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Individual Case (CAS) - Discussion: 2000, Publication: 88th ILC session (2000)

Freedom of Association and Protection of the Right to Organise Convention, 1948 (No. 87) - Guatemala (Ratification: 1952)

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Le gouvernement a fourni les informations suivantes:

Le gouvernement a fourni une copie des projets de modification du Code du travail, de la loi syndicale, de la réglementation du droit de grève des travailleurs de l'Etat ainsi que du Code pénal, visant à mettre la législation nationale en conformité avec la convention et à introduire dans le droit interne les principes fondamentaux et les normes de droit syndical découlant des conventions internationales du travail ratifiées.

Ces textes ont été communiqués par le Président de la République au Président du Congrès le 17 mai 2000 pour examen et approbation par le Congrès.

En outre, devant la Commission de la Conférence, un représentant gouvernemental, ministre du Travail et de la Protection sociale, a déclaré que le gouvernement a respecté son engagement d'élaborer un projet de réforme de la législation pour mettre en conformité la législation du travail avec les dispositions de la convention no 87, lequel est actuellement soumis à l'organe législatif compétent pour approbation. Ce projet de loi a pour but de prendre en compte la majorité des commentaires émis par la commission d'experts. L'orateur assiste aux travaux de la présente réunion avec satisfaction car il est convaincu que les normes fondamentales de l'OIT doivent être accompagnées de mécanismes de vérification de leur application, notamment par le biais des organes de contrôle de l'OIT, pour qu'elles ne se limitent pas à n'être que de simples déclarations. L'année passée, lors de la 87e session de la Conférence internationale du Travail, le gouvernement précédent avait pris l'engagement, devant cette même commission, de modifier la législation du travail afin de la mettre en conformité avec la convention no 87. Des contacts ont été établis ultérieurement avec le bureau régional de l'OIT pour solliciter une assistance technique. La commission d'experts demande que le gouvernement l'informe, dans son prochain rapport, sur toute mesure adoptée à ce sujet. Ce rapport aurait dû parvenir au Bureau en septembre de cette année, ce qui signifie que le gouvernement a anticipé son obligation de communiquer le rapport demandé de quatre mois. Le gouvernement actuel du Guatemala a pris ses fonctions le 17 janvier de cette année et en quatre mois seulement a respecté l'engagement pris par son prédécesseur parce qu'il est convaincu que tout gouvernement doit respecter et honorer les engagements pris par son pays. Le gouvernement est, en outre, d'avis que la société tout entière doit vivre en respectant ses propres règles si l'on veut obtenir la paix et le progrès.

En ce qui concerne les relations professionnelles, le gouvernement est fermement convaincu de la nécessité de soutenir le développement des relations bilatérales entre les employeurs et les travailleurs, conformément à l'article 106 de la Constitution politique du pays. Cet article oblige les pouvoirs publics à protéger et stimuler la négociation collective, ce qui rend indubitablement nécessaire l'existence d'organisations syndicales susceptibles de représenter authentiquement les intérêts et les droits des travailleurs. En outre, aux termes de l'article 211, paragraphe 1, du Code du travail, le ministère du Travail doit protéger et aider le développement du syndicalisme.

Le gouvernement est convaincu d'avoir agi avec célérité parce que l'un des piliers fondamentaux du programme de ce gouvernement est la lutte contre la pauvreté, notamment par des emplois équitablement rémunérés. L'orateur a donné lecture à la commission de la lettre du 17 mai 2000 du Président du Guatemala transmettant à l'organe législatif le projet de réforme de la législation du travail. A la demande de l'orateur, cette note est reproduite in extenso ci-après: "J'ai l'honneur de vous transmettre la proposition de loi réformant le Code du travail destinée à mettre en conformité la législation interne du Guatemala avec les dispositions de la convention no 87. Le Guatemala, en tant que Membre de l'Organisation internationale du Travail, a pris l'engagement de donner effet à cette convention et d'incorporer dans son droit interne les grands principes ou normes concernant la liberté syndicale et les autres dispositions dérivées de conventions internationales ratifiées et appliquées par le Guatemala en matière de travail. Le gouvernement de la République, par mon intermédiaire et en vertu des fonctions que me confère l'article 183 g) de la Constitution politique de la République, soumet cette proposition de loi pour examen et approbation du Congrès de la République car il est nécessaire d'incorporer au Code du travail les dispositions relatives à la liberté syndicale et également de respecter les engagements pris par le Guatemala en tant que Membre de l'Organisation internationale du Travail."

