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Observation (CEACR) - adopted 2021, published 110th ILC session (2022)

Right to Organise and Collective Bargaining Convention, 1949 (No. 98) - Jordan (Ratification: 1968)

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La commission prend note des observations de la Confédération syndicale internationale (CSI) reçues le 1er septembre 2021 concernant des questions examinées dans ses commentaires précédents et portant sur la persistance de mesures antisyndicales à l’encontre de l’Association des enseignants jordaniens (JTA). Elle rappelle que la CSI avait présenté des observations à cet égard en 2020. La commission prend en outre note de la réponse du gouvernement.
La commission note que les observations de la CSI dénoncent des mesures antisyndicales suivantes à l’encontre de la JTA: i) l’arrestation et la détention de membres de la JTA (juillet-août 2020); ii) l’engagement de poursuites pénales contre l’organisation et son président (juillet 2020); iii) la fermeture par le gouvernement des bureaux de la JTA pour une période de deux ans (juillet 2020), ce qui prive de fait les enseignants et le personnel éducatif de toute représentation; iv) les autorités ont interdit à la presse de couvrir les conférences de presse de la JTA (octobre 2020); v) le tribunal de première instance d’Amman a rendu une décision autorisant la dissolution du conseil de direction de la JTA et prononçant des peines de prison d’un an à l’encontre des 13 membres du conseil pour diverses infractions (décembre 2020). Les dirigeants syndicaux ont été libérés sous caution et la JTA a fait appel de la décision; et vi) les services de sécurité ont arrêté 230 enseignants qui manifestaient pacifiquement à l’occasion de la rencontre entre le directeur adjoint de la JTA et les membres de la commission parlementaire de l’éducation (janvier 2021).
La commission note que, selon le gouvernement, la JTA est un syndicat constitué en vertu de la loi no 14 de 2011 sur le syndicat des enseignants jordaniens qui s’écarte de la définition de syndicat contenue à l’article 2 du Code du travail, et n’est donc pas soumise aux dispositions relatives au fonctionnement des syndicats, prescrites à l’article 98 du Code du travail. Aussi, le gouvernement estime que la JTA ne rentre pas dans le champ d’application de la convention. En outre, le gouvernement indique que la suspension des activités de la JTA et la fermeture de ses bureaux font suite à une décision de justice au sujet d’infractions à la loi no 11 de 1993 sur les délits économiques. Il ajoute qu’un comité intérimaire chargé de gérer les affaires administratives et financières du syndicat pendant la durée de la suspension de son conseil de direction a été constitué comme mesure de préservation des droits des enseignants, dans l’attente d’une décision de justice finale. La commission rappelle que les droits reconnus par la convention au personnel enseignant, en particulier celui de négociation collective, requièrent l’existence d’organisations syndicales indépendantes qui puissent mener librement leurs activités de défense des intérêts de leurs membres sans ingérence des autorités publiques. La commission prie instamment le gouvernement de prendre sans délai les mesures nécessaires pour garantir les droits d’organisation et de négociation collective dans le secteur de l’enseignement et assurer le plein respect de l’indépendance des organisations de travailleurs du secteur. Voulant croire que les principes susmentionnés seront pleinement pris en compte par les tribunaux compétents, la commission prie le gouvernement d’informer des résultats des procédures de justice en cours concernant la JTA et de faire état de toute convention ou accord collectif dans le secteur de l’enseignement, y compris avec le JTA.
La commission rappelle que, par ailleurs, elle avait noté les observations de la Fédération jordanienne des syndicats indépendants (JFITU), reçues en août 2017, qui portaient sur des questions d’ordre législatif ainsi que des cas spécifiques de harcèlement et d’ingérence à caractère antisyndical. La commission prend note des éléments de réponse fournis par le gouvernement en réponse aux observations de la CSI et de la JFITU.
La commission note par ailleurs que le Comité de la liberté syndicale lui a renvoyé le suivi de certaines modifications législatives qu’il a recommandées au gouvernement dans le cas no 3337 [voir 393e rapport, mars 2021, paragr. 571], et qui sont examinées ci-après.
