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Individual Case (CAS) - Discussion: 2023, Publication: 111st ILC session (2023)

Freedom of Association and Protection of the Right to Organise Convention, 1948 (No. 87) - Liberia (Ratification: 1962)

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Individual Case
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2023-LBR-087-Fr

Informations écrites communiquées par le gouvernement

Le gouvernement du Libéria a sollicité une assistance technique du BIT qu’il a reçue et qui permettra d’arrêter une feuille de route pour apporter une solution aux questions tout récemment soulevées par la Commission de l’application des normes. L’intervention de la mission d’assistance technique, qui a débuté vers la fin du mois de mai, consiste en un examen des décisions en vigueur du ministère, le but étant de conseiller sur les mesures pouvant être prises actuellement, dans la ligne des recommandations de la commission, sans enfreindre la législation applicable, et de proposer des amendements qui donneraient pleinement effet aux droits qui ne se sont pas concrétisés.

Une possibilité qui ne nécessiterait aucun amendement consiste à modifier la procédure d’élaboration du règlement de la fonction publique de telle manière que les agents du secteur public aient une procédure qui ressemble de plus près à celle de la négociation collective telle que l’exprime la loi sur le travail décent. Le gouvernement continue de veiller à empêcher que des travailleurs soient arrêtés dans l’exercice de leurs droits, et nous n’avons actuellement connaissance d’aucune détention d’un dirigeant syndical. La législation nationale ne permet pas la dissolution d’une organisation syndicale du fait d’un employeur ou d’une organisation d’employeurs. Ce n’est permis qu’à l’initiative du syndicat lui-même, d’un membre ou de ses membres, ou du ministre par recours devant un tribunal ou une juridiction compétente (article 35.3.a de la loi sur le travail décent). Toute décision peut aussi être contestée en appel. Aucun ministre n’a jamais poursuivi ni entamé une telle procédure de dissolution d’un syndicat. Toutefois, le gouvernement est conscient que le passage volontaire et conforme à leurs droits de travailleurs d’une unité de négociation d’un syndicat dans un autre a été décrit par le syndicat qui perdait ainsi des membres comme une «dissolution» du syndicat dans cette usine, alors que ce terme n’est pas utilisé dans son acception juridique correcte.

Afin de bien protéger les travailleurs, l’État est déterminé à intervenir de manière robuste dans le cas où un employeur prendrait une initiative destinée à ébranler l’organisation sur le lieu de travail. Le gouvernement maintient la protection de la direction du Syndicat national des travailleurs de la santé (NAHWUL) bien qu’il n’ait pas été en mesure de recevoir de cette direction des informations permettant d’enquêter sur la menace évoquée. Le gouvernement indique que modifier des textes de loi est un exercice qui n’est pas de la compétence de la branche exécutive du gouvernement, dont relève le ministère, et que le désir répété du NAHWUL de faire grève est la raison essentielle pour laquelle il devrait être formellement considéré comme un syndicat par le ministère du Travail, fait qu’aucun législateur n’a envie de poser un vote qui pourrait engendrer des morts dans son district, si ce n’est dans sa famille ou lui-même. Il faudrait que cet élément de la requête du NAHWUL soit omis et oublié s’il souhaite que le débat sur son statut ait un attrait pour le pouvoir législatif national.

Les organisations de travailleurs existantes au Libéria restent ouvertes aux travailleurs étrangers, et le ministère n’a encore reçu aucune plainte d’un ressortissant étranger qui se serait vu refuser d’adhérer à un syndicat national présent sur le site. Les règles relatives à la constitution d’organisations représentatives sont les mêmes pour tous les travailleurs relevant de la loi sur le travail décent. Le ministère met à disposition les services de son personnel dans le cas où des travailleurs étrangers préfèrent organiser des syndicats pour eux-mêmes exclusivement. Le gouvernement note en outre que, contrairement à ce qui se passe dans d’autres pays, lorsque des étrangers travaillent comme domestiques ou artisans, ces salariés étrangers actifs au Libéria occupent généralement en écrasante majorité des postes de cadres, ce qui a pour conséquence qu’ils sont davantage représentés dans l’organisation d’employeurs, dont le premier vice-président et un des membres du comité d’arbitrage composé de trois personnes ne sont pas Libériens. En outre, des groupes nationaux tels que l’Union culturelle libanaise mondiale et l’Union des entreprises indiennes expriment les intérêts de leurs membres qui n’ont pas tous nécessairement un emploi.

Le gouvernement note qu’une querelle entre deux factions du Congrès du travail du Libéria (LLC), qui est allée jusqu’à la Cour suprême, l’a privé d’un interlocuteur avec qui discuter de cette question. À la demande de la cour, il a constitué un comité présidé par un ancien président de la Cour suprême, assisté d’un ancien vice-ministre du Travail et conseillé par un ancien sénateur. Ce comité traite avec les factions du LLC pour trouver une issue à cette crise dans la direction du mouvement des travailleurs.

Le gouvernement réfute ces allégations et ne comprend pas comment le fait de réintégrer un salarié qui a été sommairement congédié il y a plusieurs années, de le favoriser en lui offrant des perspectives et en l’affectant à un rôle plus prestigieux pourrait être considéré comme une menace pour la vie de ce salarié. Il est d’autant plus perplexe devant l’absence de tout élément de preuve ou piste qu’apporterait l’honorable secrétaire général quant aux prétendues menaces. Le gouvernement note que les efforts pour harmoniser la loi sur le travail décent et les règlements sont toujours à un stade embryonnaire du fait que les fonctionnaires ont, par rapport aux travailleurs couverts par la loi sur le travail décent, certains avantages que ni les ministères ni la fonction publique ne veulent voir ces travailleurs perdre. Ce sont notamment: 1) une durée de travail moindre; 2) le droit à davantage d’absences consécutives (14 contre 10) avant de risquer un renvoi; 3) la sécurité d’emploi (les licenciements sont pratiquement inexistants); et 4) des possibilités de promotion, le droit de quitter son poste pour briguer une fonction politique et retrouver son poste si le résultat des élections n’est pas favorable. En outre, le pouvoir législatif ne trouve pas d’intérêt particulier à voir l’ensemble de la fonction publique sacrifier ces droits dans l’espoir d’obtenir des droits de négociation qui seraient nuls pour l’essentiel, puisque le Fonds monétaire international a déjà plafonné les salaires du secteur public au Libéria.

Bon nombre des arguments invoqués en faveur de l’inclusion de la loi sur le travail décent émanent d’un petit groupe des dirigeants décidés à risquer les avantages dont jouissent leurs collègues afin d’accéder à la direction du LLC, ce qui est susceptible de se produire étant donné que la fonction publique n’est pas seulement le plus grand employeur, mais dix fois plus forte que le suivant (Firestone), ce qui fait que les dirigeants sont presque automatiquement les vainqueurs à quelque convention que ce soit. Entre-temps, une discussion avec les législateurs qui ont participé à l’adoption de la loi sur le travail décent révèle une vive préoccupation quant à la possibilité d’une promotion injustifiée des intérêts de quelque gouvernement que ce soit dans les activités du LLC, lorsque des personnes en place dans la chaîne de commandement du gouvernement peuvent devenir des dirigeants du LLC. L’article 81 de la Constitution du Libéria interdit aux syndicats de démarcher pour le compte de partis politiques, tandis que leurs membres peuvent s’affilier librement et concourir à titre individuel.

Discussion par la commission

Président – Nous allons passer au premier cas inscrit à notre ordre du jour qui concerne l’application de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, par le Libéria. Je dois informer les membres de la commission qu’en réalité la liste totale des orateurs dépasse les 17 personnes et que, par conséquent, la limitation du temps de parole sera d’application. J’invite le représentant gouvernemental du Libéria, le ministre du Travail, à prendre la parole.

Représentant gouvernemental, ministre du Travail – La délégation du Libéria indique qu’une réponse écrite a été envoyée avant la présente séance. Le gouvernement a sollicité une assistance technique du BIT qu’il a reçue et qui permettra d’arrêter une feuille de route pour apporter une solution aux questions soulevées tout récemment par la Commission de l’application des normes. L’intervention de la mission d’assistance technique, qui a débuté vers la fin du mois de mai, consiste en un examen des décisions en vigueur du ministère, le but étant de conseiller sur les mesures pouvant être prises actuellement, dans la ligne des recommandations de la commission, sans enfreindre la législation applicable, et de proposer des amendements qui donneraient pleinement effet aux droits qui ne se sont pas concrétisés.

