le gouvernement a communiqué les informations suivantes:

Dans son rapport de 1991, la commission d'experts a formulé des commentaires sur plusieurs aspects de l'application de l'ar ticle 3 de la convention s'attachant particulièrement aux lois sur l'emploi de 1980, 1982, 1988 et 1990, ainsi qu'à la loi de 1984 sur les syndicats. Les commentaires suivants constituent la réponse du gouvernement du Royaume-Uni aux points soulevés par les experts dans leur observation.

1. Sanctions disciplinaires injustifiées (article 3 de la loi de 1988 sur l'emploi)

Le gouvernement du Royaume-Uni estime que la législation doit prévoir des dispositions permettant de s'assurer que les syndiqués sont libres "de prendre leurs décisions en accord avec leur conscience, sans crainte de sanctions disciplinaires de la part de leur syndicat".

Le gouvernement du Royaume-Uni:

a) se félicite de l'avis exprimé par la commission d'experts, selon qui l'article 3(3)c) de la loi de 1988, aux termes duquel les syndicats ne peuvent imposer des sanctions disciplinaires à leurs membres qui soutiennent de bonne foi que leur syndicat a transgressé ses propres règles ou la législation nationale, n'est pas incompatible avec l'article 3 de la convention;

b) ne peut toutefois concilier les autres commentaires des experts sur l'article 3 de la loi avec le principe bien acccepté voulant que les syndicats ne jouissent pas d'une liberté absolue pour établir leurs statuts internes, qui doivent respecter les droits fondamentaux de l'homme et la législation nationale;

c) souligne que l'article 3 de la loi de 1988 n'impose aucune limitation quant aux dispositions ou aux interdictions pouvant être incluses dans les statuts internes d'un syndicat;

d) fait observer que les syndicats conservent la possibilité, s'ils le souhaitent, d'une part, d'adopter des statuts leur permettant d'imposer des sanctions disciplinaires aux membres qui refusent de participer à une action de revendication et, d'autre part, d'appliquer ces statuts, ce qui s'est effectivement passé en pratique à plusieurs reprises depuis l'adoption de la loi de 1988, lorsque des syndiqués se sont vu imposer des sanctions disciplinaires de cet ordre;

e) estime néanmoins qu'il s'agit d'un droit de l'homme fondamental pour tout syndiqué de pouvoir refuser de rompre son contrat d'emploi - même si son syndicat l'y invite et indépendamment des procédures qui ont pu être suivies par le syndicat avant de lancer ce mot d'ordre - et qu'un tel refus ne saurait être qualifié d'inapproprié;

f) maintient donc que la législation nationale devrait prévoir des recours pour les syndiqués victimes de sanctions ou de discrimination de la part de leur syndicat, soit parce qu'ils ont exercé ce droit de refus soit parce qu'ils ont encouragé d'autres employés à s'en prévaloir;

g) soutient que le fait d'autoriser un syndicat à imposer des sanctions disciplinaires à un syndiqué qui aurait décidé d'honorer ses engagements envers son employeur, sans lui offrir par ailleurs la possibilité d'un recours, reviendrait à permettre que la législation nationale ne garantisse pas les droits de l'homme fondamentaux du syndiqué en question: et, par conséquent,

h) ne voit aucun motif de considérer que l'article 3 de la loi de 1988 sur l'emploi est en fait incompatible avec aucune des garanties prévues par la convention.

2. Indemnisation des syndiqués et des représentants syndicaux

Le gouvernement du Royaume-Uni:

a) se félicite du fait que la commission d'experts reconnaît qu'aucune disposition de l'article 8 n'empêche un syndicat d'adopter des règles particulières en cette matière;

b) note que les experts suggèrent maintenant que l'article 8 de la loi de 1990 devrait être "modifié" et non plus "abrogé" comme ils l'avaient mentionné dans leur observation de 1989;

c) souligne que l'article 8 vise uniquement les amendes ou les autres sanctions pécuniaires imposées à une personne en raison d'une infraction pénale ou d'une condamnation pour outrage au tribunal, actes qui constituent manifestement une violation de la législation nationale;

d) souligne que lorsqu'un personne agit simplement comme "agent" passif d'un syndicat les sanctions seront vraisemblablement imposées au syndicat, mais que lorsqu'une sanction est infligée à la personne elle-même, cela implique qu'elle aura clairement été reconnue coupable d'un acte illégal et délibéré;

e) tenant compte notamment de l'article 8 l) de la convention, ne saurait accepter l'idée voulant que les dispositions déclarant illégaux l'utilisation des fonds ou des biens syndicaux pour indemniser ces personnes des conséquences de leurs actes illégaux ainsi que le droit connexe de recouvrement des sommes payées ou des biens remis constituent une violation des garanties prévues par la convention; et, par conséquent,

f) ne peut convenir qu'il soit nécessaire de modifier la législation comme le suggèrent les experts, puisque ces dispositions actuelles ne sont incompatibles avec aucune garantie prévue par la convention.

3. Immunités à l'égard de la responsabilité civile découlant des grèves et autres actions de revendication

Le gouvernement du Royaume-Uni:

a) ne relève dans l'observation des experts aucun argument supplémentaire démontrant la nécessité d'apporter quelques modifications à la loi actuelle pour garantir sa conformité avec les garanties prévues dans la convention;

b) souligne que la législation du Royaume-Uni: i) contient toujours des dispositions assurant une protection particulière contre la responsabilité civile qui serait autrement encourue lorsqu'un syndicat ou toute autre personne appelle les travailleurs à rompre des contrats de travail afin d'appuyer leurs revendications dans le cadre d'un différend collectif avec leur employeur; et ii) donne une définition très large de l'expression "différend du travail" à cette fin;

c) observe qu'aucune modification intervenue depuis 1979 dans la législation sur l'organisation des actions de revendication n'a nui aux travailleurs qui restent libres de s'engager dans ce genre d'actions, que ce soit dans le cadre d'un différend avec leur employeur, pour appuyer d'autres travailleurs, ou encore pour quelque autre objectif;

d) ne voit dans la convention aucune disposition permettant à la commission d'experts de conclure que cet instrument impose la nécessité d'une protection juridique pour les personnes qui appellent à une action de revendication ou qui l'organisent, en ce qui concerne les formes particulières d'actions de revendication mentionnées dans son rapport;

e) fournira tous les détails voulus sur la disposition de la loi de 1990, dans le cadre du prochain rapport dû aux termes de l'article 22 de la convention; et, par conséquent,

f) ne saurait accepter l'idée qu'il doit adopter d'autres mesures législatives dégageant la responsabilité civile des personnes qui appellent à des actions de revendication ou les organisent, au motif que ces amendements sont nécessaires pour assurer la conformité avec les garanties prévues par la convention.

4. Licenciements pour faits de grève et autres actions de revendication

Le gouvernement du Royaume-Uni:

a) souligne que la convention no 87 protège la liberté de constituer des organisations de travailleurs et d'employeurs ainsi que les droits de ces organisations, mais que les mesures touchant individuellement les travailleurs (y compris les licenciements ou les sanctions disciplinaires imposées par un employeur) sont visées expressément dans d'autres instruments, notamment la convention no 98, et considère que la législation concernant ces licenciements ou sanctions disciplinaires touchant des personnes à titre individuel n'est pas visée par la convention no 87;

b) regrette que, même si l'observation des experts mentionne certains arguments avancés par le gouvernement dans son rapport aux termes de l'article 22 et démontrant que les amendements législatifs suggérés antérieurement par les experts sont inutiles ou inappropriés, aucun de ces arguments n'est reproduit dans l'observation elle-même;

c) souhaite signaler que la législation et la pratique du Royaume-Uni comportent les dispositions suivantes:

i) les employeurs ont toujours eu le droit d'imposer des sanctions disciplinaires aux travailleurs qui décident de participer à des actions de revendication et notamment, par exemple, de leur refuser la rémunération à laquelle ils auraient eu droit s'ils avaient travaillé durant la période pendant laquelle cette action s'est déroulée; il ne semble exister dans la convention no 87 aucune disposition interdisant aux employeurs de réagir ainsi aux grèves et autres actions de revendication;

ii) la législation du Royaume-Uni n'a jamais comporté le principe soutenu par la commission d'experts, selon lequel il devrait être interdit aux employeurs de licencier des travailleurs ou de leur imposer des sanctions durant des actions de revendication; depuis l'adoption de la loi de 1971 sur les licenciements injustes, la législation a toujours prévu une exception pour les licenciements intervenant dans le cadre d'une action de revendication;

iii) la législation du Royaume-Uni n'autorise absolument pas à ordonner aux travailleurs de retourner ou de rester au travail, et ce quelles que soient les circonstances; cette liberté de déclencher des actions de revendications - qui par sa nature même doit rester une décision individuelle pour tout employé - prévaut indépendamment de la nature ou de l'ampleur des répercussions de cette action sur l'entreprise de l'employeur (que ce soit en termes absolus, ou en rapport avec l'objet du différend);

iv) en outre, lorsque les employés participent à une action de revendication officielle (c'est-à-dire organisée ou déclenchée par leur syndicat), un employé qui serait victime d'un licenciement discriminatoire tandis que d'autres employés ayant participé à l'action ne sont pas licenciés peut présenter une plainte de licenciement injustifié à un tribunal du travail; le même recours est ouvert si tous les employés sont licenciés mais que certains sont réembauchés dans un délai de trois mois, tandis que d'autres ne le sont pas;

