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Observation (CEACR) - adopted 2021, published 110th ILC session (2022)

Discrimination (Employment and Occupation) Convention, 1958 (No. 111) - Iraq (Ratification: 1959)

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La commission prend note des observations de la Confédération syndicale internationale (CSI) reçues le 1er septembre 2021. La CSI reconnaît dans ses observations que le pays a traversé une série d’événements extrêmement douloureux au cours des trois dernières décennies, que la violence et les conflits armés ont provoqué des déplacements de population importants et que les tensions politiques et sociales dans le pays ont certainement eu un impact sur la capacité du gouvernement à traiter toutes les formes de discrimination couvertes par la convention. La CSI considère toutefois que cette situation ne dispense pas le gouvernement de son obligation de s’attaquer à ces problèmes, qui font partie intégrante du processus de reconstruction. La commission prie le gouvernement de faire part de ses commentaires à ce sujet.
La commission est consciente du processus de transition et de reconstruction engagé dans le pays. À cet égard, elle prend note de la mission d’assistance technique du BIT à Erbil/Iraq (16-18 août 2021), suite à la demande de la Commission de l’application des normes de la Conférence (CAN) au gouvernement de se prévaloir de l’assistance technique pour mettre efficacement en œuvre ses conclusions.
Suivi des conclusions de la Commission de l’application des normes (Conférence internationale du Travail, 109e session, juin 2021)
La commission prend note de la discussion approfondie, qui a eu lieu lors de la 109e session de la CAN en juin 2021, concernant l’application par l’Iraq de la convention, ainsi que des conclusions adoptées.
Article 1, paragraphe 1, alinéa a), de la convention. Discrimination fondée sur la race, la couleur, la religion ou l’ascendance nationale. Dans ses précédents commentaires, la commission a noté que les minorités ethniques et religieuses du pays étaient depuis longtemps confrontées à la discrimination et à l’exclusion en ce qui concerne certains marchés du travail, notamment l’emploi dans le secteur public, et qu’un projet de loi relatif à la protection de la diversité et la lutte contre la discrimination ainsi qu’un projet de loi sur la protection des droits des groupes de minorités religieuses et ethniques étaient à l’étude. La commission note que la CAN a instamment prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour assurer l’adoption sans retard du projet de loi sur la protection de la diversité et la lutte contre la discrimination et du projet de loi sur la protection des droits des minorités religieuses et ethniques. Le gouvernement fait part de l’adoption de la loi no°8 de 2021 sur les femmes yazidies survivantes, qui prévoit un soutien financier et d’autres formes de réparation en compensation de ce qu’elles ont enduré pendant le conflit armé. En conséquence, une direction générale pour le bien-être des femmes survivantes yazidies a été créée récemment; elle est rattachée au ministère du Travail et des Affaires sociales. La CSI rappelle que les deux projets de loi visant à lutter contre la discrimination et à protéger les minorités sont en instance devant le Parlement depuis plusieurs années. Tout en reconnaissant la situation difficile qui prévaut dans le pays, la commission note avec regret que le rapport du gouvernement ne fournit aucune information sur les progrès réalisés en ce qui concerne l’adoption des deux projets de loi susmentionnés, et elle se voit donc contrainte de réitérer sa demande. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur: i) les mesures prises ou envisagées concernant l’adoption du projet de loi sur la protection de la diversité et la lutte contre la discrimination et du projet de loi sur la protection des droits des groupes de minorités religieuses et ethniques; et ii) la stratégie qu’il entend développer pour surmonter les obstacles rencontrés pour l’adoption de ces projets de loi. Dans l’intervalle, elle prie à nouveau le gouvernement: i) de redoubler d’efforts pour adopter des mesures volontaristes en vue de lutter contre la discrimination à l’égard des groupes de minorités ethniques et religieuses, comme par exemple des mesures visant à promouvoir la tolérance et la coexistence entre les minorités religieuses, ethniques et nationales, la sensibilisation à la législation en vigueur interdisant la discrimination, la fixation de quotas ou d’objectifs pour la représentation des minorités; ii) de rendre compte régulièrement des résultats de ces mesures sur l’amélioration de l’accès de ces groupes à l’emploi et à la profession; et iii) de fournir toute statistique disponible, ventilée par sexes, sur l’emploi des groupes de minorités ethniques et les secteurs et professions dans lesquels ils sont employés.
Articles 2 et 3. Politique nationale visant à promouvoir l’égalité de chances et de traitement en matière d’emploi et de profession. La commission note que les autorités du Ministère du travail et des affaires sociales: 1) ont formalisé une demande à la mission d’assistance technique de l’OIT qui s’est tenue en août 2021 pour l’élaboration d’une politique nationale d’égalité de chances en matière d’emploi assortie d’un plan d’action pour une période de 3 à 5 ans; et 2) ont demandé au BIT d’inclure une composante spécifique sur la convention dans le Programme par pays de promotion du travail décent (PPTD) en Iraq pour 2019-2023. La commission accueille favorablement ces informations. La commission espère que l’assistance technique demandée sera fournie dans un proche avenir dans le but d’aider le gouvernement à déclarer et poursuivre une politique nationale d’égalité, par des méthodes adaptées aux conditions et à la pratique nationales, comme indiqué à l’article 2 de la convention, et elle prie le gouvernement de fournir des informations sur les progrès accomplis à cet égard.
