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Observation (CEACR) - adopted 2020, published 109th ILC session (2021)

Abolition of Forced Labour Convention, 1957 (No. 105) - Venezuela (Bolivarian Republic of) (Ratification: 1964)

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La commission prend note des observations reçues de l’Organisation internationale des employeurs (OIE) et de la Fédération des chambres et associations de commerce et de production du Venezuela (FEDECAMARAS) le 31 août 2017. La commission note également les observations de la Confédération des travailleurs du Venezuela (CTV), reçues le 5 novembre 2019, et prie le gouvernement de communiquer sa réponse à ces observations.
Article 1 a) de la convention. Imposition de peines de prison comportant l’obligation de travailler en tant que sanction de l’expression d’opinions politiques ou de la manifestation d’une opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi. Dans ses commentaires précédents, la commission a noté que les personnes condamnées à une peine de privation de liberté – presidio ou prisión – sont soumises à l’obligation de travailler (art. 12 et 15 du Code pénal). La commission a observé que les dispositions suivantes du Code pénal prévoient des peines de prisión, assorties d’un travail obligatoire en prison, pour certains comportements, à savoir:
  • – offense ou manque de respect à l’égard du Président de la République ou d’un certain nombre d’autorités publiques (art. 147 et 148);
  • – dénigrement public de l’Assemblée nationale, du Tribunal suprême de justice, etc. (art. 149);
  • – offense à l’honneur, la réputation ou le prestige d’un membre de l’Assemblée nationale ou d’un fonctionnaire public, ou d’un corps judiciaire ou politique (art. 222 et 225), la preuve de la véracité des faits n’étant pas admise (art. 226); et
  • – diffamation (art. 442 et 444).
Rappelant que la convention interdit d’imposer un travail, y compris un travail pénitentiaire, en tant que sanction aux personnes qui expriment des opinions politiques, la commission a exprimé sa profonde préoccupation face à la criminalisation des mouvements sociaux et de l’expression d’opinions politiques. Elle a prié le gouvernement de communiquer des informations sur l’application pratique des dispositions précitées, et de s’assurer qu’aucune personne qui, de manière pacifique, exprime des opinions politiques ou s’oppose à l’ordre politique, social ou économique établi, ne soit condamnée à une peine de prison aux termes de laquelle elle devrait réaliser un travail obligatoire.
La commission note que le gouvernement déclare dans son rapport que personne, et plus particulièrement aucun dirigeant d’entreprise ou de syndicat, n’a été condamné pour avoir protesté ou exprimé pacifiquement des opinions politiques. Le gouvernement ajoute qu’aucune disposition législative n’impose l’obligation de travailler aux personnes condamnées et qu’aucune plainte n’a été enregistrée à cet égard. Les personnes condamnées peuvent participer volontairement à des activités culturelles, sportives ou socio-productives afin de faciliter leur réinsertion sociale une fois libérées. La commission note que le gouvernement mentionne plusieurs dispositions du Code organique pénitentiaire (Journal officiel no 6.207 du 28 décembre 2015), et souligne que les personnes condamnées peuvent travailler dans des domaines correspondant à leurs compétences et recevoir une allocation financière en contrepartie de leur travail. Le gouvernement ajoute que le travail pénitentiaire est un moyen de réinsertion sociale et n’est obligatoire que lorsque le condamné cherche à abréger la durée de sa peine privative de liberté, et à accéder à des peines alternatives à l’emprisonnement (art. 60, 63, 65 et 67 du code). La commission note néanmoins que le gouvernement ne fournit pas d’information sur l’application dans la pratique des articles 147 à 149, 222, 225, 226, 442 et 444 du Code pénal. Par ailleurs, se référant à ses commentaires précédents, la commission rappelle que: i) aux termes du Code organique pénitentiaire, le travail des personnes condamnées est un droit mais aussi un devoir et, en vertu de l’article 64 du Code, les personnes condamnées qui refusent le travail ou qui, volontairement, l’exécutent de manière inappropriée commettent une faute très grave et sont passibles des sanctions prévues dans le code; et ii) en vertu des articles 12 et 15 du Code pénal susmentionnés, les personnes condamnées à une peine privative de liberté de presidio ou de prisión sont soumises à l’obligation de travailler. La commission souligne que, lorsque la législation nationale prévoit l’obligation de travailler pour les personnes condamnées à des peines d’emprisonnement, comme c’est le cas dans la République bolivarienne du Venezuela pour les peines de presidio et prisión, les dispositions de la législation fixant des limites ou des restrictions à l’exercice de certains droits civils ou libertés publiques, dont la violation est passible de peines d’emprisonnement, ont une incidence sur l’application de la convention. En effet, les personnes qui ne respectent pas ces limites sont passibles d’une peine d’emprisonnement et, par conséquent, peuvent être soumises au travail obligatoire.