v) par ailleurs, la législation du Royaume-Uni sur l'emploi assure une protection spéciale aux employés qui participent à une grève dans la mesure où elle préserve les droits liés à la "période d'emploi accumulée" ("qualifying period of employment") que l'employé peut avoir acquis avant la grève en question, ce qui protège ses droits futurs à de nombreux droits liés à l'emploi et découlant de la loi (par exemple, les indemnités de licenciement pour raisons économiques), même si l'employé a fait grève en violation des dispositions de son contrat d'emploi;

vi) bien que les conditions et modalités d'emploi des travailleurs puissent être établies dans des conventions collectives conclues entre employeurs et syndicats, les conventions collectives n'ont pas juridiquement une force contraignante au Royaume-Uni. Par conséquent, les employés peuvent librement décider de faire grève ou de prendre d'autres actions de revendication sans égard aux conséquences que cela risque d'avoir sur le plan des obligations contractuelles de leur syndicat;

vii) selon un principe fondamental établi de longue date dans le système juridique du Royaume-Uni, il n'est pas de la compétence des cours ou tribunaux de statuer sur le fond d'un différend du travail, et aucune convention internationale ratifiée par le Royaume-Uni ne contient de dispositons imposant des mesures différentes à cet égard; et, par conséquent,

d) n'estime absolument pas justifiée la suggestion de la commission d'experts, selon qui des amendements sont nécessaires pour que la législation du Royaume-Uni : i) soit compatible avec les garanties prévues par la convention no 87; ii) garantisse le respect des "principes de la liberté syndicale", dans la mesure où ces principes découlent des dispositions de la convention elle-même.

5. Complexité de la législation

Le gouvernement du Royaume-Uni:

a) confirme, comme il l'a indiqué dans son rapport 1988-1990 aux termes de l'article 22 qu'il est disposé à prendre des mesures de "codification" lorsque les ressources et le programme législatif le permettront;

b) attire l'attention sur la distinction pratique faite par le gouvernement dans son rapport 1989-1990 entre une "codification" (qui intégrerait dans une loi les dispositions qui se trouvent à l'heure actuelle dans plusieurs textes législatifs) et une mesure qui apporterait des modifications de fond à la législation actuelle;

c) réitère qu'aucune disposition de la législation générale du Royaume-Uni sur l'emploi n'est à son avis incompatible avec les garanties prévues dans les conventions qu'il a ratifiées; et, par conséquent,

d) rejette la suggestion de la commission d'experts voulant que le gouvernement devrait profiter de l'occasion de cette "codification" pour apporter des modifications de fond à la législation qui régit actuellement les relations professionnelles et les questions syndicales.

En outre un représentant gouvernemental du Royaume-Uni a rappelé que l'observation de la commission d'experts traite de deux questions séparées, l'une concernant le licenciement des travailleurs du Centre gouvernemental des communications de Cheltenham (GCHQ), la seconde, un certain nombre d'observations relatives à l'article 3 de la convention en relation avec une série de lois sur l'emploi et sur les syndicats adoptées au cours des années quatre-vingt. Ce deuxième aspect de l'observation de la commission d'experts fait l'objet des informations écrites envoyées par le gouvernement. L'orateur a exprimé l'espoir que ces informations seront communiquées à la commission d'experts pour examen. Il a considéré qu'il était plus approprié de différer la discussion de ces questions et de se concentrer sur la question du GCHQ.

Bien que sous la responsabilité ministérielle du Secrétaire d'Etat aux affaires étrangères et du Commonwealth, le GCHQ ne fasse pas partie du Bureau des affaires étrangères et du Commonwealth, il s'agit en fait d'un des services de sécurité et de renseignement du Royaume-Uni qui fait partie intégrale du système de défense et de sécurité national. Ce service apporte un concours opérationnel vital aux forces armées du Royaume-Uni et à celle de ses alliés, y compris une surveillance constante de toutes les formes d'activités armées hostiles. Entre 1979 et 1981, le GCHQ a subi de graves interruptions d'activités suite à des mouvements de grève impliquant une perte de 10000 jours de travail. Ces interruptions n'étaient liées à aucune réclamation spécifique au GCHQ, mais les employés en question étaient utilisés dans le cadre d'une campagne plus large dans le contexte des négociations nationales dans la fonction publique. En conséquence et après un examen long et attentif de toutes les implications, y compris de ses obligations internationales aux termes des conventions de l'OIT, le gouvernement a modifié, en 1984, les termes et conditions des employés du GCHQ en supprimant la liberté de ces travailleurs d'appartenir à un autre syndicat qu'à celui relevant de cet établissement. L'action du gouvernement avait uniquement pour but d'assurer la poursuite sans discontinuité des activités de sécurité au GCHQ, estimant inacceptable, ce dont plusieurs autres gouvernements conviennent certainement, qu'un service secret du pays puisse pâtir d'un mouvement de grève national. A la suite de la décision du gouvernement, une majorité écrasante des travailleurs du GCHQ, soit 98 pour cent, a accepté les nouvelles conditions de service. La plupart des autres travailleurs ont été transférés, sur leur demande, dans d'autres fonctions au sein de l'administration où ils ont pu conserver leur affiliation syndicale ou ils ont pu donner leur démission en bénéficiant de la généreuse compensation prévue en cas de licenciement. A la fin de 1988, il n'y avait plus que 13 travailleurs qui n'acceptaient ni les nouvelles conditions de service ni de nouveaux postes dans la fonction publique. Tous ces travailleurs ont reçu soit des indemnités de licenciement complètes, soit une compensation généreuse ex gratia.

La connaissance de divers aspects du système de relations professionnelles britannique est nécessaire pour comprendre les raisons des mesures prises par le gouvernement. En premier lieu, le système de relations professionnelles a un caractère volontaire auquel sont attachés les syndicats, les employeurs et le gouvernement. Deuxièmement, tous les accords collectifs sont conclus volontairement et ne sont pas légalement obligatoires; l'exécution des obligations qui en découlent ne peut être obtenue en justice et il n'y a pas de sanctions en cas de violation. Dans ce cadre de libertés et d'accords collectifs n'ayant pas force obligatoire, tant les travailleurs du secteur public que ceux du secteur privé sont libres de s'organiser collectivement et de faire grève. Il n'y a que trois exceptions à cette situation générale concernant le secteur public: premièrement, les forces armées qui n'ont ni le droit de s'organiser ni le droit de faire grève; deuxièmement, la police qui a le droit de s'organiser, mais qui n'a pas le droit de grève; enfin, pour certaines catégories très limitées de fonctionnaires, la loi sur la protection de l'emploi de 1975 telle qu'amendée en 1978 qui contient des dispositions permettant au gouvernement d'exclure certains travailleurs de son champ d'application aux fins de préserver la sécurité nationale. Ces dispositions n'ont été appliquées qu'aux services de renseignement et constituent la base légale prise par le gouvernement dans le cas du GCHQ en 1984. Sous cette réserve, tous les fonctionnaires, quels que soient leurs rangs ou leurs fonctions ont le même droit de s'organiser et de faire grève que les travailleurs de l'industrie privée.

Le représentant gouvernemental a indiqué que les mesures adoptées par le gouvernement dans le cas du GCHQ l'ont été sur une base unique et exceptionnelle de manière à préserver spécifiquement tant le cadre volontaire du système des relations professionnelles que le droit de s'organiser et de faire grève dont jouissent tous les autres fonctionnaires. Il a souligné que dans le cadre du système volontaire des relations professionnelles un accord de paix du travail, conclu volontairement, ne saurait garantir de manière absolue la continuation ininterrompue des activités qui est vitale pour la sécurité nationale du Royaume-Uni et nombre de ses alliés. C'est la raison pour laquelle il a estimé qu'envisager l'éventualité d'une négociation d'un accord de paix du travail en tant que solution aux problèmes ne ferait que soulever des espoirs qui ne pourraient être couronnés de succès dans le cadre du système des relations professionnelles du Royaume-Uni, car tout accord conclu pourrait valablement et à n'importe quel moment être révoqué par les syndicats.

Bien que le gouvernement ait imposé comme condition d'emploi que les travailleurs du GCHQ ne puissent pas appartenir aux syndicats nationaux, ces travailleurs ont la liberté de s'affilier à la Fédération du personnel des communications gouvernementales (GCSF) qui est le syndicat d'entreprise. Le GCSF regroupe 50 pour cent des employés travaillant au GCHQ, ce qui correspond au pourcentage que les syndicats nationaux détenaient à l'époque dans cet établissement. A l'exception du droit de grève, le GCSF fonctionne comme un syndicat normal représentant les travailleurs du GCHQ pour toutes les questions pertinentes, y compris les négociations relatives aux salaires, aux conditions d'emploi ainsi qu'aux questions concernant le milieu de travail. Il figure sur la "liste" légale des syndicats tenue par le greffier - une entité nationale indépendante, légalement constituée. Celui-ci a déclaré que le GCSF a demandé au greffier de lui délivrer un certificat d'indépendance. Sur le refus de celui-ci, le syndicat a fait appel de cette décision. Quelle que soit l'issue de ce recours, elle ne saurait d'aucune manière priver le GCSF de son caractère de syndicat figurant sur la "liste" légale, ni de son droit de gérer ses activités habituelles ni celui de représenter ses membres. Le fait que le GCSF ne détienne pas de certificat d'indépendance ne saurait, dans la pratique, le désavantager, étant donné que la direction du GCHQ a accordé au GCSF des droits qui sont au moins équivalents à presque tous les droits d'un syndicat détenant un certificat d'indépendance en vertu de la loi.

