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Individual Case (CAS) - Discussion: 2017, Publication: 106th ILC session (2017)

Worst Forms of Child Labour Convention, 1999 (No. 182) - Democratic Republic of the Congo (Ratification: 2001)

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Individual Case
  1. 2017
  2. 2009

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 2017-Republique démocratique du Congo-C182-Fr

Un représentant gouvernemental a déclaré que le gouvernement reconnaît la présence d’enfants dans certains sites miniers artisanaux et, plus précisément, dans les provinces du Katanga, du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Il a toutefois souhaité rappeler que la République démocratique du Congo (RDC) est un pays post-conflit qui a connu des guerres et des conflits armés pendant plus de deux décennies, lesquels ont détruit son tissu économique occasionnant ainsi la suppression de nombreux emplois, l’augmentation du nombre de travailleurs pauvres, le déplacement de populations et nombre d’abandons scolaires. Cependant, depuis 2001, des efforts ont été entrepris par le gouvernement pour éliminer les pires formes de travail des enfants. Ces efforts se sont notamment traduits par l’adoption des mesures législatives et réglementaires suivantes: i) le relèvement de la capacité de contracter à 18 ans au lieu de 16 ans (article 6 du Code du travail, tel que modifié en 2016); ii) la suppression de l’émancipation automatique du mineur par l’effet du mariage (article 352 du Code de la famille, tel que modifié en 2016); iii) une campagne de sensibilisation dans les écoles contre le mariage précoce; iv) l’adoption en 2014 d’une loi-cadre sur l’enseignement national consacrant le caractère obligatoire et gratuit de l’enseignement fondamental; v) l’adoption en 2016 d’une loi fixant les règles relatives au régime général de sécurité sociale; et vi) la nomination d’une Conseillère spéciale du Chef de l’Etat chargée de la lutte contre les violences sexuelles et le recrutement d’enfants dans les forces armées. A l’issue du dialogue engagé avec l’ONU, le gouvernement a signé, le 4 octobre 2012, le Plan d’action pour la lutte contre le recrutement et l’utilisation d’enfants ainsi que les autres violations graves des droits de l’enfant par les forces armées et les services de sécurité. Il a également mis en place une commission interministérielle chargée de la question du travail des enfants dans les mines et sur les sites miniers. Cette commission a pour mission de conseiller les ministères et services compétents, d’assurer la coordination des différentes initiatives prises en la matière et de plaider auprès d’organisations telles que l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) ou encore l’OIT. La commission interministérielle a élaboré un plan d’action triennal pour la période allant de 2017 à 2020 qui a pour objectif général de coordonner les actions sur le terrain en vue de mettre fin à la présence d’enfants dans les activités d’exploitation minière. Le plan d’action a établi également les cinq objectifs spécifiques suivants: i) faire le suivi et évaluer la mise en œuvre des actions de lutte contre le travail des enfants dans les mines et sur les sites miniers; ii) contrôler la présence des enfants dans les mines et sur les sites miniers; iii) renforcer l’application des mesures visant le retrait des enfants des chaînes d’approvisionnement en minerai; iv) mettre en œuvre les mesures correctives proposées sur le terrain par les ministères et services compétents; et v) élaborer une stratégie de communication. L’orateur a sollicité la mobilisation de la communauté internationale autour de la question du recrutement et de l’utilisation des enfants dans les groupes armés ainsi que dans les mines et sur les sites miniers, en vue d’établir les responsabilités et d’envisager l’adoption de sanctions à l’encontre des instigateurs de cette exploitation dont les causes sont essentiellement exogènes.

