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Observation (CEACR) - adopted 2015, published 105th ILC session (2016)

Abolition of Forced Labour Convention, 1957 (No. 105) - Uzbekistan (Ratification: 1997)

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La commission prend note du rapport du gouvernement reçu le 26 octobre 2015. Elle prend également note des observations formulées par l’Organisation internationale des employeurs (OIE), reçues le 1er septembre 2015, et par la Confédération syndicale internationale (CSI), reçues le 3 septembre 2015, ainsi que de la réponse du gouvernement à ces deux communications, reçue le 13 novembre 2015.
Article 1 b) de la convention. Mobilisation et utilisation de main-d’œuvre à des fins de développement économique dans l’agriculture (production de coton). La commission a précédemment noté les allégations formulées par l’OIE et la CSI concernant le recours persistant au travail forcé d’adultes impulsé par l’Etat à des fins de développement économique dans la production de coton. Elle a également noté que le gouvernement rejetait ces allégations, en affirmant que les travailleurs appelés à participer à des travaux agricoles sont engagés sur la base de contrats d’emploi individuels et perçoivent, pour le travail qu’ils effectuent, une rémunération qui vient s’ajouter au salaire de leur travail habituel. La commission a noté que, selon le rapport de novembre 2013 de la mission de haut niveau sur le contrôle du travail des enfants pendant la récolte de coton de 2013, bien que l’objet de leur action ne portait pas sur le travail forcé des adultes, les personnes en charge du contrôle ont été en mesure de prendre note d’autres éléments comme ceux concernant le recrutement de main-d’œuvre pour la récolte de coton, les conséquences de la mécanisation sur le marché du travail et la mise en œuvre des droits fondamentaux des travailleurs, y compris le respect de la pleine application de la présente convention. A cet égard, la commission a noté l’élaboration et l’adoption, en avril 2014, d’un programme par pays de promotion du travail décent (PPTD) pour 2014-2016 visant la coopération entre le Bureau, les partenaires sociaux et le gouvernement, qui contient des mesures pour s’assurer que les conditions de travail et d’emploi dans l’agriculture, y compris dans la production de coton, sont conformes aux normes fondamentales. A cette fin, la composante du PPTD relative à l’application de la convention no 105 établit quatre indicateurs de performance (enquête sur les conditions de travail dans l’agriculture, y compris dans la production de coton; la législation et la pratique nationales sont révisées et font l’objet d’un suivi; un certain nombre d’inspecteurs du travail bénéficient de connaissances et de capacités accrues pour identifier les pratiques de travail forcé; et un certain nombre de tables rondes sont organisées sur le travail forcé, à l’intention aussi bien du monde des affaires que des représentants des gouvernements et administrations locaux, des établissements d’enseignement, des syndicats et des médias).
La commission note que, dans ses observations reçues en septembre 2015, l’OIE souligne que, depuis l’adoption du PPTD en 2014, le gouvernement et les partenaires sociaux en Ouzbékistan, avec l’appui actif du BIT, s’emploient à garantir l’élimination des risques possibles de travail forcé dans les champs de coton. Se référant à la table ronde tenue en août 2015 à Tashkent, à laquelle l’OIE a participé, cette dernière indique que des discussions importantes ont eu lieu à propos de l’enquête conduite pour mieux cerner les pratiques de recrutement et de rétention de la main-d’œuvre dans l’agriculture, et que les résultats qualitatifs démontrent qu’il y a un risque de travail forcé dans les champs de coton, découlant généralement du système de recrutement et de l’absence de contrat de travail. L’OIE ajoute que, dans les mois à venir, le BIT conduira la partie quantitative de l’enquête qui permettra de mieux évaluer l’importance des risques de travail forcé. L’OIE indique qu’elle reste attentive aux résultats découlant du processus de surveillance mené en 2015 concernant les risques possibles de travail forcé, notamment aux mesures prises pour contrôler la récolte de coton, renforcer l’enregistrement de données dans les institutions éducatives, appliquer des sanctions et sensibiliser davantage le public à ce sujet.