La commission note que, dans ses observations, la CTV se déclare préoccupée par les cas récurrents de persécution à l’encontre de personnes ayant exprimé des opinions politiques. La CTV souligne l’accroissement de la criminalisation des protestations sociales ainsi que de l’expression d’opinions politiques autres que celles du parti gouvernemental, avec une possibilité accrue de condamnations pénales comportant un travail forcé ou obligatoire. La CTV ajoute qu’il y a eu de nombreux cas de persécution de dirigeants syndicaux, dont certains ont été poursuivis devant des tribunaux militaires, et que récemment, plusieurs recteurs et professeurs d’université ont également été poursuivis pour avoir critiqué le gouvernement. La CTV mentionne se réfère également à une enquête menée par une organisation non gouvernementale dont il ressort que, en 2018, 387 cas de violation de la liberté d’expression ont été enregistrés; 24 personnes ont été détenues pour avoir publié sur des réseaux sociaux des opinions critiquant des mesures adoptées par le gouvernement, ou des données montrant la situation d’urgence sociale, économique et politique du pays.
La commission prend note de l’adoption de la Loi constitutionnelle contre la haine et pour la coexistence pacifique et la tolérance (loi no 41.274 du 8 novembre 2017), et plus particulièrement de son article 20 qui prévoit que quiconque, publiquement ou par tout moyen de diffusion, encourage ou favorise la haine, la discrimination ou la violence à l’encontre d’une personne ou d’un groupe de personnes, en raison de leur appartenance réelle ou supposée à un groupe social, ethnique, religieux ou politique déterminé [...], ou incite à commettre ces actes, est passible d’une peine de dix à vingt ans d’emprisonnement. La commission note que, en vertu de l’article 21 de cette loi, l’appartenance réelle ou supposée à un groupe politique déterminé constitue une circonstance aggravante de l’infraction. La commission note que plusieurs entités, en particulier la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH), ont exprimé leur préoccupation face au caractère général, vague et ambigu des termes utilisés à l’article 20 de la loi, et ont souligné que les déclarations du gouvernement indiquent que cette loi sera utilisée pour persécuter l’opposition politique et criminaliser l’expression d’opinions contraires à l’ordre politique établi (CIDH, Rapport sur le Venezuela, Situation des droits de l’homme au Venezuela, décembre 2017).