Une possibilité qui ne nécessiterait aucun amendement consiste à modifier la procédure d’élaboration du règlement de la fonction publique, c’est-à-dire du secteur public. Nous noterons qu’il existe au Libéria deux catégories de législation, l’une s’appliquant au secteur public et l’autre au secteur privé. Ce qu’il n’a pas été possible de faire, c’est d’harmoniser les deux catégories de telle sorte que tous les travailleurs, qu’ils soient dans le secteur public ou privé ou encore informel, aient le droit de se syndiquer. Des discussions ont été menées avec le pouvoir législatif en vue de le faire et, à un moment, des frictions ont eu lieu au sein du LLC; elles ont dégénéré et fini devant la justice. La procédure a traîné en longueur pour finir devant la Cour suprême du Libéria qui a notifié aux dirigeants élus du LLC et ordonné au ministère du Travail de désigner des personnalités libériennes pour organiser un nouveau scrutin. Le comité est composé de l’ancien président de la Cour suprême, l’ancien ministre de la Justice et l’ancien président de la commission électorale nationale. Ils se sont réunis à trois reprises avec le LLC et des membres des syndicats qui le composent et ils ont maintenant arrêté les règles pour la tenue d’un nouveau scrutin. En tant que gouvernement, nous n’acceptons pas que, tout au long de la procédure, l’une ou l’autre faction prétende représenter le LLC parce que la Cour suprême, suivant la règle de droit, a statué qu’une nouvelle élection devait avoir lieu et aurait dû se tenir juste avant cette réunion. Toutefois, la commission électorale a estimé qu’un autre règlement du litige s’imposait et a proposé de d’abord organiser une audition avant d’aller au scrutin, parce que le différend qui oppose les factions est profond et la procédure se prolonge.

Nous avons pu nous entretenir avec les deux factions pour qu’elles assistent aux événements prévus pour la journée du 1er mai. Ce fut très intéressant. C’était comme s’il n’y avait plus qu’un seule LLC; tous étaient présents, chacun s’est exprimé et ce fut très agréable. Nous pensons que la démarche sociale est bonne, nous nous sommes entretenus avec les présidents des deux chambres du Parlement à propos de la révision de la loi sur le travail décent et de la loi sur la fonction publique pour envisager leur harmonisation. Compte tenu des difficultés qu’ils traversent tous à l’approche de l’élection, il faudrait que nous prévoyions de les emmener hors de Monrovia pendant peut-être une semaine, dans la campagne loin de la capitale, où ils travailleraient tous ensemble à l’harmonisation. Nous parlons de 14 membres de la chambre basse et de 7 membres de la chambre haute. L’expérience nous a montré que, quand vous adoptez cette démarche pour un amendement, il est plus facile de le présenter en plénière parce qu’il aura le soutien des comités qui le parrainent. Nous nous réjouissons d’avoir le soutien du BIT pour y parvenir. Nous tenons à déclarer de manière catégorique que le gouvernement n’a jamais été impliqué dans des ingérences dans les droits des travailleurs. Notre soutien vise à envisager la façon dont cette harmonisation peut se faire. Nous avons le sentiment de voir la lumière au bout du tunnel et nous sollicitons l’assistance du BIT pour qu’une nouvelle élection puisse se tenir, comme l’a décidé la cour afin que nous puissions avant tout avoir une organisation syndicale unifiée et en état de fonctionner au Libéria. Ensuite, nous nous occuperons de l’harmonisation des deux lois pour n’en avoir plus qu’une seule pour les travailleurs du secteur public et les travailleurs du privé.

Membres employeurs– Les membres employeurs veulent remercier le ministre du gouvernement pour les informations données verbalement et par écrit sur ce cas. Nous discutons de l’application par le gouvernement du Libéria, en droit et dans la pratique, de la convention no 87, une convention fondamentale, qu’il a ratifiée en 1962. La commission d’experts a formulé des observations sur ce cas en 2017, 2018, 2019, 2020, 2021 et 2022, et le dernier examen de ce cas par la commission date seulement de 2022.

Les conclusions adoptées par la commission en 2022 priaient instamment le gouvernement de: i) faire en sorte que tous les travailleurs soient en mesure d’exercer leurs droits du travail en vertu de la convention dans un contexte de respect des libertés publiques, dont la liberté syndicale, la liberté d’expression, de se réunir et protester pacifiquement sans ingérence et sans craindre pour leur sécurité individuelle et leur intégrité physique; ii) veiller à ce que les dirigeants et membres de syndicats ne soient pas emprisonnés pour avoir exercé des activités syndicales, que les menaces que subissent des dirigeants syndicaux en raison de leurs activités fassent l’objet d’enquêtes approfondies et que les coupables soient dûment sanctionnés; iii) appliquer des mesures, y compris des sanctions dissuasives, pour garantir que les organisations syndicales ne peuvent être dissoutes que par une autorité judiciaire, en dernier recours, pour violation grave de la loi; iv) résoudre la question de l’enregistrement du NAHWUL en tant qu’organisation syndicale sans autre délai et fournir des informations complémentaires sur d’éventuelles allégations en suspens; v) réviser la loi sur le travail décent et tout autre texte de loi connexe pour faire en sorte que tous les travailleurs, y compris les travailleurs étrangers, puissent exercer le droit de constituer le syndicat de leur choix ou de s’y affilier; et vi) veiller à ce que les travailleurs du secteur public jouissent de la protection des droits à la liberté syndicale au sens de la convention.

Le gouvernement indique qu’il bénéficie actuellement d’une assistance technique du BIT. Faisant suite aux conclusions de cette commission, en 2022, la commission d’experts a réitéré certains sujets de préoccupation tels que:

- La plainte de l’organisation régionale pour l’Afrique de la Confédération syndicale internationale (CSI-Afrique) à propos de la dissolution d’un syndicat par une entreprise publique, ainsi que du harcèlement et des arrestations de dirigeants syndicaux: le gouvernement nie qu’aucune organisation syndicale ait été dissoute, ce qui, dit-il, ne serait pas conforme à la législation nationale. Il déclare aussi que le ministère du Travail n’a reçu aucune allégation de harcèlement de dirigeants syndicaux. La commission d’experts a invité le gouvernement à diligenter sans retard une enquête indépendante sur ces allégations et à fournir des informations sur ses résultats. Les membres employeurs partagent l’avis de la commission d’experts sur ce point.

- L’absence de reconnaissance légale du NAHUWL, le harcèlement de son secrétaire général ainsi que l’intolérance croissante du gouvernement face aux travailleurs qui exercent leurs droits et libertés civiles au titre de la convention: le gouvernement indique que, dans l’attente des modifications législatives devant harmoniser le règlement de la fonction publique et la loi sur le travail décent, il envisage des moyens non statutaires pour faire bénéficier les salariés d’un processus ressemblant à la négociation collective. Toutefois, la commission d’experts a prié instamment le gouvernement d’accorder au syndicat une reconnaissance totale par une harmonisation de la loi sur le travail décent et du règlement de la fonction publique. Les membres employeurs soutiennent la commission d’experts à cet égard. S’agissant des allégations de harcèlement du secrétaire général du NAHWUL, le gouvernement a déclaré ne pas disposer des informations nécessaires pour entamer une enquête. Les employeurs exhortent le gouvernement à entamer une enquête indépendante sur cette allégation et à fournir des informations sur ses résultats.

- Champ d’application englobant les fonctionnaires: notant l’allégation de la Confédération syndicale internationale (CSI) suivant laquelle une récente décision de justice a exclu des associations de fonctionnaires de la loi sur le travail décent, la commission d’experts a prié le gouvernement de fournir des informations sur les faits nouveaux entourant les efforts d’harmonisation de la loi sur le travail décent et du règlement de la fonction publique devant faire en sorte que les fonctionnaires jouissent des droits inscrits dans la convention. À cet égard, nous prenons note de l’information donnée par le gouvernement suivant laquelle cette harmonisation pourrait ne pas être prioritaire étant donné les différences marquées entre les conditions de service et les prestations des deux régimes. Quoi qu’il en soit, les membres employeurs appellent le gouvernement à harmoniser les deux textes de loi dans la mesure nécessaire pour faire en sorte que les fonctionnaires puissent jouir de leurs droits au sens de la convention.

- Exclusion de certaines catégories de travailleurs maritimes: s’agissant de l’exclusion de certaines catégories de travailleurs maritimes de la loi sur le travail décent (article 1.5(1)(c) et (e)), la commission d’experts a prié le gouvernement d’indiquer de quelle manière ces travailleurs sont protégés et en mesure de bénéficier des droits énoncés dans la convention. Or le gouvernement n’a fourni aucune information à ce sujet. C’est pourquoi les membres employeurs se rangent aux côtés de la commission d’experts pour prier instamment le gouvernement de fournir les informations s’y rapportant.

- Travailleurs étrangers: dans le passé, la commission d’experts avait recommandé de modifier l’article 45.6 de la loi sur le travail décent pour permettre aux travailleurs étrangers de constituer leurs propres organisations afin de protéger leurs intérêts professionnels. Sur ce point, le gouvernement a indiqué qu’il est actuellement en contact avec des organismes représentant les travailleurs étrangers afin de constituer un organe distinct à cette fin. Par conséquent, le gouvernement est prié de communiquer des informations sur l’évolution de cette situation.

