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Observation (CEACR) - adopted 2014, published 104th ILC session (2015)

Abolition of Forced Labour Convention, 1957 (No. 105) - Egypt (Ratification: 1958)

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Article 1 a) de la convention. Peines comportant une obligation de travailler imposées en tant que sanction de l’expression de certaines opinions politiques ou de la manifestation d’une opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi. Depuis un certain nombre d’années, la commission se réfère à certaines dispositions en vertu desquelles des peines d’emprisonnement (aux termes desquelles, en vertu des articles 16 et 20 du Code pénal, un travail obligatoire peut être imposé) peuvent être imposées dans des situations relevant de l’article 1 a) de la convention et sont par conséquent incompatibles avec la convention:
  • – l’article 178 (3) du Code pénal, dans sa teneur modifiée par la loi no 536 du 12 novembre 1953, et la loi no 93 du 28 mai 1995, visant la production ou la possession, en vue de leur distribution, leur vente, etc., de toutes représentations graphiques pouvant porter atteinte à la réputation du pays par le fait qu’elles sont contraires à la vérité, qu’elles décrivent les choses de manière inexacte ou qu’elles mettent en avant des aspects inappropriés;
  • – l’article 80(d) du Code pénal, dans sa teneur modifiée par la loi no 112 du 19 mai 1957, en ce qui concerne la diffusion délibérée à l’étranger par un citoyen égyptien de rumeurs ou informations tendancieuses relatives à la situation du pays dans le but d’altérer la réputation ou l’estime de l’Etat, de même que l’exercice de toute activité de nature à porter atteinte à l’intérêt national;
  • – l’article 98(a)bis et (d) du Code pénal, dans sa teneur modifiée par la loi no 34 du 24 mai 1970, qui incrimine l’apologie, par quelque moyen que ce soit, de l’opposition aux principes fondamentaux du régime socialiste de l’Etat, l’incitation à l’aversion ou au mépris de ces principes, l’incitation à l’opposition à l’union des forces de travail populaires, la création d’une association ou d’un groupe poursuivant l’un des objectifs susvisés ou l’appartenance à un tel groupe, ou encore l’obtention d’une aide matérielle destinée à la poursuite de tels objectifs;
  • – les articles 98(b) et (b)bis et 174 du Code pénal relatifs à la propagation de certaines doctrines;
  • – l’article 102bis du Code pénal, dans sa teneur modifiée par la loi no 34 du 24 mai 1970, concernant la diffusion ou la possession en vue de leur diffusion de fausses nouvelles, de rumeurs tendancieuses ou de propagande révolutionnaire pouvant porter atteinte à la sécurité publique, répandre le trouble dans la population ou léser des intérêts publics;
  • – l’article 188 du Code pénal concernant la diffusion de fausses nouvelles, etc., pouvant léser des intérêts publics;
  • – la loi sur les assemblées publiques no 14 de 1923 et la loi sur les assemblées no 10 de 1914, instaurant des pouvoirs généraux d’interdiction des assemblées et de dissolution de celles-ci, y compris dans des lieux privés.
La commission note que le gouvernement indique à nouveau que, s’agissant de l’article 98(a)bis et (d) du Code pénal, les peines d’emprisonnement ne sont applicables que dans le cas de la création d’associations ou organisations en opposition avec les principes fondamentaux du système socialiste de l’Etat ou de participation à de telles associations, et nullement dans le cas de l’expression pacifique d’opinions politiques contraires à l’ordre politique établi. S’agissant des articles 98(b) et (b)bis et 174 du Code pénal, le gouvernement réitère que les peines allant jusqu’à cinq ans d’emprisonnement ne sont applicables que dans les cas de propagation de certaines doctrines visant à bouleverser les principes fondamentaux de la Constitution ou renverser l’ordre social par l’usage de la force ou d’autres moyens illégaux. Enfin, s’agissant de la loi de 1923 sur les assemblées publiques, le gouvernement déclare que ses dispositions ont pour but la sauvegarde de la sécurité publique et la prévention des infractions qui peuvent résulter d’assemblées publiques. Ainsi, seuls les actes excédant l’expression pacifique d’opinions sont répréhensibles en vertu de cette loi. Le gouvernement réitère également que la peine de travaux forcés a été abolie, la loi no 126 de 2008 l’ayant supprimée du Code pénal.
A cet égard, la commission attire à nouveau l’attention du gouvernement sur le fait que le champ d’application de la convention ne se limite pas aux peines de «travaux forcés» ou aux autres condamnations à des peines de travail particulièrement rigoureuses, par opposition à un travail pénitentiaire ordinaire. La convention interdit de recourir «à toute forme» de «travail forcé ou obligatoire» en tant que sanction, punition, mesure de coercition d’éducation ou de discipline, dans les circonstances couvertes par l’article 1 a), c) et d).
La commission souligne également que des sanctions comportant une obligation de travail, y compris de travail pénitentiaire, sont incompatibles avec l’article 1 a) de la convention dès lors qu’elles punissent le fait d’avoir exprimé pacifiquement des opinions ou une idéologie contraires à l’ordre politique, social ou économique établi. Par conséquent, il existe une série d’actes qui, en vertu de cette disposition, ne devraient pas être passibles de peines comportant une obligation de travail, actes qui découlent du droit d’exprimer librement des opinions politiques ou une idéologie, et d’autres droits généralement reconnus, comme le droit d’association et d’assemblée, à travers lesquels les citoyens cherchent à faire connaître et accepter leurs opinions et qui peuvent être affectés par des mesures de coercition politique.