Les membres employeurs se sont dits horrifiés et attristés par la souffrance qu’endurent les personnes vulnérables, en particulier les enfants, dans le pays. Les enfants travaillent dans des mines dans des conditions assimilées à l’esclavage pour le compte de personnes ou d’entreprises identifiées dans les provinces du Katanga, du Kasaï oriental et du Nord-Kivu. Les membres employeurs ont mis en avant un cas en particulier dans lequel, selon le rapport (janvier 2011) de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), un commandant de bataillon des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) avait employé de force, dans un but lucratif, des enfants dans des mines du Nord-Kivu. Malgré l’adoption de la loi no 09/001 du 10 janvier 2009, dont la section 187 établit une peine de servitude pénale de dix à vingt ans pour le recrutement ou l’utilisation d’enfants de moins de 18 ans dans les forces et les groupes armés et la police, on ne sait toujours pas si ce commandant de l’armée a été condamné ou arrêté ou même si son cas a été traité d’une quelconque manière par les autorités. Cette personne est probablement présente dans l’armée et profite des privilèges y afférents, alors que le gouvernement aurait dû depuis longtemps montrer l’exemple dans ce cas particulier. Les membres employeurs ont souligné que l’adoption de la loi susmentionnée est insuffisante, et qu’il est nécessaire de l’appliquer pour réaliser de réels progrès. Le Comité des droits de l’enfant, dans ses observations finales du 10 février 2009, a relevé avec préoccupation que les lois promulguées ne font pas toujours l’objet d’un décret d’application, que les mécanismes d’application sont insuffisants et qu’aucune activité n’a été entreprise pour faire connaître ces lois qui ne sont, par conséquent, ni appliquées ni mises en œuvre. Les membres employeurs ont prié instamment le gouvernement de donner réellement effet aux lois existantes concernant le travail des enfants. Les membres employeurs reconnaissent la complexité de la situation du conflit armé qui sévit dans le pays depuis plus d’une décennie, mais considèrent que la communauté internationale n’adresse pas des demandes excessives au gouvernement. Selon un rapport sur la traite des personnes établi en 2011 par le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), des filles congolaises sont contraintes de se livrer à la prostitution forcée dans des maisons closes improvisées et des camps, et également dans les environs des mines et des marchés. En outre, 50 000 enfants travaillent dans des mines, et des groupes armés organisent régulièrement des enlèvements ainsi que la traite de personnes vulnérables, en particulier d’enfants. Les membres employeurs ont indiqué que, comme l’indique le rapport de 2010 du Secrétaire général de l’ONU sur les enfants et les conflits armés en République démocratique du Congo, 1 593 cas de recrutement d’enfants ont été recensés d’octobre 2008 à décembre 2009, dont 1 235 en 2009. Ils ont dénoncé le fait que, selon cette même source, 42 pour cent du nombre total de cas de recrutement recensés ont été attribués aux FARDC. Des données attestent que les FARDC et la Police nationale congolaise sont au cœur de ce problème, et le gouvernement devrait prendre des mesures urgentes et résolues à cet égard. Les membres employeurs ont demandé au gouvernement de donner suite aux lois adoptées à l’aide de mesures efficaces de lutte contre le travail des enfants. Le gouvernement devrait réinsérer les enfants dans le pays et les traiter comme s’ils étaient leurs propres enfants.

