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Observation (CEACR) - adopted 2012, published 102nd ILC session (2013)

Forced Labour Convention, 1930 (No. 29) - Japan (Ratification: 1932)

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Depuis un certain nombre d’années, la commission examine la question du travail forcé dans l’industrie et celle de l’esclavage sexuel (subi par ce qu’il a été convenu d’appeler les «femmes de réconfort») au cours de la seconde guerre mondiale. Elle s’est référée à cet égard aux considérations et conclusions qu’elle avait formulées antérieurement concernant le caractère limité de ses pouvoirs à l’égard d’atteintes à la convention occupant une telle place dans l’histoire. A de nombreuses reprises, la commission a exprimé l’espoir que le gouvernement, dans les efforts qu’il déploie pour rechercher la réconciliation avec les victimes, prendrait les mesures nécessaires pour que ce que demandent les victimes survivantes, particulièrement âgées, trouve une réponse. Le gouvernement a été prié de continuer de fournir des informations sur tout nouveau développement à cet égard.
La commission prend note des informations communiquées par le gouvernement dans ses rapports reçus les 5 septembre et 1er octobre 2012, de même que dans les communications du gouvernement reçues les 28 février et 14 et 16 novembre 2011.
La commission prend note des communications reçues en 2011 et 2012 des organisations de travailleurs suivantes:
  • -Syndicat de la construction navale et du génie maritime du Japon (AJSEU) (24 et 28 août 2011 et 17 août 2012);
  • -Fédération des syndicats coréens (FKTU) et Confédération coréenne des syndicats (KCTU) (27 août et 5 octobre 2011 et 28 août 2012);
  • -Confédération nationale des syndicats (ZENROREN) (21 septembre 2012).
Copie des communications des organisations susmentionnées de travailleurs a été communiquée au gouvernement pour tout commentaire que celui-ci voudrait faire sur les questions qui y étaient soulevées. La commission a reçu du gouvernement une réponse à la plupart de ces communications les 5 septembre et 14 novembre 2012.
La commission note que, dans les communications précitées, les organisations de travailleurs expriment leur préoccupation quant à la position du gouvernement sur la question des «femmes de réconfort», appelant d’urgence celui-ci à prendre les mesures propres à aboutir à une solution. Certaines de ces communications s’inscrivent en faux contre le rôle attribué au Fonds des femmes asiatiques (AWF) quant au rétablissement de la dignité des victimes, considérant que les victimes survivantes ont majoritairement rejeté l’indemnisation offerte par le fonds et ont exprimé leur opposition à ses activités. Certaines organisations de travailleurs expriment également leur scepticisme quant au suivi des activités de l’AWF assuré par le gouvernement. Elles demandent également que le gouvernement revoie la législation nationale en vue de supprimer les obstacles s’opposant à l’obtention de réparations pleines et entières devant les tribunaux japonais et au règlement de la question du travail forcé pratiqué pendant la guerre.
Certaines des communications précitées se réfèrent à une décision rendue par la Cour constitutionnelle de la République de Corée le 30 août 2011 sur le pourvoi formé par 109 victimes survivantes de l’esclavage sexuel imposé par les militaires, décision dans laquelle la cour a demandé instamment que le gouvernement coréen prenne des mesures résolues pour le rétablissement des droits de l’homme à l’égard des personnes dont ces droits avaient été violés. En application de cette décision, le gouvernement coréen a proposé des pourparlers bilatéraux pour régler la question avec le gouvernement japonais. Consécutivement à la décision susmentionnée de la Cour constitutionnelle, la Cour suprême de Corée a ordonné le 24 mai 2012 aux instances inférieures de la République de Corée de rouvrir la procédure en ce qui concerne deux affaires de travail forcé imposé dans l’industrie pendant la guerre.
Dans leurs communications, les organisations de travailleurs continuent de soulever la question de l’esclavage sexuel imposé par les militaires telle qu’elle a été reprise par les organes des Nations Unies, notamment dans le rapport du 23 avril 2010 du Rapporteur spécial sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences, au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies (A/HRC/14/22). Certaines des communications susmentionnées se réfèrent également à des résolutions adoptées par les autorités locales du Japon et de la République de Corée. De mars 2008 à août 2012, 36 conseils municipaux de grandes villes japonaises et 54 conseils municipaux de grandes villes coréennes ont adopté des résolutions appelant instamment le gouvernement à régler la question de l’esclavage sexuel imposé par les militaires japonais, rétablir les victimes dans leur dignité et leur faire justice, leur accorder réparation et, en outre, éduquer le public.
