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Observation (CEACR) - adopted 2018, published 108th ILC session (2019)

Abolition of Forced Labour Convention, 1957 (No. 105) - Cambodia (Ratification: 1999)

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Suivi des conclusions de la Commission de l’application des normes (Conférence internationale du Travail, 107e session, mai-juin 2018)

La commission prend note des observations de la Confédération syndicale internationale (CSI), reçues le 1er septembre 2018, et des discussions détaillées ayant eu lieu au sein de la Commission de l’application des normes de la Conférence en mai-juin 2018 concernant l’application par le Cambodge de la convention.
Article 1 a) de la convention. Peines comportant une obligation de travail sanctionnant l’expression de certaines opinions politiques ou la manifestation d’une opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi. Dans ses précédents commentaires, la commission a noté qu’en vertu de l’article 68 de la loi sur les prisons de 2011 les peines d’emprisonnement comportent une obligation de travail. Elle a également noté qu’en vertu de l’article 42 de la loi sur les partis politiques de 2017 diverses infractions en lien avec l’administration ou la gestion d’un parti politique qui a été dissous, dont l’activité a été suspendue par un tribunal ou encore dont l’enregistrement a été refusé, sont passibles de peines d’emprisonnement d’une durée maximale d’un an, peines qui comportent une obligation de travail. Le gouvernement a déclaré qu’aucune décision d’une juridiction compétente n’a ordonné la dissolution d’un parti politique.
La commission a noté en outre que, bien que les délits de diffamation publique et d’insultes (art. 305-309) ne soient passibles que d’amendes conformément au Code pénal de 2009, dans la pratique, ces dispositions ont donné lieu à l’application de peines d’emprisonnement. De plus, plusieurs articles du Code pénal de 2009 prévoyant une peine d’emprisonnement continuent d’être utilisés dans des circonstances couvertes par l’article 1 a) de la convention, à savoir: i) les articles 494 et 495, relatifs à l’incitation à la perturbation de la sécurité publique par des paroles, des écrits, des représentations graphiques ou des communications audiovisuelles diffusées en public ou à l’adresse du public; ii) l’article 522 relatif à la publication de commentaires visant à exercer une contrainte illégale sur les autorités judiciaires; et iii) l’article 523 relatif au discrédit de décisions judiciaires. Elle a noté en outre qu’une législation sur la cybercriminalité était en préparation.
En outre, depuis 2014, la commission exprime sa préoccupation face à plusieurs cas dans lesquels des membres de partis d’opposition, des représentants d’organisations non gouvernementales, des syndicalistes et des défenseurs des droits de l’homme ont été arrêtés et ont fait l’objet de poursuites, notamment par l’arrestation et les poursuites exercées contre plusieurs hauts responsables du Parti du salut national du Cambodge (CNRP) en 2016 et 2017.
La commission note que, d’après les observations de la CSI, avec le gouvernement actuel, la poursuite au pénal de l’expression d’un discours politique divergent ou d’opinions différentes est une pratique courante qui s’appuie sur une législation permettant de le faire. L’application pratique de certaines dispositions du Code pénal pourrait relever du champ d’application de la convention. Par exemple, l’article 311 incrimine la dénonciation publique de faits connus pour être faux imputés à des représentants de l’autorité tels qu’un magistrat, un officier de police judiciaire ou un employeur, ou encore une personne ayant autorité pour déférer ladite dénonciation à l’autorité compétente. Cette infraction est passible d’une peine d’emprisonnement d’un mois à un an et d’une amende de 100 000 riels à 2 millions de riels (soit de 24 à 487 dollars des Etats-Unis) aux termes de l’article 312. De plus, l’article 502 incrimine les paroles, les gestes, les écrits, les représentations graphiques ou les objets qui portent atteinte à la dignité de personnes. En outre, l’insulte à un fonctionnaire public ou à un détenteur d’une charge publique élective est passible d’une peine d’emprisonnement de un à six jours et d’une amende de 1 000 à 100 000 riels (0,24 à 24 dollars E. U.). L’amendement à la Constitution qui a été adopté le 15 février 2018 restreint davantage les libertés fondamentales dans le pays, comme cela a été le cas suite à d’autres changements apportés à la législation, notamment au Code pénal. Le crime d’insulte au Roi, prévu par l’article 445 du Code pénal dans sa teneur modifiée, est passible de peines d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à six mois et d’une amende pouvant atteindre 10 millions de riels (2 495 dollars E.-U.) dans le cas de paroles, de gestes, d’écrits, de représentations graphiques ou de manifestations au cours de réunions publiques qui portent atteinte à la dignité du monarque. La CSI indique également que deux personnes ont été arrêtées sur la base de l’article 445: le 14 mai 2018, Khean Navy, le principal d’une école primaire de Kampong Thom, a été arrêté pour insulte au Roi parce qu’il avait blâmé le monarque pour la dissolution du CNRP en 2017 et pour la perte d’une partie du territoire khmer; le 21 mai 2018, une autre personne, vivant à Siem Reap, a fait l’objet de poursuites pour avoir partagé sur Facebook un message présumé insultant à l’égard du Roi.