Dans ce contexte, la commission prend note de l’indication succincte du gouvernement selon laquelle, dans la pratique, l’application des dispositions susmentionnées ne viole pas la convention. Le gouvernement déclare également qu’il veille à l’application des dispositions de la législation qui garantissent la liberté d’expression. La commission observe toutefois que les dispositions susvisées ne visent pas seulement des actes de violence ou d’incitation à la violence mais aussi des actes, comme l’apologie, sous quelque forme que ce soit, d’une opposition aux principes fondamentaux du système socialiste de l’Etat, tendant ainsi à permettre de porter atteinte à des principes comme ceux de la liberté d’expression et de la liberté d’assemblée.
Compte tenu des considérations qui précèdent, la commission note avec regret que, malgré les commentaires qu’elle a adressés au gouvernement à cet égard, une nouvelle loi sur les manifestations a été promulguée en novembre 2013, qui confère aux autorités locales en charge de la sécurité des pouvoirs étendus pour interdire des rassemblements publics, et qui prévoit des sanctions excessives, notamment des peines de prison, à l’égard de ceux qui enfreindraient une telle interdiction. La commission note également que, suite à l’adoption de cette loi de 2013, la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a exprimé sa profonde préoccupation devant les restrictions de plus en plus graves et les attaques physiques dont les médias et les activistes de la société civile sont devenus la cible en Egypte, notamment le harcèlement, l’arrestation et la poursuite en justice de journalistes nationaux ou internationaux. La Haute-Commissaire souligne notamment «la gravité des accusations portées contre des journalistes, notamment celles d’atteinte à l’unité nationale et à la paix sociale, de diffusion de fausses nouvelles, ou encore d’appartenance à une “organisation terroriste”, accusations si larges et si vagues qu’elles renforcent la conviction de chacun que leur cible réelle, c’est la liberté d’expression». Toujours selon la Haute-Commissaire, depuis sa promulgation en novembre 2013, la nouvelle loi sur les manifestations «a servi à arrêter et condamner par dizaines des manifestants, y compris des militants politiques» (HCDH, bulletin de presse, 23 juin 2014).
La commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer qu’aucune peine d’emprisonnement comportant une obligation de travailler ne puisse être imposée à l’égard de personnes qui, sans recourir à la violence, ont exprimé des opinions politiques ou une idéologie contraires à l’ordre politique, social ou économique établi. La commission veut croire que les mesures nécessaires seront prises pour que les dispositions susvisées du Code pénal, de la loi no 14 sur les réunions publiques de 1923, de la loi no 10 sur les réunions de 1914 et de la loi de 2013 sur les manifestations soient mises en conformité avec la convention et elle prie le gouvernement de fournir des informations sur les progrès réalisés à cet égard.
Article 1 b). Utilisation de conscrits à des fins de développement économique. La commission invite le gouvernement à se reporter, à cet égard, à l’observation qu’elle formule sur l’application de la convention (nº 29) sur le travail forcé, 1930.
Article 1 d). Sanctions pénales comportant une obligation de travailler punissant la participation à des grèves. Depuis de nombreuses années, la commission se réfère aux articles 124, 124A et C et 374 du Code pénal, en vertu desquels tout salarié du secteur public participant à une grève est passible d’une peine d’emprisonnement pouvant s’élever à un an (durée qui peut être doublée dans certaines circonstances), peines qui comportent une obligation de travail en vertu de l’article 20 du Code pénal.
La commission note que le gouvernement a indiqué en 2010 que les articles 124, 124A et C et 374 du Code pénal sont applicables dans les cas où l’interruption du service met en péril la santé ou la sécurité de la population, comme par exemple si des médecins des hôpitaux publics s’abstenaient de s’occuper des patients. Le gouvernement a ajouté que la Cour de cassation a rendu des arrêts à cet égard, y compris une décision condamnant un membre du personnel infirmier pour avoir incité ses collègues d’un hôpital public à suspendre le travail et pour les dommages causés par l’assemblée de travailleurs.
La commission rappelle à cet égard que l’article 1 d) de la convention interdit le recours sous quelque forme que ce soit au travail forcé ou obligatoire, y compris au travail pénitentiaire obligatoire, en tant que sanction pour avoir participé pacifiquement à des grèves. Se référant au paragraphe 315 de son étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, la commission attire l’attention du gouvernement sur le fait que, en tout état de cause, les sanctions imposées devraient être proportionnées à la gravité de l’infraction commise, et les autorités devraient exclure le recours à des mesures d’emprisonnement contre ceux qui organisent une grève ou y participent. Par conséquent, la commission veut croire que les mesures nécessaires seront enfin prises pour que les dispositions susvisées du Code pénal soient modifiées ou abrogées, et elle prie le gouvernement de fournir des informations sur les progrès réalisés à cet égard. Dans l’attente de l’adoption de telles mesures, la commission prie le gouvernement de communiquer copie de toute décision de justice rendue en application de ces articles, notamment les arrêts rendus par la Cour de cassation auxquels il a fait référence.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
[Le gouvernement est prié de répondre en détail aux présents commentaires en 2015.]
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