Les membres travailleurs ont souligné que ce cas a été discuté à plusieurs reprises par la commission et que, d’année en année, la RDC est le théâtre de violations effroyables perpétrées à l’encontre d’enfants innocents. Il faut donc à nouveau interpeler le gouvernement, comme en 2009, afin qu’il prenne, de toute urgence, des mesures immédiates et efficaces pour éliminer le travail forcé ou dangereux des enfants âgés de moins de 18 ans. Les dispositions législatives qu’il a adoptées – notamment la loi no 09/001 de 2009 ou encore le décret législatif no 066 de 2000 sur la démobilisation et la réinsertion des groupes vulnérables présents au sein des forces armées – se sont révélées inadéquates pour assurer qu’aucun enfant ne soit enrôlé en tant qu’enfant soldat. Selon un rapport de l’UNICEF de 2015, environ 80 enfants ont perdu la vie dans des violences liées aux conflits armés, 60 ont été mutilés, 195 enlevés et 487 enrôlés au sein de groupes armés. Entre janvier 2012 et août 2013, la MONUSCO a documenté l’enrôlement de 996 enfants au sein de groupes armés dans le pays. Dans ses observations finales de 2009, le Comité des droits de l’enfant a conclu que l’Etat avait une responsabilité directe dans les violations des droits de l’enfant, par l’intermédiaire de ses forces armées, et qu’il n’a ni protégé les enfants ni empêché les violations. Outre les groupes armés, les FARDC sont, elles aussi, responsables de l’inclusion systématique dans leurs rangs d’enfants (42 pour cent des enrôlements d’enfants, selon un rapport de 2009 du Secrétaire général des Nations Unies). Les actions du gouvernement sont contradictoires car, d’une part, il entreprend des réformes visant à empêcher de nouveaux enrôlements et sanctionner les infractions et, d’autre part, il permet à la police et aux forces armées non seulement d’enrôler des enfants soldats, mais aussi d’user de violence physique et sexuelle à leur encontre, tout en laissant les auteurs de ces crimes impunis. Les FARDC sont responsables de la moitié des meurtres d’enfants survenus en 2010, de nombreuses mutilations d’enfants et de 67 cas de violence sexuelle au cours de la même période. Malgré le cadre législatif existant, aucune poursuite pénale n’a été initiée à cet égard, garantissant ainsi une impunité totale aux auteurs de ces atrocités et donnant le signal qu’ils peuvent continuer à en commettre. Les noms des coupables, comme celui d’un ex-colonel des FARDC, sont de notoriété publique. Les Nations Unies ont recueilli de nombreux témoignages concernant des meurtres d’enfants enrôlés, des actes s’apparentant à de la torture et des traitements inhumains et dégradants. Le gouvernement dispose de suffisamment d’informations pour ouvrir des enquêtes et poursuivre les auteurs présumés de ces atrocités. Les enfants sont également exposés aux pires formes de travail dans les mines du Katanga et du Kasaï-Oriental où ils sont environ 40 000 à travailler sous le joug d’unités militaires pour extraire du minerai. Ils travaillent dans les mines jusqu’à douze heures par jour, pour un ou deux dollars, sous des températures caniculaires, sans la moindre protection et en contact avec de fortes concentrations de cobalt. La législation nationale interdit le travail forcé mais c’est le défaut d’application de ces dispositions qui pose problème, notamment en raison de l’inefficacité et de l’incompétence de l’inspection du travail. Le Plan d’action national de lutte contre les pires formes de travail des enfants d’ici à 2020 (PAN), auquel le gouvernement a souscrit en 2015, n’a pas permis d’accomplir des progrès en termes d’amélioration des activités de l’inspection du travail et du nombre d’enfants soumis à des pratiques de travail forcé. Les peines applicables en cas de recours au travail forcé ou obligatoire restent faibles et n’ont pas d’effet dissuasif. De plus, de nombreux problèmes structurels tels que la décentralisation, le manque de ressources et une mauvaise coordination continuent à se poser. La loi de 2009 portant protection de l’enfant prévoit pourtant le droit à une éducation gratuite et obligatoire pour tous les enfants mais, faute de financement public, la plupart des écoles, qui n’ont pas été fermées ou détruites, continuent de réclamer des frais de scolarité. Certains enfants sont enrôlés de force dans leurs écoles, alors que d’autres sont victimes de violences sexuelles sur le chemin de l’école. Il y a aussi dans le pays près de 30 000 enfants des rues dont une majorité vit à Kinshasa sans abri ni protection. Selon l’UNICEF, de nombreuses jeunes filles, parfois de moins de 10 ans, se prostituent. Des milliers d’adultes en devenir sont ainsi marqués à vie et privés de toute perspective d’épanouissement physique et psychologique car le gouvernement se montre incapable «d’empêcher que des enfants ne soient engagés dans les pires formes de travail des enfants, de soustraire les enfants des pires formes de travail des enfants et d’assurer leur réadaptation et leur intégration sociale» (article 7, paragraphe 2, de la convention). Malgré certaines améliorations, de nombreux enfants continuent à être enrôlés, et les FARDC ont systématiquement interdit l’accès à leurs camps aux enquêteurs des différentes organisations et missions internationales. En raison de ce refus, sur 50 tentatives de criblage menées par la MONUSCO pour démobiliser des enfants de moins de 18 ans, seuls cinq enfants ont pu être démobilisés. En outre, le «réenrôlement» d’enfants qui avaient préalablement été démobilisés est pratique courante. Aucun résultat concret et durable ne pourra être obtenu tant que les membres des FARDC continueront de jouir d’une telle autonomie et d’une telle impunité. Il est par conséquent primordial que le gouvernement déploie tous les efforts possibles non seulement pour mettre en œuvre les programmes visant à éradiquer le travail des enfants et à démobiliser ces derniers, mais aussi pour assurer que sa propre armée ne commet pas les atrocités qu’elle est officiellement censée combattre. Le gouvernement doit prendre de toute urgence des mesures pour démobiliser immédiatement et complètement tous les enfants des rangs des FARDC et mettre un terme au recrutement forcé d’enfants de moins de 18 ans dans les groupes armés. Rappelant la résolution no 1998 du 12 juillet 2011 du Conseil de sécurité, les membres travailleurs ont appelé le gouvernement à prendre des mesures efficaces afin de s’assurer que des enquêtes approfondies seront conduites et que des poursuites judiciaires, assorties de sanctions suffisamment dissuasives, seront menées à leur terme, y compris à l’encontre d’officiers des forces armées régulières.