La commission note que, dans ses conclusions, adoptées en juin 2018, la Commission de la Conférence a instamment prié le gouvernement de prendre des mesures immédiates pour s’assurer que, tant en droit qu’en pratique, aucune sanction comportant du travail obligatoire ne peut être imposée dans les circonstances relevant de la convention, y compris à travers la modification de la législation actuellement en vigueur qui autorise le travail obligatoire. Elle a également instamment prié le gouvernement de recourir à l’assistance technique du Bureau pour définir les mesures propres à concrétiser cette recommandation.
La commission note que le gouvernement indique dans son rapport que la loi sur les prisons de 2011 a été adoptée en respectant un large éventail de normes internationales et que les personnes emprisonnées sont tenues d’accomplir un travail à des fins d’éducation, de réformation, de réadaptation et de réinsertion dans la société. Le gouvernement déclare que la présente convention ne saurait être interprétée sans se référer à la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, et que son application ne saurait donner lieu à des aménagements particuliers, quels qu’ils soient, en faveur d’un groupe donné. Le gouvernement déclare également que, selon les lois du Cambodge, il n’est pas imposé de sanction pour l’expression pacifique d’opinions politiques et qu’il n’y a pas, dans ce pays, de personnes qui ont été condamnées pour avoir exprimé pacifiquement des opinions politiques. En conséquence, il n’est pas imposé de sanction comportant une obligation de travail dans les situations visées à l’article 1 de la convention. Le gouvernement déclare en outre que, s’agissant des actes d’incitation, les articles 494 et 495 du Code pénal ne prévoient des peines d’emprisonnement (lesquelles comportent une obligation de travailler) que pour sanctionner les actes d’incitation directe à la commission d’un crime ou tout autre acte ayant porté gravement atteinte à la sécurité publique. L’article 522 prévoit des peines d’emprisonnement en cas de publication, avant le prononcé de la décision définitive du tribunal, de tout commentaire tendant à exercer une pression sur le tribunal pendant qu’une procédure est en cours, en vue d’influer sur la décision dudit tribunal. La finalité de cet article est de garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire. De même, l’article 523 vise à protéger le pays et ses institutions contre un danger causé par des actes critiques tels que décrits dans cet article. Enfin, le gouvernement déclare qu’il sera communiqué à la commission copie de la loi sur la cybercriminalité lorsque ce texte aura été adopté.
La commission note que, d’après le bulletin d’information émanant du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) du 30 avril 2018, le principal parti d’opposition, le CNRP, a été dissous en novembre 2017 et son dirigeant, Kem Sokha, a été placé en détention depuis septembre 2017 pour des faits de trahison en rapport avec les commentaires qu’il a formulés en 2013 à propos de sa stratégie politique de terrain pour critiquer le gouvernement en place. De nombreux autres membres et soutiens de ce parti ont été emprisonnés, ainsi que d’anciens leaders d’autres partis politiques, parmi lesquels Nhek Bun Chhay, du Front uni national khmer, et Soun Sereyrotha du Parti du pouvoir khmer.