Le représentant gouvernemental a rappelé que si le cas avait été traité dans le cadre de la convention no 151, il aurait été classé dès le début, car l'article premier, paragraphe 2, de cette convention laisse à la législation nationale le soin de déterminer la mesure dans laquelle les garanties qu'elle prévoit s'appliqueront aux agents dont les responsabilités ont un caractère hautement confidentiel. Or c'est justement ce qu'a fait le gouvernement du Royaume-Uni dans le cas du GCHQ. Quant à la convention no 87, elle exclut de ses dispositions les forces armées; de l'avis du gouvernement les fonctions inhérentes à la sécurité nationale qui sont accomplies au GCHQ relèvent de l'esprit de cette exemption. Il a été également attiré l'attention sur le fait que la Commission européenne des droits de l'homme avait examiné ce cas et qu'elle avait estimé que, bien qu'il y ait eu une immixtion d'une autorité publique dans les droits des travailleurs de constituer des syndicats et de s'y affilier, cette interférence était justifiée puisque le GCHQ est une institution spéciale qui, en accomplissant des fonctions essentielles en matière de protection de la sécurité nationale, a des objectifs proches de ceux de la police et des forces armées.

En résumé, le représentant gouvernemental a déclaré qu'un bon nombre de personnes, tant au sein de cette commission que dans d'autres cercles, ont reconnu que la question qui est en jeu consistait dans un problème technique de définitions et d'interprétation et ne constituait donc pas un cas impliquant des questions fondamentales inhérentes aux droits de l'homme. S'il y a eu violation, elle est donc de nature hautement technique et elle n'a pas de caractère fondamental pour les raisons suivantes: 1) Le GCHQ fait partie des services de sécurité nationale; aux termes de la convention no 151, il n'y aurait pas eu de violation; dans de nombreux autres pays, les mêmes activités auraient été accomplies dans le cadre de l'appareil militaire; elles auraient été également exclues de la convention no 87. 2) Sur l'ensemble des travailleurs concernés, 13 seulement n'ont finalement pas accepté les nouvelles conditions de service ou l'offre d'un autre emploi; ils ont reçu une compensation financière avantageuse. 3) D'autres organismes internationaux concernés par les droits fondamentaux de l'homme ont adopté des conclusions en faveur du gouvernement du Royaume-Uni. 4) Enfin, les travailleurs du GCHQ ont, dans la pratique, accès à un véritable syndicat d'entreprise qui est effectivement très actif.

Le représentant gouvernemental s'est félicité de ce que dans sa dernière observation la commission d'experts ait reconnu l'existence d'un certain nombre de ces questions et il s'est réjouit du contenu positif du dialogue avec les experts. La commission d'experts a reconnu que les travailleurs du GCHQ relèvent de la catégorie de travailleurs pour lesquels il est admissible de limiter le droit de grève. La commission a également reconnu que le syndicat d'entreprise, auquel 50 pour cent des travailleurs appartiennent, était traité par la direction de la même manière que s'il était un syndicat à part entière. Enfin, elle a reconnu que le gouvernement n'est pas opposé au principe d'une affiliation syndicale de ces travailleurs, maisqu'il continue d'avoir des objections à l'affiliation à certains syndicats. Tout en déclarant que les appréciations de la commission d'experts sont correctes, l'orateur a rappelé pourquoi, étant donné le caractère volontaire des relations professionnelles, les intérêts de la sécurité nationale au GCHQ exigeaient le maintien de la situation. Il a néanmoins déclaré que son gouvernement continuerait à examiner attentivement les commentaires de la commission d'experts et ceux de la présente commission et il a donné l'assurance qu'il ferait pleinement rapport sur les opinions exprimées au sein de cette commission. Il a exprimé la conviction que son gouvernement continuerait à rester à l'écoute et à examiner attentivement les idées exprimées en ce domaine en raison notamment de l'importance que les organes de contrôle de l'OIT, y compris les membres de cette commission, attachent à la question. En conclusion, le représentant gouvernemental a exprimé l'espoir que sur la base des explications qu'il a données, la commission serait à même d'engager une discussion équilibrée et bien documentée sur ce cas, en gardant le sens des proportions quant aux questions qu'il implique.

Le porte-parole des membres travailleurs a confirmé l'accord de son groupe pour limiter la discussion au cas des travailleurs du GCHQ. Il a estimé toutefois que les autres points mentionnés dans l'observation de la commission d'experts et sur lesquels le gouvernement a fourni certaines informations écrites doivent pouvoir être discutés l'année prochaine. Il a estimé souhaitable de le mentionner dans les conclusions de la commission. Dans tous les cas, le gouvernement devrait être invité à fournir un rapport à temps pour pouvoir être discuté l'an prochain.

Le membre travailleur des Etats-Unis, s'ecprimant au nom du groupe des travailleurs, a rappelé qu'en 1990 la commission avait décidé à une faible majorité de ne pas mentionner l'application de la convention no 87 par le Royaume-Uni dans un paragraphe spécial de son rapport, bien que la commission d'experts ait conclu que 13 travailleurs du centre gouvernemental des communications de Cheltenham (GCHQ) avaient été licenciés parce qu'ils avaient refusé de renoncer à leur affiliation au syndicat de leur choix ce qui constitue une violation de l'article 2 de la convention et, bien que dans ses conclusions la présente commission ait constaté que "le gouvernement ne considère pas utile de négocier avec les associations de travailleurs..." et ait exprimé "le ferme espoir que le gouvernement reconsidérera sa position...". Lors de la session plénière d'adoption du rapport de la commission de l'application des normes il avait indiqué que les efforts des travailleurs, en vue de l'adoption d'un paragraphe spécial, n'avaient pas abouti parce que les membres employeurs et certains membres gouvernementaux n'avaient pas bien apprécié ce qui était réellement en jeu, à savoir de ne pas fermer la porte à de nouvelles négociations avec les syndicats. Là est et demeure, à son avis, le coeur du problème.

Après avoir souligné qu'il n'entendait pas aujourd'hui demander un paragraphe spécial, il a exprimé sa préoccupation quant à la position inflexible du gouvernement britannique de refuser de discuter avec les syndicats. Il s'agit là d'une question clé qui, si elle n'est pas résolue, empêche toute action. Ainsi que l'a relevé la commission d'experts, le TUC a informé le Premier ministre que les syndicats étaient disposés à adopter une approche positive en ce qui concerne la question du GCHQ si les discussions étaient rouvertes, comme l'avaient suggéré les experts et la présente commission. Le Premier ministre n'a pas répondu à cette proposition et le gouvernement continue à déclarer qu'il demeure convaincu de leur absence d'utilité. Le refus du Royaume-Uni de reprendre les discussions avec les syndicats menace les principes fermement établis auxquels cette commission adhère depuis de nombreuses années. C'est le seul cas depuis vingt-cinq ans où un gouvernement a refusé d'entamer le dialogue avec ses partenaires priviliégiés, en dépit de la convention no 87 et des exigences de la convention no 144, qui du reste a également été ratifiée par le Royaume-Uni. Les membres travailleur a toutefois cru percevoir une certaine note d'encouragement en écoutant l'intervention du représentant gouvernemental lorsque celui-ci a assuré que son gouvernement continuerait à examiner très attentivement les observations de la commission d'experts et de la présente commission.

Dans son rapport de 1989, cette commission, après bien des années d'un difficile dialogue, a pu s'exprimer d'une seule voix pour souligner l'importance fondamentale des principes suivis de manière constante par la commission d'experts en ce qui concerne non seulement le maintien de l'indépendance du système de contrôle mais également l'universalité des normes et la nécessité de les appliquer avec objectivité et impartialité. Elle a également reconnu tout aussi unanimement que la fidèle adhésion à ces principes vaut également pour ses propres travaux. Il s'ensuit nécessairement que l'égalité dans l'application et l'impartialité doivent s'étendre à tous les pays, quels que soient leur taille, leur puissance, leur situation géographique, et leur pouvoir de persuasion politique: le même étalon de mesure doit leur être appliqué. A de nombreuses occasions on a insisté au sein de cette commission, spécialement pendant les années de lutte avec les pays de l'Est, sur le fait que la commission ne pouvait pas avoir deux visages, l'un pour l'Est et l'autre pour l'Ouest. Pourrait-il en être différemment pour les pays en développement et pour un pays occidental hautement industrialisé? Pourrait-on tolérer, dans cette commission où l'on a toujours prôné d'une manière unanime les principes d'impartialité et d'objectivité, une déviation aussi fondamentale de ces principes dans un cas particulier? Cette commission a toujours été reconnue comme la conscience de l'OIT. Même si ses conclusions ont parfois été rigoureuses à l'égard des gouvernements, une justice égale a toujours été dispensée. On ne saurait se départir, dans un cas individuel, du sentiment que les normes doivent être appliquées impartialement en cas de violation, sans que, de l'avis des travailleurs, la commission ne souffre d'une grave perte de crédibilité.