- Services essentiels: s’agissant de la demande d’informations de la commission d’experts au gouvernement sur toute évolution concernant la détermination des services essentiels par le Conseil tripartite national, celle-ci n’est pas appuyée par les membres employeurs. Nous faisons remarquer que la question des services essentiels est liée au droit de grève et, de ce fait, ne relève pas du champ d’application de la convention. Nous tenons à rappeler que, comme le démontrent le libellé explicite et l’historique législatif de la fonction normalisatrice de l’OIT, ni la convention no 87 ni aucune autre convention de l’OIT ne régit le droit de grève.

Ceci conclut nos commentaires sur ce cas. Nous sommes impatients d’entendre les avis d’autres groupes sur ce cas.

Membres travailleurs – C’est la deuxième année consécutive que la commission est invitée à examiner l’application de la convention no 87 par le gouvernement du Libéria.

L’an dernier, les membres travailleurs déploraient la fermeture de l’espace de liberté qui permettait aux syndicats de fonctionner librement au Libéria. Devant la détérioration de la situation, la commission avait prié instamment le gouvernement de faire en sorte que tous les travailleurs soient en mesure d’exercer leurs droits du travail dans un contexte de respect des libertés publiques, dont la liberté d’association, la liberté d’expression, de se réunir et protester pacifiquement sans ingérence et sans craindre pour leur sécurité individuelle et leur intégrité physique.

Nous constatons avec regret que, sur place, la situation n’a pas progressé depuis notre dernier examen. Au contraire, le gouvernement continue de s’ingérer abusivement dans les activités des syndicats et persiste à ne pas honorer les obligations que lui a conférées la convention en droit et dans la pratique, en dépit de ce que nous entendons à propos de contacts entre le gouvernement et le BIT en matière d’assistance technique.

Premièrement, le gouvernement refuse toujours au NAHWUL sa reconnaissance juridique. Il explique que, depuis 2018, le ministère de la Santé a reconnu une existence fonctionnelle au NAHWUL en tant qu’organisme représentant ses membres, en attendant la révision des lois nationales correspondantes. Nous rappelons qu’en 2016 le NAHWUL a déposé plainte devant le Comité de la liberté syndicale pour les mêmes motifs. Nous déplorons l’absence totale de progrès s’agissant du statut juridique et de l’enregistrement du NAHWUL. Le gouvernement doit agir immédiatement pour enregistrer le NAHWUL en tant qu’organisation syndicale. Cela ne peut plus attendre.

Deuxièmement, la loi de 2015 sur le travail décent ne s’applique pas aux travailleurs couverts par la loi sur la fonction publique. L’article 1.5(c)(i) et (ii) de la loi sur le travail décent exclut de son champ d’application le travail tombant sous le coup de la loi sur la fonction publique. Le gouvernement l’a reconnu. Bien que, dans son rapport à la commission d’experts, il indique travailler à l’harmonisation de la loi sur le travail décent et du règlement de la fonction publique, rien n’a été entrepris pour faire en sorte que les fonctionnaires et les agents de la fonction publique puissent exercer leur droit de constituer une organisation syndicale ou de s’y affilier, un droit protégé par la convention.

En 2022, la Cour civile a statué que l’association de fonctionnaires n’est pas soumise à la loi sur le travail décent. De ce fait, elle ne peut être membre du LLC, une organisation faîtière représentant les syndicats du Libéria. Elle a donc déclaré que la conférence du LLC qui s’était tenue le 30 mars 2022 et à laquelle avait participé cette association de fonctionnaires était nulle et non avenue. Il s’agit d’un revers majeur pour le mouvement syndical au Libéria et d’une ingérence dans l’indépendance du LLC.

En 2023, le gouvernement a continué à entraver les activités syndicales du LLC. En mai, le LLC a soumis au ministère du Travail la liste de ses délégués à la Conférence. Le gouvernement a refusé de nommer les délégués proposés en raison de leur appartenance à l’Association des fonctionnaires du Libéria (CSAL). Au lieu de cela, il a désigné unilatéralement la délégation des travailleurs, ce qui constitue une violation de la Constitution de l’OIT.

Il ne fait aucun doute, comme l’a exprimé la commission d’experts, que tous les travailleurs sont couverts par la convention no 87, moyennant d’éventuelles limites pour la police et les forces armées. Nous voulons, une fois encore, exhorter le gouvernement à prendre des mesures immédiates pour enregistrer la CSAL et réparer tout préjudice causé au LLC à cet égard. Troisièmement, l’article 1.5(c)(i) et (ii) de la loi sur le travail décent exclut également de son champ d’application les officiers, membres d’équipage et toutes autres personnes employées ou en formation à bord de navires. Le gouvernement doit fournir des informations détaillées sur la manière dont, en droit comme dans la pratique, ces droits en particulier sont garantis dans le cas des travailleurs du secteur maritime, notamment des stagiaires.

En outre, dans le droit fil des commentaires de la commission d’experts, nous prions instamment le gouvernement à prendre toutes les mesures nécessaires, notamment en modifiant l’article 45.6 de la loi sur le travail décent reconnaissant le droit des travailleurs étrangers d’adhérer à des organisations, pour garantir que le droit de constituer des organisations pour défendre les intérêts professionnels des travailleurs étrangers est pleinement reconnu, en droit et dans la pratique.

Enfin, à propos de la détermination des services essentiels, nous notons que l’article 4(1) de la loi sur le travail décent charge le Conseil tripartite national d’identifier et de recommander au ministre les services devant être considérés comme essentiels, lequel statue après examen. Bien que l’article 41.4(a) de la loi définisse les services essentiels comme ceux dont, de l’avis du Conseil tripartite national, l’interruption mettrait en danger la vie, la sécurité individuelle ou la santé de l’ensemble ou de toute partie de la population, c’est au Président de la République qu’il appartient de désigner tel ou tel service comme essentiel et, semble-t-il, de le faire indépendamment des recommandations du Conseil tripartite national. Nous devons répéter que le respect de la règle de droit et des libertés publiques est essentiel pour l’exercice de la liberté d’association et nous exhortons le gouvernement à s’assurer que les prérogatives du Président en matière de détermination des services essentiels sont conformes à la convention no 87.

Membre employeur, Libéria – Le patronat libérien est confronté à des difficultés en ce qui concerne l’élaboration des politiques et de l’accès au financement. Il s’agit là d’un sérieux revers pour le secteur privé. Si vous suivez la situation dans notre pays, vous verrez que la plupart des entreprises ferment. Depuis la pandémie de COVID-19, le secteur privé n’a reçu aucune aide. Par conséquent, si nous devons poursuivre dans la voie actuelle, avec le système d’emploi, nous verrons le secteur privé se développer. Dans ce cas, nous pourrons maintenir la population active. C’est pourquoi nous voudrions que cette réunion se penche sur le secteur privé au Libéria. Pour ce qui est de l’accès au financement, la question des taux pèse lourdement sur le marché. L’employeur va à la banque pour obtenir un prêt; la durée d’un prêt est très courte en raison des besoins de liquidités dans notre pays. Ce sont les défis auxquels nous sommes confrontés. Il en résulte que la plupart des entreprises ferment et la main-d’œuvre dans notre pays diminue. Il faudrait donc à tout le moins que cette commission cherche des moyens pour s’attaquer au problème dans notre pays.

Membre travailleuse, Libéria – C’est la deuxième fois consécutivement que le Libéria se présente devant la commission. Le mouvement syndical organisé du Libéria s’en félicite parce que le droit à la liberté d’association est menacé dans ses fondements dans le pays. Cette menace est une attaque cynique et bien coordonnée organisée par notre gouvernement, dont les membres élus ou désignés, comme les responsables politiques, jouissent des droits inhérents à la liberté d’association par le truchement de leurs partis politiques. Cette attaque contre la liberté syndicale, dirigée contre les travailleurs, est perpétrée alors que notre Constitution énonce de manière explicite le droit qu’ont tous les travailleurs sans distinction de jouir de ce droit. Cette année 2023 marque le 51e anniversaire de la ratification par le Libéria de la convention no 87, en 1962. Le LLC est la seule centrale syndicale ouverte aux travailleurs des secteurs public, privé et informel au Libéria; il ne cesse de participer à toutes les actions et campagnes syndicales qui veillent à assurer la protection de la dignité des syndicats et la protection des droits des travailleurs à l’intérieur des frontières du Libéria.