Articles 1 à 6 de la convention. Champ d’application de la convention. Travailleurs étrangers. Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté les observations de la JFITU, reprises également pour l’essentiel par la CSI, selon lesquelles, si la loi a été modifiée en 2010 afin d’autoriser les travailleurs étrangers à se syndiquer, elle ne les autorise pas pour autant à constituer des syndicats ou à exercer des fonctions au sein de ces organisations, si bien que, dans les secteurs où les travailleurs immigrés sont majoritaires, la création de syndicats et l’exercice du droit de négocier collectivement sont extrêmement improbables. La commission avait prié le gouvernement d’indiquer comment, dans la pratique, les travailleurs étrangers peuvent bénéficier de la protection de la convention, y compris le droit de négociation collective, à travers les organisations de leur choix. La commission note que gouvernement indique que: i) les travailleurs étrangers ont le droit d’adhérer à des syndicats et bénéficient des avantages prévues dans les conventions collectives de travail; ii) les travailleurs étrangers ne peuvent constituer ou diriger leur propre syndicat, cependant il n’y a pas d’obstacle à leur participation à la négociation collective; iii) le syndicat patronal et la Fédération générale des syndicats jordaniens (GFJTU) peuvent réguler par le biais de leurs règlements intérieurs les questions du vote dans les conseils de direction, des conditions et des procédures d’affiliation, des conditions à remplir pour les candidats aux élections à l’organe de direction et les modalités de leur élection; iv) l’un des syndicats les plus importants du pays avec une grande proportion de travailleurs étrangers est le Syndicat général des travailleurs du textile qui a conclu une convention collective sectorielle au bénéfice de 75 000 travailleurs; et v) le Syndicat général des travailleurs des services publics et des professions libérales a conclu des conventions collectives dans les secteurs de la restauration et de l’hôtellerie au bénéfice de 104 000 travailleurs, dont un grand nombre de travailleurs étrangers. Notant ces informations, la commission observe néanmoins que l’impossibilité, en vertu de la loi, pour les travailleurs étrangers de constituer ou de diriger des syndicats peut constituer un obstacle à l’exercice autonome des droits reconnus par la convention, en particulier celui de négociation collective. En conséquence, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, y compris législatives, permettant de faciliter l’exercice plein et entier par les travailleurs étrangers des droits reconnus par la convention. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur tout progrès en ce sens. Par ailleurs, la commission prie le gouvernement de continuer de fournir des indications sur les organisations syndicales représentant les travailleurs étrangers et les conventions collectives qui leur sont applicables.
Travailleurs domestiques et travailleurs agricoles. Dans sa précédente observation, la commission avait noté avec regret que, malgré la suppression de l’exclusion expresse des travailleurs domestiques et des travailleurs agricoles du champ d’application du Code du travail, la législation et la réglementation ne garantissaient toujours pas clairement que ces travailleurs jouissent des droits énoncés dans la convention (dans la mesure où l’article 3(b) du Code énonce que les règles régissant les conditions d’emploi de ces travailleurs seront déterminées par une réglementation devant être adoptée à un stade ultérieur) et que cette situation risque de renforcer les obstacles existant actuellement à l’exercice des droits d’organisation et de négociation collective par les travailleurs étrangers employés dans ces secteurs. La commission note que le gouvernement indique que: i) la loi prévoit un régime juridique particulier pour les travailleurs domestiques qui peuvent adhérer au Syndicat général des travailleurs des services publics et des professions libérales et bénéficier des conventions collectives signées concernant leur secteur; et ii) s’agissant des travailleurs agricoles, des travaux sont en cours pour élaborer un règlement spécifique qui devrait leur permettre de constituer ou d’adhérer à un syndicat représentatif. Rappelant que tous les travailleurs, exception faite des membres des forces armées et de la police et des fonctionnaires commis à l’administration de l’État, sont couverts par les dispositions de la convention, la commission veut croire que le gouvernement adoptera sans délai le règlement spécifique aux travailleurs agricoles afin de leur permettre de bénéficier des droits d’organisations et de négociation collectives établis par la convention et le prie de fournir du règlement. La commission prie également le gouvernement de fournir une copie du texte réglementant les droits des travailleurs domestiques auquel il se réfère, en indiquant si celui-ci s’applique tant aux travailleurs domestiques qu’aux cuisiniers, jardiniers et autres catégories de travailleurs assimilés. Enfin, la commission prie le gouvernement de préciser de quelle manière, en vertu des règlements applicables, les différentes catégories de travailleurs dont il est question ci-dessus exercent effectivement les droits consacrés par la convention, en fournissant, pour chaque catégorie, des informations sur le nombre de conventions collectives conclues et le nombre des travailleurs ainsi couverts.
