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Individual Case (CAS) - Discussion: 2007, Publication: 96th ILC session (2007)

Freedom of Association and Protection of the Right to Organise Convention, 1948 (No. 87) - United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland (Ratification: 1949)

Other comments on C087

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Un représentant gouvernemental a déclaré que la commission d'experts soulève deux questions concernant l'application de la convention no 87 par le Royaume-Uni. La première concerne l'article 174 de la loi (codifiée) sur les syndicats et les relations de travail de 1992 (TULRA), qui limite la possibilité pour les syndicats d'exclure ou d'expulser une personne en raison de son appartenance à un parti politique.

L'article 174 a été sensiblement modifié par la loi de 2004 sur les relations de travail, qui a eu pour effet d'augmenter les possibilités pour les syndicats d'exclure ou d'expulser légalement des personnes en raison de leurs activités en tant que membres d'un parti politique. Toutefois, cette modification a maintenu la restriction concernant la possibilité pour un syndicat d'exclure ou d'expulser des personnes pour le simple fait d'être membres d'un parti politique. Cette distinction est importante car elle protège le droit fondamental d'une personne d'appartenir à un parti politique, tout en permettant aux syndicats d'interdire l'adhésion de ceux qui expriment activement des opinions politiques contraires à leurs objectifs et à leurs principes. La loi de 2004 a aussi modifié le régime d'indemnisation applicable à une personne arbitrairement exclue ou expulsée. L'indemnisation minimum (dont le montant est actuellement fixé à 6 600 livres sterling) n'est plus applicable à de nombreuses situations d'exclusion ou d'expulsion arbitraires sur le fondement de l'appartenance à un parti politique.

Ces modifications avaient comme objectif de répondre aux préoccupations des syndicats concernant les activités de partis politiques d'extrême droite et leur volonté d'infiltrer les syndicats. Elles ont été introduites à la suite de discussions approfondies avec le Congrès des syndicats (TUC). Bien que ces modifications n'aillent pas aussi loin que l'avait souhaité le TUC, elles ont été accueillies favorablement par tout le monde, l'opinion générale étant qu'elles aident considérablement les syndicats à faire face aux extrémistes politiques.

En apportant ces modifications à l'article 174, le gouvernement était particulièrement conscient de la nécessité de maintenir l'équilibre entre différents droits de la personne. D'une part, le droit pour les membres des syndicats de déterminer leurs propres règles d'adhésion et d'association et, d'autre part, le droit des personnes d'appartenir à des partis politiques légaux et de participer à des activités politiques sans être sanctionnées de ce fait. L'affiliation syndicale est importante au Royaume-Uni, et la perte du droit d'appartenir à un syndicat porte préjudice aux personnes désireuses d'exercer leurs droits démocratiques à travers la participation à des activités politiques.

Bien que le TUC évoque les activités de certains partis politiques extrémistes, la plupart des partis politiques du pays appartiennent aux courants traditionnels, et la loi doit s'appliquer de façon égale à tous les partis politiques légaux. Néanmoins, le gouvernement se demande si la législation actuelle a trouvé le juste milieu. En mai 2007, un document consultatif a été élaboré et été largement diffusé auprès de toutes les organisations d'employeurs et de travailleurs, en leur demandant leur point de vue sur la question. La période de consultation prendra fin en août 2007.

Cette initiative a été provoquée par un récent arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire ASLEF c. Royaume-Uni. Bien que la Cour ait reconnu que la législation du Royaume-Uni vise à protéger le droit des personnes à exercer sans entraves leurs libertés politiques, elle a jugé que certains aspects de l'article 174 violent l'article 11 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (Convention européenne des droits de l'homme). Le gouvernement en a donc conclu que l'article 174 doit être modifié. Son document consultatif suggère deux manières d'entreprendre cette modification. L'une d'elles consiste à supprimer toute limitation légale concernant la possibilité pour les syndicats d'exclure ou d'expulser une personne en raison de son appartenance à un parti politique ou de ses activités politiques. Une fois que le gouvernement aura pris connaissance des réponses données à sa consultation, il saisira la première occasion pour modifier la loi.

L'orateur a déclaré que la consultation constitue une évolution majeure. La réponse rapide du gouvernement à l'arrêt de la Cour démontre le sérieux avec lequel il considère la question et l'importance qu'il accorde aux droits de l'homme. Le gouvernement tiendra la commission informée de toute évolution ultérieure en lui faisant rapport par la voie habituelle.