Malheureusement, le Libéria reste le seul pays africain à refuser de reconnaître le droit des travailleurs du secteur public de constituer librement des organisations syndicales de leur choix et de s’y affilier, alors qu’il est le plus ancien Membre de l’OIT sur ce continent. À vrai dire, l’ancienneté du pays au sein de cette Organisation n’a pas profité à la liberté syndicale dans le monde du travail. C’est parce que les droits à la liberté syndicale des travailleurs du secteur public et des travailleurs du secteur maritime ne cessent d’être fragilisés, contestés et attaqués. Le cadre législatif des relations du travail et de la gouvernance au Libéria aurait encore à gagner d’une réforme d’urgence, digne de ce nom et essentielle. À côté de l’exclusion des travailleurs du secteur public et des travailleurs du secteur maritime, privés de la jouissance de ce droit, les travailleurs de l’économie informelle et les travailleurs domestiques ne sont pas couverts par la loi sur le travail décent. Nous ne sommes pas convaincus que le gouvernement contrôlera bien ni qu’il fera appel à l’assistance technique pour garantir la bonne application des dispositions de la convention, comme il l’écrit dans sa lettre. La raison est que le gouvernement continue de s’ingérer dans les activités des syndicats. La convention dispose que les organisations de travailleurs, leur administration et leurs activités ne doivent pas être soumises à des ingérences. Hélas, le gouvernement actuel ne cesse de s’immiscer, y compris à un niveau plus faible. Nous demandons à la commission d’imaginer notre situation, alors que nous avons tenu notre congrès et élu un travailleur du secteur public à la présidence pour finalement nous entendre dire que ce dirigeant ne peut pas être reconnu. Le gouvernement agit de concert avec quelques travailleurs mécontents décidés à saboter notre administration. Maintenant, nous avons une décision qui clame que cette loi sur le travail décent tant décriée prime sur la Constitution nationale.

Les statuts du LLC, ses articles 7 et 27 en particulier, abordent les effectifs et l’affiliation, précisent que les organisations de travailleurs de l’économie formelle (secteurs public et privé) et celles de l’économie informelle souscrivent aux conceptions et à la mission du LLC après avoir fait preuve de diligence raisonnable interne suivant les dispositions de la convention. Les travailleurs du secteur public suivants s’en sont trouvés affectés: l’Association des fonctionnaires du Libéria, l’Association nationale des enseignants et le NAHWUL.

Le Libéria est un des signataires de la Charte africaine des droits de l’homme et des droits des peuples (Charte de Banjul), adoptée le 28 juin 1981 en Gambie. Le Libéria a joué un grand rôle dans la préparation de cette charte. Nous le rappelons parce que le gouvernement ne cesse de dénoncer les dispositions de ce très important instrument pour l’Afrique qui protège et promeut les libertés publiques. Le gouvernement continue de violer ses articles 10 (liberté d’association), 11 (droit de réunion) et 9 (droit à l’information et droit de libre expression) qui constituent des moyens essentiels de préserver les droits au travail et de promouvoir les relations du travail dans la pratique. Les travailleurs libériens lancent un appel à la commission pour qu’elle prenne d’autres mesures pour s’assurer que sa conclusion en la matière soit bien mise en œuvre lors de la présentation par le gouvernement de la feuille de route que l’OIT devra contrôler et aussi examiner le rapport dont elle fera l’objet. Bien sûr, cette mise en œuvre devra faire appel à la participation pleine et entière des partenaires sociaux, en particulier du LLC sans la moindre hésitation.

Membre gouvernementale, Suède – Je m’exprime au nom de l’Union européenne (UE) et de ses États membres. L’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la Macédoine du Nord, le Monténégro, la République de Moldova, et la Norvège, pays de l’Association européenne de libre-échange (AELE), membre de l’Espace économique européen, souscrivent à cette déclaration.

L’UE et ses États membres sont attachés à la promotion, à la protection, au respect et à la réalisation des droits de l’homme, y compris les droits du travail. Nous promouvons de manière active la ratification et l’application universelles des normes fondamentales internationales, au titre desquelles la convention no 87. Nous soutenons l’OIT dans sa tâche indispensable d’élaboration, de promotion et de vérification de l’application des normes internationales ratifiées et des conventions fondamentales en particulier.

L’UE et ses États membres sont des partenaires de longue date du Libéria. Ce partenariat se trouve encore renforcé dans le cadre de notre coopération avec l’Union africaine et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), ainsi que par la présence du Libéria parmi les bénéficiaires de l’initiative «Tout sauf les armes».

Nous notons avec une vive préoccupation que, suivant les dernières observations de la CSI, si le gouvernement a reconnu l’existence fonctionnelle du NAHWUL, il doit encore valider sa reconnaissance juridique. Nous sommes vivement préoccupés par les observations de la CSI-Afrique qui dénonce la dissolution d’une organisation syndicale par une entreprise publique, des cas isolés de dispersion par la police de grèves pacifiques, l’arrestation de dirigeants syndicaux et le licenciement abusif de travailleurs pour avoir participé à des actions de grève.

Comme le demande la commission d’experts, nous prions également le gouvernement de faire en sorte que tous les travailleurs, y compris ceux du secteur public, soient en mesure d’exercer leurs droits au travail au sens de la présente convention, dans un contexte de respect des libertés publiques, dont la liberté d’association, la liberté d’expression, de se réunir et de protester pacifiquement sans ingérence et sans craindre pour leur sécurité individuelle.

Nous nous faisons l’écho fidèle de la demande de la commission pour que soient prises des mesures pour faire en sorte que les dirigeants et membres de syndicats soient totalement protégés, y compris contre l’emprisonnement, pour avoir exercé des activités syndicales. Il est essentiel d’arrêter des règles, assorties de sanctions dissuasives, en cas de dissolution d’organisation syndicale, en ne l’autorisant qu’en dernier ressort pour des infractions légales graves.

Nous appelons le gouvernement à accorder une reconnaissance juridique sans réserve au NAHWUL par une harmonisation de la loi sur le travail décent et du règlement de la fonction publique, et à traiter toutes les allégations qui subsisteraient quant à une intolérance croissante du gouvernement envers les travailleurs qui exercent leurs droits et libertés publiques au titre de la convention.

Nous encourageons le gouvernement à revoir la loi sur le travail décent et tout autre texte de loi pour s’assurer que tous les travailleurs, y compris les travailleurs étrangers, soient en mesure d’exercer leur droit de constituer un syndicat de leur choix ou de s’y affilier.

Nous insistons sur l’importance qu’il y a à garantir les droits inscrits dans la convention. De même, s’agissant des travailleurs du secteur maritime et des stagiaires notamment, nous nous associons à la demande adressée par la commission d’experts au gouvernement pour qu’il fournisse des informations sur les lois et règlements couvrant cette catégorie de travailleurs, étant donné qu’ils sont exclus de la loi sur le travail décent.

Nous rappelons que le gouvernement a la responsabilité d’assurer l’application totale de cette convention qu’il a volontairement ratifiée. À ce propos, nous l’appelons à enquêter sur l’allégation de violations des droits syndicaux et de fournir une réponse complète aux commentaires de la commission d’experts.

Toujours à propos de la loi sur le travail décent, nous souhaitons ajouter que, bien qu’une législation soit en place pour l’essentiel, le travail des enfants existe toujours dans le pays. D’après les chiffres de l’UNICEF pour 2020, 32 pour cent des enfants présents dans le pays travaillent. Sur ce nombre, 30 pour cent travaillent dans des conditions dangereuses. Nous sommes conscients que le travail des enfants est à la fois une cause et une conséquence de la pauvreté, de l’inégalité, de la discrimination, de l’exclusion sociale et d’un manque d’accès à l’éducation. L’UE continue de promouvoir l’éducation et la formation professionnelle technique par le biais d’aides au gouvernement et aux institutions publiques d’enseignement et de formation des jeunes Libériens.

Nous prenons note des informations écrites fournies par le gouvernement. Nous nous félicitons de ce que le gouvernement ait sollicité et obtenu l’assistance technique du BIT, et aussi de ce que le gouvernement ait ratifié, l’an dernier, peu après la Conférence, deux conventions fondamentales de l’OIT, la convention (no 100) sur l’égalité de rémunération, 1951, et la convention (nº 138) sur l’âge minimum, 1973. Nous apprécions aussi l’action menée par le gouvernement pour élaborer un plan d’action national sur les entreprises et les droits de l’homme. L’UE et ses États membres continueront à suivre et analyser la situation s’agissant de la convention no 87.

Nous demeurons attachés à notre étroite coopération et notre partenariat avec le Libéria. Cette coopération pourrait aussi comporter une assistance technique spécifique en vue de la mise en application effective de ces trois conventions fondamentales.