Ledit projet de réforme inclut également des dispositions visant à contrôler l'application et à sanctionner les violations des principes énoncés par le Code du travail. Parallèlement, un projet est en voie d'élaboration en vue de moderniser le Code de procédures en matière de travail et d'obtenir des jugements en matière de questions de travail plus efficaces et prononcés plus rapidement. Ces projets seront soumis aux organisations d'employeurs et de travailleurs ainsi qu'au bureau de zone de l'OIT. Le représentant gouvernemental s'est déclaré convaincu de ce que cette commission, dans ses conclusions, prendra en compte les progrès réalisés par le gouvernement sur ces questions, ce qui ne devrait pas manquer de stimuler le Congrès législatif lors de l'examen du projet de loi et l'amener à l'approuver définitivement.

Les membres travailleurs ont remercié le représentant gouvernemental pour les informations communiquées et ont rappelé que le Guatemala figure depuis très longtemps à l'ordre du jour de cette commission, malheureusement souvent pour ce même cas. La commission d'experts rappelle, dans ses observations, différentes questions concernant des violations des droits syndicaux en contradiction avec la convention no 87 telles que: la surveillance des activités des syndicats; de multiples restrictions au droit de se syndiquer fondées sur la nationalité, l'exigence d'un casier judiciaire vierge, la condition d'être travailleur actif dans l'entreprise et différentes limitations au droit de grève, y compris par l'imposition de peines de prison allant jusqu'à cinq ans.

La Commission de l'application des normes examine ce cas depuis les années quatre-vingt, avec un paragraphe spécial en 1985. Depuis 1990, ce cas a fait l'objet de six débats à la présente commission. En 1995, une mission de contacts directs a eu lieu. De multiples plaintes ont été introduites devant le Comité de la liberté syndicale à cause du climat social difficile et de la violence antisyndicale dans ce pays. En 1997, les membres travailleurs ont été parmi ceux qui espéraient que le processus de paix pourrait sensiblement améliorer les conditions sociales et la situation d'impunité en ce qui concerne les violations des libertés syndicales. Toutefois, ils ont dû constater, en 1999, que le gouvernement semblait se servir des questions de procédure pour justifier son immobilisme.

Aucun progrès n'ayant été constaté depuis 1991 et, face aux problèmes continus et sérieux d'application de la convention no 87, ils avaient exhorté une nouvelle fois le gouvernement à adopter, dans les plus brefs délais, les mesures requises pour assurer l'application des dispositions de cette convention fondamentale -- tant en droit que dans la pratique. Ils avaient également demandé que les conclusions de la commission soient reprises dans un paragraphe spécial. Les membres travailleurs ont rappelé les déclarations des membres employeurs de l'année dernière selon lesquelles: "En ce qui concerne l'ingérence des autorités publiques dans l'administration interne, les programmes et la structure des syndicats (...) des changements sans retard sont demandés puisque ces sujets sont en discussion depuis de nombreuses années." Enfin, dans son intervention à la Conférence de 1999, le représentant gouvernemental a affirmé: Le gouvernement a conscience que la question de la conformité à la convention no 87 est au centre des débats depuis plusieurs années, tant au sein de la commission d'experts que de la Commission de la Conférence, de sorte que son examen ne saurait être différé.