Travailleurs âgés de 16 à 18 ans. Dans ses commentaires précédents, la commission avait demandé au gouvernement de modifier l’article 98(f) du Code pour lever l’interdiction pour les personnes mineures de se syndiquer, alors qu’elles ont accès à l’emploi à partir de 16 ans, et ainsi leur reconnaître le bénéfice des droits reconnus par la convention. La commission note que, dans sa réponse, le gouvernement se borne à réitérer que l’âge légal d’admission à l’emploi est de 18 ans et que les mineurs âgés de 16 à 18 ans travaillent dans des conditions particulières déterminées par la loi. Il précise cependant que ces travailleurs bénéficient des avantages prévus dans les conventions collectives, comme les autres travailleurs. La commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier l’article 98 (f), afin de garantir que les mineurs ayant atteint l’âge minimum d’accès à l’emploi, qu’ils soient travailleurs ou apprentis, puissent être pleinement protégés dans l’exercice de leurs droits couverts par la convention. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises ou envisagées à cet égard.
Travailleurs non inclus dans les 17 secteurs désignés par le gouvernement. Dans ses précédents commentaires, la commission avait relevé l’indication qu’une ordonnance de 1999 du Ministère du travail a fixé à 17 le nombre des professions et secteurs d’activité dans lesquels les travailleurs ont le droit de constituer des syndicats. À cet égard, la commission avait noté les observations de la CSI et de la JFITU indiquant que les travailleurs n’appartenant pas aux secteurs désignés par le gouvernement ne sont pas en mesure de négocier collectivement par le biais des organisations de leur choix. La commission prend note de la liste fournie par le gouvernement des 17 secteurs dans lesquels il reconnait le droit d’organisation des travailleurs aux fins de la négociation collective. La commission prend également note que le gouvernement précise que l’article 98 du Code du travail a été modifié afin de retirer la responsabilité de classification des professions et industries qui incombait à la Commission tripartite du travail pour l’octroyer au ministre du Travail, pour une plus grande flexibilité dans la reclassification des professions et des industries, et ouvrir la porte à la création de nouveaux syndicats. Si le gouvernement fournit les chiffres globaux de 56 accords collectifs conclus en 2019 au bénéfice de 281 526 travailleurs, la commission note toutefois que le gouvernement ne précise pas les professions couvertes par chacun des 17 secteurs, les instruments législatifs, réglementaires pertinents, ni de statistiques sur le nombre de travailleurs appartenant à chacun de ces secteurs, comme elle l’avait demandé dans sa précédente observation. Compte tenu de ce qui précède, la commission se voit contrainte d’exprimer à nouveau sa préoccupation concernant le fait que le système actuel peut avoir pour effet de tenir des catégories entières de travailleurs à l’écart des droits garantis par la convention. Elle rappelle que le champ d’application de la convention couvre l’ensemble des travailleurs et des employeurs, ainsi que leurs organisations respectives, tant dans le secteur privé que dans le secteur public, qu’il s’agisse ou non de services essentiels. Les seules exceptions autorisées concernent les forces armées et la police ainsi que les fonctionnaires publics commis à l’administration de l’État [voir Étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, paragr. 168]. En conséquence, la commission prie instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires afin de garantir qu’aucune catégorie ou qu’aucun groupe de travailleurs, à l’exception des forces armées, de la police et des fonctionnaires commis à l’administration de l’État, ne puisse être exclu du champ de la convention pour l’exercice de son droit d’organisation ou de négociation collective. Par ailleurs, la commission prie le gouvernement à faire état des décisions de reclassification des professions et industries du ministère du Travail dans le sens des prescriptions de la convention rappelés ci-dessus. Entre-temps, la commission prie une nouvelle fois le gouvernement de communiquer des statistiques indiquant le nombre de travailleurs appartenant à chacun des secteurs reconnus et le nombre total des travailleurs du pays.
Article 2. Protection adéquate contre les actes d’ingérence. Dans ses commentaires précédents, la commission avait prié le gouvernement de modifier la législation de manière à renforcer les sanctions prévues dans les cas d’ingérence, considérant que les peines d’amende prévues à l’article 139 du Code du travail pourraient ne pas être suffisamment dissuasives. Par ailleurs, la commission avait noté les allégations de la JFITU et de la CSI que le gouvernement subventionnerait les rémunérations du personnel de la GFJTU et certaines de ses activités, et qu’il continuerait d’influer sur la politique et les activités de ladite fédération et celles de ses affiliés. La commission note la réponse du gouvernement qui déclare s’abstenir de toute ingérence syndicale et précise que les ressources financières de la GFJTU et de ses affiliés proviennent des cotisations des adhérents comme des subventions et des dons effectués conformément à des règles financières certifiées. S’agissant des sanctions pour ingérence de la part de l’employeur, le gouvernement indique avoir soumis en 2020 un projet d’amendement au Code du travail incluant la modification de l’article 139 pour porter la sanction de 500 à 1 000 dinars jordaniens (1 410 dollars des États-Unis). Le projet d’amendement se trouverait actuellement devant la Chambre des représentants. Prenant note du projet de disposition propre à renforcer les sanctions prévues en cas d’ingérence communiqué par le gouvernement, la commission le prie de faire état de tout progrès dans l’adoption de l’amendement législatif et d’informer des sanctions pour ingérence de la part de l’employeur prévues dans le Code du travail tel qu’amendé.
