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Observation (CEACR) - adopted 2018, published 108th ILC session (2019)

Forced Labour Convention, 1930 (No. 29) - Colombia (Ratification: 1969)

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La commission prend note des observations conjointes de l’Organisation internationale des employeurs (OIE) et de l’Association nationale des employeurs de Colombie (ANDI), reçues le 30 août 2017, des observations de la Confédération générale du travail (CGT) reçues le 31 aout 2017, ainsi que des observations conjointes de la Confédération des travailleurs de Colombie (CTC) et de la Centrale unitaire des travailleurs de Colombie (CUT), reçues le 1er septembre 2017. La commission prend note de la signature, en octobre 2018, du Pacte pour le travail décent à travers lequel le gouvernement, les employeurs et les travailleurs s’engagent, entre autres choses, à contribuer à l’élimination du travail des enfants et du travail forcé.
Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. Traite des personnes. Dans ses précédents commentaires, la commission a noté l’engagement de la Colombie à lutter contre la traite des personnes à travers notamment la loi no 985 de 2005 relatives aux mesures de lutte contre la traite des personnes et de protection des victimes; la stratégie nationale intégrale contre la traite des personnes couvrant les volets de la prévention, la protection des victimes, la coopération internationale et l’investigation policière et judiciaire; l’action du Comité interinstitutionnel pour la lutte contre la traite des personnes; et la mise en place d’unités spécialisées dans la lutte contre la traite au sein de la police nationale et du ministère de l’Intérieur. La commission a encouragé le gouvernement à continuer de prendre des mesures pour lutter contre le phénomène complexe de la traite des personnes, complexité accentuée par le fait que la Colombie est à la fois un pays de départ, de transit et de destination de la traite des personnes et qu’un grand nombre de personnes ont été déplacées suite au conflit armé interne.
La commission prend note des informations détaillées communiquées par le gouvernement sur les mesures prises pour mettre en œuvre les quatre volets de la stratégie nationale. Elle note à cet égard qu’une nouvelle stratégie, élaborée par le Comité interinstitutionnel, a été adoptée pour la période 2016-2018 (décret no 1036 de 2016). Cette stratégie est le résultat d’un processus participatif dans le cadre duquel les différents acteurs impliqués dans la lutte contre la traite ont pu apporter leur contribution. La stratégie s’organise autour de six piliers transversaux et de sept axes d’action. Le décret no 1036 prévoit également la création de l’Observatoire du délit de traite des personnes, chargé de produire et collecter des données fiables et actualisées sur la traite qui contribueront à une meilleure connaissance du phénomène de la traite des personnes et au développement de politiques publiques efficaces dans ce domaine.
S’agissant plus particulièrement de la protection des victimes, la commission prend note de l’adoption du décret no 1066 de 2015 dont un chapitre décrit de manière détaillée la nature de la protection et de l’assistance devant être apportées aux victimes et établit les procédures et les formalités devant être mises en œuvre par les autorités à cet égard. Les programmes d’assistance comprennent deux phases: l’assistance médicale et psychologique immédiate et l’assistance à moyen et long terme qui vise à donner aux victimes des outils pour leur réinsertion sociale. L’assistance est octroyée que les victimes aient ou non porté plainte. En ce qui concerne l’investigation, le gouvernement décrit la manière dont les différentes unités de police coopèrent entre elles et avec le ministère public de la nation (Fiscalía General de la Nación) qui compte 26 procureurs et équipes spécialisées pour mener les enquêtes en matière de traite des personnes. Par ailleurs, le gouvernement fournit des informations sur les différentes actions menées par le ministère du Travail pour prévenir et lutter contre les offres de travail frauduleuses qui constituent souvent le moyen utilisé pour piéger les victimes dans la traite des personnes à des fins d’exploitation au travail (fonctionnement d’une ligne téléphonique permettant de dénoncer les violations, analyse du modus operandi des employeurs frauduleux, réalisation de campagnes de sensibilisation et d’activités de formation des inspecteurs du travail). En outre, la commission note que, dans le cadre des huit protocoles d’entente signés entre la Colombie et l’Argentine, le Chili, le Costa Rica, El Salvador, l’Equateur, le Honduras, le Paraguay et le Pérou, respectivement, de nombreuses rencontres binationales ont été organisées pour rendre opérationnels les protocoles d’entente, élaborer des plans d’action binationaux de lutte contre la traite, et échanger des bonnes pratiques. La commission observe également que la Colombie figure parmi les 13 pays sélectionnés pour bénéficier du programme mis en place par l’Action mondiale pour prévenir et combattre la traite des personnes et le trafic illicite de migrants (GLO.ACT) – programme qui assiste les pays afin de développer et mettre en œuvre une réponse intégrale nationale de lutte contre ces deux crimes.