La deuxième question soulevée par la commission d'experts concerne l'article 224 de cette loi de 1992, qui rend effectivement illégal le fait, pour un syndicat, de mener des actions revendicatives secondaires. La commission d'experts est d'avis que les syndicats devraient être libres d'organiser des grèves de solidarité dans les cas où la grève initiale est organisée de façon licite. Cependant, son gouvernement est d'avis que la convention no 87 autorise les Etats Membres à établir des restrictions légales quant aux actions revendicatives. Pratiquement tous les Etats Membres ont promulgué des lois dans ce domaine, qui reflètent leurs particularités nationales et leurs traditions en matière de relations professionnelles. Ainsi, certains Etats Membres limitent la possibilité pour les syndicats de mener des actions revendicatives à la durée d'un accord collectif. Son pays n'impose pas de telles limitations, ses accords collectifs n'ayant pas force exécutoire.

Toutefois, au Royaume-Uni, il est illégal pour un syndicat d'organiser une action revendicative secondaire, sous quelque forme que ce soit, et son gouvernement estime qu'il existe de bonnes raisons à cela. Le Royaume-Uni a historiquement connu un système fortement décentralisé de relations professionnelles, avec des milliers d'accords collectifs différents. Son gouvernement est d'avis qu'un tel système a ses avantages. Cependant, sans un cadre légal approprié, il pourrait rapidement devenir anarchique et extrêmement inefficace. Presque tout au long de l'après-guerre, les actions secondaires étaient très répandues dans le pays, ce qui avait eu un impact très préjudiciable sur la richesse nationale. Ces actions avaient porté atteinte aux moyens d'existence des entreprises et à ceux de leurs employés.

Les actions secondaires sont particulièrement perturbatrices. Elles impliquent des employeurs et des employés qui n'ont rien à voir avec le conflit professionnel initial. Elles propagent partout les conflits professionnels. Au Royaume-Uni, il est logique de décourager fortement ce genre d'action revendicative. Cet objectif a été atteint en retirant aux syndicats responsables de ce genre d'action leur immunité en matière de responsabilité civile. Son gouvernement est d'avis que cette restriction est nécessaire au Royaume-Uni et qu'elle correspond à un juste équilibre. En général, les syndicats ont pleinement respecté la loi. Ils ont conservé une présence importante lors des négociations, et la menace du recours à des actions revendicatives primaires représente un atout majeur dans le pays. Ainsi, la grève constitue une arme puissante et efficace lorsqu'elle est utilisée de façon responsable.

Il n'existe pas d'interdiction légale faite individuellement aux travailleurs qui exercent des actions de solidarité. En effet, la loi interdit formellement aux tribunaux de contraindre les travailleurs à travailler. Toutefois, les protections habituelles contre le licenciement pour cause de grève ne s'appliquent pas en pareilles circonstances, ce qui décourage toute action revendicative non autorisée.

Son gouvernement est d'avis que la convention no 87 doit être appliquée avec flexibilité, de façon à prendre en compte les conditions et traditions nationales. La convention ne traite pas explicitement des actions revendicatives et n'interdit donc pas la réglementation de l'exercice du droit de grève. Il est bon pour la santé de l'économie du Royaume-Uni et la stabilité de son système complexe de relations professionnelles d'empêcher les grèves secondaires et de solidarité. Son gouvernement n'a par conséquent aucune intention de modifier la loi dans ce domaine.

Les membres travailleurs ont indiqué que, tout comme la Roumanie, le Royaume-Uni n'avait pu résister à la tentation de soumettre le droit de grève et la liberté de négociations à des règles strictes et détaillées. C'est pour cette raison d'ailleurs que tant cette commission que le Comité de la liberté syndicale ont fréquemment examiné l'incompatibilité de certaines dispositions de la législation ou certaines pratiques du Royaume-Uni avec les principes des conventions nos 87 et 98. A cet égard, il faut souligner la tendance actuelle à la déréglementation, tendance qui se vérifie dans presque tous les domaines, sauf celui des relations collectives où la règle semble être la surréglementation. Le présent cas concerne le droit des syndicats d'élaborer leurs statuts, d'élire librement leurs représentants, d'organiser leur gestion et leur activité, et de formuler leur programme d'action, tel que prévu par l'article 3 de la convention no 87. Cette disposition oblige également les autorités à s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal.

