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Observation (CEACR) - adopted 2020, published 109th ILC session (2021)

Forced Labour Convention, 1930 (No. 29) - Venezuela (Bolivarian Republic of) (Ratification: 1944)

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La commission prend note des observations de l’Organisation internationale des employeurs (OIE) et de la Fédération des chambres et associations de commerce et de production du Venezuela (FEDECAMARAS), reçues le 31 août 2017; des observations de la Confédération des travailleurs du Venezuela (CTV), reçues le 11 décembre 2019; des observations conjointes de la Fédération des associations des professeurs d’université du Venezuela (FAPUV) et de la Centrale des travailleurs Alliance syndicale indépendante (CTASI), reçues le 11 septembre 2020; et des observations de la CTASI, reçues le 30 septembre 2020. La commission prie le gouvernement de répondre aux observations susmentionnées.
Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. 1. Traite des personnes. Flux migratoires massifs. La commission note que, dans leurs observations, la CTV, la FAPUV et la CTASI soulignent que la traite des personnes dans le pays a augmenté en raison de la situation d’urgence humanitaire à laquelle le pays est confronté, laquelle s’est traduite par la généralisation de la pauvreté, avec un nombre croissant de personnes, principalement des enfants et des jeunes en situation de vulnérabilité économique, qui sont victimes d’exploitation par des groupes criminels à l’intérieur du pays, ou forcés à émigrer. À cet égard, la commission observe que le nombre de personnes ayant quitté la République bolivarienne du Venezuela a augmenté de façon dramatique depuis 2018 pour atteindre, selon des statistiques officielles, plus de cinq millions de personnes à ce jour. La commission note que, comme l’ont récemment souligné plusieurs organes des Nations Unies: i) les migrants vénézuéliens se heurtent à des obstacles lorsqu’ils tentent d’obtenir ou de faire légaliser des documents, ce qui est une source de difficultés dans les pays de transit et de destination, et les rend particulièrement vulnérables à la traite à des fins d’exploitation sexuelle et d’exploitation au travail; ii) les personnes qui quittent la République bolivarienne du Venezuela ou rentrent au pays sont souvent victimes d’extorsion et de réquisitions illégales, en particulier de la part de la Garde nationale bolivarienne; et iii) en raison de la fermeture des frontières et des prescriptions supplémentaires concernant l’entrée dans les pays de transit et de destination, les migrants sont contraints d’utiliser des points de passage non officiels, ce qui les expose encore davantage aux violences (A/HRC/41/18, 9 octobre 2019, paragr. 69, 72 et 73; A/HRC/RES/42/25, 8 octobre 2019, préambule et paragr. 18; et site Internet de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, Situation au Venezuela, 2020). Compte tenu de la situation actuelle d’urgence humanitaire à laquelle le pays est confronté, et du nombre accru de personnes susceptibles d’être exposées à la traite des personnes, à l’intérieur du pays ainsi que dans les pays de transit et de destination, la commission attire l’attention du gouvernement sur la nécessité de prendre des mesures spécifiques et appropriées pour mettre en place les garanties nécessaires au niveau national, afin que la situation actuelle et les mesures prises en conséquence par les autorités nationales ne contribuent pas, directement ou indirectement, à une augmentation ultérieure des cas de traite des personnes à l’intérieur du pays ou de traite de travailleurs migrants vénézuéliens. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures spécifiques élaborées et mises en œuvre à cet égard, y compris dans le cadre d’accords bilatéraux avec les pays d’accueil.
