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Observation (CEACR) - adopted 2018, published 108th ILC session (2019)

Forced Labour Convention, 1930 (No. 29) - Argentina (Ratification: 1950)
Protocol of 2014 to the Forced Labour Convention, 1930 - Argentina (Ratification: 2016)

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La commission prend note des observations de la Confédération des travailleurs de l’Argentine (CTA des travailleurs) et de la Confédération générale du travail de la République argentine (CGT RA), du 1er septembre 2017, et des observations de la Centrale des travailleurs de l’Argentine (CTA Autonome) des 1er et 6 septembre 2017, ainsi que des réponses du gouvernement.
Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. Traite des personnes. La commission a précédemment pris note des nombreuses mesures prises par le gouvernement pour renforcer le cadre juridique et institutionnel de lutte contre la traite des personnes, tant à des fins d’exploitation au travail que d’exploitation sexuelle, et a invité le gouvernement à poursuivre sur cette voie et à renforcer la coordination des acteurs qui participent à cette lutte pour assurer une meilleure réponse judiciaire et mieux protéger les victimes.
La commission prend note de l’indication de la CTA Autonome selon laquelle, malgré le renforcement du cadre juridique et institutionnel pour combattre la traite des personnes, des difficultés subsistent dans la pratique. Elle note également que, selon le rapport de 2018 publié par le Procureur chargé de la lutte contre la traite et l’exploitation des personnes (PROTEX), la plupart des 563 plaintes pour traite à des fins d’exploitation au travail reçues en 2016 et 2017 par le biais d’une ligne téléphonique d’assistance gratuite portaient sur les secteurs de l’habillement et de l’agriculture (30 pour cent et 28 pour cent des plaintes reçues, respectivement).
a) Exploitation au travail dans le secteur de l’habillement. La commission prend note de l’indication de la CTA Autonome concernant la traite et l’exploitation de personnes au travail dans des ateliers clandestins, et plus particulièrement d’un incendie en 2015 dans un atelier clandestin qui a entraîné la mort de huit travailleurs. La commission note que, selon le gouvernement, le 30 mars 2016, la cour pénale a condamné à treize ans d’emprisonnement pour travail en esclavage les personnes qui géraient cet atelier. La commission note également que, selon la CTA Autonome, la police fédérale a été informée de l’existence de plus de 200 ateliers clandestins et, en 2015, 1 153 inspections du travail ont été effectuées dans la ville de Buenos Aires dans des immeubles où on supposait que des ateliers clandestins fonctionnaient. Des infractions ont été constatées dans 436 sites et 286 ont été fermés. La commission prend note également d’une étude sur la situation des ateliers textiles dans la ville de Buenos Aires, publiée en décembre 2016 par le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale. Selon ce rapport, transmis par le gouvernement, plus de 70 pour cent des travailleurs de la confection sont occupés dans des ateliers clandestins, et 70 pour cent des travailleurs migrants sont dans l’informalité, ou sont victimes de la traite et de l’exploitation au travail dans les ateliers textiles. La commission prend note de l’indication du gouvernement, dans sa réponse aux observations formulées par la CTA Autonome, que des formations sont dispensées aux inspecteurs du travail pour les aider à mieux identifier les victimes potentielles de traite dans des situations de travail forcé, et qu’un formulaire spécifique qui sera joint aux rapports d’inspection a été élaboré sur la base des indicateurs du BIT concernant le travail forcé. Le gouvernement ajoute que plusieurs activités de sensibilisation sur les ateliers clandestins ont été réalisées entre 2014 et 2017, en collaboration avec le BIT, à l’intention des inspecteurs du travail, et que l’accent a été mis en 2017 sur les ateliers textiles, ce qui a abouti à l’inspection de 70 ateliers, dont sept ont été fermés.
b) Exploitation au travail dans le secteur agricole. La commission prend note de l’indication de la CTA Autonome selon laquelle les travailleurs agricoles sont particulièrement exposés à la traite des personnes en raison du taux élevé d’informalité, et de nombreux cas de travail forcé ont été identifiés dans ce secteur. La CTA Autonome ajoute que, à la suite de l’établissement du Registre national des travailleurs agricoles (RENATEA) et d’unités d’enregistrement mobiles qui ont facilité l’enregistrement des travailleurs agricoles dans des zones reculées, plus de 15 000 victimes présumées de traite ont été identifiées. Néanmoins, la commission note les préoccupations exprimées par la CTA Autonome en raison de la dissolution en 2016 du RENATEA qui a été remplacé à partir du 1er janvier 2017 par le Registre national des travailleurs et des employeurs dans l’agriculture (RENATRE), lequel existait auparavant. Selon la CTA Autonome, des progrès ont été accomplis avec le RENATEA mais il n’y a pas eu de résultats positifs en ce qui concerne les inspections du travail dans le secteur agricole en 2017.