Depuis qu'il suit les discussions à ce sujet, l'orateur a toujours été étonné et désolé de l'attitude inflexible du gouvernement en ce qui concerne l'éventualité de nouvelles discussions sur le cas des travailleurs du GCHQ avec les partenaires sociaux. D'après l'observation de la commission d'experts, c'est la troisième fois que, malgré ses encouragements répétés et ceux de la présente commission, le gouvernement a indiqué qu'il ne voyait pas d'utilité à rouvrir le dialogue. Cette position inexorable du gouvernement soulève des préoccupations sérieuses au sein de la commission quant aux motifs qu'il poursuit. Le gouvernement devrait savoir qu'aussi longtemps que des hommes libres se réunissent et engagent un dialogue, tout peut arriver ainsi que l'attestent les progrès qui ont été réalisés grâce aux efforts de la commission d'experts et de cette commission au cours des ans dans le cas des gouvernements recontrant des problèmes d'application de conventions ratifiées apparemment insurmontables. Même si une solution aux problèmes des travailleurs du GCHQ peut sembler aux yeux du gouvernement relever du miracle, un tel miracle avec l'assistance des syndicats britanniques peut avoir lieu, comme cela a été le cas, au cours des trois dernières années, de l'évolution incroyable et imprévisible des pays de l'Europe centrale et orientale vers la liberté et la démocratie. En conclusion, l'orateur a demandé instamment au gouvernement de na pas refuser la dernière offre des syndicats britanniques de reprendre les discussions. Cette offre d'adopter une approche constructive et positive dans la conduite de nouvelles négociations montre clairement qu'ils ne sont pas insensibles à l'importance des activités du GCHQ. Il convient de ne pas faire l'erreur de sous-estimer la contribution d'un partenaire essentiel du tripartisme.

Le membre travailleur du Royaume-Uni, s'exprimant également au nom du groupe des travailleurs, a déclaré qu'il ne demanderait pas qu'un paragraphe spécial sur ce cas soit inclus dans le rapport de la commission car lels membres travailleurs estiment qu'une telle demande conduirait à une discussion technique stérile sur la procédure du paragraphe spécial au lieu de susciter un véritable débat sur le cas lui-même. Il a écouté avec intérêt les informations communiquées par le représentant gouvernemental et il a rappelé que le cas dont est saisie la présente commission concerne essentiellement le licenciement d'un certain nombre de syndicalistes qui ont refusé de renoncer à leur droit, consacré par la convention, de s'affilier au syndicat de leur choix. Tout en rappelant que ce cas particulier a été considéré par certains comme faisant l'objet d'une attention exagérée, il a souligné que les principes qui en sont à la base sont fondamentaux pour les travaux de la présente commission et pour ceux des organes de contrôle de l'OIT. Le maintien du refus d'un gouvernement de reconnaître le bien-fondé des commentaires de la commission d'experts et des conclusions de cette commission, ainsi que de prendre les mesures pour y donner suite, doit être considéré, de manière universelle, comme une offense pour les travaux de la commission. C'est la raison pour laquelle ce cas revêt un intérêt particulier. Tant qu'aucune solution ne sera trouvée et qu'un nouveau dialogue susceptible de conduire au progrès ne sera pas noué, il en résultera une menace pour l'ensemble du système de contrôle. Ce cas soulève de manière fondamentale la question grave de savoir si cette commission applique une double norme, suivant qu'il s'agit de pays en développement ne disposant par d'une fonction publique hautement sophistiquée ou de pays hautement industrialisés dont les ressources et l'influence sont telles qu'ils peuvent tenter de faire fi des vues de la commission d'experts et des conclusions de la présente commission. Il ne doit y avoir, au sein de la présente commission, ni exception ni traitement de faveur pour ces derniers, car ce serait miner l'autorité et la crédibilité de la commission.

Le membre travailleur a convenu que l'application de la convention no 87 pose des problèmes. Elle soulève des questions relatives au pluralisme, au droit de grève et à ses limitations légitimes. Elle soulève également la question de savoir qui est considéré comme fonctionnaire ainsi que des questions de définition des catégories de travailleurs pouvant être exclus de son application. Si l'orateur a un profond respect pour les lois, en particulier pour celles qui sont incorporées dans les conventions sur les droits de l'homme, il se méfie par contre de ceux qui s'efforcent de prouver que la loi a plusieurs visages en fonction des diverses occasions. Les droits de l'homme sont indivisibles et doivent s'appliquer de manière identique à tous les pays, riches ou pauvres, en développement ou industrialisés.

Contrairement à ce qu'a laissé entendre le représentant gouvernemental, les interruptions de travail qui ont eu lieu dans la fonction publique entre 1979 et 1981 concernaient des questions afectant tant les travailleurs du GCHQ que ceux de la fonction publique dans son ensemble, puisque le gouvernement avait supprimé un mécanisme de négociation des salaires applicable au GCHQ comme à la fonction publique qui avait fonctionné efficacement pendant vingt-cinq ans. En réponse aux allégations selon lesquelles la sécurité nationale avait été mise en danger par ces grèves, le membre travailleur a rappelé que les syndicats avaient veillé à ce qu'un service minimum soit mis en place comme c'est le cas généralement le week-end. Prétendre que la sécurité du pays était en jeu était donc dépourvu de sens.

Après avoir reconnu que la description du système de relations professionnelles donnée par le représentant gouvernemental était exacte, le membre travailleur a souligné que ce cadre avait été graduellement détruit par le présent gouvernement. Il a insisté sur le fait qu'à de nombreuses occasions les travailleurs ont clairement montré qu'ils étaient prêts à faire quelque chose d'exceptionnel dans le cas du GCHQ. Compte tenu du problème tel que présenté par la commission d'experts, le mouvement syndical britannique est prêt à discuter d'une solution qui serait unique et qui consisterait dans un accord de paix du travail, avec arbitrage, qui ne serait applicable que pour cet établissement afin de se conformer aux vues de la commission d'experts selon lesquelles il est admissible de limiter le droit de grève des travailleurs dont les fonctions ont trait à des questions de sécurité. Tel est le prix que le mouvement syndical est prêt à payer afin de continuer à résoudre le problème.

En ce qui concerne la Fédération du personnel des communications gouvernementales (GCSF) qui fonctionne dans le centre de Cheltenham, le membre travailleur a rappelé que le greffier a refusé de lui décerner un certificat d'indépendance. Le GCSF est effectivement un syndicat d'entreprise et le fait que des travailleurs soient autorisés à s'affilier à une telle organisation ne signifie pas qu'ils peuvent s'affilier au syndicat de leur choix. Or c'est cette liberté même qui est en jeu, comme dans le cas des Etats connaissant le système d'un parti unique et où il n'existe qu'un seul syndicat. S'agissant de conclusions de la Commission européenne des droits de l'homme, l'orateur a souligné qu'elles ne sauraient l'emporter sur les conclusions de la commission d'experts que seule la Cour internationale de justice peut contester.

Le sens des travaux de la commission se caractérise par son esprit de dialogue. A cet égard, le Royaume-Uni a ratifié la convention no 144 sur les consultations tripartites relatives aux activités de l'OIT. Pour leur part, les syndicats britanniques se sont, au cours des douze derniers mois, efforcés d'éviter que ce cas fasse l'objet d'un sujet de conflit à la Conférence de cette année. Au cours du mois de mai dernier, après des approches oficieuses, le secrétaire général du TUC a écrit au Premier ministre pour tenter de le persuader de reprendre les discussions avec les syndicats de la fonction publique, conformément aux conclusions de la commission d'experts. Malheureusement, aucune réponse positive n'a été reçue. A ce stade, les syndicats demandent uniquement l'ouverture de discussions avec le gouvernement britannique pour voir si une solution dans les lignes suggérées par la commission d'experts est possible. Ils ne demandent pas que des garanties leur soient données; tout ce qu'ils veulent, c'est de pouvoir discuter. Nul ne saurait considérer cette demande comme déraisonnable. C'est pourquoi le membre travailleur du Royaume Uni a lancé un appel a la présente commission pour qu'elle invite le gouvernement à reprendre le dialogue avec les syndicats. Refuser une demande aussi simple remettrait en cause tout le principe du dialogue qui est à la base du processus de contrôle. La réponse du gouvernement devrait pouvoir être examinée par la commission d'experts et faire l'objet de la présente discussion l'année prochaine.