La commission note également que, dans ses observations reçues en septembre 2015, la CSI indique que les mesures prises dans le pays dans le cadre du PPTD, en coopération avec le BIT, ont été efficaces pour éliminer dans une large mesure le travail des enfants dans le secteur du coton, mais qu’elle reste préoccupée par la persistance du travail forcé et d’autres violations des droits des travailleurs adultes pendant la période des récoltes. La CSI ajoute que les modalités de contrôle de la récolte du coton en 2015 ont été débattues à l’occasion de la table ronde d’août 2015, à laquelle elle a participé, et qu’elle est très intéressée par les résultats de ce contrôle. La CSI a également exprimé sa préoccupation concernant l’application détournée de l’article 95 du Code du travail, dans la mesure où c’est sur la base de cette disposition que les travailleurs pourraient être transférés sans leur volonté depuis leurs postes de travail vers les champs de coton. La CSI prie instamment le gouvernement de s’assurer que le Code du travail ne permet pas aux employeurs d’amener les travailleurs dans d’autres lieux de travail afin d’y effectuer des tâches sans lien avec leurs fonctions habituelles, en particulier dans les champs de coton. La CSI prie également instamment le gouvernement de renforcer la mise en œuvre du PPTD, en collaboration avec les partenaires sociaux et le BIT, et de s’assurer qu’aucun citoyen n’est contraint par le gouvernement de récolter du coton sous la menace, que les agriculteurs ont la possibilité de recruter de la main-d’œuvre et, entre autres, d’augmenter le prix du coton brut, que les cas de travail forcé dénoncés par les militants des droits de l’homme font l’objet d’une enquête et que des sanctions pénales sont prononcées contre ceux qui imposent du travail forcé.
La commission note l’indication du gouvernement dans son rapport selon laquelle les composantes du PPTD ont continué à être mises en œuvre en 2015. A cette fin, plusieurs tables rondes ont été organisées à Tashkent en mai, août et novembre 2015, avec les partenaires sociaux et le BIT. Le gouvernement se réfère au protocole d’accord signé le 14 octobre 2014 entre la Banque mondiale et l’OIT, prévoyant un mécanisme de surveillance par une tierce partie (TPM) du recours au travail des enfants et au travail forcé pendant la récolte de coton de 2015, qui sera mis en œuvre par le BIT pour déterminer s’il y a eu recours au travail des enfants et au travail forcé par les bénéficiaires de projets de la Banque mondiale, dans des domaines en particulier. Le gouvernement indique que, à cette fin, le Cabinet des ministres a adopté, le 17 juillet 2015, un plan de mesures visant à «garantir le caractère volontaire du recrutement des travailleurs employés à la récolte du coton et le caractère inadmissible du travail effectué par des mineurs et du travail forcé pendant la récolte de coton de 2015», mettant l’accent en particulier sur le caractère inadmissible du recrutement de personnes de moins de 18 ans dans les écoles, les lycées académiques et les collèges professionnels, ainsi que de travailleurs dans les secteurs de la santé et de l’éducation. Il ajoute qu’à cette fin le Premier ministre a transmis des instructions aux gouverneurs de toutes les provinces le 3 octobre 2015. La commission note l’indication du gouvernement selon laquelle des activités de sensibilisation au travail des enfants et au travail forcé ont été conduites, dans le cadre desquelles 52 664 affiches et 772 pancartes ont été installées dans des endroits bien en vue à travers tout le pays. Des feuillets mentionnant les numéros d’assistance téléphonique, ouverts le 18 septembre 2015, ont été aussi distribués, avec des instructions indiquant la procédure à suivre pour dénoncer les cas de travail forcé pendant la récolte de coton à l’inspection du travail de l’Etat ou au Conseil de la Fédération des syndicats de l’Ouzbékistan (CFTUU). Un site Internet a aussi été mis en place pour sensibiliser les citoyens au mécanisme de communication d’informations. Le gouvernement indique que, depuis le 15 septembre 2015, une aide juridique a été mise en place au sein du Conseil de coordination pour examiner les plaintes présentées concernant des questions liées au travail forcé. La commission note d’après la déclaration du gouvernement que, dans le cadre du mécanisme de communication des informations, 155 communications ont été reçues et examinées, parmi lesquelles 39 émanaient de sources étrangères, et 15 de défenseurs des droits de l’homme, et la plupart d’entre elles concernaient les droits au travail. Grâce à ce mécanisme, les personnes dont le salaire était retenu ont été payées d’un montant total de 11 608 000 sum ouzbek (UZS), et des amendes ont été imposées à deux personnes en tant que sanctions administratives. Le gouvernement indique qu’aucun cas de coercition n’a été vérifié, en particulier concernant les allégations de travail forcé de fonctionnaires ou l’obligation de payer une tierce personne pour qu’elle récolte du coton. Se référant à l’article 95 du Code du travail, et rappelant les mesures prises pour en préciser le contenu, le gouvernement observe que certains employeurs peuvent mal interpréter cette disposition dans la pratique, et les syndicats ont proposé de conduire des activités d’information et de sensibilisation à cet égard. Le gouvernement ajoute que, dans le contexte du PPTD, une enquête quantitative est actuellement en cours concernant les pratiques de recrutement et les conditions de travail dans l’agriculture, afin d’évaluer les risques de travail forcé dans les champs de coton.