Articles 2 et 5. Égalité de chances et de traitement entre hommes et femmes, Situation des femmes, y compris les travailleuses migrantes. La commission prend note de l’indication du gouvernement, en réponse à la conclusion de la CAN sur la situation des travailleuses dans le pays, selon laquelle un groupe de travail a été créé sous la présidence du directeur général du Département de l’autonomisation des femmes (une des structures du Secrétariat général du Conseil des ministres), afin de superviser la mise en œuvre du Plan d’autonomisation économique des femmes (ci-après le Plan) élaboré avec le soutien du Groupe de la Banque mondiale. Le Plan se compose de plusieurs volets, dont un portant sur la mise en œuvre de réformes législatives visant à réduire les écarts de genre. La commission note également que le Plan national de développement (2018-2022), reconnaissant que les stéréotypes traditionnels des rôles des femmes influencés par la domination de la culture masculine profondément ancrée dans la construction sociale expliquent la faible participation des femmes aux activités économiques, sociales et politiques et leur rôle limité dans les institutions législatives et politiques, a identifié les inégalités entre hommes et femmes comme l’un des principaux défis sociaux pour le développement du pays. À cet égard, la commission prend note de la déclaration du gouvernement dans son rapport de 2019 au titre de l’examen au niveau national de la mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing, 1995 (Rapport national Beijing + 25) selon laquelle il vise à augmenter de 5 pour cent le nombre de femmes participant à la population active au cours des cinq prochaines années. Elle prend note également de certaines des statistiques fournies dans le rapport susmentionné: 1) le pourcentage de travailleuses âgées de 15 ans et plus était de 12,6 pour cent en 2017, tandis que pour les travailleurs il était de 72,7 pour cent; 2) le taux de chômage global de 13,8 pour cent est réparti comme suit: 10,9 pour cent pour les hommes contre 31 pour cent pour les femmes; 3) le pourcentage de femmes ayant occupé le poste de directeur général dans les ministères était de 36 pour cent du total des postes de directeur général, tandis que le pourcentage de femmes occupant des postes de cadres supérieurs était de 37 pour cent; et 4) le nombre de femmes juges s’élevait à 113 en 2017 contre 18 en 2003. La commission note en outre que l’égalité de chances entre hommes et femmes est une exigence transversale des trois priorités identifiées par les mandants irakiens lors de la formulation de l’actuel PPTD (création d’emplois, couverture de la protection sociale et gouvernance). En outre, selon le rapport de 2020 de la Banque mondiale intitulé Women’s economic participation in Iraq, Jordan and Lebanon, «les femmes sont confrontées à des obstacles supplémentaires liés aux normes sociales, aux contraintes juridiques et aux défaillances du marché. Plusieurs facteurs ont des effets disproportionnés sur la capacité des femmes à participer efficacement au marché du travail, notamment un accès plus limité au capital (humain, physique et financier) que les hommes, le manque de services de garde d’enfants abordables et adéquats et de transports publics sûrs, ainsi que des lois et des préférences sociétales en faveur des hommes qui font qu’ils occupent les rares emplois disponibles. Bien que les filles bénéficient d’une situation de départ égale à celle des garçons [...] en termes de fréquentation scolaire à des âges précoces, il est difficile pour les filles irakiennes de terminer leur scolarité, en particulier dans les zones rurales. En outre, les écarts de genre associés à certains domaines d’études peuvent, à leur tour, être façonnés par les attentes de la société» (rapport de 2020 de la Banque mondiale, p. 16). À la lumière de ce qui précède, la commission prie le gouvernement: i) d’intensifier son action visant à éliminer les obstacles qui existent dans la pratique, y compris les barrières culturelles et stéréotypées à l’égalité de chances et de traitement des femmes dans l’emploi et la profession; ii) de promouvoir la participation des femmes au marché du travail et aux postes de décision sur un pied d’égalité avec les hommes; et iii) de communiquer toute statistique disponible, ventilée par sexes, concernant la participation des hommes et des femmes aux différents secteurs de l’activité économique, tant dans le secteur privé que dans le secteur public.