Les membres employeurs se sont déclarés d'accord pour limiter la discussion au seul cas des travailleurs du GCHQ. Ils ont estimé en conséquence, que les conclusions ne devraient pas mentionner que les autres points seront examinés par la commission l'année prochaine, comme l'ont demandé les membres travailleurs. S'agissant des travailleurs du GCHQ, c'est la cinquième fois que l'on discute de la question depuis 1985. Les faits sont clairs, il n'y a rien de nouveau. Ce cas n'est pas typique de la convention no 87 dans la mesure où les activités exécutées au GCHQ sont trèps proches des fonctions accomplies par les forces armées. Si le personnel de ce centre avait été transféré dans le secteur militaire, tout aurait été résolu. Tel n'est toutefois pas le cas. Les mesures prises par le gouvernement ont été adoptées à la suite de grèves et d'interruption de travail au GCHQ. Le gouvernement a exigé que les travailleurs quittent leur syndicat. Tous l'ont fait à l'exception de 13 travailleurs. Les discussions ultérieures concernant la conclusion éventuelle d'un nouvel arrangement impliquant le renoncement au droit de grève ont échoué. Il y a eu des hésitations de part et d'autre. La nature des accords collectifs, et en particulier leur caractère non contraignant, a également joué un rôle. La question se pose également de savoir si l'organisation nouvellement créée au sein du centre, qui comporte 50 pour cent des travailleurs du GCHQ n'ont plus, depuis un certain temps, la possibilité de constituer ou de s'affilier au syndicat de leur choix; c'est là le point crucial. Du point de vue juridique, la situation est claire et elle est telle que décrite par le membre travailleur du Royaume-Uni. Comme par le passé, les membres employeurs s'opposeront fermement à l'application de doubles normes. Le présent cas est toutefois très différent de ceux des Etats anciennement communistes où, selon leur Constitution, il n'était pas possible de constituer des syndicats libres en dehors du syndicat inféodé au Parti unique. Dans le cas des travailleurs du GCHQ, les difficultés sont l'ordre pratique et les nombreux facteurs qui ont une incidence sont particuliers au Royaume-Uni. En premier lieu, le gouvernement et les syndicats n'ont pas beaucoup de sympathie mutuelle. Chacun campe sur ses positions, de sorte qu'il y a absence totale de dialogue, c'est bien là que se pose le problème. C'est pourquoi il conviendrait de donner, aujourd'hui, une nouvelle impulsion pour modifier la situation et pour que les parties prennent à nouveau contact en vue de discuter de la question. Il s'agit d'une question limitée qui ne menace pas l'exercice du droit syndical dans l'ensemble du territoire du Royaume-Uni. Seuls les travailleurs du GCHQ sont impliqués. Mais même s'il n'y a eu que 13 travailleurs qui ont désiré faire usage de leur droit de choisir librement le syndicat auquel il souhaite appartenir, c'est le devoir de la commission de se préoccuper de garantir cette liberté de choix. Les travailleurs doivent avoir le droit de s'affilier librement au syndicat de leur choix quel que soit le nombre de personnes concernées. C'est pourquoi, comme les membres travailleurs, les membres employeurs ont souhaité que le gouvernement soit prié de reprendre le dialogue. Il se sont également attachés à ce que les syndicats garantissent de manière efficace que les activités du GCHQ ne soient pas perturbées par des interruptions de travail. Ils n'ont pas d'indication précise à donner sur la manière dont devra être réglé le problème dans la pratique, les arrangements devant être pris au Royaume-Uni entre les parties concernées. En conclusion, les membres employeurs ont exprimé l'espoir que le gouvernement s'efforcera de reprendre le dialogue avec les syndicats, qu'il fournira des informations pour examen par la commission d'experts à sa prochaine session, et que l'année prochaine cette commission pourra noter des progrès substantiels tels que la reprise du dialogue, voire même l'adoption d'une solution.

Un membre travailleur de la Suède, s'exprimant également au nom des membres travailleurs du Danemark, de la Finlande et de la Norvège, a déclaré que la liberté de choix dans la constitution ou l'affiliation à des organisations telle que consacrée par la convention no 87 est l'un des fondements de la liberté syndicale. La commission d'experts aussi bien que la présente commission ont déclaré que le droit d'appartenir à l'organisation de leur choix ne doit pas être dénié aux travailleurs du GCHQ. Les organes de contrôle de l'OIT ont maintes fois pressé le gouvernement britannique de reprendre les discussions avec les syndicats du service public en vue d'arriver à une résolution satisfaisante du problème. Les syndicats ont idiqué leur volonté d'entamer des discussions constructives avec le gouvernement. Ce dernier a cependant refusé d'accepter les conclusions de la commission d'experts et a même refusé de rencontrer le syndicat. Ils ont regretté que le gouvernement du Royaume-Uni n'ait ni accepté les opinions exprimées par la commission d'experts, ni eu recours à la procédure prévue pour obtenir une interprétation définitive de la convention. En outre, ils ont manifesté leur inquiétude de ce que le gouvernement n'ait pas opté pour la reprise des discussions avec les syndicats concernés. Malgré les différentes opinions politiques des partis concernés, le principe des discussions ou de la négociation avec les partenaires sociaux est respecté dans la plupart des pays développés. Ce cas ne pourrait être résolu par des débats sans fin dans les instances internationales. La solution du problème ne peut être trouvée que dans des discussions entre le gouvernement et les organisations syndicales intéressées. Ils ont exprimé l'espoir que le dialogue sera rouvert et que le cas figurera l'année prochaine parmi les cas de progrès mentionnés dans le rapport de la commission d'experts.

Un membre travailleur de la Pologne a regretté que la présente commission ait à nouveau à traiter du problème de l'application de la convention no 87 par le Royaume-Uni. Il s'est inquiété du fait que la plupart des incompatibilités entre la législation britannique et la convention, telles qu'identifiées par la commission d'experts, demeurent. En outre, il a regretté la nature persistante et continue de ces incohérences. Les problèmes ont été débattus depuis de longues années par les organes de contrôle de l'OIT mais jusqu'à présent la situation n'a pas connu de progrès substantiels. Il s'est déclaré d'accord avec l'appel de la commission d'experts pour la reprise du dialogue entre les partenaires sociaux intéressés. Cette invitation à ouvrir le dialogue doit également être étendue de manière à couvrir tous les problèmes que pose la relation tripartite au Royaume-Uni. Le gouvernement britannique doit également avoir recours au mécanisme de la consultation tripartite dans l'intérêt d'une démarche sociale fondée sur le consensus, conformément aux exigences de la convention no 144 ratifiée par le Royaume-Uni. Le cas du GCHQ montre le manque de volonté d'une partie du gouvernement de reconnaître le droit pour les travailleurs du GCHQ de s'associer et de négocier collectivement. Le manque de clarté dans la législation britannique concernant les droits syndicaux constitue également un problème de la commission d'experts. Les commentaires portent également sur la complexité de la législation sur l'emploi au Royaume-Uni. Selon les experts, la diversité des textes législatifs concernés crée un obstacle sérieux à l'interprétation adéquate de l'application des normes internationales du travail dans le droit interne. Le gouvernement a annexé à son rapport un certain nombre de manuels sur la législation pour démontrer que la loi est, en réalité, relativement complexe pour ceux pour lesquels elle s'applique le plus directement. Néanmoins, même les juristes qualifiés ne peuvent en fait interpréter cette mosaïque complexe de réglementations. Dans les décisions de la Cour d'appel et de la Chambre des lords, jouant le rôle de cours suprêmes dans le cas de Merkur Island Shipping Corp. contre Laughton, la législation sur l'emploi en vigueur a été critiquée pour son manque de clarté et avait été considérée comme étant en violation des principes généraux de la règle de droit. Ces deux juridictions ont estimé que, dans le domaine des relations professionnelles, la loi devrait être exprimée en termes aisément compréhensibles par ceux qui sont chargés de l'appliquer même au niveau des travailleurs. L'absence de clarté a encouragé ceux qui ont voulu violer la règle de droit. L'orateur a donc demandé que le gouvernement soit instamment prié d'adopter une approche plus consultative avec les partenaires sociaux dans le but de mettre la législation et la pratique britanniques en conformité avec les normes sur la liberté syndicale.

Un membre gouvernemental des Pays-Bas a indiqué que son gouvernement considère que le cas du GCHQ, plus qu'une simple question technique, porte atteinte aux droits fondamentaux des travailleurs. Si son gouvernement a voté il y a deux ans contre l'adoption d'un paragraphe spécial, ce n'est pas parce qu'il pensait que le cas n'étant pas important, mais plutôt par respect du système de contrôle de l'OIT et par ce qu'il estime que certaines sanctions doivent être réservées à des entorses extrêmement graves aux droits de l'homme. Son gouvernement considère toujours qu'il s'agissait d'un problème important et il espère qu'il sera résolu dans le cadre du système de contrôle de l'OIT. Observant que les membres travailleurs ne souhaitent pas demander l'adoption d'un paragraphe spécial, il a recommandé de demander instamment au gouvernement du Royaume-Uni de considérer avec attention les débats qui ont eu lieu au sein de la présente commission dans un esprit constructif et de consensus.

Un membre travailleur de la Colombie a déclaré avoir suivi avec attention la discussion sur le cas présent. Il a refusé qu'il puisse y avoir deux poids et deux mesures. Chaque cas a ses caractéristiques et il est clair que la violation totale ou partielle d'une convention est une question qui a des conséquences politiques et qu'on ne peut accepter, en aucune circonstance, que la violation d'une convention dans un pays en développement ou dans un pays qui est dépendant sur le plan économique soit considérée comme un manquement grave, alors que la violation d'une convention dans un pays économiquement développé serait seulement un simple problème technique. Il serait dangereux de tomber dans des discriminations qui pourraient entamer la crédibilité des travaux de la commission.

