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Observation (CEACR) - adopted 2012, published 102nd ILC session (2013)

Forced Labour Convention, 1930 (No. 29) - Sudan (Ratification: 1957)
Protocol of 2014 to the Forced Labour Convention, 1930 - Sudan (Ratification: 2021)

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Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphe 1, de la convention. Abolition des pratiques de travail forcé. Pendant de nombreuses années, la commission a noté l’existence de pratiques d’enlèvement et d’exploitation par le travail forcé dont étaient victimes des milliers de femmes et d’enfants dans les régions du pays où sévissait un conflit armé. La commission a souligné à maintes reprises que ces situations constituaient des violations graves de la convention dans la mesure où les victimes sont contraintes d’accomplir un travail pour lequel elles ne se sont pas offertes de leur plein gré et où ce travail s’accomplit dans des conditions extrêmement difficiles associées à des mauvais traitements, y compris la torture et la mort.
La commission a également rappelé que ce cas a été examiné en de nombreuses occasions par la Commission de la Conférence. Dans ses conclusions adoptées en juin 2010, la Commission de la Conférence a noté que le gouvernement s’efforçait d’améliorer la situation des droits de l’homme dans le pays, et que des mesures avaient été prises pour mettre pleinement en œuvre l’Accord de paix global de 2005. Toutefois, la Commission de la Conférence a observé qu’aucun élément vérifiable ne démontrait que le travail forcé avait été complètement éradiqué dans la pratique, et qu’il n’y avait pas de statistiques récentes sur les activités de la Commission pour l’éradication de l’enlèvement des femmes et des enfants (CEAWC) sur le nombre de cas de victimes identifiées et de réunifications des familles. La commission d’experts a noté par la suite le rapport de l’expert indépendant sur la situation des droits de l’homme au Soudan (A/HRC/15/CRP.1) pour la période du 1er mai au 31 août 2010, selon lequel, alors que le gouvernement poursuivait les mesures en vue de la transformation démocratique, la situation générale des droits de l’homme au Soudan s’était détériorée. La commission a également noté les allégations de la Confédération syndicale internationale (CSI) d’août 2010 selon lesquelles il continuait d’y avoir de graves problèmes en ce qui concerne le travail forcé et l’indemnisation des victimes. D’après la CSI, l’enlèvement de personnes et leur exploitation dans le cadre d’un travail forcé avaient toujours cours et affectaient des milliers de femmes et d’enfants dans les zones affectées par un conflit armé.
A ce sujet, la commission a noté que le gouvernement a manifesté son engagement à éradiquer intégralement les pratiques d’enlèvement et à fournir un soutien constant à la CEAWC. De plus, le gouvernement a indiqué que les enlèvements avaient pris fin, comme en attestait le Comité des chefs Dinka (DCC). Néanmoins, la commission a observé que cette déclaration était en contradiction avec d’autres sources fiables d’information, dont des institutions des Nations Unies, les organisations représentatives de travailleurs et des organisations non gouvernementales. Par conséquent, tout en prenant note de l’engagement réitéré exprimé par le gouvernement de résoudre le problème, la commission a demandé fermement au gouvernement de redoubler d’efforts pour éliminer totalement les pratiques de travail forcé. Elle a exprimé le ferme espoir que le gouvernement continuerait de fournir des informations détaillées sur la libération des personnes enlevées et sur leur retour dans leurs familles, en fournissant des statistiques fiables, récentes et étayées par des rapports de la CEAWC.
