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Observation (CEACR) - adopted 2015, published 105th ILC session (2016)

Forced Labour Convention, 1930 (No. 29) - Japan (Ratification: 1932)

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La commission prend note du rapport du gouvernement, des observations du Syndicat de la construction navale et du génie maritime du Japon (AJSEU), reçues en septembre 2014, ainsi que des observations du Syndicat des travailleurs migrants reçues en 2014 et le 23 septembre 2015. Elle prend également note des informations complémentaires fournies par le gouvernement le 7 octobre 2015, parmi lesquelles figurent des observations de la Fédération du commerce du Japon (NIPPON KEIDANREN) et de la Confédération japonaise des syndicats (JTUC RENGO).
Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. 1. Victimes de l’esclavage sexuel en temps de guerre ou du travail forcé dans l’industrie. La commission rappelle qu’elle examine depuis 1995 les questions du travail forcé dans l’industrie et de l’esclavage sexuel en temps de guerre (subi par les «femmes de réconfort») au cours de la seconde guerre mondiale. Tout en rappelant qu’elle n’a pas le pouvoir d’ordonner les réparations, la commission a exprimé l’espoir que le gouvernement continuerait de s’efforcer de rechercher la réconciliation avec les victimes et qu’il prendrait les mesures nécessaires, sans plus tarder, pour répondre aux attentes des victimes survivantes de travail forcé dans l’industrie et d’esclavage sexuel pratiqué par l’armée, qui sont particulièrement âgées.
La commission note que le Syndicat de la construction navale et du génie maritime du Japon (AJSEU) fournit des informations sur des décisions judiciaires rendues en République de Corée et en Chine en ce qui concerne le travail forcé dans l’industrie en temps de guerre. Le syndicat fait référence en particulier à une décision de la Cour suprême de justice coréenne rendue le 24 mai 2012, qui infirme les jugements prononcés par des tribunaux de rang inférieur qui avaient rejeté les demandes d’indemnisation de victimes de travail forcé à l’encontre de deux grandes entreprises japonaises. A la suite de cette décision, les cours d’appel (Haute Cour de justice de Séoul et de Pusan) ont ordonné aux entreprises de verser une indemnité aux anciennes victimes de travail forcé. L’AJSEU indique que, malheureusement, les défendeurs ont fait recours devant la Cour suprême de justice, ce qui implique que les plaignants qui entre-temps sont décédés n’auront pas la possibilité de connaître l’issue de leur plainte. Un certain nombre d’actions en justice ont récemment été engagées en ce qui concerne le travail forcé dans l’industrie en temps de guerre après la décision rendue par la Cour suprême de justice. L’AJSEU indique en outre que des hauts responsables des entreprises en question ont déclaré qu’ils estimaient que la question de l’indemnisation avait été réglée par la conclusion de l’Accord de 1965 sur le règlement des problèmes concernant les biens et les réclamations et la coopération économique entre le Japon et la République de Corée, raison pour laquelle ils avaient présenté leur recours. Le syndicat estime qu’une conscience commune se développe considérant que la question devrait être réglée afin de maintenir de bonnes relations avec ces partenaires commerciaux de longue date. L’AJSEU estime que la question devrait être réglée pendant que les victimes sont encore en vie et que le gouvernement du Japon a la responsabilité de veiller à maintenir de bonnes relations entre ses voisins asiatiques et le peuple japonais. Par ailleurs, le syndicat indique qu’un certain nombre d’actions en justice ont été engagées contre le gouvernement du Japon et/ou des industries en Chine après que la «première chambre de la Cour intermédiaire» de Beijing a accepté une plainte à cet égard. Enfin, l’AJSEU observe que la question de l’esclavage sexuel dans l’armée continue d’être examinée par les organes des droits de l’homme de l’Organisation des Nations Unies.
Le gouvernement indique dans son rapport qu’il n’a pas l’intention de nier ni de minimiser la question des «femmes de réconfort», qui a porté gravement atteinte à l’honneur et à la dignité de nombreuses femmes. Le gouvernement demeure attaché à la position officielle sur cette question et a déjà exprimé des excuses et des remords sincères aux anciennes «femmes de réconfort». Le peuple et le gouvernement du Japon ont coopéré pour la mise en place du Fonds pour les femmes asiatiques (AWF) en 1995 pour faire part du repentir du peuple japonais à l’égard des anciennes «femmes de réconfort» et pour s’assurer que leurs excuses et leurs remords sincères parviennent du mieux possible à ces femmes. L’AWF a versé à 285 femmes des sommes d’argent à titre de réparation grâce à des dons provenant du secteur privé. Le gouvernement fait à nouveau référence aux lettres d’excuses et de remords signées par le Premier ministre, qui ont été envoyées aux «femmes de réconfort» ayant bénéficié de ces sommes. L’AWF a également procuré des fonds à des projets d’aide médicale et de protection sociale. Après l’achèvement du dernier projet en Indonésie, l’AWF a été dissout en mars 2007, mais le gouvernement a continué à mettre en œuvre des activités de suivi. Il réitère que, au titre de ce suivi, il a confié aux personnes qui avaient joué un rôle dans l’AWF la responsabilité de mener les activités de soins à domicile et de conseil de groupe en 2015. Le gouvernement fait également observer que d’anciennes «femmes de réconfort» qui ont reçu des réparations de l’AWF ou souhaitaient en recevoir ont été l’objet de «harcèlement» de la part de certains groupes en République de Corée. Il est à regretter que les anciennes «femmes de réconfort» n’ont pas toutes bénéficié des activités de l’AWF en raison de ces circonstances. Selon le gouvernement, il convient d’apprécier à leur juste valeur les actions menées par l’AWF.