Cadre législatif et institutionnel. La commission a précédemment noté que plusieurs textes législatifs contiennent des dispositions concernant la traite des personnes (art. 56 de la loi organique de 2007 sur le droit des femmes à une vie sans violence, et art. 53, 56 et 57 de la loi de 2004 sur les étrangers et les migrations), et en particulier la loi organique de 2012 contre la délinquance organisée et le financement du terrorisme dont l’article 41 incrimine la traite des personnes, tout en limitant l’infraction de traite aux auteurs faisant partie d’une organisation criminelle organisée. La commission a noté en outre qu’un projet de loi contre la traite des personnes était en cours d’examen, et que diverses discussions étaient menées par le gouvernement en vue de l’élaboration des lignes stratégiques du Plan national contre la traite des personnes autour de trois axes: prévention; poursuites et sanctions; et protection des victimes. Elle a noté que l’établissement d’une commission présidentielle de lutte contre la traite des personnes était également à l’étude. La commission a prié le gouvernement de fournir des informations sur tout progrès réalisé dans ce sens, et plus particulièrement dans l’adoption et la mise en œuvre du plan national ainsi que dans la création d’un organe de coordination. La commission prend note de l’indication générale du gouvernement, dans son rapport, selon laquelle le Plan national contre la traite des personnes pour 2016-2019 est actuellement mis à jour pour la période 2020-2023. Elle observe que, dans ses observations, la CTV se déclare préoccupée par le manque d’informations de la part du gouvernement sur l’impact du Plan national pour 2016-2019, ainsi que sur les politiques ou mesures mises en œuvre pour lutter contre la traite des personnes. La CTV fait également état du nombre croissant de victimes de traite à des fins d’exploitation sexuelle, à la frontière avec les îles des Caraïbes, ainsi que dans le secteur minier illégal dans l’État de Bolívar, en particulier dans l’Arco Minero del Orinoco (AMO) où des femmes et des filles des communautés indigènes sont victimes d’exploitation sexuelle et de servitude domestique. La commission note que, dans leurs observations conjointes, la FAPUV et la CTASI soulignent l’absence de dispositions législatives contre la traite des personnes, ainsi que l’insuffisance des actions mises en œuvre par le gouvernement dans ce domaine. Elles se réfèrent également à des cas, dans des mines illégales, de personnes exposées à diverses formes de coercition de la part de groupes armés agissant en toute impunité. À cet égard, la commission note que, dans son rapport de 2020 sur l’indépendance du système judiciaire et l’accès à la justice en République bolivarienne du Venezuela, notamment pour des violations des droits économiques et sociaux, et sur la situation des droits de l’homme dans la région de l’AMO, la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme souligne une forte augmentation de l’exploitation sexuelle, de la traite et de la violence dans des zones minières depuis 2016, liée à l’existence d’un système de corruption dirigé par des groupes criminels organisés, appelés localement «sindicatos», qui contrôlent les mines et paient des commandants militaires pour poursuivre leurs activités illégales. La commission note que, dans son rapport, la Haute-Commissaire recommande spécifiquement de prendre des mesures urgentes pour mettre fin à l’exploitation sexuelle et au travail, ainsi qu’à la traite des personnes dans la région de l’AMO (A/HRC/44/54, 15 juillet 2020, paragr. 41 et 71). La commission prend note de ces informations avec préoccupation et prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour lutter contre la traite des personnes tant à des fins d’exploitation au travail que d’exploitation sexuelle, y compris dans la région de l’Arco Minero del Orinoco. La commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur l’adoption et la mise en œuvre du Plan national contre la traite des personnes pour 2020-2023. Elle le prie également de fournir des informations: sur tout organe créé, notamment dans le cadre du nouveau plan national, pour coordonner spécifiquement l’intervention des nombreux acteurs participant à la lutte contre la traite des personnes; ainsi que sur toute évaluation de l’impact des mesures mises en œuvre pour lutter contre la traite des personnes, et sur les difficultés rencontrées et les actions de suivi envisagées. Enfin, la commission prie le gouvernement d’indiquer si l’adoption du projet de loi contre la traite des personnes est toujours à l’ordre du jour et, dans la négative, les raisons pour lesquelles il a été abandonné.
Prévention et sensibilisation. La commission a précédemment noté que le Bureau national contre la délinquance organisée et le financement du terrorisme (ONCDOFT), créé en vertu de la loi organique de 2012, est chargé d’organiser, de contrôler et de superviser au niveau national toutes les mesures visant à prévenir et à combattre le crime organisé et le financement du terrorisme, et notamment la traite des personnes (article 5). La commission a encouragé le gouvernement à poursuivre ses activités de sensibilisation. La commission prend note de l’indication générale du gouvernement selon laquelle l’ONCDOFT a mené plusieurs activités de sensibilisation au sein des communautés et des établissements d’enseignement public, pour diffuser des informations sur le crime organisé, et a fourni des outils pour empêcher que des citoyens ne soient victimes de la traite. Le gouvernement ajoute qu’il a mis en place un réseau national contre le crime organisé et le financement du terrorisme qui compte des unités de coordination dans chacun des 24 États, et qui est chargé de mettre en œuvre des activités de prévention du crime organisé et du financement du terrorisme. La commission prie le gouvernement de poursuivre ses efforts pour lutter contre la traite des personnes en assurant des activités de prévention et de sensibilisation globales spécifiquement axées sur la traite des personnes à des fins d’exploitation au travail et d’exploitation sexuelle, tant au niveau national que local. Elle prie en outre le gouvernement de fournir des informations sur le contenu des activités menées à cette fin, sur les outils de prévention susmentionnés, et sur les résultats obtenus et les difficultés rencontrées.