L'un des éléments essentiels du droit de liberté syndicale est de définir librement les critères d'adhésion pour les nouveaux membres et d'être libre d'exclure d'un syndicat certains membres. Compte tenu de man uvres fréquentes de certains partis politiques de tendance extrême droite d'infiltrer les syndicats libres et démocratiques, en vue de corrompre les structures syndicales et l'action syndicale d'idéologies intolérables, ces deux aspects sont encore plus importants pour les organisations des travailleurs. Cette pratique est non seulement observée au Royaume-Uni, mais également dans d'autres pays européens. Il est donc très important que, pour se défendre contre les risques d'infiltration, les organisations de travailleurs doivent disposer d'outils et de garanties, lesquels pourront également servir devant les tribunaux. Des politiques nationales qui mettent en péril la possibilité pour ces organisations de se défendre devant les tribunaux sont inacceptables.

Et pourtant, au Royaume-Uni, la législation actuelle ne protège pas suffisamment l'Association des mécaniciens de locomotive et des pompiers contre les tentatives du Parti nationaliste britannique (BNP) d'infiltrer les syndicats. Au surplus, l'ASLEF, affiliée au TUC, a été obligée par les tribunaux d'annuler l'exclusion d'un militant du BNP, sur la base de la législation nationale, notamment la loi sur les relations du travail et les syndicats (TULRA). Il est très important de relever que le BNP a une idéologie purement néofasciste et raciste, et que l'ASLEF a procédé à l'expulsion d'un militant notoire de ce parti politique, après que des accusations selon lesquelles il harcelait et menaçait des gens qui distribuaient des pamphlets antinazis et des brochures anti-islamistes aient été formulées contre lui. Il est fort regrettable que l'ASLEF ait finalement été obligée de saisir la Cour européenne des droits de l'homme pour obtenir justice et se faire reconnaître le droit d'exclure de telles personnes. Dans un arrêt du 27 février 2007, la Cour européenne des droits de l'homme, invoquant notamment la convention no 87, a clairement dit que les syndicats sont libres de choisir leurs membres. La Cour indique notamment que le fait que des associations, formées par des personnes qui partagent des valeurs et des idéaux particuliers et qui poursuivent des objectifs communs, n'ont aucun contrôle sur l'adhésion de leurs membres va à l'encontre de l'efficacité de la liberté en question. Conformément à leurs règles, les syndicats doivent rester libres de décider des questions concernant l'adhésion ou l'expulsion de leurs membres. Les syndicats ne sont pas seulement des organes dévoués à l'aspect politiquement neutre du bien-être de leurs membres, mais ils sont souvent idéologiques et ont des vues très fortes sur les questions sociales et politiques.

Tenant compte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme et de l'interprétation de la convention no 87 par cette cour, le Royaume-Uni n'a pas d'autre choix que de modifier sa législation. C'est le souhait des syndicats britanniques, de tous les travailleurs présents aujourd'hui et de la commission d'experts. Il semble également que ce soit aussi l'intention du gouvernement car il admet que les modifications apportées à la législation en 2004 ne sont pas suffisantes. Bien qu'il ne revient pas à cette commission de discuter des détails de ces modifications, celles-ci devront être négociées avec les syndicats nationaux. Le plus important pour cette commission est d'insister auprès du gouvernement pour que, en consultation avec les partenaires sociaux du pays et l'aide, si nécessaire, du BIT, il mette, dans les plus brefs délais, sa législation en conformité avec l'esprit et la lettre de la convention no 87, ainsi qu'avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. La lutte contre l'extrême droite, le racisme et la xénophobie nécessite aussi que les syndicats aient le droit de se protéger contre des idéologies qui font référence à des périodes des plus obscures du XXe siècle.

En outre, les membres travailleurs ont fait observer que, bien que la commission d'experts ne prenne pas en compte dans son observation le droit des syndicats de pouvoir prendre des mesures disciplinaires contre leurs membres, il s'agit d'une question essentielle. En effet, il est important que, dans le cas où un membre refuse de respecter les décisions démocratiques de son organisation concernant des actions collectives, le syndicat puisse prendre les mesures nécessaires pour éviter des comportements individuels qui nuisent aux intérêts collectifs.