La commission note que, dans ses observations, la CGT indique que le réseau d’inspecteurs du travail spécialisé en matière de traite des personnes, qui devait être mis en place en juillet 2017, n’a pas encore été établi. La CGT considère qu’il est nécessaire de disposer de données plus complètes sur le phénomène de la traite des personnes, notamment en ce qui concerne les femmes. Dans leur communication conjointe, la CUT et la CTC observent que seul un nombre limité de victimes ont été officiellement identifiées et que leur accès à la justice demeure difficile. Les deux syndicats demandent une action plus énergique de la part du gouvernement à travers notamment la création de systèmes permettant une meilleure identification des victimes et des auteurs des délits; la mise en place d’un programme spécial pour la protection des victimes et leur suivi; la création de mécanismes permettant d’identifier d’éventuelles complicités parmi les fonctionnaires publics; et la collecte de données plus précises sur les affaires en instance et les affaires jugées.
La commission constate d’après les données disponibles sur le site Internet du ministère de l’Intérieur que, entre 2013 et mai 2018, 422 cas de traite ont été enregistrés: 84 pour cent concernent des femmes; 60 pour cent la modalité de traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle; et 25 pour cent la traite à des fins de travail forcé. En 2017, le Centre opérationnel antitraite a prodigué une assistance à 98 victimes.
La commission prend note de l’ensemble de ces informations et salue les efforts déployés par le gouvernement pour adopter et mettre en œuvre une politique globale et coordonnée de lutte contre la traite des personnes. La commission prie le gouvernement de continuer à prendre les mesures nécessaires pour mettre en œuvre les sept axes d’action de la stratégie nationale pour la lutte contre la traite des personnes et de fournir des informations détaillées à ce sujet. La commission prie également le gouvernement d’indiquer les mesures prises pour veiller à ce que l’ensemble des mesures de protection et d’assistance prévues dans le décret no 1066 de 2015 précité soient effectivement octroyées aux victimes et pour assurer une meilleure identification des situations relevant de la traite des personnes tant à des fins d’exploitation sexuelle que d’exploitation au travail. Enfin, notant que le gouvernement ne fournit pas d’informations sur les enquêtes en cours ni sur les décisions de justice prononcées, alors que depuis 2013, 422 cas de traite ont été enregistrés, la commission le prie de fournir des informations sur les enquêtes menées, les procédures judiciaires engagées et les décisions prononcées dans les affaires de traite en précisant les difficultés auxquelles font face les autorités compétentes dans ce domaine. Prière également de communiquer copie des rapports ou données publiées par l’Observatoire du délit de traite des personnes et le Comité interinstitutionnel pour la lutte contre la traite des personnes.
Article 2, paragraphe 2 a). Caractère purement militaire des travaux exécutés dans le cadre du service national obligatoire. Depuis de nombreuses années, la commission demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour revoir l’ensemble de la législation réglementant le service militaire obligatoire et la mettre en conformité avec l’article 2, paragraphe 2 a), de la convention, aux termes duquel, pour ne pas être considéré comme du travail forcé, le travail exigé en vertu des lois sur le service militaire obligatoire doit revêtir un caractère purement militaire. La commission a souligné que la conception du service militaire obligatoire en Colombie, qui peut se réaliser selon différentes modalités, est plus large que l’exception autorisée par la convention. Ainsi, dans le cas des soldats bacheliers, par exemple, ces derniers peuvent être affectés à des travaux qui ne revêtent pas un caractère purement militaire. La commission s’est référée à cet égard:
  • -aux articles 11 et 13 de la loi no 48 de 1993 réglementant le service de recrutement et de mobilisation selon lesquels les soldats, en particulier les soldats bacheliers, devront «réaliser des activités dans le domaine de la promotion du bien-être de la population et de la préservation de l’environnement»;
  • -à l’article 50 de la loi no 65 de 1993 et au décret no 537 de 1994 qui réglemente le service militaire des bacheliers au sein de l’Institut pénitentiaire et carcéral national aux termes desquels les soldats bacheliers peuvent réaliser leur service militaire en tant qu’auxiliaires du corps de garde et de surveillance pénitentiaire nationale et ont pour fonction d’assister le personnel des établissements pénitentiaires en vue d’assurer la surveillance, le contrôle et la réinsertion des détenus.