Membre travailleuse, Belgique – Des observations concernant le non-respect par le Libéria de la convention no 87 ont été émises chaque année depuis 2018 par la commission d’experts. En juin 2022, cette commission a examiné le cas et a conclu son examen par plusieurs demandes cruciales au gouvernement:

- assurer le respect des libertés publiques, dont la liberté d’association, d’expression, de se réunir et de protester pacifiquement;

- faire cesser l’emprisonnement arbitraire de syndicalistes, mener des enquêtes approfondies et sanctionner les auteurs;

- assurer que la dissolution des syndicats ne puisse être prononcée que par les autorités judiciaires;

- reconnaître sans délai le NAHWUL;

- garantir que tous les travailleurs, notamment les travailleurs étrangers, puissent constituer le syndicat de leur choix ou s’y affilier;

- assurer la protection de la liberté syndicale aux travailleurs du secteur public.

Le rapport 2023 de la commission d’experts souligne avec regret l’absence de réponses adéquates du Libéria à ces demandes pressantes, et le manque d’informations fournies sur l’état de la situation. Aujourd’hui, le gouvernement fait état d’un commentaire écrit et d’une demande d’assistance technique depuis le mois de mai.

Mais aujourd’hui, au Libéria, l’espace dont disposent les syndicats pour opérer librement continue de se réduire d’une façon drastique, et les ingérences et violations graves signalées précédemment persistent. Le NAHWUL est toujours traitée comme une organisation criminelle simplement parce que ses membres insistent pour jouir de leurs droits à la liberté syndicale.

De même, la CSI-Afrique a signalé que les responsables syndicaux, en particulier ceux du secteur public, continuent d’être pourchassés et harcelés, et que les activités syndicales sont violemment réprimées et perturbées par la police. Le secrétaire général adjoint du Congrès du travail du Libéria a été arrêté et détenu par la police, juste quelques semaines après la clôture des travaux de cette commission. Il a également été poursuivi par la police qui lui a tendu une embuscade alors qu’il donnait une interview à une station de radio dans une ville située à quelques kilomètres de la capitale Monrovia.

La liberté syndicale et le droit à la négociation collective sont les pierres angulaires du travail décent. Ils permettent également aux travailleurs de se regrouper pour défendre les libertés civiles en plus de leurs intérêts économiques. Le respect de la liberté syndicale et le droit à la négociation collective peuvent jouer un rôle important dans l’équilibre du développement économique, auquel ils contribuent en favorisant une productivité inclusive, et la paix sociale.

La mise en œuvre par le Libéria du respect de la liberté syndicale dans la loi et dans la pratique contribuerait à maintenir la paix, le respect des libertés civiles et la stabilité après les nombreuses crises qui ont affecté le pays.

Membre travailleuse, Zimbabwe – C’est la deuxième fois que la commission examine le cas du Libéria pour des violations de la convention no 87. Nous en avons discuté récemment, il y a juste un an. Nous rappelons que certaines conclusions de la commission étaient que le gouvernement du Libéria devait réviser la loi sur le travail décent et tout autre texte de loi en rapport avec elle pour s’assurer que tous les travailleurs, y compris les travailleurs étrangers, sont en mesure d’exercer le droit de constituer une organisation syndicale de leur choix ou de s’y affilier, et que les travailleurs du secteur public bénéficient de la protection des droits à la liberté d’association au sens de la convention. Le rapport 2023 de la commission d’experts note une absence de progrès dans la mise en œuvre des conclusions précitées, et le gouvernement a refusé de rendre un rapport d’étape.

L’article litigieux 1.5(c), qui exclut les travailleurs du service public et les travailleurs du secteur maritime et d’autres du champ d’application de la loi sur le travail décent, n’a pas été modifié et continue d’être interprété et utilisé pour diviser les travailleurs du secteur public et les travailleurs du secteur privé et, plus précisément, pour refuser aux travailleurs du secteur public le droit de s’affilier au LLC. Je condamne la décision de justice qui a prononcé la nullité des élections de l’organisation de 2020 et 2022, laquelle est contraire à l’article 17 de la Constitution du Libéria qui reconnaît le droit à la liberté de réunion et d’association.

Plutôt que de prendre des mesures pour modifier la loi sur le travail décent, comme l’avait demandé la présente commission, le gouvernement a choisi de faire à sa guise et de constituer ce qu’il a appelé une commission indépendante pour organiser un autre système de règlement des litiges entre les membres de l’ancien exécutif du LLC et les membres du nouvel exécutif, composé de membres élus. Cette commission s’est réunie une première fois le 17 février 2023. Il s’agit là d’un cas flagrant d’ingérence dans les affaires du LLC.

Les paragraphes 1610 à 1612 de la Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale font remarquer qu’une situation qui ne résulte que d’un conflit au sein même du mouvement syndical est du seul ressort des parties intéressées, et la résolution de tout conflit interne à un syndicat ne devrait pas être laissée au gouvernement, mais bien à ses membres.

Le LLC a organisé ses élections conformément à ses statuts et le gouvernement doit s’abstenir de faire entrer d’autres dirigeants par la porte de derrière. Par conséquent, je prie instamment le gouvernement du Libéria d’arrêter ses ingérences dans les affaires du LLC.

Membre travailleuse, Norvège – Je prends la parole au nom des syndicats des pays nordiques. Le droit d’organisation est un élément clé du mandat de l’OIT et de son statut dans le contexte de la promotion de la justice sociale et d’une prospérité partagée. Mais, surtout, le fait d’être organisés dans un syndicat donne aux travailleurs un sentiment d’appartenance, de représentation et de légitimité. Un lieu de travail organisé a des avantages pour les employeurs, pour l’économie et pour le pays en termes de participation des syndicats à la réglementation des relations d’emploi, de progrès de l’harmonie industrielle, de productivité et de stabilité. Hélas, avec sa législation du travail actuelle, le Libéria empêche des travailleurs d’exercer leur droit fondamental à s’organiser et à constituer une organisation syndicale de leur choix ou y adhérer.

Nous notons avec une vive préoccupation que la loi sur le travail décent n’englobe pas les syndicats du secteur public ni les travailleurs du secteur maritime. Ces travailleurs sont effectivement privés de leur droit vital, fondamental de s’organiser. En outre, le NAHWUL, pourtant légitime, reste confronté à de sérieux obstacles pour s’enregistrer. Il faut déplorer que le gouvernement continue de se soustraire à ses obligations légales.

Tous les travailleurs des pays nordiques ont le droit de constituer des organisations syndicales de leur choix et de s’y affilier, ainsi que le droit de négocier collectivement. Ils bénéficient aux travailleurs des secteurs publics, comme ceux de la santé, de la police, des prisons et même des forces armées, au même titre que les travailleurs du secteur privé. Le droit de s’affilier à une organisation syndicale nationale appartient à chacun.

Nous savons qu’il existe des pays, sur le continent africain, où les travailleurs du secteur public sont syndiqués et peuvent s’affilier à des organisations syndicales nationales de leur choix. Nous invitons le gouvernement à tirer les leçons des exemples de ces pays et à partager leurs expériences. C’est pourquoi nous l’exhortons à prendre les mesures nécessaires pour que le NAHWUL soit immédiatement enregistré, de telle sorte que les travailleurs de la santé puissent exercer pleinement leur droit de constituer des organisations de leur choix et défendre leurs droits. Nous exhortons aussi le gouvernement à réviser sa loi sur le travail décent ainsi que toute autre législation connexe afin de s’assurer que tous les travailleurs sont en mesure d’exercer leurs droits.

Membre travailleur, Afrique du Sud – Le gouvernement du Libéria continue de s’ingérer dans les affaires des organisations et fédérations syndicales, ce qui a pour conséquence directe qu’il veut leur imposer un mode de fonctionnement, en particulier pour ce qui est des travailleurs du secteur public.

L’an dernier, la commission a examiné le cas du Libéria, premier membre africain de l’OIT, à propos de cette convention. Dans la salle, l’impression de tous les orateurs sans exception était que le gouvernement agissait de manière très étrange dans le cas d’une convention fondamentale dépourvue d’ambiguïté. Curieusement, je pouvais déceler dans les propos des divers intervenants, y compris ceux des employeurs, que l’application par le gouvernement des dispositions de cette convention avait besoin d’une assistance. Étrangement, le gouvernement a continué d’agir comme si de rien n’était. Il s’est même érigé en contrôleur de l’administration interne des syndicats tout en empêchant les travailleurs du secteur public d’adhérer librement à des organisations syndicales de leur choix.

Notre homologue libérien, le LLC, nous a informés que c’est le gouvernement libérien qui a fixé la composition de la délégation des travailleurs, malgré sa désapprobation et sa consternation. Nous avons protesté, mais le gouvernement ne s’est pas départi de son attitude paternaliste et hautaine.

Qui plus est, il faut rappeler à la commission que la Constitution du Libéria affirme que les travailleurs, sans discrimination, peuvent s’affilier aux syndicats de leur choix. Mes recherches montrent que la Constitution du Libéria reproduit, et nous pouvons en être fiers et l’apprécier, les dispositions de la convention no 98 quand elle dispose que «les travailleurs, sans distinction, ont le droit de constituer des organisations syndicales de leur choix et de s’y affilier librement». C’est pourquoi nous trouvons étrange qu’un tribunal puisse juger que la Constitution doit céder le pas à d’autres textes de loi.