S'agissant du deuxième point abordé par la commission d'experts, à savoir le droit des travailleurs de pouvoir participer à des grèves qui les touchent, même si dans certains cas leur employeur direct n'est pas partie au conflit, et notamment la modification des articles 223 et 224 de la TULRA à cet effet, les membres travailleurs ont demandé que cette question soit intégrée dans les conclusions. De plus en plus, les syndicats sont confrontés à la situation où des travailleurs d'employeurs différents travaillent au même endroit. Le fait de priver les syndicats du droit de faire des actions conjointes sur la base d'intérêts communs ou de solidarité, même si l'action ne concerne pas un conflit avec leur employeur direct, va à l'encontre du droit de grève et de liberté syndicale. Sur ce dernier point, les membres travailleurs se sont dits très déçus de la position du gouvernement qui est en contradiction avec celle de la commission d'experts.

Les membres employeurs ont indiqué qu'il s'agit d'un cas très ancien dont la commission a débattu à de nombreuses reprises et qui porte sur deux points.

S'agissant de l'article 3 de la convention no 87 qui énonce le droit des organisations de travailleurs d'élaborer leurs statuts et règlements administratifs en dehors de toute intervention des autorités publiques, il faut rappeler que l'amendement de 2004 apporté à l'article 174 de la loi sur les relations du travail et les syndicats autorise ceux-ci à exclure ou expulser des personnes au motif d'avoir engagé des activités en tant que membre d'un parti politique mais n'autorise pas l'expulsion pour le simple fait d'être membre d'un parti, ce qui implique automatiquement une indemnisation du membre qui aurait été effectivement expulsé en raison de son affiliation à un parti politique. Les membres employeurs ont cité l'affaire ASLEF c. le Royaume-Uni dans laquelle la Cour européenne des droits de l'homme a récemment statué que le gouvernement contrevenait à l'article 11 de la Convention européenne des droits de l'homme. Compte tenu de ces récents développements, il faut prendre en note les informations communiquées par le représentant gouvernemental et se féliciter du processus de consultation en cours avec les parties intéressées, qui constitue un événement majeur.

S'agissant de la protection par rapport à la responsabilité civile en cas de grèves ou d'actions actions revendicatives secondaires, la question a été abordée à de nombreuses reprises depuis 1989 et a abouti chaque fois au même résultat. Aucun événement qui justifierait un changement n'a été enregistré depuis. En 1991, la commission d'experts a reconnu que la législation britannique offrait une protection non négligeable contre la responsabilité de droit commun aux personnes et aux organisations syndicales qui organisent ou participent à certaines formes d'action collective et qu'on ne pouvait imposer à ces travailleurs de poursuivre ou reprendre le travail. Quoi qu'il en soit, la commission d'experts n'a cessé de remettre en cause l'absence de protection en cas d'action de grève secondaire et a invité de manière répétée le gouvernement à adopter une loi qui permette aux travailleurs et à leurs syndicats d'entamer des actions collectives, telles que des protestations et des grèves de solidarité.

En réaction aux observations qui précèdent, le gouvernement a systématiquement opposé les arguments suivants. Premièrement, la loi britannique offre une protection contre la responsabilité civile qui pourrait être invoquée lorsqu'un syndicat ou une personne quelconque appelle des travailleurs à rompre leur contrat pour entamer ou poursuivre un litige commercial avec leur employeur, et elle donne à cet effet une définition très large du terme "litige commercial". Deuxièmement, les modifications apportées depuis 1979 à la loi relative à l'organisation de l'action collective n'ont d'aucune manière affecté la situation des travailleurs, qui conservent la possibilité d'entamer une action collective dans le cadre d'un conflit syndical avec leur employeur ou pour appuyer d'autres travailleurs ou tout autre objectif. Troisièmement, rien dans la convention no 87 n'impose une protection légale pour les grèves de solidarité. En conséquence, le gouvernement ne reconnaît pas la nécessité de légiférer davantage sur la protection contre la responsabilité civile pour des actions consistant à organiser ou appeler à une action collective, pour être en conformité avec la convention.