Un membre travailleur du Sri Lanka a déclaré que le Royaume Uni est réputé pour être un bastion de la démocratie. En tant que fondateur du Commonwealth, il est considéré comme un modèle à suivre par les membres du Commonwealth et leurs peuples. Le Sri Lanka, comme les autres nations du Commonwealth, a été inspiré et influencé par les traditions et pratiques démocratiques britanniques, et a modelé ses institutions et ses pratiques sur l'exemple britannique. Il faut donc regretter que le déni de la liberté syndicale aux travailleurs du Royaume-Uni n'ait pas contribué à perpétrer cette image. Le Royaume-Uni a ratifié l'une des plus importantes conventions de l'OIT et se trouve actuellement en flagrante violation de l'un de ces principes: le droit fondamental des travailleurs de choisir librement leur propre organisation. Le représentant gouvernemental du Royaume-Uni ne semble même pas disposé à ouvrir un dialogue avec les partenaires sociaux en vue de résoudre la question. L'argument du gouvernement, selon lequel le GCHQ est un établissement de nature sensible où par conséquent, les grèves seront au détriment de son propre fonctionnement, ne seront pas valable puisque les syndicats sont disposés à débattre des possibilités d'un "accord de paix du travail". Il a conclu en demandant aux gouvernements d'entamer un dialogue constructif avec les syndicats, sans aucune condition préalable mais avec pour seul objectif la résolution de la situation.

Le membre gouvernemental de l'Australie s'est félicité des contributions constructives des travailleurs, des employeurs et des gouvernements. Il a relevé que le cas du GCHQ reflète les circonstances spéciales d'une matière complexe et sensible. Ce cas se rapporte aux intérêts de sécurité du gouvernement britannique, mais il soulève également la question importante du droit des travailleurs de s'organiser et de s'associer librement. Son gouvernement a estimé, comme cela a été mentionné lors des débats de la commission de l'application des normes en 1989, que les circonstances dans le cas du GCHQ pourraient constituer un manquement à la convention no 87. Il a appuyé les conclusions et les suggestions de la commission d'experts visant à la résolution de ce cas. La commission d'experts l'a examiné pour la première fois en 1985 et depuis lors il n'y a pas de progrès substantiels. Son gouvernement regrette que le gouvernement du Royaume-Uni n'ait engagé aucune action spécifique en vue de la résolution des problèmes soulevés par la commission d'experts. Il a cependant pris note des dispositions du gouvernement à adopter à l'avenir une approche plus constructive. Néanmoins, l'approche actuelle est pour le moins extrêmement décevante et ne pourrait que mettre en cause l'efficacité du système de contrôle de l'OIT. La commission d'experts a réitéré dans ce cas sa position selon laquelle le droit de grève pourrait être limité dans les cas où les travailleurs concernés assument des fonctions relevant des questions de sécurité, mais elle a ajouté que le droit d'appartenir à une organisation de leur choix ne doit pas être dénié à ces travailleurs. Il conviendrait que le gouvernement du Royaume-Uni consulte le congrès des syndicats britanniques et les organisations syndicales intéressées de manière à reconsidérer le statut des travailleurs du GCHQ. Cela fait déjà six ans que le gouvernement a entrepris des discussions formelles avec les syndicats concernant ce problème. Selon la commission d'experts, le congrès des syndicats britanniques et les syndicats concernés ont indiqué qu'ils étaient disposés à négocier de manière constructive avec le gouvernement sur la situation du GCHQ, ouvrant ainsi une perspective réelle à la résolution de ce cas. L'orateur a suggéré que le gouvernement du Royaume-Uni soit instamment prié de prendre des mesures positives pour garantir un règlement du cas conforme aux dispositions de la convention no87 et reflétant le conclusions de la commission d'experts.

Un membre travailleur du Pays-Bas, tout en regrettant la mauvaise volonté dont fait preuve le gouvernement britannique pour entamer un dialogue avec les syndicats, s'est associé aux orateurs précédents. Il a noté par ailleurs que les travailleurs du GCHQ sont autorisés à s'affilier à la Fédération des employés des communications gouvernementales (GCSF) qui, selon le gouvernement même, ne peut être vraiment considérée comme une organisation syndicale. Ainsi le gouvernement semble soutenir que les travailleurs du GCHQ n'ont pas le droit de s'affilier à une organisation syndicale. Parallèlement, le gouvernement se réfère à l'article 9 de la convention concernant l'exception des "forces armées". L'orateur s'est rallié aux conclusions de la commission d'experts selon lesquelles le gouvernement n'est pas opposé au principe de l'affiliation syndicale de ces travailleurs, mais qu'il continue à avoir des objections à l'affiliation à certains syndicats. Il a manifesté sa profonde inquiétude de ce que, si la présente commission se contente de la paralysie actuelle de la situation, cela pourrait être perçu par d'autres gouvernements comme une invitation à adopter une attitude semblable à celle du gouvernement du Royaume-Uni. Pour ce qui est de la déclaration des membres employeurs sur la question des deux poids et deux mesures, il a rappelé que le débat sur ce point avait concerné la situation dans les pays d'Europe de l'Est et dans plusieurs pays en développement, et que chaque pays doit être jugé suivant son contexte économique, culturel, social et politique. Ce cas met en jeu des principes fondamentaux et pas simplement une question technique. Le gouvernement n'a accepté ni les conclusions de la commission d'experts ni celles de la présente commission. Il s'agit là d'un cas typique traité dans le para graphe 12 du rapport de la commission d'experts. La seule approche honorable dans un cas de cette envergure où il y a une divergence d'opinions est que le gouvernement s'adresse à la Cour internationale de Justice pour obtenir un avis définitif. La déclaration du gouvernement, selon laquelle des conclusions adoptées dans un autre forum international vont dans le sens de sa position, semble être une raison supplémentaire pour avoir recours à la Cour internationale de Justice en vue d'obtenir un avis définitif. L'orateur conclut en recommandant que le gouvernement soit pressé à reprendre le dialogue avec les syndicats.

Un membre travailleur de la Tunisie a rappelé que la démocratie, bien connue au Royaume-Uni, se définit aussi par la concertation, la consultation, le dialogue. Cependant, depuis longtemps le gouvernement refuse le dialogue avec les syndicats, tout en persistant sur sa position et le maintien de sa décision de licenciement abusif et arbitraire de 13 employés de la GCHQ. Ainsi, l'orateur a estimé ne pas comprendre que le gouvernement puisse prôner et défendre le principe de la liberté, de la démocratie et de la justice sociale auprès des pays en développement, ou encore défendre les principes de l'OIT auxquels il est à la fois attaché et garant. L'orateur a conclu en manifestant son soutien aux intervenants qui ont demandé que les conclusions de ce cas soient mentionnées dans un paragraphe spécial.

Un membre gouvernemental de la Norvège, s'exprimant également au nom des cinq gouvernements nordiques, a déclaré que, malgré les problèmes techniques en présence, le cas concerne aussi le droit de s'affilier au syndicat de son choix qui est fondamentalement un droit de l'homme. L'oratrice a indiqué que son pays a une solide tradition du respect du droit de s'affilier à un syndicat, y compris pour les forces armées et la police. Elle a admis que le droit de recourir à la grève ou à d'autres moyens de pression est dans son pays restreint pour les membres des forces armées et de la police. Ce genre de distinction pourrait peut-être être fait par le Royaume-Uni. Tout en regrettant l'absence de discussion entre le gouvernement du Royaume-Uni et les organisations syndicales depuis 1989, elle a exhorté instamment le gouvernement à prendre l'initiative d'ouvrir dès que possible des contacts en vue de tendre à la résolution du conflit. Tout en manifestant sa compréhension pour le problème des deux poids et deux mesures dans le cas présent, elle a exprimé l'espoir qu'il sera possible de résoudre ce cas par une conclusion de consensus. Elle a invité le gouvernement à considérer sérieusement les débats qui ont eu lieu au sein de la présente commission de même que les conclusions à tirer dans l'optique d'une solution constructive à un problème qui a occupé la commission pendant tant d'années.

Un membre travailleur de l'Espagne a estimé que la commission se trouve pratiquement au moment le plus important de l'analyse du cas. La commission d'experts a relevé que les travailleurs concernés ne peuvent pas être considérés comme des membres des forces armées. En partant de cette affirmation, on ne peut leur dénier le droit d'appartenir au syndicat de leur choix mais le gouvernement exige que ces derniers soient affiliés à un seul syndicat désigné qui n'est pas nécessairement le syndicat de leur choix. Il faut se poser la question de savoir pourquoi le gouvernement a choisi un syndicat qui diffère de celui qui a la préférence des travailleurs. Il doit y avoir d'autres raisons qui ne sont pas purement formelles, parce que dans le cas présent la forme est une manière de jeter de l'ombre sur le fond. L'orateur a déclaré qu'à son avis la raison profonde pour laquelle ces travailleurs ne sont pas autorisés à s'affilier au syndicat de leur choix et doivent adhérer à la Fédération des employés des communications gouvernementales (GCSF), est précisément que cette dernière n'est pas une organisation syndicale indépendante et qu'elle ne peut pas faire grève. En l'occurrence l'appel à la grève avait suscité toute l'affaire. L'orateur a souligné qu'une autre raison de l'importance du cas réside dans le fait qu'il s'agit du gouvernement du Royaume-Uni, un pays industrialisé et membre de la CEE (Communauté économique européenne). Au début des travaux de la commission, tous les membres avaient rendu hommage à ses qualités d'objectivité, mais quand il s'agit d'analyser la situation d'un pays développé, l'ensemble des travaux de la commission est remis en question. Ceci pourrait avoir l'effet de jeter un doute sur les mécanismes de contrôle.