Travailleuses migrantes. Dans ses conclusions, la CAN a prié le gouvernement d’accorder une attention particulière à la situation des travailleuses migrantes. La commission note que le gouvernement rappelle que le droit du travail s’applique à tous les travailleurs sans discrimination (art.  3). Le gouvernement indique en outre que: 1) un Centre de ressources pour l’emploi et la migration des travailleurs a été inauguré en collaboration avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM); 2) il est en train de créer un Centre pour l’emploi, la migration et la réintégration avec l’aide de l’Agence allemande pour la coopération internationale afin de développer le secteur privé dans le cadre d’un programme de migration; et 3) une ligne téléphonique d’urgence traitant les plaintes des travailleurs migrants a été créée. Tout en prenant note des informations fournies par le gouvernement sur la situation des travailleurs migrants en général, la commission souhaite rappeler que les travailleuses migrantes sont particulièrement vulnérables aux préjugés et aux différences de traitement sur le marché du travail pour des motifs tels que la race, la couleur et l’ascendance nationale, qui se recoupent souvent avec d’autres motifs tels que le sexe et la religion (Étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, paragr. 778). La commission prie par conséquent le gouvernement de veiller à ce que les travailleuses migrantes soient protégées contre toutes les formes de discrimination interdites par la convention et de fournir toute information disponible à cet égard.
Obstacles juridiques rencontrés par les femmes. La commission rappelle que, dans ses conclusions, la CAN a prié le gouvernement de revoir et adapter les dispositions pertinentes afin de lever les obstacles juridiques auxquels sont confrontées les femmes dans le pays, notamment en ce qui concerne leur état civil. Dans ses observations, la CSI déclare que: 1) dans la pratique, les femmes, en Iraq, restent largement sous-représentées dans le monde du travail et souffrent d’une grande discrimination dans l’accès à l’emploi; 2) ces obstacles sont aggravés par une série de conditions et de dispositions légales, qui les mettent littéralement sous tutelle; et 3) une partie des obstacles concernant la situation des femmes sur le marché du travail provient des dispositions légales relatives à leur état civil, et il est donc crucial que ces aspects soient également examinés et modifiés. La commission note que le gouvernement n’a fourni aucune information concrète sur une éventuelle stratégie visant à lever les obstacles juridiques auxquels sont confrontées les femmes dans le pays, y compris en ce qui concerne leur état civil. La commission demande au gouvernement d’envisager de lancer un audit ou une analyse de genre sur la législation en vigueur afin de s’assurer que toute discrimination fondée sur le genre est éliminée.
Mesures spéciales de protection. La commission rappelle que l’article 85(2) de la loi no 37/2015 sur le travail interdit aux femmes d’occuper des emplois dangereux ou pénibles; cette loi interdit également aux femmes d’effectuer du travail de nuit (art. 85(2) et 86(1)). La commission souhaite rappeler à cet égard que les mesures de protection des femmes peuvent être classées en deux grandes catégories: celles qui visent à protéger la maternité au sens strict (c’est-à-dire pendant la grossesse, l’accouchement et ses conséquences ou l’allaitement), qui relèvent de l’article 5, et celles qui visent à protéger les femmes en général en raison de leur sexe ou de leur genre, sur la base de perceptions stéréotypées de leurs capacités et de leur rôle approprié dans la société, qui sont contraires à la convention et constituent des obstacles au recrutement et à l’emploi des femmes (Étude d’ensemble de 2012, paragr. 839). Les dispositions relatives à la protection des personnes travaillant dans des conditions dangereuses ou difficiles devraient viser à protéger la santé et la sécurité des hommes et des femmes au travail, tout en tenant compte des différences entre les sexes en ce qui concerne les risques spécifiques pour leur santé. Par conséquent, toute restriction à l’accès des femmes au travail fondée sur des considérations de santé et de sécurité doit être justifiée et fondée sur des preuves scientifiques et, lorsqu’elle est en vigueur, doit être périodiquement réexaminée à la lumière de l’évolution technologique et des progrès scientifiques, afin de déterminer si elle est toujours nécessaire à des fins de protection. La commission souligne également la nécessité d’adopter des mesures et de mettre en place des installations permettant aux travailleurs ayant des responsabilités familiales, en particulier les femmes, qui continuent de supporter une part inégale des responsabilités familiales, de concilier vie professionnelle et vie familiale. En vue d’abroger les mesures de protection discriminatoires applicables à l’emploi des femmes, il y aurait sans doute lieu d’examiner quelles autres mesures – meilleure protection de la santé des hommes et des femmes, sécurité et transports adéquats, ou services sociaux - seraient nécessaires pour permettre aux femmes d’avoir les mêmes chances que les hommes d’accéder à ce type d’emplois (Étude d’ensemble de 2012, paragr. 840). La commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de réexaminer les dispositions de l’article 85(1) et de l’article 86(1)de la loi n° 37/2015 sur le travail à la lumière du principe de l’égalité entre travailleurs et travailleuses, afin de s’assurer que les mesures de protection applicables à l’emploi des femmes dans certains emplois ou secteurs sont toujours nécessaires et ne sont pas fondées sur des stéréotypes concernant les capacités et aptitudes professionnelles des femmes et sont strictement limitées à la protection de la maternité.
Assistance technique. La commission rappelle au gouvernement la possibilité de se prévaloir de l’assistance technique du Bureau sur toutes les questions soulevées ci-dessus.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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