La commission prend note du rapport du 18 novembre 2015 du mécanisme de surveillance par une tierce partie (TPM) du recours au travail des enfants et au travail forcé pendant la récolte de coton de 2015, conduit par le BIT pour la Banque mondiale. Dans ce contexte, entre le 14 septembre et le 31 octobre 2015, des contrôles ont eu lieu dans 1 100 sites de dix provinces dans lesquelles la Banque mondiale appuie des projets et ont consisté en 9 620 entretiens menés dans le but d’évaluer l’incidence du travail des enfants et du travail forcé dans les zones contrôlées. Dix équipes de surveillance, chacune constituée d’un contrôleur du BIT et de cinq contrôleurs nationaux, ont été formées, et les parties prenantes ont reçu des informations, dans le cadre du PPTD, avant et pendant la récolte de coton de 2015. La commission salue l’engagement politique du gouvernement pendant la récolte de coton de 2015, dans le cadre du PPTD, à mener une campagne de sensibilisation sur l’élimination et la prévention du travail forcé pendant la récolte de coton, et à ne pas recruter du personnel médical et des enseignants. La commission note que, comme le souligne le rapport du mécanisme de surveillance, la sensibilisation au travail des enfants est d’ores et déjà généralisée mais la sensibilisation au travail forcé en est encore à ses premières phases. Des efforts à l’échelle nationale sont encore nécessaires de la part du gouvernement et des partenaires sociaux pour sensibiliser l’ensemble de la population et veiller à ce que les informations sur le travail forcé soient effectivement comprises dans la mesure où la récolte du coton est souvent considérée comme un devoir patriotique, une tradition relevant des travaux communautaires, ou un acte justifié par l’article 95 du Code du travail. La commission note également, d’après le rapport, que l’engagement du gouvernement a eu pour effet la mise en place, par le Conseil de coordination, du mécanisme de communication d’informations (FBM), avec l’assistance du BIT et de la Banque mondiale, afin de fournir des informations et d’enquêter sur les plaintes pour recours au travail forcé pendant la récolte de coton de 2015. La commission note que certaines plaintes pour travail forcé ont été présentées via le FBM, mais que le recours à ce mécanisme est très faible. La commission note également que le Conseil de coordination a entrepris une évaluation du FBM et communiquera les résultats et les données recueillies dans ce cadre à la Banque mondiale et au BIT. Elle note, selon le rapport du mécanisme de surveillance, que les contrôleurs ont conduit 254 visites dans les champs de coton et se sont entretenus avec 1 456 employés à la récolte du coton, 263 agriculteurs ou responsables de brigades et 7 enfants dans les champs. La commission note que le recours aux enfants pour la récolte de coton est devenu rare, occasionnel et socialement inacceptable, mais qu’une vigilance permanente est toujours nécessaire. Les contrôleurs ont constaté que des milliers d’étudiants de plus de 18 ans ont participé à la récolte organisée et dirigée par des enseignants, mais que leur participation semble avoir été volontaire. Le rapport indique qu’un recrutement à large échelle a été organisé pour la récolte du coton et que différentes formes de recrutement ont eu lieu en fonction des décisions prises par les autorités sur l’usage des ressources humaines à leur disposition pour remplir leurs quotas. La commission note que, selon le rapport, dans certains cas, des travailleurs des secteurs public et privé ont indiqué avoir été contraints de récolter du coton ou ont dû rémunérer une tierce personne pour le faire. La commission note que, bien que les contrôleurs aient eu des informations selon lesquelles les travailleurs avaient participé volontairement à la récolte du coton sur leur temps libre, moyennant rémunération en espèces et récompenses, ils ont observé que l’organisation du recrutement d’un grand nombre de personnes dans un laps de temps aussi court risquait d’avoir une incidence sur les droits des travailleurs et des indicateurs du travail forcé, comme la rétention des salaires, les conditions de travail et de vie abusives, ou encore le nombre excessif d’heures supplémentaires.