Un membre gouvernemental du Panama a déclaré que ce cas avait deux facettes importantes: un aspect de forme représenté par les débats de la commission et un aspect de fond concernant la violation de la convention no87 par le Royaume-Uni. Il s'est montré préoccupé par la manière dont les représentants des travailleurs et des employeurs britanniques ont insisté pour que le cas ne soit pas mentionné dans un paragraphe spécial, en dépit du fait que le gouvernement n'a accompli aucun progrès depuis six ans, et que, en 1989, on ait eu à soumettre au vote une proposition allant dans ce sens. L'orateur a attiré l'attention de la commission sur le fait que le Panama qui est un petit pays en pleine transition démocratique et qui a fait d'énormes efforts pour présenter des rapports sur ces conventions ratifiées pour satisfaire aux demandes de la commission, a fait l'objet d'un paragraphe spécial pour avoir seulement observé que la commission d'experts essaie d'imposer ses propres interprétations de termes qui ne sont pas bien définis dans les conventions et d'en exiger l'application pour avoir omis de se plier à certaines règles en matière de liberté syndicale. L'orateur a souligné que le Royaume-Uni, qui est un des pays fondateurs de l'OIT et qui est hautement développé, devrait résoudre la question dans les délais les plus brefs possibles au moyen d'un dialogue constructif, et non pas par une attitude intransigeante. Il a indiqué à nouveau qu'il estimait que la procédure suivie dans ce cas n'était pas cohérente, puisque depuis la dernière demande d'insertion d'un paragraphe spécial formulée en 1989, il n'y a eu aucune évolution favorable.

Un membre travailleur du Venezuela a déclaré que lors des débats antérieurs, la commission avait adopté une attitude précise vis-à-vis des pays violant les normes et les dispositions de l'OIT. Il s'est interrogé si dans le cas présent la commission allait apporter son soutien à la commission d'experts qui étudie ce cas depuis 1985. Les experts demandent le respect de la liberté syndicale pour un certain nombre de travailleurs. A propos de paragraphe spécial dans ce cas, l'orateur s'est demandé si les paragraphes spéciaux ne valent que pour les pays d'Afrique, d'Amérique latine ou d'Asie; s'il en est ainsi, est-ce équitable d'avoir une attitude différenciée? L'orateur a relevé que depuis 1985 le débat est en cours sur le cas présent concernant 13 travailleurs licenciés et le refus du gouvernement d'entamer un dialogue afin de parvenir à un accord sur la question. Au sein de la commission, le représentant gouvernemental du Royaume-Uni a fermé la porte au dialogue. Il a souhaité qu'on parvienne à un accord, sans quoi on pourrait penser que la commission observe une attitude différente lorsqu'il s'agit de pays fondateur, de pays industrialisés et d'autres pays. Il a souligné que la même règle doit être appliquée à tous les pays avec une ligne de conduite soutenue. Il a exprimé sa solidarité avec tous les travailleurs du Royaume-Uni dans leur droit de s'associer et de recourir à la grève.

Un membre travailleur de l'Ouganda a déclaré que l'argument du gouvernement selon lequel la présence d'un syndicat aurait porté atteinte à la sécurité du pays est mal fondé car, au contraire, la sécurité dans tout pays dépend du respect des droits syndicaux. Il déclare qu'il n'y aurait jamais eu de problème si le gouvernement, dans le cadre de ce conflit, avait mené une discussion avec les syndicats de son pays et il a recommandé par conséquent que celui-ci reconsidère sa position et entame un dialogue avec les partenaires sociaux concernés.

Un membre gouvernemental des Emirats arabes unis s'exprimant au nom des gouvernements de Bahreïn, d'Arabie saoudite, du Koweït et du Qatar, a déclaré avoir pris acte de l'ancienneté du cas qui remonte en fait à 1985. Il a pris note également des circonstances particulières du cas qui porte sur le statut du travailleur du GCHQ, de même que sur des préoccupations et les doutes exprimés au niveau du gouvernement du Royaume-Uni, à savoir que ce dernier redoute que les syndicats ne s'estiment pas engagés par un accord de non-recours à la grève. C'est la raison pour laquelle le gouvernement est convaincu qu'il n'est pas en mesure de poursuivre les négociations en cas de conflit à l'avenir. Nénamoins le gouvernement a confirmé que les travailleurs du GCHQ ont le droit de s'affilier au GCSF et que 50 pour cent d'entre eu sont déjà affiliés à cette fédération. En dépit des problèmes qui se posent et auxquels les syndicats ont fait référence, le gouvernement a indiqué que le syndicat dispose de pouvoirs au moins équivalents à ceux des autres syndicats. Les deux parties devraient pouvoir surmonter et corriger les difficultés. Dans son rapport, la commission d'experts fait clairement référence au fait que les travailleurs opérant dans des domaines qui relèvent de la sécurité nationale peuvent se voir dénier le droit de grève mais doivent jouir du droit de s'affilier à un syndicat de leur propre choix. Ceci devrait permettre de trouver une formule qui garantisse le non-recours à la grève en raison de la nature du travail accompli au sein du GCHQ tout en permettant aux travailleurs de ce centre de s'affilier au syndicat de leur propre choix, conformément aux dispositions de la convention ratifiée par le gouvernement. En conséquence, dans le même contexte que les déclarations faites par les membres gouvernementaux des Pays-Bas et de l'Australie, et compte tenu du fait que la commission d'experts a déclaré que le gouvernement ne s'opposait pas à celà, l'orateur a estimé qu'il y a là une marge de négociation pour parvenir à un accord garantissant les intérêts des parties. C'est la raison pour laquelle il a exprimé l'espoir d'un accord permettant la résolution du cas. Il a espéré également, comme l'a souligné le représentant gouvernemental du Royaume-Uni, que le dialogue pourra à la lumière des thèses des membres travailleurs et des membres employeurs se poursuivre au sein de la commission d'experts et de la présente commission. L'orateur s'est déclaré heureux de constater que le cas en question ne fera pas l'objet d'un paragraphe spécial, mais que le problème doit être résolu par la voie du dialogue.

Un membre travailleur du Pakistan a souligné la tradition démocratique du Royaume-Uni. Il a expliqué cependant que la commission a toujours su maintenir une universalité dans les critères d'application des normes, notamment celles relatives à la liberté syndicale et il ne peut y avoir de différenciation dans l'application de ces principes suivant qu'on est en présence d'un pays développé ou d'un pays moins développé. Les mécanismes de contrôle de l'Organisation ont toujours été observés, de même ces observations doivent être respectées de tous. Il a observé que depuis un demi-siècle les fonctionnaires publics du Royaume-Uni ont le droit de s'affilier aux organisations syndicales de leur choix, ainsi que le droit de négocier collectivement depuis les vingt dernières années. Le cas présent pose le problème de l'obligation imposée à certains fonctionnaires de s'affilier à un syndicat qui n'est pas le syndicat de leur choix, ce qui est en violation de l'article 2 de la convention. Il a également relevé que la commission d'experts a critiqué la complexité de la législation du travail britannique, en particulier en ce qui concerne la loi sur l'emploi de 1990 qui semble réduire le cadre des moyens de protection que le Comité de la liberté syndicale a déjà jugés inadéquats car contraires à la liberté syndicale. Un autre aspect soulevé par les experts se rapporte clairement au fait que les travailleurs du GCHQ, ne pouvant être considérés comme membres des forces armées en application de l'article 9 de la convention, doivent avoir le droit de s'affilier aux organisations syndicales de leur choix. Les experts ont manifesté leur préoccupation du fait que le cas n'a pas connu de progrès durant ces dernières années malgré l'attitude positive observée par le Congrès des syndicats britanniques quant à la poursuite du dialogue. Pourtant, le dialogue ne s'est pas produit. L'orateur a déclaré que le Royaume-Uni - en tant que Membre fondateur de l'Organisation, pays d'importance industrielle, et membre permanent du Conseil d'administration - devait montrer l'exemple en mettant sa législation et sa pratique en pleine conformité avec la convention. Il a souligné que plusieurs membres gouvernementaux ainsi que les membres travailleurs, les membres employeurs, de même que plusieurs experts en droit international ont prié instamment le gouvernement de reprendre le dialogue. L'orateur a lui aussi lancé un appel au gouvernement pour qu'il ouvre le dialogue avec une attitude constructive.

Un membre travailleur de l'Allemagne, en se référant à la déclaration du représentant gouvernemental concernant la spécificité du système de la common law et du système des relations professionnelles dans son pays, a rappelé que par le passé la commission de l'application des normes a connu des débats controversés du même genre où des représentants gouvernementaux avaient défendu leur position en se fondant sur la spécificité de la situation prévalant dans leur pays. Néanmoins l'orateur a estimé que le gouvernement du Royaume-Uni est responsable de la mise en conformité de sa législation et de sa pratique avec la convention. Dans le cas contraire, la seule option sera de demander un avis consultant à la Cour internationale de justice de La Haye pour obtenir un jugement final.