La commission prend note de certaines mesures prises par le gouvernement et le prie de redoubler d’efforts pour identifier et combattre effectivement la traite des personnes, en particulier dans le secteur de l’habillement et dans l’agriculture, et de continuer à fournir des informations sur les mesures concrètes prises à cet égard. Elle le prie aussi de communiquer des informations sur le nombre des victimes de traite des personnes qui ont été identifiées dans ces secteurs, ventilées par genre et nationalité.
Cadre législatif et institutionnel. La commission a pris note précédemment de l’adoption de la loi no 26.842 de 2012 sur la prévention et la répression de la traite des personnes et l’assistance aux victimes, qui a simplifié la définition de la traite des personnes contenue dans l’article 145 bis et ter du Code pénal. La loi prévoit également la création du Conseil fédéral pour la lutte contre la traite et l’exploitation des personnes et pour la protection et l’assistance des victimes, lequel constitue le cadre permanent d’action et de coordination institutionnelles, ainsi que de la mise en place de son comité exécutif. La commission prend note de l’indication du gouvernement dans son rapport selon laquelle le Conseil fédéral, qui est composé de représentants des autorités nationales et provinciales, du ministère public, de la société civile, ainsi que du comité exécutif établi en 2013, s’est réuni pour la première fois le 23 juin 2016 et se rencontre régulièrement depuis. La commission note que cinq commissions permanentes ont été instituées au sein du Conseil fédéral pour traiter spécifiquement des questions suivantes: prévention; enquête et sanctions; protection et assistance des victimes; soumission annuelle de rapports; et supervision de l’organe chargé de saisir et de confisquer des biens. La commission note avec intérêt l’adoption du premier Plan national biennal de lutte contre la traite et l’exploitation des personnes pour 2018 2020, élaboré par le comité exécutif du Conseil fédéral, en collaboration avec le BIT, et d’autres acteurs concernés, y compris les autorités judiciaires et le PROTEX. La commission note que le plan national biennal est principalement axé sur la prévention, l’assistance aux victimes, les poursuites et la coordination et le renforcement du cadre institutionnel. La commission note en particulier que plusieurs mesures visent à promouvoir les campagnes de sensibilisation et de renforcement des capacités des fonctionnaires, y compris des agents de la police fédérale, pour identifier et prévenir la traite, et améliorer l’accès des victimes aux réparations prévues par la loi, ainsi que la collecte et la diffusion d’informations statistiques sur la traite des personnes, en élaborant un registre national de données. La commission note que, en avril 2018, des campagnes de sensibilisation publique sur la traite des personnes ont été élaborées par le gouvernement, en collaboration avec le BIT. La commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur les mesures prises dans le cadre du Plan national biennal de lutte contre la traite et l’exploitation des personnes pour 2018-2020, et sur toute évaluation de leur impact sur l’élimination de la traite des personnes. La commission prie aussi le gouvernement de communiquer des informations sur les activités menées dans le cadre du Conseil fédéral pour la lutte contre la traite et l’exploitation des personnes et pour la protection et l’assistance des victimes, y compris ses cinq commissions permanentes et son comité exécutif.