La commission note également, d’après le rapport, que les contrôleurs ont fait face à des difficultés résultant du fait que les personnes interrogées préféraient dire qu’elles connaissaient des travailleurs contraints à la récolte du coton contre leur volonté, plutôt que d’avouer être elles-mêmes dans cette situation. Les contrôleurs ont été en mesure de collecter des documents comme des contrats de travail et des lettres écrites par des étudiants indiquant leur volonté de récolter le coton. Toutefois, il leur a été généralement indiqué que les documents n’étaient pas disponibles ou que les registres du personnel étaient incomplets. La commission prend également note, d’après le rapport, des informations émanant d’autres sources selon lesquelles le travail forcé est beaucoup plus répandu que le processus de contrôle ne le laisse entendre et que les enseignants et le personnel médical, ainsi que le monde des affaires, sont généralement appelés à récolter le coton contre leur volonté ou à donner de l’argent ou des biens, contrairement à ce qu’ont pu constater les contrôleurs. A cet égard, la commission note que, tout en reconnaissant les mesures prises par le gouvernement pour réduire le travail forcé des enfants de moins de 16 ans dans le secteur du coton, le Comité des droits de l’enfant, dans ses observations finales de juillet 2015, s’est déclaré préoccupé par les rapports concordants qui font état du recours accru au travail forcé d’étudiants et d’adultes dans les secteurs du coton et de la soie (CCPR/C/UZB/CO/4).
La commission salue l’engagement du gouvernement et des partenaires sociaux, dans le contexte du PPTD, qui a eu un impact positif sur le recours au travail des enfants et au travail forcé pendant la récolte de coton de 2015. La commission note néanmoins que, selon les conclusions du mécanisme de surveillance, les engagements politiques récents à ne pas recruter le personnel médical et les enseignants, associés aux campagnes de sensibilisation, ont eu des effets positifs, mais que ces mesures sont encore insuffisantes pour garantir le non-recours au travail obligatoire ou au versement d’argent à la place de celui-ci dans ces secteurs, en particulier en dehors des heures de travail. Notant que les conclusions du mécanisme de surveillance indiquent la nécessité de poursuivre les efforts pour réduire les risques du recours au travail forcé et renforcer la protection contre celui-ci, en particulier pour évaluer la réalité de la volonté des travailleurs employés à la récolte du coton, la commission encourage fermement le gouvernement à poursuivre sa coopération avec le BIT et les partenaires sociaux, dans le cadre du PPTD, de manière à garantir que le recrutement et la participation des travailleurs des secteurs public et privé, ainsi que des étudiants en particulier de plus de 18 ans, à la récolte du coton, sont réalisés de manière compatible avec la convention. En ce qui concerne l’indication du gouvernement concernant l’évaluation du mécanisme de communication des informations par le Conseil de coordination, la commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur les résultats de cette évaluation et sur toute mesure prise en découlant. La commission prie une nouvelle fois instamment le gouvernement de poursuivre ses efforts pour garantir l’élimination totale du recours au travail obligatoire de travailleurs des secteurs public et privé, ainsi que d’étudiants, dans la récolte du coton, et elle le prie de fournir des informations sur les mesures prises à cette fin et sur les résultats concrets obtenus, en indiquant les sanctions imposées.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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