La commission note que, dans son rapport de novembre 2011, le gouvernement déclare être entièrement déterminé à mettre en œuvre les conventions de l’OIT. Le gouvernement indique qu’il a choisi le dialogue comme méthode pour résoudre les conflits dans le pays. A cet égard, la commission note que le gouvernement fournit des informations récentes au sujet de la cessation des hostilités dans le pays, par exemple l’application ininterrompue de l’Accord de paix global de 2005, le référendum qui a débouché sur la sécession du sud du Soudan et sur la création du Soudan du Sud, la signature d’un accord dans l’est du pays qui a mis un terme au conflit armé dans cette partie du pays et la signature du Document de Doha pour la paix au Darfour entre le gouvernement et 20 mouvements armés dans la région. En ce qui concerne les cas d’enlèvements, le gouvernement indique qu’un soutien psychologique et social ainsi que des possibilités d’éducation et de formations qualifiantes ont été prodigués, et que l’on a organisé pour 78 travailleurs sociaux des programmes de formation à la localisation d’enfants et à la réunification familiale. La commission prend note aussi de l’indication du gouvernement selon laquelle la plupart des cas d’enlèvement enregistrés dans le passé ont eu lieu dans des tribus des régions où il y avait un conflit armé, dont la zone qui est désormais le Soudan du Sud, ou dans les régions sous administration conjointe. A ce sujet, la commission prend note des informations provenant de divers documents des Nations Unies qui indiquent que les hostilités et les violations qui en découlent des droits de l’homme, y compris des enlèvements, se poursuivent dans différentes parties du Soudan, en particulier au Darfour et au Kordofan méridional.
En ce qui concerne le Darfour, la commission note les informations contenues dans le rapport du Secrétaire général de l’ONU sur l’Opération hybride Union Africaine – Nations Unies au Darfour (MINUAD) du 17 avril 2012, selon lesquelles les parties signataires du Document de Doha pour la paix au Darfour ont continué d’œuvrer à la mise en œuvre de ses dispositions. Toutefois, ce rapport indique que, entre décembre 2011 et avril 2012, des heurts entre les forces gouvernementales et celles des mouvements armés se sont produits sporadiquement, surtout au Darfour septentrional et au Darfour central (document S/2012/231, paragr. 3 et 18). Selon le rapport, la situation des droits de l’homme au Darfour s’est dégradée pendant cette période et dix cas d’enlèvement de résidents locaux ont été enregistrés (paragr. 29 et 40). De plus, la MINUAD a documenté trois cas d’enlèvement (paragr. 43). Se référant à ses commentaires au titre de l’application de la convention (no 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999, la commission note également que, d’après le rapport du 26 avril 2012 du Secrétaire général sur le sort des enfants en temps de conflit armé, l’équipe spéciale de surveillance et d’information a confirmé 45 cas de recrutement et d’utilisation d’enfants aux fins d’un conflit armé au Darfour en 2011, et que la majorité de ces cas se sont produits dans des régions contrôlées par le gouvernement (document A/66/782, paragr. 109).
A propos du Kordofan méridional, la commission note les informations contenues dans le 13e rapport périodique du Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme sur la situation des droits de l’homme au Soudan (Rapport préliminaire sur les violations du droit international des droits de l’homme et du droit humanitaire international au Kordofan méridional du 5 au 30 juin 2011): la composante droits de l’homme de la Mission des Nations Unies au Soudan a été informée de plusieurs cas d’enlèvement ou de disparition de personnes qui avaient eu lieu dans la région. D’après le rapport, l’on ne dispose pas de chiffres précis mais les victimes seraient des partisans ou des membres du Mouvement/Armée de libération du peuple du Soudan (paragr. 30). De plus, en ce qui concerne la zone d’Abyei, la commission note à la lecture du rapport du 24 mars 2012 du Secrétaire général sur la situation dans la zone d’Abyei que la situation sur le plan de la sécurité est restée tendue et très imprévisible du fait des tensions suscitées par le maintien de troupes non autorisées dans la zone d’Abyei, et que la protection des civils à Abyei reste très préoccupante (document S/2012/358, paragr. 2 et 23). Aucun fait nouveau n’a été enregistré en ce qui concerne l’application des dispositions prévues pour le contrôle du respect des droits de l’homme dans la zone d’Abyei (paragr. 24). Enfin, se référant à l’application de la convention no 182, la commission note que, selon le rapport du 26 avril 2012 du Secrétaire général sur le sort des enfants en temps de conflit armé, les cas de recrutement et d’utilisation d’enfants dans des conflits armés ont sensiblement augmenté en 2011 dans l’Abyei, le Nil Bleu et le Kordofan méridional, et qu’il est fait état d’enlèvements d’enfants dans le but de les enrôler de force (document A/66/782, paragr. 114).