Dans d'autres rapports, le gouvernement a ajouté que le fait d'autoriser certaines formes de grève secondaire reviendrait à faire un pas en arrière en replongeant le pays dans les conflits des années soixante et soixante-dix, époque à laquelle des actions collectives touchaient fréquemment des employeurs et des travailleurs qui n'avaient aucun lien direct avec le conflit. Les membres employeurs ont indiqué qu'ils ne voyaient pas la nécessité de commenter une telle hypothèse parce que, selon eux, la situation actuelle ne contrevient pas à la convention no 87. C'est au gouvernement qu'il appartient de décider s'il veut ou non d'une protection contre la responsabilité civile dans le cas des grèves de solidarité et, tant qu'il ne l'aura pas fait, les employeurs prônent le maintien du statu quo.

La membre travailleuse du Royaume-Uni a d'abord expliqué en quoi consistent les restrictions légales à la liberté syndicale. L'article 174 de la loi (codifiée) sur les relations de travail oblige les syndicats à accepter en tant que membres des gens qui sont affiliés à des partis politiques d'extrême droite dont les options répugnent à la majorité de leurs adhérents. Les syndicats ne sont pas autorisés à les expulser à moins qu'ils aient personnellement adopté une conduite contraire à leurs règlements ou à leurs politiques. De plus, comme l'a signalé le gouvernement, tout progrès en la matière a été bloqué par une décision de la Cour européenne des droits de l'homme. A vrai dire, les propositions du gouvernement ne portent que sur des changements mineurs qui ne sont pas de nature à régler le problème et ne permettraient pas de garantir un respect total de la convention no 87.

L'article 3 de la convention prévoit que les syndicats ont le droit d'élaborer leurs statuts sans l'intervention des autorités publiques. La position que cherche à défendre le gouvernement est qu'un syndicat ne peut prendre de mesures disciplinaires à l'encontre d'un membre qui refuse de participer à une action collective décidée de manière démocratique par le syndicat. Il s'agit là d'une infraction grave à la convention no 87 dans la mesure où elle remet en cause le but premier de tout syndicat indépendant, à savoir la promotion et la protection des intérêts collectifs de ses membres. La défense de ces intérêts collectifs est organisée à la suite de décisions démocratiques auxquelles participent toutes les personnes concernées. Le fait qu'un syndicat ne soit pas en mesure de faire appliquer ces décisions par des mesures disciplinaires ou en expulsant ceux qui refusent de s'y soumettre constitue une attaque majeure remettant en cause sa capacité à fonctionner.

En dehors des syndicats, la loi britannique n'oblige aucune autre association à admettre dans ses rangs des personnes qui adhèrent à des positions en opposition totale avec celles de l'association et de ses membres. On peut citer l'exemple d'une association de protection des animaux hostile à la chasse qui avait décidé d'exclure tous ceux qui y étaient favorables. Cette association a été traînée en vain devant les tribunaux. Rien ne justifie de traiter les organisations syndicales différemment sur le plan juridique de toute autre organisation composée de membres.

La législation en vigueur a notamment pour effet, quoique involontairement, de fournir à l'extrême droite le moyen de s'attaquer aux syndicats. En janvier 2003, une revue d'extrême droite a exhorté ses lecteurs à infiltrer les syndicats dans le but précis de s'en faire expulser pour ensuite réclamer de confortables indemnités.

Le droit de grève est particulièrement encadré au Royaume-Uni. Il n'est pas autorisé à des travailleurs d'entamer des actions de soutien en faveur d'autres lorsqu'ils n'ont pas le même employeur, et les membres d'un même syndicat ne sont pas autorisés à appeler à des grèves de solidarité s'ils n'ont pas le même employeur. De même, des travailleurs concernés par un conflit et qui pourraient être affectés par son issue ne peuvent pas légalement être appelés à lancer une action de soutien. Ce fait a son importance, pas seulement dans le secteur privé, mais de plus en plus dans le secteur public aussi. De nombreuses fonctions de l'administration locale et nationale sont maintenant sous-traitées à des organismes privés ou du secteur des services.