Les membres travailleurs ont expliqué qu'ils ont souhaité rappeler in extenso les discussions de l'année passée parce qu'une fois de plus ils sont obligés de constater que la commission est face à des promesses mais pas à des progrès. Année après année, le gouvernement affirme que la situation va changer et que l'on évolue dans la bonne direction mais, en fin de compte, cette commission est confrontée aux mêmes observations de la commission d'experts et aux mêmes défis concernant la liberté syndicale. Ils estiment donc qu'il est nécessaire devant cette violation permanente des articles 2 et 3 de la convention, et en particulier de l'article 3, paragraphe 2, que cette commission demande que soient concrétisés dans la loi et dans la pratique nationales les projets de modification du Code du travail, de la loi syndicale, de la réglementation du droit de grève des travailleurs de l'Etat ainsi que du Code pénal de manière à mettre la législation nationale en conformité avec la convention et à introduire dans le droit interne les principes fondamentaux et les normes du droit syndical découlant des conventions internationales du travail ratifiées par ce pays.

Les membres employeurs ont observé que le cas du Guatemala en relation avec la convention no 87 a été examiné à plusieurs reprises au cours de ces dernières années. Ce fait est regrettable car il démontre que le gouvernement ne remplit pas ses obligations en vertu de la convention. La comparaison entre les commentaires de la commission d'experts de cette année et ceux de l'année passée révèle peu de nouvelles informations.

Abordant les problèmes décrits dans les commentaires faits par la commission d'experts, les membres employeurs ont estimé que ceux-ci peuvent être divisés en deux parties. La première partie de ces commentaires traite des dispositions législatives du Code du travail qui prévoient la possibilité pour le gouvernement d'intervenir dans la structure et les activités des syndicats. Cette partie révèle une violation claire de la convention. La seconde partie des commentaires traite des dispositions législatives relatives aux conflits du travail et en particulier du droit de grève. Les membres employeurs ont rappelé que, comme il a été signalé les années précédentes, la convention no 87 ne réglemente pas le droit de grève. Il a été démontré d'après les travaux préparatoires lors de l'élaboration de la convention que celle-ci n'est pas destinée à réglementer le droit de grève. Dès lors, les membres employeurs ne considèrent pas qu'il y ait eu une violation de la convention no 87 concernant le droit de grève.

Concernant la Commission tripartite sur les questions internationales du travail, les membres employeurs estiment que ses travaux ne sont pas très efficaces. Il semblerait y avoir un manque de volonté politique de collaboration de la part des parties représentées dans cette commission nationale. Les membres employeurs considèrent que la situation actuelle au Guatemala est également une conséquence à long terme de la guerre civile. Bien qu'un accord de paix ait été conclu par les parties, le processus de réconciliation est long et il est difficile de rétablir une paix réelle et durable. Cependant, cette situation qui complique les problèmes ne doit pas fournir un prétexte au gouvernement pour enfreindre la convention.

Les membres employeurs ont déclaré que le gouvernement devrait être prié instamment, dans les conclusions de la commission, de prendre les mesures nécessaires afin de mettre sa législation en conformité avec les dispositions de la convention. Toutefois, ces conclusions devraient également refléter le fait que le gouvernement a soumis un projet de loi au Bureau en mai. Néanmoins, il devrait également y être mentionné que la présente commission devra, si nécessaire, revenir à l'étude de ce cas, après que la commission d'experts se sera exprimée sur ce projet de loi.