Protection des victimes. La commission a précédemment noté que la Coordination nationale pour la protection des victimes, témoins et autres parties à une procédure, en collaboration avec les unités de soins aux victimes, est chargée d’apporter une protection adéquate aux victimes dès qu’elles sont identifiées. Cette protection comprend une assistance médicale, psychologique et juridique; un logement temporaire; de l’argent pour les frais d’alimentation; et des conditions de sécurité. La commission a prié le gouvernement de fournir des informations spécifiques sur le nombre de victimes ayant bénéficié d’une assistance et sur le type d’assistance prodiguée. La commission prend note de la déclaration générale du gouvernement selon laquelle il existe plusieurs centres d’accueil pour les victimes de traite, où une assistance médicale et psychologique leur est apportée. Le gouvernement ajoute que l’ONCDOFT réexamine actuellement le protocole d’assistance aux victimes de la traite et qu’un grand nombre de parties prenantes participent à ce processus, y compris des organisations à but non lucratif qui fournissent une assistance en vue de la réintégration des victimes. La commission note que, dans leurs observations, la CTV, la FAPUV et la CTASI soulignent que le gouvernement n’a pas fourni d’informations sur le nombre de victimes identifiées, ni sur la proportion de victimes ayant reçu une assistance, ni sur le type d’assistance dont elles ont éventuellement bénéficié, ce qui est préoccupant compte tenu de la prévalence des situations de traite dans le pays. Notant avec regret l’absence d’informations du gouvernement sur l’assistance apportée aux victimes de traite, la commission le prie de fournir des informations spécifiques sur le nombre de victimes ayant bénéficié d’une assistance et sur le type d’assistance accordée. La commission le prie aussi de fournir des informations sur le protocole d’assistance aux victimes de traite élaboré par l’ONCDOFT, une fois qu’il aura été révisé.
Application de sanctions efficaces. La commission a précédemment noté que l’ONCDOFT est chargé de développer des programmes de formation pour les fonctionnaires du pouvoir judiciaire, du ministère public et des forces de l’ordre au sujet des différents types d’infractions couvertes par la loi organique de 2012, parmi lesquelles la traite des personnes. La commission a demandé au gouvernement de fournir des informations sur les procédures judiciaires engagées et les condamnations prononcées dans les affaires de traite, et sur les mesures prises pour renforcer les capacités des différentes autorités participant à la lutte contre ce crime. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle, depuis 2018, la Feuille de route pour la lutte contre la traite frontalière a été établie afin d’améliorer la formation et le renforcement des capacités des fonctionnaires en poste aux principaux points de contrôle aux frontières, en leur fournissant des outils pour améliorer les mécanismes d’identification des victimes potentielles, les dispositifs d’assistance et les mesures de prévention et de contrôle. Prenant note de l’indication du gouvernement selon laquelle le Bureau du Procureur général a engagé des poursuites judiciaires pour traite des personnes, en application de l’article 41 de la loi organique de 2012, contre 163 personnes en 2017 18, la commission note avec regret que le gouvernement n’a pas fourni d’informations sur le nombre de condamnations ou sur la nature des sanctions imposées. Elle note en outre que, dans ses observations, la CTV souligne que la loi organique de 2012 n’est pas suffisamment mise en œuvre puisque le gouvernement n’a pas pris de mesures significatives pour lutter contre la traite des personnes. La CTV ajoute que le nombre de procédures judiciaires auxquelles se réfère le gouvernement ne reflète pas l’ampleur réelle du problème dans le pays, en particulier la fréquence de la traite de femmes et de filles dans les zones frontalières et touristiques, et qu’il n’y a pas d’informations sur les plaintes pour complicité ou corruption. La commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur les mesures concrètes prises pour améliorer les activités de formation et renforcer les capacités des différentes autorités participant à la lutte contre la traite des personnes, afin que ces autorités soient effectivement en mesure d’identifier les situations de traite des personnes, de mener des enquêtes adéquates et d’engager des poursuites contre les auteurs de traite, y compris tout fonctionnaire complice. La commission prie aussi le gouvernement de fournir des informations détaillées sur le nombre et la nature des enquêtes menées, des poursuites engagées, des décisions de justice prononcées et des sanctions imposées, en précisant les dispositions de la législation nationale en vertu desquelles les poursuites pénales ont été engagées.