Le membre employeur de la République démocratique du Congo a rappelé que le patronat congolais a toujours respecté les instruments de l’OIT et veillé à leur mise en œuvre. La présence d’enfants dans les mines est surtout l’œuvre des trafiquants et des exploitants miniers du secteur informel, lesquels sont combattus par les efforts du gouvernement. Le recrutement forcé des enfants dans les forces armées n’est plus un secret pour personne et a été largement documenté par la MONUSCO. Lorsque l’on s’interroge sur les raisons de la présence massive de ces enfants dans les mines, il faut bien comprendre que ce qu’ils produisent, notamment le coltan, est utilisé dans l’industrie des nouvelles technologies de l’information. Ceux qui les exploitent sont des groupes armés qui profitent de la guerre, ce ne sont pas des entreprises du pays. Il n’est pas non plus possible de maîtriser les entreprises multinationales qui viennent de l’extérieur.

Le membre travailleur de la République démocratique du Congo a évoqué la crise politique que traverse le pays, due aux conflits armés opposant les forces loyalistes à celles de la rébellion, ainsi que l’instabilité et les violations des droits de l’homme qui en résultent. L’essor de l’exploitation minière artisanale dans le Katanga a fourni un moyen de subsistance à grand nombre d’individus, notamment suite à l’effondrement de la plus grande société minière publique. Les enfants récupèrent le cobalt rejeté par un grand nombre de mines industrielles implantées dans la province, le plus souvent sans la permission des entreprises, puis le minerai est nettoyé, tamisé et trié dans les cours d’eau et les lacs. L’orateur s’est également référé à l’enquête menée par Amnesty International et l’Observatoire africain des ressources naturelles dans cinq sites miniers du Katanga. Parmi les risques sanitaires mentionnés figure une maladie pulmonaire mortelle, connue sous le nom de «fibrose pulmonaire aux métaux durs», ainsi qu’une sensibilisation des voies respiratoires, des crises d’asthme, un essoufflement et un affaiblissement des fonctions pulmonaires. Or la majorité des mineurs travaillent de longues journées au contact du cobalt et ne disposent pas des équipements de protection les plus élémentaires. Par ailleurs, le cadre juridique existant ne prévoit aucune directive en matière de protection de la santé pour les mineurs artisanaux. En 2014, l’UNICEF a estimé qu’environ 40 000 enfants travaillaient dans l’ensemble des mines au sud du pays. Leur travail est particulièrement éprouvant sur le plan physique. Pour un salaire quotidien oscillant entre un et deux dollars, ils travaillent jusqu’à douze heures par jour, transportent des charges importantes, sous des températures élevées ou sous la pluie. Ils sont parfois battus. Bien que la loi prévoie le droit à un enseignement primaire gratuit et obligatoire pour tous les enfants, la plupart des écoles continuent d’exiger une contribution, en l’absence de financement adéquat de la part de l’Etat. Par ailleurs, l’inspection du travail ne dispose pas des compétences nécessaires. Le gouvernement devrait veiller à la mise en place d’un système adéquat visant à éradiquer les pires formes de travail des enfants et à faire de la scolarisation au niveau primaire une priorité. Le PAN n’a pas été officiellement adopté ni validé par le gouvernement. En ce qui concerne les enfants soldats, malgré l’existence de dispositions juridiques réglementant leur démobilisation, les mécanismes de suivi posent de nombreux problèmes, faute d’un budget adéquat.

