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Observation (CEACR) - adopted 2018, published 108th ILC session (2019)

Worst Forms of Child Labour Convention, 1999 (No. 182) - Yemen (Ratification: 2000)

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Article 3 a) de la convention. Toutes formes d’esclavage ou pratiques analogues. Recrutement obligatoire d’enfants en vue de leur utilisation dans des conflits armés. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté qu’en juin 2014, lors des discussions devant la Commission de l’application des normes de la Conférence, le représentant gouvernemental du Yémen avait reconnu la gravité de la situation des enfants qui se trouvent impliqués dans le conflit armé affectant ce pays. Le gouvernement avait également déclaré avoir conclu en 2014 avec la Représentante spéciale du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies sur les enfants et les conflits armés un plan d’action visant à mettre un terme à la pratique d’enrôlement d’enfants dans les forces armées, plan d’action qui énonce des mesures concrètes, notamment celles de rendre leur liberté à tous les enfants liés aux forces armées gouvernementales, de les réintégrer à leur milieu et d’empêcher tout nouvel enrôlement. La commission avait noté que les mesures à prendre dans le cadre de ce plan d’action incluaient aussi les suivantes: 1) aligner la législation nationale sur les normes et règles internationales qui interdisent le recrutement et l’utilisation d’enfants dans un conflit armé; 2) promulguer et diffuser des ordres de l’autorité militaire interdisant tout enrôlement et toute utilisation d’enfants de moins de 18 ans; 3) diligenter des enquêtes sur tout fait allégué de recrutement et d’utilisation d’enfants par les forces armées yéménites et faire en sorte que les responsables aient à rendre des comptes; 4) prévoir pour les représentants des Nations Unies toutes les facilités d’accès nécessaires pour pouvoir constater la réalité de l’adhésion à ce plan d’action et les progrès réalisés. La commission avait noté que la Commission de la Conférence, tout en prenant acte de l’adoption de ce plan d’action, se déclarait particulièrement préoccupée par la situation des enfants de moins de 18 ans qui sont enrôlés sous la contrainte dans les forces armées gouvernementales ou dans des groupes armés.
La commission avait en outre noté que, selon le rapport du gouvernement, le chef d’état-major des armées et le Premier ministre avaient réitéré leur engagement à mettre en œuvre les mesures convenues avec le plan d’action et mettre un terme à l’enrôlement illégal d’enfants par les forces armées. Elle avait cependant noté que, d’après le Secrétaire général de l’ONU au Conseil de sécurité de mai 2014, les Nations Unies avaient recensé 106 cas d’enrôlement d’enfants – tous des garçons – âgés de 6 à 17 ans, et ce même rapport indiquait que 36 enfants avaient été tués et 154 avaient été blessés.
La commission note que le gouvernement indique dans son rapport qu’un décret présidentiel interdisant l’enrôlement d’enfants dans les forces armées a été adopté en 2012. Elle note également que le gouvernement déclare que le déploiement du plan d’action visant à mettre un terme à l’enrôlement et à l’utilisation d’enfants par les forces armées conclu en 2014 a été retardé par l’intensification du conflit armé à partir de 2015. Dans son rapport de mars 2017 intitulé «Falling through the cracks: The children of Yemen», l’UNICEF indiquait qu’au moins 1 572 garçons se trouvaient enrôlés dans le cadre du conflit, que 1 546 avaient été tués et que 2 458 avaient été blessés. La commission note également que, selon le rapport du ministère des Droits de l’homme de 2018, le nombre des enfants enrôlés par les milices houthistes s’est accru, et la tendance de ces milices à utiliser ces enfants en première ligne s’accentue. Selon ce rapport, la proportion d’enfants enrôlés par les milices houthistes a été multipliée par dix depuis 2016. Le nombre des enfants enrôlés comme soldats sous leur coupe s’élève à plus de 15 000. Les enfants que ces milices enrôlent sont contraints de prendre des stupéfiants et d’autres drogues et sont utilisés pour les faire traverser les frontières saoudiennes. Ils sont également formés à l’utilisation d’armes lourdes, à la pose de mines terrestres et d’explosifs et sont aussi utilisés comme boucliers humains. Dans ses observations finales de février 2014 sur le rapport soumis par le Yémen en application du Protocole facultatif à la Convention sur les droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, le Comité des droits de l’enfant se déclare particulièrement préoccupé par la présence d’enfants dans les forces armées, par l’enrôlement d’enfants, y compris de filles, par les milices tribales progouvernementales et par la persistance de l’enrôlement et de l’utilisation d’enfants dans les opérations de combat par les groupes armés non étatiques (CRC/C/OPRC/YEM/CO/1, paragr. 22, 24 et 27).
La commission déplore profondément la persistance de l’utilisation d’enfants dans le conflit armé au Yémen, notamment en raison des autres violations des droits de l’enfant – enlèvements, meurtres ou violences sexuelles – que cela entraîne. Elle rappelle que, en vertu de l’article 3 a) de la convention, l’enrôlement forcé d’enfants de moins de 18 ans aux fins de leur utilisation dans un conflit armé constitue l’une des pires formes de travail des enfants et que, en vertu de l’article 1 de la convention, les Etats Membres doivent prendre des mesures immédiates et efficaces pour assurer l’interdiction et l’élimination des pires formes de travail des enfants, et ce, de toute urgence. Sans méconnaître la complexité de la situation sur le terrain, avec la présence de groupes armés et un conflit armé dans le pays, la commission prie à nouveau instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, par tous les moyens disponibles, pour assurer la démobilisation complète et immédiate de tous les enfants actuellement enrôlés et mettre un terme dans la pratique à l’enrôlement forcé d’enfants de moins de 18 ans dans les forces armées comme dans les groupes armés non gouvernementaux, notamment par une application effective du Plan d’action national de 2014 visant à mettre un terme à l’enrôlement d’enfants dans le conflit armé. Elle prie à nouveau instamment le gouvernement de prendre des mesures immédiates et efficaces tendant à ce que des enquêtes approfondies soient ouvertes et des poursuites engagées à l’égard de tous ceux qui auront enrôlé des enfants de moins de 18 ans aux fins de leur utilisation dans le conflit armé, et que des sanctions suffisamment efficaces et dissuasives soient imposées dans la pratique. Elle prie le gouvernement de donner des informations sur le nombre des enquêtes ainsi menées, des poursuites exercées et des condamnations prononcées à l’égard des auteurs.