Articles 4 et 6. Droit de négociation collective. Monopole syndical. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté les observations de la JFITU, reprise pour l’essentiel par la CSI, dénonçant l’impossibilité de constituer plus d’un syndicat dans les secteurs désignés par le gouvernement et l’obligation faite aux syndicats en question de s’affilier à la seule et unique fédération officiellement reconnue, la GFJTU; la limitation à un seul syndicat par secteur étant utilisée pour empêcher que des syndicats indépendants parviennent à organiser les travailleurs dans les secteurs reconnus et puissent représenter leurs intérêts dans la négociation collective. La commission avait aussi noté que l’article 98(d)(1) du Code du travail confère effectivement à la Commission tripartite du travail (définie à l’article 43 du code) le pouvoir de déterminer les groupes de professions dans lesquelles il ne peut être constitué qu’un seul syndicat général, ce qui semble l’autoriser à instaurer un monopole syndical de fait au niveau du secteur. Dans sa réponse, le gouvernement indique que l’article 98 du Code du travail a été modifié afin de retirer la responsabilité de classification des professions et industries qui incombait à la Commission tripartite du travail pour l’octroyer au ministre du Travail, cela dans l’intention de donner une plus grande flexibilité dans la reclassification des professions et des industries. La commission rappelle fermement qu’elle considère que l’imposition du monopole syndical est incompatible avec le principe de négociation collective libre et volontaire établi à l’article 4 de la convention. En conséquence, et notant à cet égard les recommandations spécifiques émises par le Comité de la liberté syndicale (cas no 3337, 393e rapport, mars 2021, paragr. 559), la commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, pour garantir la possibilité de constituer plus d’une organisation syndicale par secteur et permettre l’exercice effectif de la négociation collective libre et volontaire prescrite par la convention, et de fournir des informations sur tout progrès à cet égard.
Négociation collective dans le secteur public. Dans ses commentaires précédents, la commission avait prié le gouvernement de fournir des informations sur le droit de négociation collective dans le secteur public, notamment sur les amendements constitutionnels pertinents et le projet de loi sur les syndicats de salariés du secteur public et avait exprimé le ferme espoir que la législation nationale reconnaitrait expressément le droit de négociation collective des travailleurs du secteur public non commis à l’administration de l’État. La commission note l’indication du gouvernement que le règlement de la fonction publique (no 9 de 2020) a pris en compte dans de nombreuses dispositions la participation et la représentation des syndicats professionnels dans la composition et les fonctions du Conseil de la fonction publique (article 6 du règlement), ainsi que la composition des comités créés aux fins de la modification du règlement de la fonction publique. Cette modification réglementaire viserait à assurer leur participation effective à l’adoption de politiques publiques, de plans et de programmes de gestion des ressources humaines dans le secteur public, et à la formulation de la législation sur la fonction publique, et de toute modification ultérieure. En outre, le gouvernement précise que le Bureau de la fonction publique (Civil Service Diwan) est en contact permanent avec les syndicats professionnels afin de les informer et de les impliquer dans les modifications apportées à la législation sur la fonction publique. Le gouvernement déclare enfin mettre en place des commissions ministérielles chargées d’examiner les revendications et propositions des syndicats professionnels. Prenant dûment note des informations fournies par le gouvernement et rappelant que les fonctionnaires non commis à l’administration de l’État doivent pouvoir négocier collectivement leurs conditions de travail et d’emploi au-delà des simples mécanismes de consultation, la commission veut croire que les différentes mesures décrites contribueront positivement à l’adoption de textes législatifs ou réglementaires reconnaissant expressément le droit de négociation collective dans le secteur public, et que le gouvernement fera état prochainement de progrès tangibles en ce sens.
[Le gouvernement est prié de répondre de manière complète aux présents commentaires en 2022.]
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