La commission prie donc instamment le gouvernement de redoubler d’efforts en vue de l’éradication totale des pratiques de travail forcé dans le pays et, en particulier, de faire en sorte que tous les cas d’enlèvement dans le pays soient résolus et de veiller au respect du droit des victimes de retrouver leurs familles. De plus, la commission prie instamment le gouvernement d’intensifier ses efforts pour garantir un climat de stabilité et de sécurité juridique afin que le recours au travail forcé ne puisse ni être légitimé ni rester impuni. A ce sujet, la commission réaffirme qu’il est nécessaire que le gouvernement prenne d’urgence des mesures, conformément aux recommandations des organes et institutions internationaux compétents, pour mettre un terme à toutes les violations des droits de l’homme et à l’impunité, ce qui contribuerait à assurer la pleine application de la convention. Enfin, notant que le gouvernement demande l’assistance technique du BIT, la commission exprime l’espoir qu’il prendra toutes les mesures nécessaires, avec l’assistance du Bureau, pour assurer que la convention soit pleinement respectée, en droit et dans la pratique, et qu’il fournira dans son prochain rapport des informations sur les progrès réalisés à cet égard.
Article 25. Sanctions punissant l’imposition de travail forcé ou obligatoire. La commission a précédemment noté les dispositions du Code pénal qui punissent les enlèvements par des peines d’emprisonnement. Toutefois, elle a également noté que le gouvernement a indiqué à plusieurs reprises dans ses rapports que la CEAWC, qui estimait initialement que les actions en justice seraient le meilleur moyen d’éradiquer la pratique des enlèvements, avait été priée par toutes les tribus concernées, y compris le DCC, de ne pas engager d’actions sur le plan légal, à moins que les efforts de négociation amiable déployés par les tribus n’échouent. Le gouvernement a réitéré que, dans le contexte du processus de paix global, il y aurait lieu, dans un esprit de réconciliation nationale, de ne pas engager de poursuites légales contre les auteurs d’actes d’enlèvement et de travail forcé. De plus, la commission a noté que le gouvernement a déclaré à la Commission de la Conférence en juin 2010 que traduire en justice les auteurs de ces actes aurait un impact négatif sur les efforts déployés pour aider les personnes enlevées à revenir dans leur lieu d’origine ou à s’établir.
Toutefois, la commission a noté que, dans sa résolution no 1881 (2009), le Conseil de sécurité des Nations Unies a souligné que les auteurs de ces crimes devaient être traduits en justice, et a demandé instamment au gouvernement d’honorer ses obligations à cet égard. La commission a également noté que, dans son rapport (A/HRC/11/14, juin 2009), la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme au Soudan a recommandé à nouveau que toutes les dénonciations d’atteintes aux droits de l’homme et au droit humanitaire international fassent dûment l’objet d’enquêtes et que les auteurs présumés soient promptement traduits en justice (paragr. 92(d)). De plus, la commission a pris note du rapport de l’expert indépendant sur la situation des droits de l’homme au Soudan (A/HRC/15/CRP.1) pour la période du 1er mai au 31 août 2010, dans lequel il a recommandé que le gouvernement «veille à ce que toutes les violations des droits de l’homme et du droit humanitaire international qui sont dénoncées fassent dûment l’objet d’investigations et que les auteurs de ces actes, en particulier ceux qui détiennent des responsabilités de commandement, soient rapidement traduits en justice». La commission a constaté en outre que la Commission de la Conférence, en juin 2010, a noté avec préoccupation que les auteurs de ces violations n’avaient pas eu à répondre de leurs actes, et qu’elle a prié instamment le gouvernement de poursuivre ses efforts, notamment dans le cadre de la CEAWC, pour assurer la pleine application de la convention, en droit comme dans la pratique. En outre, la commission a pris note des allégations de la CSI selon lesquelles le gouvernement continuait de refuser de punir ceux qui ont imposé ce travail forcé, et persistait à considérer que ces affaires se règleraient au moyen de la médiation des chefs de communautés traditionnelles. A ce sujet, la CSI a indiqué qu’aucun élément tangible ne démontrait que le processus de médiation informelle au niveau des communautés avait produit des résultats concrets. La CSI a considéré que le gouvernement devait renforcer l’action de la CEAWC en ce qui concerne l’engagement de poursuites contre les auteurs d’enlèvement et de travail forcé, étant donné qu’un grand nombre de ces derniers refusaient encore de coopérer.