Article 7, paragraphe 2. Mesures efficaces prises dans un délai déterminé. Alinéa a). Empêcher que des enfants ne soient engagés dans les pires formes de travail des enfants. Accès à une éducation de base gratuite. Dans ses précédents commentaires, la commission avait pris note des informations communiquées par le gouvernement dans son quatrième rapport périodique au Comité des droits de l’enfant en 2012 en ce qui concerne les décisions et mesures d’exécution prises pour réduire l’écart des taux de scolarisation entre garçons et filles et sur les résultats positifs obtenus. La commission avait cependant noté que, d’après l’Institut de statistique de l’UNESCO, le taux net de scolarisation dans l’éducation primaire était en 2011 de 76 pour cent (82 pour cent pour les garçons et 69 pour cent pour les filles) et, dans l’éducation secondaire, de 40 pour cent (48 pour cent pour les garçons et 31 pour cent pour les filles). Elle avait noté en outre que, d’après le rapport de l’UNICEF d’août 2013 sur la situation au Yémen, l’enquête sur la déscolarisation menée par l’UNICEF dans le gouvernorat d’Al Dhale révélait que 78 pour cent des 4 553 enfants ayant abandonné leur scolarité étaient des filles.
La commission note que le rapport du gouvernement ne contient aucune information à ce sujet. Elle note que, dans ses observations finales de février 2014, le Comité des droits de l’enfant s’est déclaré préoccupé par les disparités considérables, d’un gouvernorat à l’autre, dans les taux de scolarisation des filles dans l’éducation primaire et par l’écart considérable des taux de scolarisation entre garçons et filles, de même que par la persistance des attitudes et des idées reçues, particulièrement diffuses en milieu rural, selon lesquelles les filles ne doivent pas être instruites, par les nombreux mariages d’enfants et par le nombre particulièrement faible d’enseignantes, tous ces facteurs contribuant à ce que les filles restent nombreuses à abandonner leur scolarité (CRC/C/YEM/CO/4, paragr. 69). Considérant que l’éducation est essentielle pour empêcher que les enfants ne soient engagés dans les pires formes de travail des enfants, la commission prie instamment le gouvernement d’intensifier ses efforts d’amélioration du fonctionnement du système éducatif dans le pays et de faciliter l’accès à l’éducation de base gratuite pour tous les enfants, notamment pour les filles, en s’efforçant de parvenir à ce que le taux de scolarisation dans le primaire et le secondaire progresse et à ce que, concomitamment, le taux d’abandon de la scolarité recule. Elle le prie de donner des informations sur les mesures prises à cet égard et les résultats obtenus.
Alinéas a) et b). Empêcher que des enfants ne soient engagés dans les pires formes de travail des enfants, les soustraire à de telles situations et assurer leur réadaptation et leur intégration sociale. Enfants entraînés dans le conflit armé et enfants occupés à un travail dangereux. La commission avait précédemment noté que, dans ses conclusions, la Commission de la Conférence avait vivement incité le gouvernement à assurer à tous les enfants l’accès à une éducation de base gratuite, en particulier aux enfants ayant été soustraits au conflit armé ou à un travail dangereux, avec une attention particulière pour la situation des filles. A cet égard, la Commission de la Conférence avait appelé les Etats Membres de l’OIT à fournir une assistance au gouvernement du Yémen et elle avait encouragé le gouvernement à faire appel à l’assistance technique du BIT pour parvenir à des progrès tangibles quant à l’application de la convention.
La commission note que, d’après le rapport du ministère des Droits de l’homme de 2018, des ateliers et des campagnes sur la réadaptation des enfants soldats sont menés auprès de la société civile, et des centres de réadaptation ont été ouverts pour les enfants soustraits au conflit armé. Des centaines d’enfants soldats naguère enrôlés par les milices ont été libérés et ont bénéficié d’une assistance médicale. Selon ce même rapport, le gouvernement du Yémen a assuré la prise en charge, en coopération avec la Coalition arabe, le Comité international de la Croix-Rouge et l’UNICEF, de 89 enfants qui avaient été enrôlés par les milices houthistes et déployés aux frontières, et 39 de ceux-ci avaient bénéficié d’une réadaptation et avaient pu retourner dans leur famille. La commission prie instamment le gouvernement de continuer de déployer des mesures efficaces dans un délai déterminé afin de s’assurer que les enfants enrôlés dans les forces armées et les forces non gouvernementales sont démobilisés, que les enfants occupés à des travaux dangereux sont soustraits à de telles situations et que les uns comme les autres bénéficient d’une assistance adéquate pour leur réadaptation et leur intégration sociale, notamment leur réintégration dans le système scolaire ou une formation professionnelle chaque fois que cela est possible et approprié. Elle le prie de donner des informations sur les mesures prises à cet égard et les résultats obtenus.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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