Les grèves de solidarité ne constituent pas la seule entrave au droit syndical. Les syndicats doivent être en mesure de prouver qu'un litige est en rapport avec un élément d'une liste prédéfinie de matières contractuelles ou liées au lieu de travail. Une action collective décidée pour un motif ne figurant pas sur cette liste n'aura pas un caractère licite. En outre, les appels à la grève que peuvent lancer les syndicats sont réglementés par un ensemble de dispositions légales très complexes. Le syndicat doit d'abord notifier à l'employeur son intention d'organiser un scrutin et lui remettre un exemplaire du bulletin de vote qu'il distribuera. Après le scrutin, il doit informer l'employeur du résultat du vote et, enfin, sept jours au moins avant d'appeler ses adhérents à l'action, il doit indiquer à l'employeur quel type d'action il compte entreprendre. De plus, le syndicat doit communiquer à l'employeur des précisions quant au nombre et aux catégories de travailleurs et préciser quels lieux de travail seront concernés par le scrutin ou par son action. Au Royaume-Uni, l'arrêt de travail spontané n'est autorisé que si les travailleurs voient leur santé ou leur sécurité mises en danger. Les syndicats sont empêchés d'entamer des actions pour la défense des intérêts de leurs membres parce qu'il leur est difficile de satisfaire à des contraintes légales extrêmement techniques et complexes. Par conséquent, l'attention des personnes concernées par le différend est détournée de l'injustice et de la violation des droits qui le motivent au profit des détails des exigences légales sur la forme.

La commission d'experts a précédemment demandé au gouvernement de la tenir informée de tous faits nouveaux à propos du droit de mener des actions de solidarité. Le gouvernement n'a pas été en mesure de fournir ces informations parce qu'il a préféré ne rien faire. Le gouvernement a beaucoup trop traîné à honorer les engagements qu'il a contractés en adoptant la convention no 87. En conséquence, l'oratrice a exhorté la commission à inviter instamment le gouvernement à prendre d'urgence les mesures nécessaires pour garantir le respect de la convention.

Le membre employeur du Royaume-Uni a indiqué que, en ce qui concerne le droit des organisations de travailleurs d'élaborer leurs statuts et règlement administratifs sans intervention de la part des autorités publiques, il faut saluer la décision du gouvernement d'entamer des consultations formelles au sujet de propositions visant à modifier l'article 174 de la loi sur les relations du travail et les syndicats (consolidée), à la lumière de la décision de la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire ASLEF c. le Royaume-Uni. S'agissant du problème de la protection par rapport à la responsabilité civile en cas de grève de solidarité ou autres actions revendicatives, il n'y a rien dans la convention no 87 qui exige qu'une protection spéciale doive être accordée en cas d'action en justice au sujet de l'organisation d'une action revendicative par des travailleurs qui ne sont pas en conflit avec leur propre employeur. Par conséquent, la position décrite par le représentant gouvernemental sur cette question doit être appuyée.

Le membre travailleur du Sénégal a indiqué que la commission d'experts souligne dans son rapport les manquements qui affectent toujours l'article 174 de la TULRA. Bien que modifiée en 2004, cette loi donne toujours la possibilité à quiconque de faire échec à des dispositions essentielles à la protection du droit syndical. En validant les tentatives d'infiltration du mouvement syndical par des partis politiques extrémistes, les dispositions de la loi incriminées permettent à tout individu de porter atteinte à l'autonomie du mouvement syndical. Ce faisant, la loi travestit la mission du mouvement syndical.

Le TUC dénonce le système d'indemnisation automatique des anciens membres exclus par les syndicats en raison de leur appartenance à un parti politique extrémiste. Ce système revient à imposer aux syndicats de s'incliner devant des personnes dont les pratiques semblent peu compatibles avec le militantisme syndical. Le TUC doit pouvoir se protéger contre l'extrémisme. Les statuts des syndicats sont leur constitution. Il ne peut y avoir d'arrangements dans ce domaine. La liberté d'un individu ne doit pas remettre en cause celle des organisations syndicales. Contraindre un syndicat à indemniser un membre exclu semble être le meilleur moyen d'encourager les agissements préjudiciables.

En ce qui concerne les articles 223 et 224 de la TULRA, l'orateur a estimé que leurs dispositions portent atteinte au principe de solidarité, qui constitue le socle du syndicalisme. C'est sur la possibilité pour les travailleurs de participer à des grèves de solidarité que reposent leurs véritables moyens de résistance. Les restrictions contenues dans ces articles sont contraires à la convention no 87 et au droit syndical. Le gouvernement doit donc prendre des mesures afin d'assurer que les garanties établies par la convention no 87 ne soient pas rendues inefficaces. Il en va de l'autorité des conventions. De vraies réformes doivent être engagées, car l'immobilisme n'est pas une solution pertinente. Enfin, l'orateur a appelé le gouvernement à restaurer un véritable dialogue avec le TUC.