La commission note que le gouvernement indique dans son dernier rapport qu’en 2010 le Conseil consultatif pour les droits de l’homme a été chargé de suivre la question de l’enlèvement de femmes et d’enfants, et que c’est la CEAWC qui s’en occupe. Le gouvernement précise que les cas d’enlèvement qui ont eu lieu en dehors de la région qui est maintenant le Soudan du Sud, ou en dehors des territoires soumis à une administration conjointe, étaient résolus au moyen d’un comité conjoint gouvernement/UNICEF qui établit des contacts directs. Le gouvernement indique aussi que, à ce jour, il est impossible de réunir des statistiques sur ce sujet.
La commission note avec regret l’absence d’informations récentes sur les enquêtes et poursuites au sujet de cas d’enlèvement ou de travail forcé dans le pays, ou sur les activités de la CEAWC. Toutefois, à propos de la situation au Darfour, la commission note que, selon les informations contenues dans le rapport du 17 avril 2012 du Secrétaire général de l’ONU sur l’opération hybride Union Africaine – Nations Unies au Darfour (MINUAD), le ministre soudanais de la Justice a publié en janvier 2012 un décret nommant le procureur du Tribunal pénal spécial sur les événements du Darfour qui a compétence pour statuer sur les violations flagrantes des droits de l’homme et des violations graves du droit international humanitaire commises au Darfour depuis 2003 (document S/2012/231, paragr. 83). La commission note également le 13e rapport périodique du Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme sur la situation des droits de l’homme au Soudan (Rapport préliminaire sur les violations du droit international des droits de l’homme et du droit humanitaire international au Kordofan méridional) d’août 2011. Le Haut Commissaire recommande qu’une enquête indépendante, approfondie et objective soit menée sur les violations alléguées du droit international des droits de l’homme et du droit humanitaire international qui auraient eu lieu pendant les hostilités au Kordofan méridional, afin de rendre les auteurs comptables de leurs actes. Ce rapport recommande de lever l’immunité des membres des forces militaires et de sécurité afin que des enquêtes puissent avoir lieu, dans le respect de la procédure et conformément aux normes d’un procès équitable (page 12).
La commission rappelle à cet égard que, en vertu de l’article 25 de la convention, «le fait d’exiger illégalement du travail forcé ou obligatoire sera passible de sanctions pénales et tout Membre ratifiant la présente convention aura l’obligation de s’assurer que les sanctions imposées par la loi sont réellement efficaces et strictement appliquées». La commission considère par conséquent que la non-application de sanctions pénales à l’égard des auteurs de ces violations est contraire à cette disposition de la convention et risque de créer des conditions propices à l’impunité pour les auteurs d’enlèvements qui exploitent le travail forcé d’autrui. La commission prie donc à nouveau instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que des poursuites judiciaires soient engagées contre les auteurs d’enlèvements, et pour que des sanctions pénales soient imposées aux personnes condamnées pour avoir imposé du travail forcé, comme le prescrit la convention. A ce sujet, la commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises dans le cadre de la CEAWC et de la Cour spéciale pour le Darfour en ce qui concerne les enlèvements liés à l’exaction de travail forcé. La commission prie en outre le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour rendre disponibles des informations sur l’application dans la pratique de la disposition pénale qui punit le crime d’enlèvement, ainsi que des dispositions punissant le kidnapping et l’imposition de travail forcé (art. 161, 162 et 163 du Code pénal), et d’indiquer le nombre d’enquêtes menées, de poursuites initiées et de condamnations et de sanctions prononcées.
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