En Afrique du Sud, la loi sur les relations professionnelles no 66 de 1995, telle que modifiée, donne le droit aux syndicats du secteur public comme du secteur privé d’organiser les travailleurs et de s’affilier à une fédération syndicale de leur choix. Actuellement, l’Afrique du Sud compte quatre fédérations syndicales regroupant des syndicats de différents secteurs de l’économie. Le gouvernement respecte les droits des syndicats d’organiser et de constituer des fédérations syndicales dans la mesure où il ne s’ingère pas dans les affaires syndicales, ne dicte pas aux syndicats la manière dont ils doivent se gérer, ni n’intervient dans l’élection de leurs dirigeants.

En conséquence, nous prions instamment le gouvernement de s’abstenir de s’ingérer dans les activités des syndicats et de faire le nécessaire en reconnaissant sans plus tarder les syndicats organisés, en particulier dans le secteur public.

Membre travailleur, Kenya – Je m’exprime au nom des travailleurs affiliés à la Confédération syndicale de l’Afrique de l’Est et de ceux d’Afrique de l’Ouest regroupés au sein de l’Organisation des travailleurs de l’Afrique de l’Ouest (OTAO). Il n’y a pas de services essentiels sans travailleurs, et chaque travailleur, qu’il soit dans le secteur public ou le secteur privé, a droit à un cadre de travail équitable, ce qui suppose de meilleurs salaires, des emplois sûrs, des congés de maladie payés et une représentation syndicale. Le classement de travailleurs dans des catégories de travailleurs des services essentiels ou d’agents du secteur public ne doit pas être utilisé pour stigmatiser ou refuser le droit d’organiser et de négocier des conventions collectives.

La détermination de services essentiels par le Conseil tripartite national au titre de l’article 41.4(a) de la loi sur le travail décent relève essentiellement d’une volonté de priver des travailleurs du droit à des pratiques de travail équitables. Elle les empêche de participer à des activités syndicales. Le concept de services essentiels se fonde sur l’article 3 de la convention qui consacre le droit des organisations de travailleurs d’organiser leurs activités et programmes sans ingérence des pouvoirs publics. En outre, ayant reconnu la liberté syndicale, aucun État Membre ne devrait limiter les droits conférés par l’article 3 de la convention à des groupes de travailleurs considérés comme des travailleurs des services essentiels.

L’affiliation à un syndicat et la participation à ses activités ne sont pas nécessairement synonymes de grève ni d’affrontement social; cela constitue un cadre juridique menant à la voie de l’arbitrage et de la médiation sur des thèmes liés à l’emploi, ce qui contribue à la dignité des travailleurs.

Pour replacer dans son contexte l’importance du droit d’organisation des travailleurs des services essentiels, au Libéria en particulier, nous avons des syndicats d’infirmières et de médecins dynamiques dans beaucoup de pays africains, le Kenya étant l’un d’eux. Ces syndicats sont les acteurs cruciaux de l’offre de soins de santé, et c’est par ces syndicats que les institutions publiques et les gouvernements ont pu assurer ces services de soins de santé indispensables et s’intéresser à ces travailleurs de la santé en particulier. Je suis médecin et représentant syndical des professions médicales et de la santé au Kenya. Les travailleurs de la santé libériens ont été les héros du pays dans sa lutte contre le virus Ebola et la pandémie de COVID-19. Ces vaillants travailleurs ont pris tous les risques pour que le système de santé du pays soit préservé, tandis que des dizaines d’entre eux subissaient l’ultime sacrifice. Ils ont été efficaces parce que leur organisation syndicale, le NAHWUL, a assuré avec efficacité la coordination des travailleurs. C’est là un exemple typique des avantages que peuvent offrir des syndicats dynamiques en renforçant les systèmes de soins de santé. C’est pourquoi la brutalité et la discrimination évidentes et superflues infligées aux travailleurs du secteur public au Libéria, faussement présentés comme des services essentiels, constituent une violation flagrante des droits des travailleurs de s’organiser et d’assurer le renforcement tellement nécessaire de l’offre de services publics. La commission doit insister auprès du gouvernement pour qu’il fasse ce qui s’impose.

Membre travailleur, Botswana – Je suis le secrétaire général du Syndicat des secteurs de l’éducation du Botswana, je m’exprime au nom des travailleurs du Botswana, et l’Internationale de l’éducation souscrit à ma déclaration. En tant qu’organisation dévouée à la promotion des droits et du bien-être des enseignants et des étudiants, nous sommes convaincus qu’il nous incombe de rappeler au gouvernement que tous les enseignants, qu’ils soient employés par les pouvoirs publics ou par des employeurs privés, doivent jouir sans réserve de la liberté d’association et de réunion.

Tous les travailleurs, fonctionnaires compris, devraient pouvoir exercer leurs droits au travail en vertu de la convention dans un contexte de respect des libertés publiques, dont la liberté syndicale, la liberté d’expression, de se réunir et protester pacifiquement sans ingérence et sans craindre pour leur sécurité individuelle et leur intégrité physique.

Les enseignants ont besoin d’un engagement des pouvoirs publics à respecter, promouvoir et concrétiser leurs principes et droits fondamentaux au travail.

Les agents de la fonction publique, à la seule exception possible des forces armées et de la police, doivent, conformément à l’article 9 de la convention, à l’instar des travailleurs du secteur privé, pouvoir constituer des organisations de leur choix pour la promotion et la défense des intérêts de leurs membres.

Des services publics de qualité et financés de manière adéquate sont essentiels à un développement centré sur l’humain. Il est important que les enseignants aient des conditions de travail décentes et un statut décent. La qualité d’un système d’éducation est tributaire de la qualité de ses enseignants.

Le statut des enseignants comporte des dimensions multiples. L’amélioration de ce statut doit porter sur la rémunération, les conditions d’emploi, les droits syndicaux, la représentation dans les médias, le financement, la formation, les politiques d’éducation, l’autonomie, le développement professionnel permanent, etc.

Observateur, Internationale des services publics (ISP) – Je m’exprime au nom de l’ISP et de son organisation affiliée au Libéria, le NAHWUL. Malgré la discussion qui a eu lieu l’année dernière devant cette même commission et les recommandations précises que la commission d’experts a formulées, rien n’a changé dans le pays. Je souhaiterais donc rapidement rappeler les points suivants: le Comité de la liberté syndicale recommandait déjà en 2018 la reconnaissance du NAHWUL (cas no 3202); en 2019, le gouvernement a signé un protocole d’entente avec le NAHWUL précisant que le ministère de la Santé faciliterait l’octroi d’un statut juridique au syndicat qui serait considéré comme un partenaire lors des prises de décisions concernant les travailleurs de la santé; George Poe Williams, l’ancien secrétaire général du NAWHUL, a dû s’exiler vu le manque de garanties quant à sa sécurité. Il est toujours en exil, mais a pu retrouver sa famille après plus de trois ans de séparation.

En outre, à la suite de la discussion de l’année dernière, j’ai rencontré la délégation gouvernementale présente à la commission. L’échange a été très amical et j’ai eu l’impression à l’époque que des améliorations étaient possibles et que d’autres discussions et contacts avec le gouvernement étaient envisageables. Toutefois, je crains que rien de tout cela ne se soit réalisé. Au contraire, le gouvernement a intensifié les actions discriminatoires contre le NAHWUL: par exemple, à la fin de 2022, le président de la commission du Sénat chargé des relations avec l’exécutif a invité certaines associations membres du NAHWUL dans son bureau pour discuter de la nouvelle loi sur la santé publique, mais a exclu le NAHWUL. Au début de 2023, des cadres du ministère de la Santé et de la fonction publique ont discuté avec certaines associations membres du NAHWUL d’augmentations salariales sans faire participer le syndicat. À la même époque, le NAHWUL a écrit à la ministre de la Santé pour la rencontrer à propos d’une retenue de salaire prélevée régulièrement sans explication, mais elle n’a pas répondu. Il y a eu d’autres actions de discrimination de ce type. Je voudrais signaler que, des trois associations de travailleurs du secteur public (NAHWUL, Syndicat des fonctionnaires du Libéria (CSUL) et CSAL), seul le NAHWUL n’est pas autorisé à percevoir les cotisations de ses membres par l’intermédiaire du système de déduction des cotisations syndicales. Du reste, Moibah Johnson, président du LLC, a été supprimé de la liste des délégués à la présente Conférence au motif qu’il est un fonctionnaire et que, conformément à la loi, les fonctionnaires ne sont pas autorisés à former un syndicat, et encore moins à adhérer au LLC.