Dans son rapport, le gouvernement se réfère à l’adoption de la loi no 1861 de 2017 qui réglemente le service de recrutement, le contrôle de la réserve et la mobilisation. La commission note que cette loi abroge la loi no 65 de 1993. Selon les articles 4 et 11, le service militaire est obligatoire et constitue un devoir pour tout colombien qui, à partir de ses 18 ans, doit attester de sa situation militaire en tant que réserviste de première ou deuxième classe. La loi prévoit une série de causes d’exemption de l’obligation de service militaire, parmi lesquelles l’objection de conscience. Le service militaire a une durée de dix-huit mois et comprend quatre étapes: formation militaire, formation au travail productif, application pratique de la formation militaire, et repos. Toutefois, s’agissant des bacheliers, la durée du service militaire est de douze mois et ces derniers ne peuvent pas accéder à la formation professionnelle productive. La commission note également que selon l’article 16 de la loi, au moins 10 pour cent du personnel incorporé dans chaque contingent réalisera un service «environnemental» c’est à dire des activités d’appui destinées à la protection de l’environnement et des ressources naturelles. Enfin, la commission note que, si dans leurs observations la CUT et la CTC saluent les changements introduits pas la loi de 2017 en ce qui concerne la suppression de l’obligation d’attester de sa situation militaire pour occuper un emploi dans les secteurs public ou privé, la CGT quant à elle indique qu’elle reçoit des informations confirmant que les activités menées dans le cadre du service militaire ne sont pas exclusivement militaires.
La commission prend note de ces informations et constate avec regret que la nouvelle législation adoptée ne répond pas aux préoccupations exprimées précédemment par la commission concernant l’éventail des activités pouvant être menées par les conscrits dans le cadre du service militaire obligatoire. Elle exprime une nouvelle fois le ferme espoir que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour revoir les différentes modalités du service militaire de manière à ce que seuls des travaux revêtant un caractère purement militaire puissent être imposés aux conscrits, en tenant particulièrement compte de la situation des bacheliers exerçant leur service militaire au sein de l’Institut pénitentiaire et carcéral national et des conscrits réalisant des activités d’appui destinées à la protection de l’environnement et des ressources naturelles dans le cadre du service «environnemental». Enfin, la commission prie le gouvernement de fournir des informations sur la composante «formation au travail productif» du service militaire obligatoire.
Article 1, paragraphe 1 et article 2, paragraphe 1. Travailleurs en situation de vulnérabilité dans les mines d’or illégales et risque de travail forcé. La commission note que, dans ses observations, la CGT se réfère aux mines illégales d’or et considère que l’Etat n’inspecte pas suffisamment les conditions de travail dans ce secteur et ne mène pas suffisamment d’activités de prévention. Se basant sur un rapport de la Contraloría General de la República, la CGT évoque des déplacements forcés, des violations des droits de l’homme et souligne que l’illégalité de l’activité économique favorise l’exploitation des travailleurs et la traite des personnes, notamment des femmes à des fins d’exploitation sexuelle. La CGT souligne que cette exploitation minière illégale a lieu dans des zones isolées et difficiles d’accès. La commission prie le gouvernement de fournir des informations concernant les allégations de la CGT et d’indiquer les mesures prises pour protéger les travailleurs de ce secteur afin d’éviter qu’ils ne se retrouvent piégés dans des situations relevant du travail forcé.
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