La commission a pris dûment note de la déclaration réitérée du gouvernement dans ses rapports quant à la permanence de son attachement à la position exprimée en août 1993 par celui qui était alors le secrétaire du Cabinet du Japon, M. Yohei Kono, qui avait exprimé des excuses et des remords sincères à l’égard des ex-«femmes de réconfort», reconnaissant que ce problème avait constitué, avec la part que les autorités militaires de l’époque y avaient prise, un grave affront à l’honneur et à la dignité d’un grand nombre de femmes. Le gouvernement réitère que cette déclaration incarne sa position officielle sur cette question et qu’elle demeure inchangée. La commission rappelle que le gouvernement du Japon a depuis lors exprimé ses excuses et regrets sincères à de nombreuses reprises, sur la base de la déclaration faite en août 1995 par M. Tomiichi Murayama, alors Premier ministre. Le gouvernement se réfère également à nouveau à une lettre exprimant ses excuses et ses regrets, qui a été envoyée par le Premier ministre, au nom du gouvernement du Japon, directement à chacune des «femmes de réconfort», en lien avec les activités de l’AWF.
S’agissant des mesures d’ordre non juridique visant à répondre à ce que demandent les victimes survivantes de l’esclavage sexuel imposé par les militaires en temps de guerre, le gouvernement se réfère à nouveau aux activités de l’AWF, qui a été créé en 1995 pour demander aux ex-«femmes de réconfort» le pardon du gouvernement et du peuple japonais et qui a été dissous en 2007 après avoir accompli ses objectifs. Le gouvernement a également indiqué qu’il a prêté à l’AWF tout le concours possible, notamment en prenant à sa charge la totalité de ses coûts de fonctionnement, en soutenant pleinement son action de collecte de fonds et en fournissant les crédits nécessaires à l’exercice de son action. A cet effet, le gouvernement indique également qu’il a contribué approximativement pour 60 millions de dollars du budget national et que le peuple japonais a fait une donation approximative de 7 millions de dollars à l’AWF. La commission rappelle cependant avoir souligné dans ses précédentes observations que le rejet par la majorité des ex-«femmes de réconfort» des sommes que l’AWF voulait leur verser parce que ces sommes n’apparaissaient pas comme une réparation du gouvernement portait à croire que cette initiative n’avait pas répondu aux attentes de la majorité des victimes. La commission a donc exprimé l’espoir que le gouvernement ferait tout ce qui est en son pouvoir, en concertation avec les victimes survivantes et les organisations qui les représentent, pour trouver un autre moyen de réparation à proposer aux victimes suivant des modalités répondant aux attentes de ces dernières.
La commission note que le gouvernement renouvelle sa déclaration précédente selon laquelle il continuera de mettre en œuvre les activités de suivi de l’AWF. Il réitère que, au titre de ce suivi, il a confié aux personnes qui avaient joué un rôle dans l’AWF la responsabilité de mener les activités de soins à domicile et de conseil en groupes (en République de Corée et aux Philippines) et de poursuivre les échanges d’avis avec les représentants gouvernementaux et les milieux académiques (Indonésie et Philippines). Le rapport du gouvernement fait également ressortir que, d’après une communication reçue en février 2011, M. Yutaka Banno, alors Secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, et Mme Makiko Kikuta, alors Vice-ministre parlementaire aux Affaires étrangères, ont rencontré des ex-«femmes de réconfort» en novembre 2010 et janvier 2011 au Japon, expliqué en personne l’avis du gouvernement et écouté l’exposé des intéressés concernant leurs conditions de vie actuelles, leur expérience passée, leurs souhaits et leurs sentiments personnels. Le gouvernement indique également que, suite à ces réunions, il a augmenté le budget des activités de soins à domicile et de conseil de groupes et qu’il poursuivra la mise en œuvre des activités de suivi de l’AWF, en même temps que les efforts qu’il déploie pour parvenir à comprendre les besoins des ex-«femmes de réconfort».
Enfin, la commission note que le gouvernement indique dans son rapport que, du 1er juin 2010 au 31 mai 2012, les tribunaux «se sont prononcés» sur cinq affaires concernant des «travailleurs réquisitionnés de force», pour ce qui est du volet civil de l’action exercée par les plaignants en vue de l’obtention de réparations. Le gouvernement indique que, dans toutes ces affaires, les actions en réparation exercées par les plaignants contre le gouvernement du Japon ont été rejetées parce qu’aucune de ces actions ne satisfaisait aux critères fixés par le Code de procédure civile pour les appels en dernier recours. Il n’y a pas eu de décisions des tribunaux concernant la question des «femmes de réconfort». Le gouvernement déclare également que, au 31 mai 2012, aucune affaire concernant les «femmes de réconfort» ou les «travailleurs réquisitionnés de force» n’était plus en instance devant les tribunaux japonais.