Le membre travailleur du Guatemala a déclaré apprendre par les déclarations du ministre et les informations écrites communiquées par le gouvernement qu'un projet de loi allait être soumis au Congrès suite aux demandes réitérées de la commission d'experts tendant à ce que la législation soit mise en conformité avec la convention no 87. Une fois que le Congrès en est saisi, les projets subissent divers changements et rien ne garantit que les suggestions de l'OIT seront finalement prises en considération. Malgré tout, le processus est engagé. Il y a lieu de déplorer en outre l'absence d'une volonté politique propre à faire respecter l'existence du syndicalisme dans la pratique. Plusieurs exemples illustrent à cet égard la violation systématique de l'exercice du droit syndical. C'est ainsi que l'on pénalise et même que l'on criminalise l'action syndicale afin d'intimider, d'entraver, de démoraliser et même d'anéantir le mouvement syndical et ses organisations. Des procédures pénales ont été ouvertes à l'encontre de paysans revendiquant l'ajustement de leur salaire. Des peines de vingt jours d'emprisonnement ont même été prononcées. Le syndicat SITRABI et ses dirigeants ont fait l'objet de poursuites pénales. Le siège de cette organisation a été assailli par 200 individus et des menaces de mort ont été proférées à l'encontre des dirigeants. La réalité, bien différemment de ce que les propos du gouvernement donnent à penser, est véritablement dramatique. Dans l'industrie, le secteur bancaire et l'agriculture, il existe un manuel d'instructions visant à empêcher ou supprimer les syndicats. Les syndicalistes assassinés se comptent par dizaines et c'est un véritable système d'impunité qui est en place, du fait que les plus hautes instances judiciaires ne répriment pas ces crimes. Cette situation appelle impérativement des mesures car, si les travailleurs perdent confiance en la loi, ce sera finalement dans la rue que se transportera le débat.

Le membre employeur du Guatemala a déclaré qu'il n'a pas pu se référer au projet de loi mentionné par le ministre parce qu'il n'en avait pas eu connaissance. C'est seulement hier que les employeurs en ont appris l'existence, ce qui prouve que ce texte n'est pas de source tripartite. Pour se conformer aux recommandations des experts, l'un des principes fondamentaux de l'OIT a été violé (pour appliquer la convention no 87, la convention no 144 a dû être violée). Sous prétexte d'exécuter la loi, la loi a été violée. Comme chacun sait, le principe machiavélique selon lequel la fin justifie les moyens n'est acceptable ni du point de vue du droit ni de celui de l'éthique.

Les autorités récemment élues au Guatemala gouvernent depuis moins de 5 mois et c'est déjà le second cas de violation du principe du tripartisme. Ce principe appliqué non seulement pour la ratification des conventions était également devenu une pratique saine au Guatemala. C'est ainsi qu'ont été adoptées des normes aussi importantes que les modifications du Code du travail découlant des accords de paix, pour ne citer que cet exemple. A l'occasion du premier cas de violation de ce principe, lorsque l'exécutif a soumis au Congrès de la République un projet de législation relatif au travail qui vient d'être adopté sous forme de loi, les employeurs se sont vus dans l'obligation d'exprimer leur mécontentement en quittant la table de négociation du moment qu'ils ne sont pas consultés sur les questions réellement importantes et que, dans ces conditions, la discussion n'a aucun sens. Il s'agit là du second cas de violation du tripartisme. Le ministre peut affirmer que la consultation n'a pu avoir lieu à cause de l'attitude des employeurs suite à la première violation du tripartisme dont il a déjà été fait état, à savoir lorsque les employeurs ont quitté la table de négociation. Cette position est cependant insoutenable dès lors que les employeurs n'avaient pas été invités et n'avaient pas reçu la copie du projet de loi dans le respect du tripartisme. L'orateur s'est demandé si la manière autoritaire et le refus du dialogue sont le nouveau procédé de gouvernement du pays et d'orientation des relations professionnelles.

Les experts pourraient peut-être cesser de se préoccuper de la convention no 87 et devraient sûrement s'intéresser aux pratiques contraires à la convention no 144. Pour résoudre un problème, un autre problème a été créé impliquant des conséquences graves pour le dialogue et la concertation indispensables à la démocratie au Guatemala et à la paix qui a commencé à s'instaurer fin 1996. En conclusion, les employeurs demandent au gouvernement de renouer avec le tripartisme qu'ils considèrent comme le meilleur moyen de mener les relations dans le secteur de la production. L'orateur a exprimé le souhait que les conclusions de la présente commission fassent clairement référence au fait que le projet évoqué par le gouvernement n'est pas de source tripartie, ce qui est regrettable.