Le membre gouvernemental de Malte, s’exprimant au nom de l’Union européenne (UE) et de ses Etats membres, ainsi que de la Bosnie-Herzégovine, du Monténégro et de la Norvège, a réaffirmé l’engagement pour la promotion et la ratification universelles des huit conventions fondamentales dans le contexte du cadre stratégique de l’UE en matière de droits de l’homme et pour l’éradication du travail des enfants, en particulier de ses pires formes. Rappelant l’engagement pris par la RDC conformément à l’accord de Cotonou, qui est le cadre de coopération avec l’UE, de respecter la démocratie, la primauté du droit et les droits de l’homme, ce qui implique l’abolition du travail des enfants et le respect de la convention, l’orateur estime qu’il est regrettable que le gouvernement n’ait pas soumis le rapport à temps pour que la commission d’experts l’examine, ce qui a obligé cette dernière à répéter ses commentaires depuis 2011. Il a salué les efforts accomplis par le gouvernement, notamment l’adoption du plan d’action 2012, qui montrent son engagement à en finir avec le recrutement et l’utilisation d’enfants dans des conflits armés. Il convient de noter qu’en 2015 le mécanisme de surveillance et de communication de l’information des Nations Unies n’a rapporté aucun cas de recrutement d’enfants dans les FARDC et que, en vue de prévenir de futurs cas de recrutement, le gouvernement a adopté une nouvelle procédure en 2016, exigeant la vérification de l’âge des membres des FARDC. Il est essentiel que les forces nationales soient exemplaires à cet égard. Toutefois, le recrutement d’enfants par des groupes armés se poursuit et met en péril l’avenir des enfants, surtout des jeunes filles. Il est également particulièrement préoccupant de noter la présence persistante d’enfants dans les mines et leur utilisation par des groupes armés, parfois sous la supervision supposée des FARDC, pour l’extraction de minéraux. Compte tenu de ce qui précède, le gouvernement est invité à adopter les mesures suivantes: i) prévenir l’enrôlement d’enfants dans les forces régulières ou des groupes armés, ainsi que le travail forcé ou dangereux d’enfants dans les mines, y compris par des mesures telles que celles de sensibilisation et d’éducation élémentaire pour tous; ii) assurer la démobilisation des enfants enrôlés dans des groupes armés; iii) s’assurer que des enquêtes sont menées et que les personnes qui recrutent des enfants dans des groupes armés ou pour que ces enfants travaillent dans des mines sont poursuivies; et iv) garantir la réinsertion et la réintégration sociales de ces enfants, et surtout des enfants soldats, en apportant une attention particulière aux filles. Enfin, l’orateur a rappelé l’engagement indéfectible de coopérer et d’établir des partenariats avec la RDC.

La membre travailleuse du Canada a qualifié de terrible réalité le travail des enfants dans les mines de la RDC. Selon une estimation de 2014 de L’UNICEF, 40 000 jeunes garçons et filles ont été utilisés pour des activités minières dangereuses et des unités militaires ont recruté des enfants pour du travail forcé, en particulier l’extraction de ressources naturelles, principalement le cobalt. Le pays produit au moins 50 pour cent du cobalt à l’échelle mondiale, qui est utilisé dans les batteries lithium-ion. En outre, les conditions de travail dans les sites miniers sont atroces. Les enfants travaillent dans des conditions dangereuses et insalubres qui les exposent à des lésions et maladies mortelles, sans aucun répit, et pour une rémunération de 1 ou 2 dollars des Etats-Unis par jour. Dans un tel contexte, l’oratrice a estimé scandaleux que la commission d’experts se voie dans l’obligation de réitérer ses demandes d’informations chaque année, de même en ce qui concerne les statistiques d’inspection. Une mesure clé pour la mise en application de la législation est l’existence d’un service d’inspection du travail fort et indépendant pour garantir la conformité des lieux de travail avec les lois et la réglementation, notamment celles définissant l’âge minimum et le travail dangereux. Il est nécessaire que les inspecteurs du travail soient formés et bien payés afin d’éviter une corruption qui perpétue les pratiques illégales. Ce sont là des efforts indispensables que les gouvernements peuvent faire dans le cadre de leur engagement à combattre les pires formes de travail des enfants. Même si la législation nationale peut être conforme à la convention, l’oratrice a souligné la nécessité d’une volonté politique, d’une bonne gouvernance et de l’engagement à faire appliquer la loi. Il n’y a aucune preuve de volonté politique s’il n’y a pas de données, de statistiques, de rapports d’inspection du travail et de transparence, et s’il n’y a pas de réponses aux commentaires de la commission d’experts. L’oratrice a instamment prié le gouvernement de trouver la volonté politique nécessaire à la mise en application de sa législation de manière à en finir avec les pires formes de travail des enfants.

La membre gouvernementale de la Suisse a apporté son soutien à la déclaration de l’Union européenne. Le travail des enfants et, plus particulièrement, l’utilisation dans les conflits armés sont des phénomènes préoccupants. L’oratrice a exprimé l’espoir que le gouvernement fera rapport, dans les meilleurs délais, sur les activités engagées en vue d’assurer la protection des enfants et le respect de la convention. Elle a encouragé le gouvernement à continuer les efforts entrepris afin de poursuivre pénalement les personnes ayant pris part à de graves violations des droits des enfants et à redoubler d’efforts pour soustraire les enfants du travail dans les mines. Le gouvernement devrait également prendre les mesures nécessaires afin de garantir la démobilisation des enfants enrôlés au sein des FARDC, la cessation de tout recrutement et de faciliter leur réadaptation et leur réintégration sociale.