a) Action du ministère public. La commission a précédemment noté le rôle fondamental joué par le ministère public dans la répression de la traite des personnes, ainsi que la création de son unité spéciale, le PROTEX, en 2013. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle plusieurs actions ont été mises en œuvre par le PROTEX pour combattre la traite des personnes. La commission salue l’établissement du système de synchronisation des plaintes pour des délits de traite et d’exploitation des personnes au sein du ministère public prévue dans la loi no 26.842 de 2012. La commission prend note également de l’adoption de la résolution no 1280/2015 qui porte approbation d’un protocole unique pour mieux coordonner l’action et le traitement concernant les plaintes relatives à la traite des personnes. La commission note que, selon le rapport de 2018 du PROTEX, la ligne téléphonique d’assistance gratuite a reçu 4 296 plaintes en 2016 et 2017, et 86,3 pour cent d’entre elles ont été soumises aux autorités judiciaires. La commission prend note de la déclaration du gouvernement selon laquelle 75 pour cent des plaintes reçues ont été traitées en 48 heures. La commission note néanmoins que, alors que près de 40 pour cent des plaintes, reçues par la ligne téléphonique susmentionnée, portaient sur la traite à des fins d’exploitation sexuelle, 13 pour cent seulement avaient trait à l’exploitation au travail, ce qui peut être dû, selon le PROTEX, au fait que les travailleurs affectés par ces situations ne connaissent pas les indicateurs de situation de travail forcé et la ligne d’assistance téléphonique gratuite. La commission note que la CTA Autonome souligne également que la faible proportion de cas de traite à des fins d’exploitation au travail indique clairement que, dans la pratique, ces victimes sont isolées et dans une situation difficile pour porter plainte. La commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur le nombre d’enquêtes et de poursuites engagées dans des cas de traite et d’exploitation au travail, y compris par le PROTEX, et sur les mesures prises dans le cadre du protocole unique pour mieux coordonner l’action en vue du traitement des plaintes liées à la traite des personnes. La commission prie aussi le gouvernement de communiquer des informations sur les mesures prises pour identifier et combattre les causes sous-jacentes du faible nombre des plaintes déposées dans le cas de traite à des fins d’exploitation au travail.
b) Action des forces de police et allégations de corruption. La commission a précédemment prié instamment le gouvernement de diligenter des enquêtes et de s’assurer que des sanctions appropriées et dissuasives sont infligées dans les cas de corruption et de complicité d’agents de la force publique, en ce qui concerne la traite des personnes. La commission prend note de la déclaration du gouvernement selon laquelle, grâce au fait que la ligne téléphonique d’assistance gratuite établie en 2012 garantit l’anonymat, on a constaté une forte proportion de cas de corruption et de complicité d’agents de la force publique dans des cas de traite. Le gouvernement ajoute que 10 pour cent des plaintes reçues par le PROTEX portaient sur ces cas et que parfois des peines d’emprisonnement ont été infligées. La commission note que, selon son rapport de 2018, le PROTEX a reçu 339 plaintes portant sur des cas de complicité d’agents de la force publique, dans des cas de traite, entre 2016 et 2017. La commission encourage le gouvernement à continuer de s’assurer que des enquêtes sont dûment diligentées dans les cas de corruption et de complicité d’agents de la force publique, et à ce que des sanctions appropriées et dissuasives sont infligées. Elle prie le gouvernement de communiquer des informations actualisées sur le nombre de cas enregistrés et qui ont fait l’objet de poursuites, ainsi que sur les sanctions imposées.
c) Action de l’inspection du travail. La commission a précédemment prié le gouvernement de continuer à prendre des mesures pour s’assurer que l’inspection du travail dispose des capacités humaines et matérielles adéquates pour agir efficacement sur l’ensemble du territoire. La commission prend dûment note de l’adoption de la loi no 26.940 du 26 mai 2014 sur la promotion du travail déclaré et sur la prévention de la fraude du travail, qui établit un Registre public des employeurs (REPSAL), lequel a été informé d’infractions dans ce domaine, y compris de cas de traite des personnes, et qui compte une unité spéciale chargée de l’inspection du travail en situation irrégulière (UEFTI) pour analyser, enquêter et évaluer les situations de travail non déclarées dans les secteurs difficiles à contrôler, et toute forme de sous-traitance et de travail illégal, ainsi que la fraude à la sécurité sociale. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle l’UEFTI, qui a été instituée en vertu de la résolution no 470/2016 du 21 juillet 2016, repose sur la vidéosurveillance des inspections du travail, en particulier dans des régions reculées. La commission note également que, selon le gouvernement, deux véhicules utilitaires ont été acquis pour l’inspection du travail, laquelle compte désormais quatre unités mobiles. La commission note que, selon les informations statistiques fournies par le gouvernement, de 2014 à 2017 des formations ont été dispensées à 1 558 inspecteurs du travail et à d’autres acteurs publics sur la détection de cas de traite des personnes et de situation de travail forcé. La commission prend note de l’indication de la CTA Autonome selon laquelle les services de l’inspection du travail n’ont pas assez de ressources pour lutter effectivement contre la traite des personnes. Rappelant que l’inspection du travail est un élément essentiel de la lutte contre la traite des personnes à des fins d’exploitation au travail, la commission encourage le gouvernement à continuer de prendre des mesures pour renforcer la capacité d’action des services de l’inspection du travail, en particulier dans les secteurs où l’incidence du travail forcé est notoire, par exemple l’habillement et l’agriculture, et dans les zones géographiques correspondantes. La commission prie également le gouvernement de communiquer des informations sur le fonctionnement du REPSAL et sur les activités menées par l’UEFTI.