Au vu de tous ces exemples de violations flagrantes de la liberté syndicale, je tiens à réaffirmer que nous déplorons ces pratiques. Nous exigeons que le gouvernement évite de s’immiscer dans les affaires internes des syndicats et demandons à la commission d’adopter des conclusions à la hauteur de la gravité des allégations

Observateur, Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF) – La pandémie de COVID-19 a eu des répercussions considérables sur la vie des gens de mer. Des centaines de milliers de gens de mer ont été bloqués loin de chez eux pendant des mois, et nombre d’entre eux n’ont pas été payés, tandis que beaucoup se sont vu refuser un traitement médical. Les taux d’abandon des gens de mer ont atteint des niveaux jamais vus auparavant: en 2022, 118 cas d’abandon ont été signalés, une hausse de presque 25 pour cent par rapport à 2021, et, parmi eux, certains concernaient des navires battant pavillon libérien. La pandémie est peut-être finie, mais de nombreuses menaces planent toujours sur la sécurité des gens de mer, dont les conflits armés et les actes de piraterie.

Les droits syndicaux sont des droits habilitants et tous les gens de mer devraient bénéficier de ces droits fondamentaux. En tant que fière nation maritime, le Libéria joue un rôle essentiel dans le transport maritime international. Le registre maritime libérien est le deuxième plus grand au monde et comprend 5 000 navires, totalisant plus de 200 millions de tonnes brutes. Cela représente près de 15 pour cent des navires de haute mer du monde. Par conséquent, il est particulièrement important que tous les gens de mer nationaux et étrangers, dont les élèves officiers et les stagiaires, qui travaillent à bord de navires libériens, effectuant des trajets nationaux et internationaux, jouissent pleinement de tous les droits syndicaux en vertu de la convention. Comme la commission d’experts l’a noté, l’article 1.5(c)(i) et (ii) de la loi de 2015 sur le travail décent exclut explicitement de son champ d’application les officiers, les membres de l’équipage et toute autre personne employée ou en formation sur des navires. Au regard de la convention, rien ne justifie d’exclure de la couverture de la loi ces catégories professionnelles particulièrement vulnérables. Dans la pratique, nous avons observé que plus de 60 pour cent des navires battant pavillon libérien sont couverts par une convention collective de l’ITF, et nous voulons croire que cette couverture s’étendra à l’avenir. Néanmoins, il est impératif que la législation nationale accorde explicitement les pleins droits syndicaux aux gens de mer.

En vertu de la convention maritime du travail, 2006, telle qu’amendée (MLC, 2006), que le Libéria a ratifiée en 2006, le gouvernement doit veiller à ce que les dispositions de sa législation respectent, au sens de la MLC, 2006, le droit fondamental à la liberté syndicale et reconnaissent effectivement le droit à la négociation collective. C’est donc également à cet égard que nous encourageons le gouvernement à remédier rapidement à cette situation et à mettre sa législation en conformité avec la convention no 87 et la MLC, 2006.

L’ITF serait heureuse de collaborer avec le gouvernement, le registre maritime et les partenaires sociaux nationaux pour mettre rapidement en œuvre cette réforme nécessaire du droit du travail en procédant à une révision du règlement maritime libérien ou par tout autre moyen.

Représentant gouvernemental – Nous devons replacer les événements dans leur contexte. Le Libéria est un État souverain qui suit la règle de droit et dispose de trois pouvoirs; aucun n’interfère dans les affaires des autres mais tous trois se coordonnent. Le pouvoir législatif ne pouvait pas – et ne peut toujours pas – prendre de mesures pour harmoniser la loi sur le travail décent avec la loi sur la fonction publique tant que le mouvement syndical est divisé. Ce n’est pas le gouvernement qui s’est adressé à la justice; ce sont les syndicats qui ont intenté des poursuites judiciaires à l’encontre d’autres syndicats à la suite d’une élection contestée à la tête du LLC. Le tribunal a indiqué que la commission électorale du LLC n’avait pas agi correctement. Il a donc annulé le résultat de ce scrutin conformément à la loi et a ordonné la tenue de nouvelles élections, tandis que la procédure passait de la juridiction inférieure à Cour suprême. En tant que ministre du Travail, je souhaitais connaître l’issue de cette plainte, mais il est intéressant de noter que la partie requérante n’a pas poursuivi l’affaire devant la Cour suprême; le cas a été abandonné. C’était une occasion unique de soulever la question de la constitutionnalité puisque, au Libéria, seule la Cour suprême est habilitée à se prononcer sur des questions relevant de la Constitution et, en tant que ministre du Travail, je les ai exhortés «de soumettre leur requête» et de laisser la Cour suprême statuer sur ce cas une fois pour toutes. Mais ils n’ont pas maintenu leur demande et la Cour suprême n’a eu d’autres choix que confirmer la décision de la juridiction inférieure. La cour a alors indiqué qu’elle ne faisait pas la loi, mais qu’elle l’interprétait. Il revient au pouvoir législatif de modifier la loi et celui-ci est disposé à travailler avec les syndicats pour harmoniser la loi. Mais le mouvement syndical est fragmenté et il l’est depuis 2020. Comme je l’ai déjà dit, le volume total de procédures s’élève à 1 200 dossiers judiciaires et requêtes, et il y a eu toutes sortes de retards que les syndicats ont eux-mêmes provoqués. Aujourd’hui, tous coopèrent avec la commission indépendante qui inclut l’Association nationale du barreau, la commission électorale et le Syndicat de la presse du Libéria, qui sont des entités éminentes au Libéria et, à ce titre, elles veillent à ce que, dès qu’une élection se tiendra ou qu’une direction émergera, il soit procédé à l’harmonisation de la loi. Si le corps législatif poursuit ses travaux sans un mouvement syndical unifié, qui sera son interlocuteur? Les syndicats sont déjà en conflit les uns avec les autres. C’est la raison pour laquelle nous demandons à la présente commission de ne pas amplifier les problèmes au-delà du cadre contextuel, mais au contraire de soutenir les organisations syndicales. À l’époque, un syndicat s’est adressé à la justice pour prendre la place d’un autre. Constatant que le cas était toujours en instance, aucun syndicat précis ne devait donc occuper cette place. Le LLC a grandement besoin de soutien, mais le gouvernement ne souhaite pas montrer la voie car cela pourrait être interprété comme de l’ingérence. Plusieurs questions ont conduit à la fragmentation de l’organisation et il convient de les régler; un scrutin doit avoir lieu ou une direction doit être désignée. Toutes les plaintes concernent la direction du LLC, mais conformément à la loi il n’y a pas de réels problèmes avec l’organisation; le Libéria est un État de droit et le résultat a été annulé. Nous souhaitons donc un syndicat uni pour qu’il soit plus fort et que les négociations soient plus robustes. Dans la société, un mouvement syndical fort implique que la classe moyenne croît plus rapidement; à l’inverse, la classe moyenne n’évolue pas lorsque le mouvement syndical est faible. C’est très important pour le gouvernement. Il y a à peine quelques jours, une grève s’est déclenchée dans une compagnie minière et celle-ci a pris contact avec le ministère du Travail pour que la grève soit déclarée illégale, mais nous avons refusé. Finalement, les travailleurs ont obtenu des augmentations de salaire supplémentaires et d’autres avantages. Le même scénario s’est produit chez LAC, une plantation de caoutchouc qui a également réprimé les travailleurs. La plantation de caoutchouc de Firestone niait l’existence d’un problème lié au riz et nous avons découvert que des membres de la direction recevaient des pots-de-vin en lien avec le riz fourni aux travailleurs. Nous y avons remédié. Une grève a eu lieu la semaine dernière chez Bea Mountain, une entreprise d’exploitation de mines d’or. Nous sommes intervenus, nous n’avons pas déclaré que la grève était illégale, nous avons temporisé la situation et ils ont obtenu 10 pour cent d’augmentation de salaire. Ces personnes qui tergiversent sont aussi celles qui veulent obtenir la direction du LLC à l’approche des élections. Les syndicats de la base qui gèrent, supervisent ou rassemblent un nombre impressionnant de travailleurs apprécient beaucoup le rôle du ministère du Travail et les efforts du gouvernement pour les protéger. Ici, le BIT a le devoir de fournir une assistance technique et d’autres formes de soutien pour s’assurer que nous y parvenons. Nous invitons l’OIT à ne pas s’adresser aux factions, mais à envoyer des représentants au Libéria pour qu’ils participent à la commission électorale qui procédera aux élections du LLC. C’est très important pour la transparence. Nous invitons l’OIT, l’Union européenne et tous ceux qui veulent venir au Libéria, mais il faut qu’il y ait une direction élue et reconnue par tous les syndicats qui compose le LLC. Une fois cela fait, nous ne voyons aucun inconvénient à ce que le pouvoir législatif procède à l’harmonisation de la loi. Le corps législatif attend lui aussi de pouvoir s’adresser à une direction légitime du LLC.