Le gouvernement indique en outre qu’il a examiné de bonne foi la question des réparations, des biens et des requêtes concernant la seconde guerre mondiale, y compris en ce qui concerne la question des «femmes de réconfort», conformément aux obligations qui lui incombent en vertu du Traité de paix de San Francisco. La question des requêtes de particuliers a été réglée légalement avec les parties au traité, en particulier l’accord de 1965 sur le règlement des problèmes concernant les biens et les réclamations et sur la coopération économique entre le Japon et la République de Corée. En conclusion, le gouvernement exprime sa préoccupation face à la diffusion d’informations et de chiffres sans fondement au sein de la communauté internationale. Le gouvernement exprime l’espoir que les efforts du Japon seront dûment reconnus par la communauté internationale, sur la base d’une reconnaissance adéquate des faits. Enfin, le gouvernement indique qu’il n’y a pas eu de décision de justice en ce qui concerne les «femmes de réconfort», les «travailleurs réquisitionnés de force» ni aucun cas en instance devant les tribunaux japonais entre 2012 et 2015.
Tout en prenant note de l’indication du gouvernement en réponse à la demande antérieure de la commission en ce qui concerne les activités de suivi dans le cadre desquelles l’AWF a rencontré des «femmes de réconfort», la commission note avec une profonde préoccupation qu’aucun résultat concret n’a été obtenu. La commission exprime le ferme espoir que, eu égard à la gravité et à l’ancienneté de ce cas, le gouvernement déploiera tous les efforts pour parvenir à une réconciliation avec les victimes et que des mesures seront prises sans plus tarder pour répondre aux attentes et aux requêtes des victimes âgées survivantes du travail forcé dans l’industrie et de l’esclavage sexuel pratiqué par l’armée en temps de guerre.
2. Programme de formation professionnelle et de stages techniques. La commission rappelle que ses précédents commentaires portaient sur le programme de formation professionnelle et de stages techniques qui vise à développer les ressources humaines et professionnelles des pays en développement, dans l’objectif d’assurer un transfert de technologies, de compétences et de connaissances industrielles. Dans le cadre de ce programme, des ressortissants étrangers peuvent venir au Japon comme «stagiaires» pour un an et prolonger leur séjour de deux ans en tant que «stagiaire technique». Le programme est administré par l’Organisation japonaise pour la coopération technique internationale (JITCO), sous la supervision des organismes gouvernementaux compétents. Il a été révisé en juillet 2010 afin de renforcer la protection des stagiaires et stagiaires techniques, notamment en leur conférant un statut de résidant «en stage de formation technique» pour une période maximale de trois ans ainsi que la protection prévue par les lois et règlements sur le travail. En outre, les organismes d’origine ainsi que les organismes et entreprises d’accueil ne peuvent pas percevoir des sommes au titre de dépôt de garantie ou de pénalité. Les sanctions applicables aux organismes qui se rendraient coupables dans ce contexte d’atteintes aux droits de l’homme ont été renforcées.
