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Observation (CEACR) - adopted 2019, published 109th ILC session (2021)

Abolition of Forced Labour Convention, 1957 (No. 105) - Turkmenistan (Ratification: 1997)

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La commission prend note des observations de la Confédération syndicale internationale (CSI) reçues le 1er septembre 2019.
Article 1 b) de la convention. Imposition de travail forcé en tant que méthode de mobilisation et d’utilisation de la main-d’œuvre à des fins de développement économique. (Production de coton). Dans ses commentaires précédents, la commission a noté que, selon l’article 7 de la loi sur le régime juridique des urgences de 1990, l’Etat et les autorités gouvernementales peuvent recruter des citoyens pour travailler dans des entreprises, institutions et organisations, en vue de mobiliser la main-d’œuvre à des fins de développement économique et de prévenir les urgences. La commission a considéré que la notion de «fins de développement économique» ne semble pas satisfaire la définition de la «force majeure» définie dans la convention (nº 29) sur le travail forcé, 1930, et est donc incompatible à la fois avec l’article 2, paragraphe 2 d), de la convention no 29 et avec l’article 1 b) de la convention no 105, qui interdit le travail obligatoire en tant que méthode de mobilisation et d’utilisation de la main-d’œuvre à des fins de développement économique. La commission a également noté que le gouvernement a déclaré que la loi sur l’état d’urgence, la loi sur les interventions d’urgence et la loi sur la préparation et la mise en œuvre de la mobilisation au Turkménistan ne se réfèrent pas à la notion de «fins de développement économique», mais que des citoyens peuvent être employés dans des entreprises, des organisations et des institutions pendant la mobilisation afin d’assurer le fonctionnement de l’économie du pays et de produire des biens et services essentiels pour satisfaire les besoins de l’Etat, des forces armées et de la population en cas d’urgence. En outre, l’article 19 du Code du travail prévoit qu’un employeur peut exiger d’un travailleur qu’il effectue un travail sans lien avec son emploi dans des cas spécifiés par la loi.
Dans les conclusions qu’elle a adoptées en juin 2016, la Commission de la Conférence a prié instamment le gouvernement: i) de prendre des mesures efficaces, en droit et dans la pratique, pour veiller à ce que nul ne soit contraint, pas même les exploitants agricoles et les travailleurs des secteurs public et privé, de participer à la récolte de coton organisée par l’Etat ni menacé de sanctions si les quotas de production ne sont pas atteints, sous prétexte de «fins de développement économique»; ii) d’abroger l’article 7 de la loi de 1990 sur le régime juridique régissant les situations d’urgence; et iii) de solliciter l’assistance technique du BIT afin de respecter la convention, en droit et dans la pratique, et d’élaborer un plan d’action national pour éliminer le travail forcé dans le cadre de la récolte du coton organisée par l’Etat.
La commission a noté que, dans ses observations de 2016, l’Organisation internationale des employeurs (OIE) a exprimé sa profonde préoccupation face aux pratiques de travail forcé signalées dans la production de coton, qui affectent les exploitants agricoles, les entreprises et les travailleurs des secteurs public et privé, sous la menace de sanctions si les quotas de production n’étaient pas atteints. En outre, les observations de 2016 de la CSI ont mis l’accent sur les pratiques de mobilisation forcée par le gouvernement des salariés d’un large éventail d’institutions des secteurs public et privé pour la récolte du coton, notamment ceux d’institutions d’enseignement et de soins de santé, d’antennes locales de l’administration, de bibliothèques, de musées, d’instituts météorologiques, de centres culturels, d’organisations sportives, d’entreprises du secteur public, et d’entreprises manufacturières et des secteurs de la construction, des télécommunications et de la pêche. Ceux qui ont refusé se sont exposés à des sanctions administratives, telles que la censure publique, la cessation du paiement de leur salaire et la résiliation de l’emploi. A cet égard, la commission a noté que le gouvernement avait indiqué que, dans certaines régions du pays, l’administration locale et les producteurs agricoles, secondés par les services locaux de l’emploi, ont organisé des campagnes de recrutement volontaire parmi les personnes inscrites à l’agence pour l’emploi pendant la saison de la récolte du coton afin d’offrir un emploi saisonnier à ce segment de la population.
La commission a noté par ailleurs d’après le rapport de la mission consultative technique du BIT de septembre 2016 que, bien que les représentants des organisations internationales et des ambassades étrangères rencontrés par la mission aient indiqué l’existence de la pratique du travail forcé, dans la plupart des cas, ils ne disposaient pas de preuve directe du fait de la difficulté de se rendre dans les champs de coton. Le rapport de mission du BIT a noté les multiples stratégies nationales et plans d’action mis en place par le gouvernement, comme le Plan d’action national pour les droits de l’homme (2016-2020); le Plan d’action national de lutte contre la traite des personnes (2016-2018); l’Accord-cadre de partenariat des Nations Unies pour le développement signé en avril 2016; et les Objectifs de développement durable (ODD) adoptés en septembre 2016. La mission a également dûment pris note de la réelle volonté politique du gouvernement de s’attaquer au problème du travail forcé pour la récolte du coton. La commission a prié instamment le gouvernement de continuer à collaborer avec le BIT afin d’éliminer, en droit comme dans la pratique, le travail forcé associé à la récolte du coton organisée par l’Etat.