Le membre travailleur du Nigéria, s’exprimant également au nom du Conseil de coordination syndicale d’Afrique australe (SATUCC), a déclaré que l’observation de la commission d’experts suivant laquelle le conflit armé entrave l’accès à l’éducation dans l’est de la RDC est confirmée par des informations faisant état d’enlèvements d’enfants, d’enrôlements de force, de brutalités et de viols dans les écoles. Le gouvernement s’est montré incapable de protéger ces enfants et n’est toujours pas en mesure de le faire. Il faut aussi savoir que seuls 29 pour cent des enfants des zones rurales et 24 pour cent de ceux des zones urbaines sont déclarés à la naissance. Mis dans l’impossibilité de prouver leur citoyenneté, les enfants qui ne sont pas enregistrés ont difficilement accès à des services tels que l’enseignement, ce qui les rend plus vulnérables à un recrutement dans un conflit armé. Par ailleurs, le gouvernement doit prendre d’urgence des mesures vigoureuses pour régler le sort des personnes déplacées à l’intérieur des frontières, principalement dans l’est du pays où la moyenne d’âge de près de la moitié de la population est inférieure à 18 ans. Les enfants déplacés ont du mal à accéder à l’enseignement, ce qui en fait des cibles faciles pour le travail des enfants. Rappelant que l’accès à l’enseignement n’est pas seulement un droit mais aussi un outil efficace pour combattre le travail des enfants et ses pires formes, l’orateur a exhorté le gouvernement à améliorer l’accès à l’enseignement en enregistrant tous les enfants à la naissance, en élaborant des programmes d’aide aux enfants déplacés, et en veillant à ce que les écoles soient sûres et accueillantes.

La membre gouvernementale du Canada s’est déclarée profondément préoccupée par la situation en RDC et a demandé au gouvernement de prendre les mesures appropriées pour démobiliser tous les enfants des rangs des FARDC et mettre fin de manière effective au recrutement d’enfants dans les groupes armés. Le gouvernement doit également prendre les mesures nécessaires afin d’éliminer le travail forcé ou le travail dangereux des enfants dans les mines et d’assurer leur réadaptation et leur intégration sociale, en accordant une attention particulière aux filles. En application de la législation nationale, les auteurs des violations doivent être traduits en justice et purger leur peine, et ce même s’ils sont issus des forces de l’ordre. Il est par ailleurs nécessaire que le gouvernement fournisse les informations demandées par la commission d’experts sur les points suivants: les enquêtes menées, les poursuites engagées et les condamnations prononcées; les statistiques en matière d’application de la législation; le nombre d’enfants soldats soustraits et réintégrés et les actions de renforcement des capacités de l’inspection du travail qui sont prévues par le PAN. Le gouvernement devrait également améliorer la coopération avec la MONUSCO afin de mettre fin au recrutement d’enfants dans l’armée et de permettre leur démobilisation et leur intégration sociale.

La membre travailleuse de la République de Corée a souscrit aux déclarations des membres travailleurs du Canada et du Nigéria. Se référant aux commentaires de la commission d’experts sur la question de la persistance du travail des enfants, en particulier dans les mines, elle a souligné que le nombre d’enfants des rues s’élève à environ 250 000 dans le pays, parmi lesquels 70 000 vivent à Kinshasa. La situation des jeunes filles est encore plus alarmante. Bon nombre d’entre elles commencent à se prostituer dès l’âge de 12 ans. Bien que signé en 2015, le PAN n’a pas apporté d’améliorations quantifiables en termes de renforcement de l’Inspection du travail de l’Etat et de réduction du nombre d’enfants soumis au travail forcé. Elle prie instamment le gouvernement de procéder au plus vite à l’exécution du PAN et de garantir en particulier le libre accès à l’éducation de base pour tous les enfants, tout en prenant des mesures ciblées pour la protection des jeunes filles. Enfin, elle soutient pleinement les recommandations qui prient instamment le gouvernement de prendre des mesures visant à éliminer le travail forcé ainsi que toutes formes dangereuses de travail des enfants.