2. Conditions de travail relevant du travail forcé. Situation des médecins cubains. La commission a précédemment noté que, dans ses observations reçues en 2016, l’Alliance syndicale indépendante (ASI) avait exprimé des préoccupations spécifiques concernant le recrutement, les conditions de travail et l’isolement des médecins cubains venus travailler en République bolivarienne du Venezuela dans le cadre d’un accord signé entre les gouvernements des deux pays. La commission a prié le gouvernement de fournir des informations sur ces allégations. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle les médecins cubains travaillent dans le cadre d’un programme de santé mis en œuvre au titre de l’accord de coopération signé en 2000 avec la République de Cuba. Le gouvernement déclare qu’il leur fournit un logement individuel, des aliments et des allocations pour leurs dépenses personnelles et que, contrairement aux observations à motivation politique émanant de l’ASI, les médecins cubains ne sont pas isolés. La commission note cependant que, dans ses observations, la CTV fait état de nombreuses plaintes déposées par les médecins cubains au sujet de conditions de travail qui relèvent du travail forcé, notamment pour les motifs suivants: sous-paiement de leurs salaires dont la majeure partie est retenue par le gouvernement cubain; confiscation de leurs passeports; restrictions de circulation; menaces de représailles contre les travailleurs et leur famille s’ils quittent le programme; et surveillance en dehors du travail. La CTV ajoute que des travailleurs de la santé ont également dénoncé cette situation. La commission note en outre que, dans leurs observations, la FAPUV et la CTASI expriment des préoccupations similaires et soulignent en outre que: 1) outre les médecins cubains, des professionnels de la santé et d’autres travailleurs cubains qui travaillent au Venezuela en tant que «collaborateurs» sont confrontés à la même situation; et 2) l’accord avec le gouvernement cubain pour fournir des services médicaux et autres au Venezuela n’a pas été officiellement rendu public ni même approuvé par l’Assemblée nationale. Dans ses observations supplémentaires, la CTASI se déclare préoccupée par le manque de transparence en ce qui concerne les conditions de l’accord et les conditions de travail de ces travailleurs cubains au Venezuela, et appelle le gouvernement à fournir publiquement des informations complètes à cet égard. La commission observe que, dans son rapport de 2018 sur sa mission à Cuba, l’Experte indépendante des Nations Unies sur les droits de l’homme et la solidarité internationale indique qu’en juillet 2017, selon des sources officielles, 42 000 professionnels de la santé cubains étaient en fonction dans 63 pays et que des médecins cubains exerçaient dans plus de 6 000 centres de soins ambulatoires en République bolivarienne du Venezuela (A/HRC/38/40/Add.1, 9 mai 2018, paragr. 55). La commission note qu’en mai 2019 une plainte sur les conditions de travail des médecins cubains en République bolivarienne du Venezuela a été déposée devant la Cour pénale internationale (CPI) à la suite d’une enquête menée par l’organisation non gouvernementale espagnole Cuban Prisoners Defenders. Elle note en outre que l’Organisation des États américains (OEA) a exprimé des préoccupations analogues face à la situation des médecins cubains. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur le recrutement, les conditions de travail et la cessation de la relation de travail des médecins et des professionnels de la santé cubains, notamment en fournissant copie de l’accord conclu avec le gouvernement cubain à cet égard, ainsi que des exemples de contrats signés par des médecins cubains. La commission prie en outre le gouvernement de fournir des informations sur le nombre de médecins et de professionnels de la santé qui ont quitté le programme et sur les conséquences de leur démission. Enfin, la commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur le nombre de plaintes de médecins et de professionnels de la santé cubains enregistrées, sur la nature des violations alléguées et sur les sanctions imposées.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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