Le membre travailleur de la Norvège, s'exprimant au nom de tous les travailleurs nordiques, a déclaré souscrire entièrement à la déclaration des membres travailleurs. Le Guatemala a ratifié la convention no 87 en 1952. Dans ses commentaires concernant le rapport du gouvernement, la commission d'experts a une nouvelle fois rappelé qu'il existait un certain nombre de restrictions au droit d'association et au droit de grève dans le Code du travail. Ces restrictions reflètent l'attitude complètement inacceptable de la part des autorités vis-à-vis des syndicats et des activités syndicales. En ne mettant pas sa législation en conformité avec la convention, le gouvernement tolère en fait et contribue même aux violations de la convention qu'il a ratifiée mais qu'il n'applique d'aucune manière.

Le mouvement syndical norvégien a une bonne connaissance des abus commis envers les travailleurs de ce pays, en particu- lier dans le secteur bananier, grâce à la coopération directe entre les syndicats norvégiens et son organisation soeur au Guatemala, UNSITRAGUA, et d'après les informations figurant dans les rapports de la CISL et d'Amnesty International. Les travailleurs sont licenciés pour la seule raison de leur affiliation à un syndicat et les autorités participent activement au harcèlement des travailleurs. Lorsqu'une filiale d'une des principales multinationales bananières a licencié 1.000 travailleurs en septembre 1999, les travailleurs ont fait l'objet d'un traitement inacceptable. Pire encore, en octobre de cette même année, des paramilitaires ont fait irruption dans les locaux syndicaux et ont forcé les dirigeant syndicaux à signer des lettres de démission sous la menace de leurs fusils. Alors que ces locaux se trouvaient à peine à 400 mètres du poste de police, à aucun moment la police n'est intervenue pour enquêter sur ces graves violations. La passivité du Département du travail concernant les maquiladoras (zones franches d'exportation) est chose connue. Alors que l'on dénombrait 11 syndicats dans le secteur en 1996, il n'en reste à ce jour aucun. Les exploitants des usines ont licencié les syndicalistes et "fermé" les usines où les travailleurs étaient organisés en syndicat, pour les réouvrir en engageant des travailleurs plus dociles.

La commission a été informée du fait que le gouvernement semble montrer des signes de compréhension de la gravité de la situation et de son intention de ne plus tolérer le non-respect de la convention no 87. Des copies de projets d'amendements au Code du travail, afin de le mettre en conformité avec la convention, ont en effet été transmises au Bureau très récemment. Cependant, les promesses de changements législatifs avaient déjà été faites aupara- vant -- sans être tenues. Il serait plutôt honteux de répéter cet exercice une nouvelle fois. Il relève donc de la responsabilité de cette commission d'assurer que le gouvernement mette sa loi et sa pratique en conformité avec la convention, et assure par là la protection effective des droits du travailleur de s'associer, de négocier collectivement et de participer à des actions revendicatives.

Le membre travailleur des Etats-Unis a souligné que de nombreuses questions soulevées par la commission d'experts dans son rapport de l'an dernier sont aujourd'hui examinées par la présente commission sans qu'une solution définitive et satisfaisante ne s'ébauche. Le ministre a déployé des efforts considérables pour essayer d'améliorer la situation dans un délai très court, notamment en saisissant le Congrès de propositions tendant à la modification du Code du travail dans un sens qui répondrait à certaines préoccupations formulées par la commission d'experts à propos de la convention no 87. Cependant, l'action du ministre se trouve limitée par d'autres acteurs, notamment le Congrès, le pouvoir judiciaire qui a une compétence exclusive en matière de questions de travail, les employeurs ayant contracté des habitudes antisyndicales et anti-ouvrières et, enfin, l'insuffisance des ressources budgétaires pour la réalisation des programmes.