Le membre gouvernemental du Tchad a noté avec satisfaction l’adoption de la loi no 09/001 du 10 janvier 2009, qui sanctionne l’enrôlement ou l’utilisation d’enfants de moins de 18 ans dans les forces et groupes armés et la police. L’adoption de cette loi et d’autres mesures législatives et réglementaires confirme la volonté du gouvernement de lutter de manière effective contre le recrutement d’enfants soldats sur son territoire et de leur assurer la protection nécessaire. De plus, le gouvernement s’est engagé à renforcer les capacités de l’inspection du travail, dans le cadre de la mise en œuvre du PAN. Cet engagement et ces efforts doivent être encouragés et soutenus.

Le membre gouvernemental de l’Algérie a relevé l’existence d’une volonté politique forte de la part du gouvernement de lutter contre le fléau des pires formes de travail des enfants et a souligné la mise en place par le gouvernement d’une démarche intersectorielle permettant de conjuguer les efforts et les ressources ainsi que l’adoption de mesures législatives et réglementaires, notamment depuis 2001. La commission devrait encourager le pays, en poursuivant l’accompagnement et le soutien donné, afin de permettre l’éradication des pires formes de travail des enfants à très court terme.

Une autre représentante gouvernementale a déclaré que le gouvernement avait entendu les fortes interpellations des membres de la commission mais également les encouragements à redoubler d’efforts pour lutter contre les pires formes de travail des enfants. Le gouvernement, conscient de ses responsabilités, a répondu à tous les commentaires de la commission d’experts dans un rapport qui sera déposé auprès du Directeur général du BIT le lundi 12 juin. Certaines informations qui ont été reprises au cours de la discussion proviennent du rapport antérieur. Le nouveau rapport contient de nouvelles informations. En ce qui concerne les mines, c’est depuis que la RDC est confrontée à la guerre et à la prolifération de groupes armés et qu’elle subit des influences de l’extérieur que les enfants sont devenus des victimes de travail forcé. Les guerres récurrentes dans le Nord-Kivu et le Sud-Kivu ont freiné le développement économique et engendré du chômage, de la pauvreté, la déscolarisation massive des enfants et des recrutements forcés. Ces problèmes existent dans les structures alimentant la contrebande, et non dans les entreprises qui exploitent légalement les mines, comme le ministre du Travail de l’époque avait pu le constater en se rendant sur place en 2013, suite à la publication d’un rapport de l’UNICEF. Le gouvernement ne ménage aucun effort mais, après deux décennies de guerre, il est difficile de protéger convenablement les enfants dans une situation aussi complexe. La représentante gouvernementale a appelé la communauté internationale à entamer une large réflexion sur la question de la traçabilité du minerai. En outre, consciente des faiblesses du système d’inspection du travail et de l’insuffisance de ses effectifs, la représentante gouvernementale a demandé l’assistance technique du BIT pour renforcer l’inspection du travail et ainsi mieux assurer le contrôle de l’application des lois. Un projet de recrutement de 1 000 inspecteurs du travail, comprenant un volet de formation en coopération avec le BIT et le Centre régional africain d’administration du travail, est actuellement en cours et devrait recevoir un financement cette année.

Les membres travailleurs se sont à nouveau déclarés profondément préoccupés par les pires formes de travail des enfants auxquelles les enfants de la RDC sont soumis depuis des générations. Les mesures législatives n’ont pas été suffisantes pour éradiquer ce fléau et le gouvernement doit apporter une réponse claire et cohérente en pratique. Des mesures urgentes doivent être prises pour poursuivre les recruteurs d’enfants soldats et autres auteurs d’abus et de violence et démobiliser, réadapter et réinsérer au sein de la société les enfants enrôlés. Il est aussi nécessaire de veiller à prévenir les abus dans tous les domaines où sévissent les pires formes de travail des enfants, y compris dans le secteur minier dans lequel plus de 50 000 enfants sont soumis à des travaux forcés ou en ce qui concerne les enfants des rues. Un pays qui néglige de protéger ses enfants est un pays qui n’a pas d’avenir. Les membres travailleurs ont regretté que le gouvernement n’ait pas envoyé de rapport sur ces questions et l’ont exhorté à fournir des informations sur les mesures concrètes prises pour éradiquer de manière effective les pires formes de travail des enfants dans les plus brefs délais. Il est important de rappeler que les abus effroyables commis à l’encontre d’enfants en RDC concernent tout le monde car le minerai provenant de ces mines est utilisé dans toutes sortes d’appareils électroniques d’utilisation très courante. Les membres travailleurs ont demandé au gouvernement de: i) soustraire les enfants des pires formes de travail et assurer leur réadaptation et leur intégration sociale; ii) mettre fin au «réenrôlement» des enfants précédemment démobilisés; iii) mettre en œuvre le programme pour le désarmement, la démobilisation et la réinsertion des enfants; iv) mettre fin à l’impunité des FARDC et prononcer des sanctions dissuasives à leur encontre; v) mener des enquêtes approfondies et poursuivre les personnes qui enrôlent des enfants dans un conflit armé, y compris les officiers des forces armées régulières; et vi) répondre sans délai aux commentaires de la commission d’experts.