La membre travailleuse des Etats-Unis a déclaré que les grèves de solidarité sont devenues un outil de plus en plus fréquent et important en raison de la mondialisation de l'économie et des délocalisations. Selon le Comité de la liberté syndicale, l'interdiction des grèves de solidarité est abusive, ces grèves devant être autorisées lorsque la grève initiale est licite.

La commission d'experts considère que les restrictions imposées par la loi consolidée sur les relations de travail et les syndicats violent les normes de l'OIT et demande régulièrement au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier les articles 223 et 224 de cette loi. Le gouvernement refuse cependant de le faire. Conformément à la législation, les grèves sont licites uniquement lorsqu'elles ont un lien avec le premier employeur, terme qui a une définition juridique étroite puisqu'il se réfère uniquement au lieu de travail et ne s'étend pas aux filiales d'une entreprise mère. Les restrictions ignorent les intérêts légitimes des travailleurs et poussent de nombreuses entreprises britanniques à diviser leur main-d' uvre artificiellement pour créer des entreprises tampon.

L'effet négatif des restrictions des grèves de solidarité sur la liberté syndicale au Royaume-Uni est très documenté. A titre d'exemple, on peut citer le cas de 670 membres du personnel de l'entreprise Gate Gourmet, entreprise de restauration aérienne, qui ont été licenciés pour avoir participer à une grève licite concernant l'emploi du personnel occasionnel. Près de 100 employés de compagnies aériennes ont entrepris une grève de deux jours en solidarité avec leurs collègues exerçant dans un secteur d'activité connexe, employés par une entreprise distincte mais avec lesquels ils partageaient le lieu de travail. L'entreprise a admis avoir établi un plan délibéré pour provoquer des actions revendicatives lui donnant ainsi une excuse pour licencier du personnel et le remplacer par de la main-d' uvre bon marché. Bien qu'elle prétende que ce plan ait été rejeté, les licenciements ont eu lieu et les syndicats n'ont pas pu négocier la réintégration de ces travailleurs.

Il est par conséquent clair que, au Royaume-Uni, la loi limite sévèrement la possibilité pour les travailleurs d'agir collectivement et d'exercer les droits protégés par la convention no 87.

Le représentant gouvernemental a remercié tous ceux qui ont participé au débat, en particulier ceux qui ont exprimé leur soutien aux efforts entrepris par le gouvernement en vue du futur amendement de l'article 174 de la loi (codifiée) de 1992 sur les relations de travail et les syndicats concernant la possibilité pour des organisations syndicales d'exclure ou expulser une personne au motif de son appartenance à un parti politique.

S'agissant de la question de la légalité de l'action revendicative secondaire, l'exemple de Gate Gourmet n'est pas caractéristique. Les licenciements pour fait de grève sont extrêmement rares et la situation du pays ne doit pas être jugée sur la foi d'un cas isolé. Compte tenu de la particularité de sa situation en matière de relations professionnelles, une multiplication des grèves de solidarité serait particulièrement préjudiciable pour le Royaume-Uni.

Son gouvernement répondra aux questions soulevées par la commission d'experts et par la Commission de la Conférence dans le prochain rapport qu'il doit présenter au titre de la convention.

Les membres employeurs ont indiqué que, en ce qui concerne le droit des organisations de travailleurs d'élaborer leurs statuts et règlement administratifs sans intervention de la part des autorités publiques, il doit y avoir une reconnaissance claire et sans ambiguïté de la déclaration du représentant gouvernemental qui a indiqué que le processus de consultation était en cours et que le gouvernement avait l'intention de modifier la loi. La commission ne peut pas en demander davantage.

S'agissant des grèves de solidarité, tout en notant les commentaires qui ont été faits par les intervenants, les membres employeurs ont indiqué que ces arguments doivent être traités dans le cadre d'une structure juridique nationale dans laquelle un débat libre pourrait être engagé. Rien dans la convention no 87 n'exige une protection juridique de la grève de solidarité. En ce qui concerne la grève de solidarité dans l'affaire Gate Gourmet, il doit être mentionné que les tribunaux ont estimé que l'action revendicative était illégale.