La commission note également que, le 11 mai 2018, la porte-parole du HCDH a exprimé sa déception face à la décision de la Cour d’appel du Cambodge du 10 mai 2018 confirmant la condamnation pour «insurrection» de 11 membres et soutiens du CNRP qui avaient été condamnés en première instance le 21 juillet 2015 à des peines allant de sept à vingt ans de prison en lien avec des violences qui se seraient produites à l’occasion d’une manifestation dans le Parc de la liberté, à Phnom Penh, le 15 juillet 2014. La porte-parole a indiqué qu’aucune preuve n’a été rapportée ni lors du procès en première instance ni lors du procès en appel, permettant de faire le lien entre les 11 personnes accusées et des actes de violence ou d’«insurrection» définie dans la loi comme une «violence collective de nature à mettre en danger les institutions du royaume ou violer l’intégrité du territoire national». Aucun des témoignages des victimes blessées ni aucun des enregistrements vidéo qui ont été produits à charge dans le cadre du procès ne permettaient d’établir que l’un quelconque des accusés ait pu entreprendre, commettre ou diriger des actes de violence ou inciter à de tels actes. De plus, la commission note que, le 20 février 2018, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Cambodge et le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression se sont déclarés gravement préoccupés par les changements apportés à la Constitution du Cambodge, ainsi que par d’autres changements introduits dans la législation insérant dans le Code pénal une infraction de lèse-majesté rendant illégale toute insulte à la monarchie.
La commission considère à cet égard que, si la présente convention a été conçue pour compléter la convention no 29, l’exception concernant le travail en prison prévue à l’article 2, paragraphe 2, de la convention no 29 «aux fins de la présente convention» ne s’applique pas automatiquement à la convention no 105. Par conséquent, s’agissant de l’exception concernant le travail en prison, si une personne est tenue d’accomplir un travail obligatoire en prison après avoir été condamnée pour avoir exprimé certaines opinions politiques, cette situation relève du champ d’application de l’article 1 a) de la convention no 105. La commission observe à cet égard que, si le travail imposé à un délinquant de droit commun condamné, par exemple, pour vol, enlèvement, attentat ou autre comportement violent a pour objectif de réadapter ou réinsérer l’individu, il n’en va pas de même dans le cas de personnes condamnées en raison de leurs opinions (voir étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, paragr. 300).
La commission déplore que des dirigeants, des membres et des soutiens du CNRP, parti qui a été dissous en novembre 2017, aient été condamnés à des peines d’emprisonnement (peines qui impliquent une obligation de travail) en raison de leurs opinions politiques. La commission se doit également d’exprimer sa profonde préoccupation face à l’adoption d’amendements au Code pénal qui incriminent la critique du Roi. Elle rappelle une fois de plus que toute restriction des libertés et droits fondamentaux, dont la liberté d’expression, a une incidence sur l’application de la convention dès lors que le non-respect de cette restriction est sanctionné par une peine comportant une obligation de travail en prison. La commission attire l’attention du gouvernement sur le fait que les garanties juridiques qui protègent la liberté de pensée et la liberté d’expression, le droit de réunion pacifique, la liberté d’association et le droit de ne pas être arrêté pour un motif arbitraire constituent une protection importante contre l’imposition de travail obligatoire en tant que sanction de l’expression de certaines opinions politiques, ou la manifestation d’une opposition idéologique, ou en tant que mesure de coercition ou d’éducation politique (voir étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, paragr. 302). Par conséquent, la commission prie à nouveau instamment le gouvernement de prendre des mesures immédiates afin que, tant en droit qu’en pratique, aucune peine comportant une obligation de travail, notamment une obligation de travail en prison, ne puisse être imposée pour punir l’expression d’opinions politiques ou la manifestation d’une opposition à l’ordre établi. A cet égard, la commission prie le gouvernement de s’assurer que l’article 42 de la loi sur les partis politiques dans sa teneur modifiée de 2017 et les articles 494, 495, 522 et 523 du Code pénal de 2009 sont modifiés soit en restreignant clairement le champ d’application de ces dispositions aux situations dans lesquelles il est avéré qu’il a été fait recours à la violence ou incité à la violence, soit en supprimant les sanctions comportant du travail obligatoire. Elle prie également le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin que l’application des dispositions pertinentes du Code pénal ne donne pas lieu, dans la pratique, à l’imposition de sanctions comportant du travail obligatoire dans les situations visées à l’article 1 a) de la convention. La commission prie le gouvernement de communiquer le texte des amendements de 2018 au Code pénal qui incriminent la critique à l’égard du Roi, et de fournir des informations sur l’application de ces amendements dans la pratique, notamment sur toute poursuite exercée, condamnation prononcée et peine imposée dans ce contexte. Enfin, elle prie le gouvernement de fournir des informations sur tout progrès concernant l’adoption de la loi sur la cybercriminalité et d’en communiquer le texte lorsque cette loi aura été adoptée. La commission encourage le gouvernement à recourir à l’assistance technique du BIT en vue de rendre sa législation et sa pratique pleinement conformes à la convention.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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