Tout en observant que des représentants du gouvernement ont rencontré les «femmes de réconfort» en 2010 et 2011, la commission note avec préoccupation qu’aucun résultat concret n’a été observé. La commission exprime le ferme espoir que, eu égard à la gravité et à l’ancienneté de ce cas, le gouvernement poursuivra ses efforts pour parvenir à une réconciliation avec les victimes et que des mesures seront prises sans plus tarder pour apporter une réponse à ce que demandent les victimes survivantes des pratiques de travail forcé dans l’industrie et d’esclavage sexuel pratiqué par l’armée. La commission prie le gouvernement de continuer de fournir des informations sur le déploiement des activités susmentionnées de suivi de l’AWF et sur toute autre mesure prise ou envisagée, y compris dans le cadre du suivi des rencontres évoquées ci-dessus avec les ex-«femmes de réconfort».
Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. 1. Programme de formation professionnelle et de stages techniques. Faisant suite à ses précédents commentaires, la commission prend note des communications du Syndicat des travailleurs migrants datées des 22 août 2011 et 29 août 2012, contenant des informations sur la mise en œuvre du programme révisé de formation professionnelle et de stages techniques (programme pour les «stagiaires étrangers»), ainsi que de la réponse du gouvernement à ces communications reçue les 1er octobre et 14 novembre 2012.
La commission avait noté que le programme susmentionné avait été conçu pour développer les ressources humaines et professionnelles des pays en développement, dans l’objectif d’assurer un transfert de technologie, de compétences et de connaissances industrielles. Dans le cadre de ce programme, des ressortissants étrangers peuvent venir au Japon comme «stagiaires» pour un an et prolonger leur séjour de deux ans en tant que «stagiaire technique» après quoi ils doivent rentrer dans leur pays. Le programme est administré par l’Organisation japonaise pour la coopération technique internationale (JITCO), sous la supervision des organismes gouvernementaux compétents, notamment du Bureau de l’immigration et des organismes d’inspection compétents en matière de normes du travail. La commission avait également noté que le programme de formation professionnelle et de stages techniques avait été révisé en juillet 2010 afin de renforcer la protection assurée aux stagiaires et internes techniques, à qui il est désormais conféré un statut de résident «en stage de formation technique» pour une période maximale de trois ans, avec bénéfice de la protection prévue par les lois et règlements sur le travail, comme la loi sur les normes du travail et la loi sur le salaire minimum, au titre des activités de développement des compétences déployées par les intéressés dans le cadre de leur contrat de travail. De plus, il a été interdit aux organismes d’origine, comme aux organismes et entreprises d’accueil, de percevoir quelque somme que ce soit, au titre d’une garantie ou d’une pénalité, et la durée de suspension des activités des organismes qui s’étaient rendus coupables dans ce contexte d’atteintes aux droits de l’homme a été portée de trois à cinq ans.
Cependant, les communications susmentionnées du Syndicat des travailleurs migrants allèguent que les conditions de ces stagiaires étrangers ne se sont pas améliorées: ils sont toujours forcés de travailler sous la menace de leur expulsion; ils ne sont pas autorisés à changer d’employeur et ils restent exposés à des abus des employeurs (heures supplémentaires illégales, violations des règles de sécurité et de santé au travail, confiscation des passeports par l’employeur, etc.). Le syndicat se réfère aux données statistiques accessibles sur le site Internet de la JITCO concernant les décès de stagiaires et stagiaires techniques étrangers consécutifs à des accidents du travail ou à des maladies en 2011. Il se réfère également à des informations ayant trait à diverses violations de la législation du travail commises dans le cadre du programme de stages techniques, comme reflété par les rapports de certains bureaux préfectoraux du travail (Gifu, Fukui, Aichi et Shimane). De l’avis de syndicat, ces problèmes ne sauraient être considérés comme avoir été résolus par des changements de formulation superficiels, et ce programme devrait être supprimé.