La commission note que, dans son rapport de 2019 sur la situation des droits de l’homme en République bolivarienne du Venezuela, la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a exprimé des préoccupations similaires au sujet de la loi no 41.274, et a souligné que les lois et réformes successives ont facilité la criminalisation de l’opposition et de toute personne critique à l’égard du gouvernement par des dispositions vagues, par des sanctions accrues pour des actes qui sont garantis par le droit à la liberté de réunion pacifique, et par l’utilisation de la juridiction militaire pour les civils. La Haute-Commissaire des Nations Unies indique en outre que ni le Bureau du Procureur général, ni le Défenseur du peuple, ni le gouvernement, ni la police n’offrent de protection aux victimes et aux témoins de violations des droits de l’homme, et que le Procureur général a contribué à stigmatiser et à discréditer les membres de l’opposition et les personnes critiques vis-à-vis du Gouvernement, en violation du principe de la présomption d’innocence. L’impunité a favorisé la réapparition des violations, enhardi les auteurs et marginalisé les victimes. (A/HRC/41/18, 9 octobre 2019, paragr. 35, 36, 57, 77 et 80). La commission note que, dans sa résolution adoptée en octobre 2019, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies condamne fermement la répression et la persécution généralisées et ciblées pour des motifs politiques en République bolivarienne du Venezuela, et prie instamment le gouvernement de libérer immédiatement tous les prisonniers politiques et toutes les autres personnes privées arbitrairement de leur liberté. La commission note en outre que le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies souligne que le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a décidé d’ouvrir un examen préliminaire de la situation dans le pays en ce qui concerne les crimes présumés qui auraient été commis depuis avril 2017 au moins, dans le contexte des manifestations et des troubles politiques y afférents. La commission note aussi que, le 30 avril 2020, plusieurs experts des droits de l’homme des Nations Unies se sont dits alarmés par l’augmentation du nombre de menaces, d’agressions et d’accusations contre des journalistes ainsi que par la criminalisation des défenseurs des droits de l’homme depuis l’état d’urgence sanitaire qui a été déclaré le 13 mars 2020 en raison de la pandémie mondiale (communiqué de presse de l’OHCHR, 30 avril 2020).
Enfin, la commission prend note du rapport de la commission d’enquête chargée, en vertu de l’article 26 de la Constitution de l’OIT, d’examiner le respect, par la République bolivarienne du Venezuela, de la convention (no 26) sur les méthodes de fixation des salaires minima, 1928, de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et de la convention (no 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976, dont le Conseil d’administration du BIT a pris note à sa 337e session (GB.337/INS/8, octobre 2019). Elle note plus particulièrement que la commission d’enquête de l’OIT a noté avec préoccupation ce qui suit: i) des dirigeants employeurs, des dirigeants syndicaux et des dirigeants d’organisations professionnelles, ainsi que d’autres syndicalistes, se sont vus inculpés d’infractions pénales graves, prévues dans le Code pénal et dans le Code organique de justice militaire pour l’exercice de leurs activités, telles que la participation à des activités de protestation ou l’expression d’opinions sur des questions directement liées à la défense des intérêts des organisations d’employeurs et de travailleurs; et ii) leur jugement par un tribunal militaire. Ces actes constituent de graves violations de l’exercice des libertés civiles fondamentales, comme la liberté d’expression et la liberté de réunion. La commission note que les charges pénales retenues à la suite d’actions menées dans le cadre des activités des organisations d’employeurs et de travailleurs qui ont été mentionnées par la commission d’enquête de l’OIT sont notamment les suivantes: suscitation de la panique et de l’angoisse parmi la population par la diffusion de fausses informations, outrage à une sentinelle et outrage aux forces armées association illicite, trahison, terrorisme, résistance et outrage à l’autorité.
La commission déplore la poursuite de la criminalisation des mouvements sociaux et de l’expression d’opinions opposées à l’ordre politique, social ou économique établi. La commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, tant en droit que dans la pratique, pour mettre immédiatement fin à toute violation des dispositions de la convention, en s’assurant que les personnes qui expriment des opinions politiques ou manifestent pacifiquement leur opposition à l’ordre politique, social ou économique établi ne font pas l’objet de peines d’emprisonnement comportant l’obligation de travailler. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur l’application dans la pratique des dispositions du Code pénal, du Code organique de justice militaire et de la loi no 41.274 susmentionnées, ainsi que des informations détaillées sur les décisions de justice fondées sur ces dispositions, en indiquant les faits qui ont donné lieu aux condamnations et la nature des sanctions imposées. Enfin, la commission prie le gouvernement d’assurer la libération immédiate de toute personne condamnée à une peine de prison comportant l’obligation de travailler pour avoir exprimé pacifiquement des opinions politiques ou s’être opposée à l’ordre politique, social ou économique établi.
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