Application de sanctions pénales efficaces. La commission a noté précédemment que le nombre total de condamnations était assez limité par rapport au nombre de victimes secourues et de personnes arrêtées, et a exprimé l’espoir que la nouvelle définition de la traite des personnes contenue dans la loi no 26.842 contribuerait à améliorer la réponse judiciaire à ces infractions pénales. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle, en tout, 225 décisions judiciaires sur l’infraction pénale de traite des personnes ont été prises, dont 42 au sujet de l’exploitation au travail (18,6 pour cent) et 183 sur l’exploitation sexuelle (81,4 pour cent). La commission note que 87 pour cent des décisions judiciaires ont abouti à des condamnations, avec un total de 439 personnes condamnées et de 1 037 victimes. La commission prie le gouvernement de poursuivre ses efforts pour améliorer l’accès à la justice des victimes de traite et s’assurer que toutes les personnes qui se livrent à la traite font l’objet de poursuites, et à ce que des sanctions dissuasives sont appliquées dans la pratique. La commission prie également le gouvernement de continuer à fournir des informations sur le nombre de procédures engagées et de condamnations prononcées, ainsi que sur la nature des sanctions imposées.
Assistance aux victimes. La commission a noté précédemment que le Programme national de secours et d’accompagnement des victimes de la traite des personnes était composé d’une équipe multidisciplinaire qui aide à identifier les victimes et leur apporte une assistance psychologique, médicale et juridique. La commission note que, selon les informations statistiques fournies par le gouvernement, de 2008 à 2017 une assistance a été fournie à 11 760 victimes, grâce au programme national. La commission note également que le premier Plan national d’action sur les droits de l’homme pour 2017-2020 a pour objectif exprès de veiller à la promotion et à la protection des droits de l’homme des victimes de traite, grâce à l’établissement de bureaux régionaux du programme national. La commission prend note de l’indication du gouvernement, à savoir que la loi no 26.364 de 2008 prévoit que le montant des amendes infligées et les biens saisis, à la suite de la constatation d’infractions de traite des personnes, sont alloués aux programmes d’aide aux victimes. Des procédures d’allocation pour transférer les sommes d’argent saisies sont actuellement appliquées. La commission note que la CTA Autonome souligne le manque de programmes appropriés de réinsertion sociale et professionnelle pour les victimes de traite, et que la CGT RA met l’accent sur des lacunes importantes dans l’assistance fournie aux victimes, et demande l’élaboration d’un protocole destiné à restaurer effectivement les droits des victimes. La commission note également que, dans ses dernières observations finales, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels s’est déclaré préoccupé par l’absence d’une aide à moyen ou à long terme pour les victimes de traite (E/C.12/ARG/CO/4, 1er nov. 2018, paragr. 41). La commission prie le gouvernement de continuer à renforcer les ressources disponibles pour le Programme national de secours et d’accompagnement des victimes de la traite des personnes, et de communiquer des informations sur l’établissement de bureaux régionaux du programme national. Elle prie également le gouvernement de communiquer des informations sur la mise en œuvre des procédures destinées à allouer le montant des amendes infligées et les biens saisis, à la suite de l’identification d’infractions dans le domaine de la traite des personnes, aux programmes d’aide aux victimes, et d’indiquer comment ces fonds sont utilisés. Enfin, la commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur le nombre des victimes qui ont été identifiées et qui ont bénéficié de cette assistance.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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