Dans sa réponse aux communications ci-dessus, le gouvernement réitère que le programme de formation professionnelle et de stages techniques interdit expressément tout travail forcé ou obligatoire. Le Bureau de l’immigration et la JITCO exercent leur contrôle sur ce programme de manière à prévenir l’apparition de toute situation inappropriée. Tout au long du déroulement de ce programme, aucune situation constitutive de travail forcé n’a été signalée de manière avérée. De plus, les organes d’inspection compétents en matière de normes du travail se sont employés activement à faire respecter les directives pertinentes auprès des exploitants d’entreprise qui emploient des stagiaires techniques, et des procédures ont été engagées avec fermeté dans les cas constitutifs d’atteintes à l’article 5 de la loi sur les normes du travail (imposition par l’employeur d’un travail forcé ou obligatoire en recourant à la violence physique, à l’intimidation, au confinement ou à toute autre restriction déloyale de la liberté physique ou mentale du travailleur). S’agissant plus spécifiquement des cas de violations graves des droits de l’homme liées à un comportement inapproprié à l’égard des stagiaires, notamment la violence et la confiscation du passeport, etc., le Bureau de l’immigration a reconnu certains «agissements délictueux» de la part d’organismes d’accueil, après avoir procédé aux vérifications nécessaires et réagi strictement en interdisant à ces organismes de recevoir des stagiaires ou des internes pendant cinq ans. Le gouvernement indique que de tels «agissements délictueux» de la part d’organismes d’accueil ont été constatés en ce qui concerne 163 organismes en 2010 et 184 en 2011 et que, dans ce cadre, étaient en cause le non-paiement d’heures supplémentaires dues aux stagiaires et le nombre d’heures supplémentaires excédant considérablement les limites fixées par les conventions collectives. S’agissant de l’action déployée par l’inspection du travail pour veiller à ce que les conditions de travail des stagiaires techniques restent appropriées, le gouvernement indique que, sur les 2 748 cas dans lesquels des directives ont été adressées à des organismes en 2011, des violations de la législation et de la réglementation du travail ont été avérées dans 2 252 cas et qu’il y a eu 23 cas de violations graves ou particulièrement caractérisées pour lesquels les services du procureur ont été saisis. La JITCO a continué de mener de nombreuses consultations auprès des organismes et entreprises d’accueil et a même mis en place un numéro d’appel gratuit auquel les stagiaires peuvent s’adresser dans leur langue. Le gouvernement indique cependant qu’il ne dispose pas de statistiques du nombre des cas dans lesquels des poursuites ont été engagées et des condamnations prononcées par suite de violations de droits de stagiaires.
Prenant note de ces informations, la commission prie le gouvernement de continuer de fournir des informations sur les mesures prises, en droit et dans la pratique, en vue de renforcer la protection des stagiaires techniques étrangers. Elle le prie de fournir des informations en particulier sur les mesures prises pour renforcer le système de contrôle au moyen d’inspections et d’un suivi appropriés. Elle exprime également l’espoir que le gouvernement sera en mesure de communiquer dans son prochain rapport des statistiques du nombre des cas ayant donné lieu à des poursuites et des condamnations, avec indication des sanctions imposées à l’égard des auteurs.
2. Traite des personnes. La commission prend note avec intérêt des informations concernant les diverses mesures prises par le gouvernement dans le cadre du Plan d’action contre la traite de 2009, communiquées dans le rapport reçu le 1er octobre 2012. Elle prend note, en particulier, des mesures prises dans les domaines de la prévention de la traite (renforcement des mesures de contrôle au niveau de l’immigration et des mesures de sensibilisation du public), de la protection des victimes (notamment avec l’ouverture de bureaux de consultation pour les femmes, l’amélioration du statut des victimes au regard des règles de séjour et l’assistance aux victimes dans le contexte de leur rapatriement), de la poursuite des auteurs (notamment la publication de statistiques des personnes interpellées, poursuivies et condamnées pour des faits de traite) et, enfin, de la coopération avec les gouvernements étrangers et des organisations internationales.
La commission prend également note de commentaires reçus de la Confédération japonaise des syndicats (JTUC-RENGO) communiqués avec le rapport du gouvernement, commentaires dans lesquels la JTUC-RENGO réitère l’avis exprimé précédemment, estimant que les mesures de protection des victimes devraient être renforcées et appelant à nouveau à la mise en œuvre d’un système d’appui à composantes multiples prévoyant tout un éventail de mesures, conformément aux recommandations faites par le Comité des droits de l’homme des Nations Unies en 2008. La JTUC-RENGO appelle aussi à un renforcement des mesures dirigées contre les mariages de convenance, conclus à seule fin d’obtenir un titre de séjour pour travailler au Japon, arrangements qui peuvent donner lieu à des pratiques de travail forcé. S’agissant plus particulièrement des mesures dirigées contre les mariages de convenance, le gouvernement déclare dans son rapport que les autorités compétentes en matière d’immigration assurent un contrôle plus strict des règles de résidence et coopèrent avec la police pour déceler les situations relevant de la traite et assurer la protection des victimes, conformément au Plan d’action contre la traite de 2009.
La commission exprime à nouveau l’espoir que le gouvernement continuera de fournir, dans ses futurs rapports, des informations concernant la mise en œuvre des diverses mesures prévues par le Plan d’action de 2009 contre la traite, y compris sur les sanctions pénales appliquées, ainsi que toutes statistiques disponibles.
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