Dans ses observations, le Syndicat des travailleurs migrants considère que, malgré les modifications apportées en 2010, les organismes d’origine continuent à prélever des sommes d’argent, sous couvert de frais de formation préalable ou de transport, qui sont à l’origine de l’endettement de ces stagiaires et les rendent vulnérables à tout licenciement ou expulsion, ceci d’autant plus qu’ils n’ont pas le droit de changer d’employeur. La JTUC-RENGO signale à cet égard que 15,9 pour cent des stagiaires de retour dans leur pays ont indiqué qu’ils avaient dû déposer une garantie auprès de l’agence de placement, et 78 pour cent d’entre eux ont précisé que la somme déposée ne leur avait pas été rendue. Le Syndicat des travailleurs migrants se réfère à des statistiques du ministère de la Santé, du Travail et du Bien-être faisant état de violations de la législation du travail de la part des employeurs dans les préfectures d’Aichi et Gifu (imposition d’heures supplémentaires au-delà de la limite légale, non-paiement des salaires, non-respect des règles de sécurité et de santé au travail, et rétention de documents d’identité). Le syndicat évoque également le nombre de décès de stagiaires étrangers anormalement élevé pour une population jeune et en bonne santé. En outre, il cite une étude menée par le bureau d’évaluation de l’administration (AEB) du ministère des Affaires intérieures et des Communications qui recommande d’assurer une meilleure inspection des organismes et entreprises d’accueil et émet des réserves sur l’effectivité des contrôles menés par la JITCO à cet égard. L’étude fait état de violations du droit du travail commises par de nombreux organismes d’accueil et constate que les stagiaires sont recrutés dans des entreprises qui ont connu des baisses d’effectifs. Sur 846 entités employant des stagiaires, 157 emploient des stagiaires à hauteur de la moitié de leur personnel et 34 n’emploient que des stagiaires. Enfin, le syndicat indique que, si de nombreuses violations sont constatées par le bureau d’inspection du travail, peu sont transmises au bureau du procureur.
Dans sa réponse, le gouvernement indique que le bureau de l’immigration du ministère de la Justice travaille activement pour contrôler les entreprises recevant les stagiaires. Toute violation constatée est notifiée à l’entreprise et, le cas échéant, le droit de recevoir de nouveaux stagiaires peut être suspendu pour une période de cinq ans. En 2014, des notifications ou suspensions ont été adressées à 241 entités (contre 230 en 2013 et 197 en 2012). A la suite des contrôles, des orientations sont données aux entreprises qui enfreignent la législation du travail, y compris en cas de travail forcé, afin qu’elles corrigent la situation. Lors de suspicion de violations graves, le bureau de l’immigration travaille conjointement avec les bureaux de l’inspection du travail, et les cas les plus graves sont renvoyés au bureau du procureur. En 2013, des contrôles ont été réalisés et des orientations fournies dans 2 318 lieux de travail. Des violations de la législation du travail ont été constatées dans 1 844 cas, et 12 cas de violations graves ont été référés au bureau du procureur. Le gouvernement se réfère également aux instructions que le ministère de la Santé, du Travail et du Bien-être a données à la JITCO pour mener des visites d’orientation et pour référer certains cas aux bureaux régionaux des services de l’inspection du travail. Entre avril 2014 et mars 2015, la JITCO a mené 7 210 visites et a fourni des orientations écrites dans 856 cas en exigeant un rapport sur les améliorations réalisées. En outre, un projet de loi sur la formation professionnelle des stagiaires et la protection des stagiaires techniques étrangers a été soumis au Parlement en mars 2015. Ce projet contient une série de mesures telles que la création d’un organisme de la formation professionnelle des stagiaires qui pourra mener des inspections in situ et gérera un système destiné à renforcer les contrôles à travers un mécanisme de licences, d’enregistrements et d’autorisations des entités d’accueil. Au sein de cet organisme sera nommé un point focal chargé de recevoir les rapports des stagiaires techniques. Se référant au projet de loi, la JTUC-RENGO indique que, si les mesures proposées visent à protéger les stagiaires techniques et à «normaliser» le programme, il convient de s’assurer que ces mesures sont effectivement mises en œuvre et efficaces avant d’étendre le programme à d’autres professions comme l’envisage le gouvernement. A cet égard, le gouvernement indique que le programme ne sera étendu qu’aux entreprises qui satisfont à un certain nombre de conditions constituant ainsi une incitation pour celles qui utilisent le programme de manière appropriée.
La commission note que, dans le cadre de l’examen de l’application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a noté avec inquiétude que, malgré les modifications législatives apportées en vue de l’application du droit du travail aux stagiaires techniques étrangers, «il y aurait encore un grand nombre de cas d’abus sexuels, de décès liés au travail et de conditions constitutives de travail forcé dans le cadre des programmes de stages techniques, et a demandé au gouvernement d’envisager de remplacer le programme en place par un nouveau dispositif privilégiant le renforcement des capacités» (CCPR/C/JPN/CO/6 du 20 août 2014).
Prenant note de l’ensemble de ces informations, la commission prie le gouvernement de continuer de prendre des mesures pour renforcer la protection des stagiaires techniques étrangers. Elle le prie de fournir des informations sur l’adoption du projet de loi sur la formation professionnelle des stagiaires et la protection des stagiaires techniques et sur les mesures prises dans ce contexte pour renforcer les contrôles réalisés au sein des entreprises qui accueillent ces stagiaires et pour s’assurer que ces derniers ont leurs droits protégés et peuvent effectivement dénoncer les situations d’abus qu’ils subissent. La commission prie également le gouvernement de communiquer des statistiques sur le nombre et la nature des violations constatées, le nombre des cas ayant donné lieu à des poursuites judiciaires et les condamnations imposées en précisant les faits à la base de ces condamnations.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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