Les membres employeurs ont souligné que la soumission par le gouvernement du rapport au titre de l’article 22 de la Constitution de l’OIT, durant la Conférence en juin 2017, alors qu’il aurait dû être remis en septembre 2016, a été jugée insuffisante par la commission. Les gouvernements devraient soumettre des rapports en temps voulu de façon à permettre à la commission d’experts d’examiner le respect de la convention concernée. Ils espèrent que dorénavant le gouvernement se conformera à ses obligations en matière de présentation de rapports. Les membres employeurs ont de nouveau demandé au gouvernement de veiller à l’application des lois adoptées. S’agissant de la déclaration du gouvernement, selon laquelle des provinces aussi vastes qu’un pays de taille moyenne ne comptent que deux inspecteurs, ils estiment que, si les ressources humaines affectées au contrôle de l’application de la loi sont maigres, les recettes venant de ces provinces et du secteur minier doivent être réinvesties dans le recrutement des effectifs nécessaires, dans l’intérêt du pays et des enfants. Conscients des conséquences de tout conflit armé prolongé, ils estiment que des mesures doivent être prises pour mettre en place un processus semblable au Processus Kimberley, pour assurer que les minéraux sont enregistrés et, ultérieurement, certifiés s’ils sont commercialisés, de façon à détecter toute provenance d’un pays recourant au travail des enfants. Enfin, les membres employeurs ont appelé le gouvernement à prendre conscience des souffrances des enfants et à les aider à surmonter leur traumatisme pour arriver à briser le cercle vicieux et assurer l’avenir de la RDC grâce à ses enfants.

Conclusions

La commission a pris note des déclarations orales du représentant gouvernemental et de la discussion qui a suivi.

La commission a noté les graves problèmes concernant cette convention fondamentale liés notamment au recrutement forcé d’enfants de moins de 18 ans dans les forces armées et au manque d’accès à l’éducation. La commission s’est en outre dite déçue que le gouvernement ne respecte pas, depuis plusieurs années, son obligation de faire rapport.

Prenant en compte la discussion qui a eu lieu, la commission a prié instamment le gouvernement de la République démocratique du Congo de:

- assurer la démobilisation immédiate et complète de tous les enfants des rangs des FARDC et mettre un terme au recrutement forcé d’enfants dans des groupes armés, en accordant une attention particulière à la démobilisation des filles;

- redoubler d’efforts pour empêcher que les enfants ne travaillent dans les mines et autres secteurs dangereux et fournir l’aide directe nécessaire et appropriée pour les soustraire de ces pires formes de travail des enfants;

- faire en sorte que des enquêtes approfondies et des poursuites soient engagées contre les auteurs de ces faits et que des sanctions suffisamment efficaces et dissuasives leur soient infligées;

- redoubler d’efforts pour prendre des mesures efficaces dans un délai déterminé pour soustraire les enfants des groupes armés et des pires formes de travail des enfants et assurer leur réadaptation et leur intégration sociale;

- fournir des informations sur le nombre d’enfants soldats soustraits des groupes armés et réintégrés dans la société.

La commission a recommandé au gouvernement de la République démocratique du Congo de solliciter une assistance technique afin d’éradiquer les pires formes de travail des enfants et de rendre compte à la commission d’experts, avant sa session de novembre 2017, des progrès réalisés par rapport aux recommandations ci-dessus.

La commission a demandé au BIT, à la communauté internationale et aux organisations d’employeurs et de travailleurs de collaborer en vue d’atteindre l’objectif d’éliminer, sans délai, toutes les formes de travail des enfants, notamment les pires formes de travail des enfants dans le pays.

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