Les membres travailleurs ont indiqué que quatre questions leur semblaient essentielles pour les conclusions de la commission sur ce cas. En premier lieu, la commission se doit de reconnaître que le droit de déterminer librement les critères d'adhésion de nouveaux membres à un syndicat et la possibilité d'exclure d'un syndicat des membres ou de prendre d'autres mesures disciplinaires envers les membres qui refusent de respecter les décisions prises de façon démocratique sont des éléments essentiels au droit des travailleurs de s'organiser, notamment pour protéger les syndicats contre l'infiltration par des membres d'associations dont les idées sont incompatibles avec les valeurs et le modèle social et démocratique défendu par le mouvement syndical.

En second lieu, les membres travailleurs ont noté que le gouvernement se dit prêt à modifier sa législation et qu'il admet que les modifications apportées en 2004 ne concernent pas pleinement des préoccupations en matière de liberté syndicale, et que des initiatives supplémentaires sont nécessaires. Il est essentiel que les éventuelles modifications qui seront apportées à la loi soient discutées avec les partenaires sociaux afin d'élaborer un cadre législatif qui soit pleinement en conformité avec la convention no 87 et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, cela en étroite collaboration avec le BIT.

En troisième lieu, tout comme il l'a été souligné par les intervenants employeurs et travailleurs du Royaume-Uni, la législation en vigueur ne respecte pas le droit des syndicats de prendre des mesures disciplinaires contre leurs membres. Les membres travailleurs ont demandé à ce que la commission d'experts, tout en tenant compte des informations supplémentaires que le gouvernement fournira, examine cette question de manière à garantir que la législation soit parfaitement en conformité avec la convention no 87.

Finalement, les membres travailleurs ont demandé au gouvernement de reconnaître le droit de participer à des grèves de solidarité. Cette reconnaissance implique nécessairement une modification des articles 223 et 224 de la TULRA qui doit être faite en collaboration avec les partenaires sociaux nationaux. S'adressant directement au gouvernement et aux employeurs, les membres travailleurs ont rappelé un principe sur lequel le Comité de la liberté syndicale a statué à plusieurs reprises et selon lequel le droit d'organiser des grèves de solidarité est un élément qui fait partie du droit de grève.

La commission a pris note des déclarations du représentant gouvernemental et de la discussion qui a suivi. Elle a noté que les commentaires de la commission d'experts concernaient diverses dispositions législatives ayant une incidence sur le droit des organisations de travailleurs d'élaborer leurs statuts et règlements et d'organiser leur activité sans intervention des autorités publiques.

La commission a pris note des déclarations du gouvernement selon lesquelles des documents de consultation ont été publiés et largement diffusés auprès de tous les syndicats et de toutes les organisations d'employeurs du Royaume-Uni, suggérant des amendements possibles à l'article 174 de la loi sur les syndicats et les relations du travail (TULRA), notamment l'abrogation de toutes les limitations réglementaires imparties aux syndicats concernant la faculté pour ceux-ci d'exclure certaines personnes de leurs rangs au motif de leur appartenance ou de leur activité politique. Le gouvernement a exprimé son intention de modifier la loi sur ce point sous les meilleurs délais.

La commission a pris note du jugement rendu récemment par la Cour européenne des droits de l'homme qui, faisant explicitement référence aux articles 3 et 5 de la convention no 87 de l'OIT, déclare que l'application de l'article 174 de la TULRA est contraire à l'article 11 de la Convention européenne des droits de l'homme. La commission s'est réjoui que le gouvernement ait engagé un processus de consultation suggérant diverses approches possibles de modification de l'article 174, et a exprimé l'espoir que la TULRA serait modifiée dans un proche avenir de manière à assurer que les organisations de travailleurs puissent élaborer leurs statuts et leurs règlements sans intervention des autorités publiques.

La commission a en outre prié le gouvernement d'engager une large consultation avec les organisations nationales de travailleurs et d'employeurs concernées en vue de parvenir à un consensus sur les autres questions soulevées au cours de la discussion. Elle a demandé au gouvernement de communiquer dans son prochain rapport des informations détaillées sur les progrès enregistrés au terme de cette consultation et sur les modifications de la législation proposées. La commission veut croire que la commission d'experts accordera une attention particulière à la discussion à laquelle ce cas a donné lieu.

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