La commission note, d’après les récentes observations de la CSI, qu’en novembre 2018, des travailleurs de tous les secteurs de l’économie nationale ont été envoyés dans les champs de coton, certains d’entre eux ayant même été envoyés dans des contrées éloignées à des centaines de kilomètres de leur domicile. Pour la première fois en quinze ans, des enseignants ont été forcés de passer leurs vacances d’automne, d’une durée de neuf jours, à récolter le coton. Dans la région de Mary, la proportion d’enseignants forcés de récolter le coton pendant la saison des récoltes de 2018 a été estimé à 70 pour cent. La CSI déclare également que les personnes travaillaient depuis l’aube jusqu’à la tombée de la nuit, avec une pause déjeuner comprise entre trente et soixante minutes, et que le soir, on les raccompagnait en bus en ville. Ceux qui étaient envoyés aux champs pour dix jours ou plus étaient logés dans des locaux d’habitation provisoires dont le sol était en terre, sans installations sanitaires. Les exploitants agricoles devaient produire une récolte importante de coton; devaient atteindre les quotas fixés par l’Etat; et payer les travailleurs que le gouvernement forçait à travailler pour la récolte du coton. Les autorités menaçaient les exploitants agricoles de leur enlever leurs terres s’ils n’atteignaient pas les quotas imposés par le gouvernement.
La commission note l’information contenue dans le rapport du gouvernement selon laquelle la décision du Conseil public, adoptée en septembre 2018, vise à améliorer les méthodes de travail dans le secteur de l’agriculture, à moderniser le travail dans ce domaine et à prévoir un vaste recrutement de producteurs privés dans l’agriculture. Conformément à cette décision, des lopins de terre devront être offerts sur une base contractuelle à des sociétés à capital social, des exploitations agricoles familiales et à d’autres entités juridiques ou d’autres producteurs, pour une période de 99 ans, aux fins de la production végétale telle que le blé et le coton. La commission prend note également de l’information du gouvernement selon laquelle il s’est procuré des machines à récolter le coton, de sorte que le recrutement de masse de ressources humaines à cette fin n’est plus nécessaire. Le gouvernement indique que, pendant la saison des récoltes de 2017, 1 200 machines de récolte ont été utilisées et, en 2018, 500 machines supplémentaires ont été achetées à l’Ouzbékistan. De plus, un contrat de 200 machines de ce type a été signé avec un fabricant de matériels agricoles. En outre, la commission note que le gouvernement indique que, en collaboration avec les partenaires sociaux, un projet de programme de coopération a été élaboré et envoyé au BIT pour examen. Ce projet établit les mesures concernant la mise en œuvre des normes et règles internationales, le travail décent, les salaires équitables et la protection sociale, de même que la participation active des partenaires sociaux sur les questions relatives au travail décent et à l’emploi. La commission note cependant qu’il n’y a pas eu d’accord sur ce projet de programme de coopération.
La commission note que le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies, dans ses observations finales d’octobre 2018, s’est déclaré préoccupé par les informations selon lesquelles nombre de travailleurs et d’étudiants continueraient à être forcés à travailler pendant la récolte du coton, sous peine de sanctions (E/C.12/TKM/CO/2, paragr. 23). Elle note également, d’après le Résumé des observations des parties prenantes sur le Turkménistan, de février 2018, présenté au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, que des personnes obligées à récolter du coton ont été forcées à signer des déclarations sur une participation «volontaire» à la récolte (A/HRC/WG.6/30/TKM/3, paragr. 49). Tout en prenant dûment note des mesures prises par le gouvernement, la commission se doit d’exprimer sa préoccupation face à la poursuite de la pratique de travail forcé dans le secteur du coton et les mauvaises conditions de travail des personnes employées dans ce secteur. La commission prie donc instamment le gouvernement de continuer à prendre des mesures afin de garantir l’élimination complète du recours au travail obligatoire des travailleurs des secteurs public et privé, ainsi que des étudiants, dans la culture du coton. Elle le prie de fournir des informations sur les mesures prises à cette fin et sur les résultats concrets obtenus, en précisant si des violations ont été détectées et si des sanctions ont été appliquées. A cet égard, la commission encourage vivement le gouvernement à continuer à recourir à l’assistance technique du BIT afin d’éliminer, en droit comme dans la pratique, le travail forcé associé à la récolte du coton organisée par l’Etat, et d’améliorer le recrutement et les conditions de travail dans le secteur du coton.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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