L'orateur a souhaité évoquer quelques exemples illustratifs de ce non-respect de la convention no 87. Se référant aux points abordés dans le rapport de la commission d'experts, il a signalé que les projets d'amendements du ministère du Travail tendant à remédier à certaines violations restent encore lettre morte. Deuxièmement, les prérogatives du pouvoir judiciaire guatémaltèque restent préoccupantes. Selon des rapports émanant de représentants du Centre de solidarité AFL-CIO, un certain nombre des huit tribunaux tripartites régionaux de conciliation et d'arbitrage mis en place pour connaître des différends concernant la liberté syndicale restent inopérants. De plus, très peu d'affaires ont été tranchées par ces instances, lesquelles avaient été conçues à l'origine dans le but d'obvier à la centralisation excessive de la justice dans la capitale, centralisation qui empêchait les travailleurs de la campagne d'accéder aux tribunaux. Troisièmement, les réformes proposées par le ministère du Travail ne sauraient résoudre les violations de la convention no 87, puisque celles-ci sont inhérentes au système pénal et au Code pénal. On citera à titre d'exemple, comme le signale la commission d'experts, l'article 390 (2) du Code pénal, qui permet d'infliger des peines de prison à des personnes participant à des actions de grève légitimes. Enfin, il convient de signaler le problème de l'impunité des responsables d'agissements criminels à l'égard de syndicalistes et de leurs familles. C'est ainsi que, pour autant qu'on le sache, les quelque douze affaires d'agression, de voies de fait, d'enlèvement, de meurtre, de tortures et de menaces de mort à l'encontre de syndicalistes guatémaltèques et de leurs familles qui se sont produites entre 1994 et 1995 et qui ont été signalées au représentant du commerce américain en janvier 1996 restent non résolues, de sorte qu'aucune condamnation ni aucune mesure de réparation n'a encore été décidée.

En conclusion, il serait souhaitable que l'OIT fasse tout ce qui est en son pouvoir afin que l'action décidée par le ministre dans le but de faire véritablement respecter la convention dans ce pays finisse par aboutir. L'orateur a exprimé l'espoir que son propre gouvernement coopère activement, notamment dans la perspective des projets d'aide à la modernisation des ministères du Travail d'Amérique centrale que celui-ci déploie, avec le ministre du Travail et le mouvement ouvrier du Guatemala en vue d'améliorer la capacité de fonctionnement de ce ministère et de réformer le système judiciaire.

Le membre travailleur de la Colombie a fait valoir que la législation guatémaltèque comporte toute une série d'entraves inacceptables à la liberté syndicale. Il est souhaitable que l'on puisse constater, l'an prochain, que la promesse d'une nouvelle législation syndicale se soit concrétisée, même si l'on sait que les engagements pris par les gouvernements précédents n'ont pas été tenus. Il est impératif que les droits syndicaux soient respectés et que des garanties soient données dans ce domaine. Par ailleurs, il importe que le gouvernement garantisse que l'activité syndicale ne puisse être poursuivie au pénal et qu'il agisse contre l'impunité actuelle des actions antisyndicales. Une démocratie sans syndicat n'est jamais qu'une caricature. Les organisations syndicales doivent être renforcées si l'on veut éviter les formes violentes de lutte hélas largement répandues dans le monde.

Le membre travailleur de l'Uruguay a déclaré qu'il ressort à l'évidence du rapport de la commission d'experts, des déclarations du porte-parole des membres travailleurs ainsi que de celles du membre travailleur du Guatemala que ce pays viole la convention no 87. Il y a lieu de se réjouir des bonnes intentions exprimées par le gouvernement à travers un projet de loi dont le Congrès aurait été saisi, mais il conviendrait de maintenir ce cas à l'examen afin de s'assurer en 2001 que des progrès ont effectivement été accomplis. L'orateur espère que le ministre du Travail d'aujourd'hui n'oubliera pas les principes pour lesquels il a combattu quand il était dirigeant syndical.