Le membre gouvernemental des Etats-Unis a déclaré que, lors des discussions antérieures sur ce cas, la commission s'était divisée sur la manière de le résoudre, ce qui avait eu pour conséquence une perte de poids moral des conclusions de la commission. L'oratrice a relevé le caractère particulier de ce cas et la préoccupation spécifique et impérieuse de sécurité nationale qui exige que GCHQ fonctionne en permanence. Toutefois, elle a souligné qu'aucun problème ne pourrait être résolu sans discussion. Elle a indiqué que le dialogue n'implique pas de parvenir à un accord, ainsi que la commission d'experts l'a reconnu en demandant au gouvernement de reprendre les discussions en vue de déterminer s'il serait possible d'aboutir à des arrangements satisfaisants. Le dialogue n'est pas à sens unique et ne signifie pas non plus nécessairement une solution rapide. Néanmoins, a-t-elle souligné, l'entreprise est digne qu'on lui consacre des efforts. La force et l'autorité morale de cette commission tiennent au fait qu'elle fonctionne sur la base du dialogue et du consensus. L'oratrice a pris acte de l'engagement de tous les membres de cette commission de faire en sorte que l'efficacité du système de l'OIT ne soit pas amoindrie. Elle a exprimé l'espoir, comme en vérité elle y est encouragée, qu'il soit possible de parvenir à une solution de consensus dans le cas du GCHQ.

Les membres employeurs ont observé qu'après une longue et intense discussion sur ce cas, il existait un accord manifeste au sein de la présente commission sur un point crucial: la nécessité de la reprise du dialogue entre le gouvernement et le syndicat. L'absence de divergences d'opinion à cet égard distingue de façon remarquable cette discussion d'autres discussions antérieures sur le même cas. Aussi les membres employeurs ont-ils demandé au représentant gouvernemental du Royaume-Uni de transmettre ce message à son gouvernement dans l'espoir de voir des résultats par la suite. Remarquant que plusieurs orateurs se sont prononcés sur d'autres questions relatives à l'application de la convention par le Royaume-Uni qui ne faisaient pas l'objet du présent débat, les membres employeurs ont précisé qu'ils avaient leur propre position et réservaient le droit de l'exposer au moment opportun. En fait, sur plusieurs aspects, leur point de vue est sensiblement différent de celui qu'exprime la commission d'experts, et ceci ne concerne pas seulement le droit de grève.

Les membres travailleurs se sont réjouis de la forme et de la substance de la discussion. Il est clair que le cas du GCHQ n'est pas seulement d'ordre technique et qu'il pose un problème de principe: la liberté des travailleurs de s'organiser dans un syndicat de leur choix. Les membres travailleurs ont déjà expliqué pourquoi ils ne demanderaient pas l'adoption d'un paragraphe spécial cette année. Selon eux, il ne s'agit pas d'utiliser deux poids, deux mesures: il s'agit plutôt de "mettre le paquet" pour parvenir à un consensus réel sur le problème le plus urgent, c'est-à-dire le manque de dialogue, et la nécessité d'y remédier et de chercher une solution en concertation avec les organisations syndicales. Les membres travailleurs ont obtenu un soutien large et unanime sur ce point, et ils ont remercié tous les orateurs, notamment les membres gouvernementaux qui ont pris part à la discussion. Si les membres travailleurs avaient demandé, comme en 1989, l'inclusion d'un paragraphe spécial, la discussion eût été toute autre, tant sur la nature du problème que sur le sens du paragraphe spécial. Dans le même esprit constructif que celui dont a fait preuve le Congrès des syndicats britanniques (TUC), les membres travailleurs ont souhaité mettre l'accent sur les pas qui devraient être faits afin de rouvrir le dialogue, notamment en tenant compte du fait que le gouvernement a ratifié les conventions nos 87 et 144. Ils ont pris acte de la déclaration du représentant gouvernemental et de la volonté exprimée par son gouvernement d'examiner les opinions de la commission d'experts et celles exprimées par la présente commission, notamment quant à la nécessité de reprendre le dialogue. Aussi cette commission devrait-elle adopter des conclusions fermes en ce qui concerne les regrets exprimés et l'appel formel lancé au gouvernement de reconsidérer sa position, et de rétablir dans les plus brefs délais un dialogue avec les organisations syndicales. Les membres travailleurs ont exprimé l'espoir que, d'ici à quelques mois, il serait possible de constater un progrès réel et substantiel.

Le représentant gouvernemental a dit son grand intérêt pour la discussion et pour les points soulevés par les membres gouvernementaux, employeurs et travailleurs. Certains orateurs ont suggéré que savoir s'il s'agissait dans ce cas d'un problème de fond ou d'un problème technique dépendait de la question du droit des travailleurs de faire partie de l'organisation syndicale de leur choix. Il s'agit d'un problème technique, précisément parce que les conventions de l'OIT applicables autorisent l'exclusion de ce droit de certaines catégories de travailleurs. L'orateur s'est félicité, cependant, de ce que de nombreux intervenants aient souligné que ce cas ne relevait pas d'un problème portant d'une façon générale sur la liberté syndicale au Royaume-Uni, notamment dans le secteur public, et qu'il n'existait aucun doute quant au droit général d'organisation et de grève dans la fonction publique britannique. Se rapportant aux propos des membres travailleurs sur le fait que les syndicats du GCHQ, en faisant grève au début des années 1980, ne faisaient pas courir des risques au pays, l'orateur a précisé que ce n'était pas ce qu'il voulait dire mais, dans le monde de plus en plus technologiquement sophistiqué du renseignement, son gouvernement avait estimé que tout risque de paralysie de l'organisme central de renseignement n'était pas tolérable. Certains membres travailleurs ont soutenu que la présente commission devrait critiquer de manière équitable tous les pays, et non réserver ses critiques aux seuls pays en développement. L'universalité des normes de l'OIT est certainement essentielle, mais elle ne signifie pas la distribution des critiques par un système de rotation régional. Cette commission doit plutôt réserver ses condamnations les plus fermes pour les cas où les dommages sont les plus graves, quel que soit l'endroit où ils ont lieu. La contravention à la convention - s'il en est une - est de caractère purement technique: personne n'a été assassiné, torturé, ou emprisonné sans procès, et il n'existe aucune restriction générale à la liberté syndicale ou au droit de grève dans le secteur public. Les limitations apportées à ces libertés ne concernent que les travailleurs du renseignement qui, dans la plupart des autres pays, font l'objet d'une définition telle que la convention ne leur est pas applicable. Le fait de suggérer que l'établissement d'un parallèle entre ce cas et d'autres cas vise justement à adopter une attitude de deux poids deux mesures et à porter atteinte à l'universalité des normes. Quant aux déclarations relevant de l'absence apparente de dialogue entre le gouvernement et les syndicats, le représentant gouvernemental a expliqué qu'en réalité, son gouvernement a mené des négociations répétées avec les syndicats nationaux quand il a décidé de changer les conditions d'emploi au GCHQ. A cette époque, les syndicats nationaux avaient insisté pour qu'un accord de non-recours à la grève comporte des garanties adéquates. Toutefois, leurs propositions étaient d'une portée limitée en laissant à des négociations ultérieures la détermination de larges domaines mais par la suite il y a eu des désaccords de la partie syndicale à l'égard des propositions gouvernementales. Son gouvernement reconnaît que les syndicats ont indiqué en plusieurs occasions (y compris par les lettres récentes mentionnées par les membres travailleurs) qu'ils changeront leur position concernant l'accord de non-grève. Etant donné le caractère sensible de cette question dans le contexte intérieur, les opinions fortement exprimées des deux côtés et l'impérieuse nécessité d'assurer le fonctionnement régulier du GCHQ, son gouvernement n'a pas souhaité faire de geste purement cosmétique qui risquerait de donner lieu à des interprétations excessives ou à des espérances qui par la suite n'auraient pas pu être satisfaites. Le représentant gouvernemental a néanmoins souligné que son gouvernement serait tenu pleinement informé de tous les points évoqués au sein de la présente commission, et qu'il tiendrait dûment compte dans sa réponse aux lettres susmentionnées, qui il en est sûr sera apportée en temps voulu, suite au simple accusé de réception qui a déjà été adressé. Son gouvernement continuera à porter une grande attention aux commentaires de la commission d'experts.

La commission a pris note des informations écrites fournies par le gouvernement ainsi que celles fournies oralement par le représentant gouvernemental au sujet de la situation au GCHQ et des discussions qui se sont déroulées en son sein. La commission a exprimé sa profonde préoccupation devant l'absence de dialogue entre le gouvernement et les organisations syndicales et devant le manque de progrès depuis son dernier examen en relation avec les questions soulevées sous cette convention pour ce qui concerne les travailleurs du GCHQ qui continuent de ne pas pouvoir s'affilier aux syndicat de leur choix. La commision regrette de devoir, une fois de plus, demander au gouvernement de reconsidérer à brève échéance sa position en reprenant le dialogue avec les syndicats afin de trouver une solution à la situation des travailleurs en question en pleine conformité avec la convention. La commission a exprimé également le ferme espoir que la commission d'experts sera en mesure de constater dès l'année prochaine sur la base d'un nouveau rapport du gouvernement, les progrès réels et substantiels en ce qui concerne la mise en conformité de la pratique avec les exigences de la convention ratifiée depuis de nombreuses années.

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