Le représentant gouvernemental a déclaré comprendre que tous les orateurs qui se sont exprimés sont animés du souci d'aider le Guatemala. Il a cependant regretté les remarques qui ont débordé du cadre de l'observation de la commission d'experts pour soulever des questions, notamment celles relevant du domaine pénal ne rentrant pas dans le débat ou se rattachant à l'application de la convention no 144. Le nouveau gouvernement, qui n'est en place que depuis quatre mois, s'est engagé à faire le nécessaire pour que le projet de loi récemment soumis au Congrès suive son cours. Pour ce qui est des propos du membre employeur du Guatemala selon lesquels le tripartisme ne serait pas respecté, l'orateur a rappelé que ce sont les employeurs qui ont quitté la table de négociation tripartite en déclarant ne pas avoir l'intention d'y revenir. Les entreprises ont malgré tout été invitées à renouer ce dialogue. Elles ont été convoquées à cette fin pour juillet prochain. En réponse à certaines autres interventions, l'orateur précise que la société Bandegua et le SITRABI sont parvenus à un accord prévoyant la réintégration de 918 travailleurs qui avaient été licenciés et que le tribunal de Puerto Barrios statuera prochainement sur l'ouverture d'une audition à l'encontre de 23 personnes suspectées de faits criminels dans le cadre d'un conflit affectant l'industrie bananière.

Les membres travailleurs ont considéré que les arguments qui étaient les leurs l'année dernière, et qu'ils ont rappelés, sont toujours d'actualité. Ils ont pris note de la déclaration du ministre à propos du projet de loi soumis au Congrès même si la discussion a montré que les partenaires sociaux n'avaient pas été consultés. Ils osent espérer que la politique annoncée se concrétisera finalement dans les faits. En attendant que ces promesses se traduisent en actes et que la commission d'experts puisse se prononcer, ils demandent que cette commission affirme, de la manière la plus ferme qu'il soit, son inquiétude quant aux pratiques et à la culture antisyndicale en vigueur dans ce pays.

Les membres employeurs se sont référés aux déclarations de quelques membres travailleurs selon lesquelles l'actuel ministre du Travail est un ancien militant syndical et devrait donc, dans l'accomplissement de sa tâche, ne pas oublier ses origines, et ont estimé préférable que ce ministre remplisse sa mission en se préoccupant plutôt du bien-être de l'ensemble de la population du Guatemala. Ils ont ajouté que le projet de loi devrait au préalable être examiné par la commission d'experts. A la lumière de ce premier examen, la présente commission s'orientera peut-être vers des conclusions différentes. Entre-temps, il conviendrait que le gouvernement communique un rapport détaillé, élaboré en concertation avec les partenaires sociaux, conformément à ce que prévoit la convention (no 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976.

La commission a pris note des informations écrites et orales fournies par le ministre du Travail, ainsi que de la discussion qui s'en est suivie. Elle a rappelé que le problème de la non-conformité de la législation et de la pratique nationales avec les dispositions de la convention avait été examiné par la commission d'experts et discuté à cette commission depuis plusieurs années, y compris l'année passée. La commission a pris note des évolutions annoncées par le représentant gouvernemental, qui viennent de se produire, qu'un projet de loi pour amender le Code du travail, la loi sur les syndicats, le règlement sur le droit de grève et le Code pénal, afin de mettre ces textes en conformité avec les exigences de la convention, a été envoyé par le Président de la République au Congrès pour adoption, le 17 mai 2000. La commission a indiqué qu'il reviendrait à la commission d'experts d'examiner la compatibilité de ces amendements avec les dispositions de la convention, et elle espère que ces amendements permettront enfin la pleine application de cette convention fondamentale, ratifiée en 1952. La commission est néanmoins toujours préoccupée par l'absence de progrès concrets dans la pratique. Elle espère vivement que le gouvernement enverra un rapport détaillé à la commission d'experts, ainsi que des copies des amendements finalement adoptés, afin de lui permettre d'évaluer les progrès réels accomplis dans la loi comme dans la pratique, d'ici l'année prochaine. La commission rappelle l'importance qu'elle accorde aux consultations tripartites en matière d'application des principes de la liberté syndicale.

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