Quelqu’un a évoqué le travail des enfants. Conformément à la loi sur le travail décent, le Libéria a établi pour la première fois une liste des travaux légers et une liste des travaux dangereux. Nous menons une vaste campagne de sensibilisation dans tout le pays pour que tous les dirigeants communautaires soient en mesure de déterminer si un enfant effectue des travaux légers ou dangereux. Dans tous les comtés, des inspecteurs du travail veillent au respect des règles. Il convient de faire remarquer que le Libéria est l’un des rares pays d’Afrique disposant de moyens logistiques considérables dans le secteur du travail (véhicules, motos et appareils de communication). Le gouvernement a consenti d’énormes investissements dans ce secteur. Par conséquent, tout ce dont nous avons besoin en tant que gouvernement, c’est la collaboration de chacun. Nous sommes disposés à collaborer avec des partenaires pour nous assurer que tout est fait dans les règles. Nous demandons votre aide pour garantir le bon déroulement des élections au sein du LLC et l’instauration d’une relation légitime. Il s’agit presque là d’une condition préalable à tant d’autres choses que nous pouvons réaliser.

En tant que ministère du Travail, nous souhaitons également indiquer que, lors de la guerre civile au Libéria, les Nations Unies (NU) ont déployé une force chargée du maintien de la paix dans le pays. C’est à ce moment que la loi sur le travail décent a été présentée. Le Libéria a été le premier pays à la tester. Le pouvoir législatif a à peine eu le temps de l’examiner et elle a été adoptée à un moment où les forces de maintien de la paix des NU dirigeaient pratiquement le pays. Aujourd’hui, nous disposons d’une loi que nous devons revoir et modifier; faisons-le ensemble. Cessons tous d’imputer la faute aux autres. C’est une bonne chose de disposer de cette loi, mais, lorsque je suis devenu ministre du Travail en 2020, j’avais mes propres avis sur des questions tripartites – sur la détermination d’un secteur précis en tant que secteur essentiel ou pas –, mais c’est la loi qui tranche. Nous avons besoin de disposer d’une organisation syndicale unifiée et non divisée comme elle l’est aujourd’hui, avec une direction légitime à sa tête pour que nous puissions collaborer. Nous en sommes arrivés là parce que nous avons agi de bonne foi, mais nous voulons aussi qu’ils fassent un effort pour que le syndicat dispose d’une direction légitime. Il y a tellement de syndicats aujourd’hui à cause de cette division, et le gouvernement traite avec chaque syndicat individuellement. Nous ne discutons pas avec le LLC en tant qu’unité parce que la justice a ordonné de nouvelles élections et elle l’a notifié aux personnes qui ont été élues. Nous invitons l’OIT à venir au Libéria pour que des représentants puissent participer à la commission chargée de superviser les élections du LLC. Cette étape franchie, tout le reste ne posera plus de problèmes

Membres travailleurs – Nous remercions le gouvernement du Libéria pour les informations transmises, de même que toutes les personnes qui ont pris la parole pour nous éclairer sur la situation dans le pays relativement à l’application de la convention. Comme le gouvernement l’a lui-même déclaré, nous l’enjoignons à tenir compte de la discussion de la commission en toute bonne foi et à veiller à ce que les partenaires sociaux aient la possibilité de s’exprimer.

Sur les conseils du BIT, nous avons dénoncé de graves violations dans l’application de la convention par le Libéria, tant en droit que dans la pratique. Nous nous inquiétons fortement de l’absence de progrès depuis le dernier examen du cas, en 2022. Le gouvernement doit montrer son attachement aux principes et aux droits consacrés dans la convention en mettant entièrement en œuvre les recommandations et les conclusions des organes de contrôle de l’OIT et de la présente commission, et en mettant son droit et sa pratique en conformité avec la convention, en pleine consultation avec les partenaires sociaux.

Nous apprécions également que le gouvernement indique qu’il est disposé à régler les problèmes soulevés par la commission d’experts et le prions de s’appuyer sur les orientations de longue date des organes de contrôle, dont la commission d’experts, concernant le plein exercice des droits garantis dans la convention par des personnes qui travaillent dans des services essentiels au sens strict du terme.

Plus spécifiquement, nous demandons au gouvernement de:

- faire en sorte que tous les travailleurs soient en mesure d’exercer leurs droits du travail en vertu de la convention dans un contexte de respect des libertés publiques;

- enregistrer le NAHWUL en tant qu’organisation syndicale sans autre délai et fournir des informations complémentaires à la commission d’experts sur d’éventuelles allégations en suspens, de même qu’au Comité de la liberté syndicale concernant le cas no 3202;

- réviser la loi sur le travail décent et tout autre texte de loi connexe pour faire en sorte que tous les travailleurs, à la seule exception des membres de la police et des forces armées, puissent exercer le droit de constituer le syndicat de leur choix ou de s’y affilier. Et, en particulier, veiller à ce que les agents du secteur public et les fonctionnaires bénéficient des droits et des garanties au sens de la convention;

- fournir des informations à la commission d’experts sur les dispositions rédigées ou dont l’adoption est envisagée, ainsi que sur le calendrier prévu pour une telle adoption.

- réviser la loi pour veiller à ce que les officiers, les membres d’équipage et les autres personnes employées ou en formation sur un navire soient en mesure d’exercer leurs droits eu sens de la convention et fournir à la commission d’experts des informations sur la manière dont il garantit les droits des travailleurs du secteur maritime, y compris de ceux en formation;

- réviser l’article 45.6 de la loi sur le travail décent pour s’assurer que le droit de constituer des organisations pour défendre leurs intérêts professionnels est entièrement reconnu aux travailleurs étrangers, tant en droit que dans la pratique;

- réviser la loi sur le travail décent pour veiller à ce que les services essentiels soient désignés conformément à la convention.

Enfin, le gouvernement doit fournir des informations à la commission d’experts, au plus tard le 1er septembre 2023, sur toutes les mesures prises pour se conformer à ses obligations au titre de la convention ainsi que sur tout fait nouveau survenu à cet égard. Nous demandons au gouvernement d’accepter une mission de contacts directs.

Membres employeurs – Les membres employeurs souhaitent remercier une fois encore toutes les personnes qui sont intervenues, et en particulier le ministre représentant le gouvernement, pour les informations écrites et orales communiquées aujourd’hui. Nous prenons note de toutes ces informations et, en tant qu’employeurs, nous nous contentons de tirer des conclusions et de formuler des recommandations sur la base des observations émises par la commission d’experts. À cet égard, les membres employeurs recommandent donc ce qui suit au gouvernement:

- diligenter sans retard une enquête indépendante sur les allégations de la CSI-Afrique relatives à la dissolution d’un syndicat par une entreprise publique et au harcèlement de dirigeants syndicaux, et fournir des informations quant à l’issue de cette enquête;

- appliquer des mesures, y compris des sanctions dissuasives, pour garantir que les organisations syndicales ne peuvent être dissoutes que par une autorité judiciaire, en dernier recours, pour violation grave de la loi;

- résoudre la question de l’enregistrement du NAHWUL en tant qu’organisation syndicale sans autre délai;

- réviser la loi sur le travail décent et tout autre texte de loi connexe pour faire en sorte que tous les travailleurs, y compris les travailleurs étrangers, puissent exercer le droit de constituer le syndicat de leur choix ou de s’y affilier;

- veiller à ce que les travailleurs du secteur public jouissent de la protection des droits à la liberté syndicale au sens de la convention.

La position du gouvernement ouvertement favorable à une assistance technique du BIT est encourageante et à cet égard, nous le prions instamment de continuer de se prévaloir d’un tel soutien pour garantir le plein respect de la convention.

Conclusions de la commission

La commission a pris note des informations écrites et orales fournies par le gouvernement et de la discussion qui a suivi.

La commission a pris note de l’ancienneté de ce cas et des précédentes discussions devant la commission, la dernière en 2022.

La commission a regretté que le gouvernement n’ait pas donné suite à ses précédentes recommandations.

Prenant en compte la discussion, la commission prie le gouvernement de prendre, en pleine concertation avec les partenaires sociaux, des mesures d’urgence afin de mettre sa loi et sa pratique en conformité avec la convention no 87, et en particulier de:

- garantir que tous les travailleurs soient en mesure d’exercer leurs droits au travail au sens de la convention dans un contexte de respect des libertés publiques, notamment le droit à la liberté syndicale, la liberté d’expression, le droit de se réunir et de protester pacifiquement sans ingérence et sans crainte pour leur sécurité personnelle et leur intégrité physique;

- garantir que les dirigeants et membres syndicaux ne soient pas emprisonnés pour s’être engagés dans des activités syndicales et que les menaces dirigées contre des dirigeants syndicaux et motivées par leur activité syndicale fassent l’objet d’enquêtes approfondies et que les auteurs de ces actes soient dument punis;

- mettre en place des mesures, y compris des sanctions efficaces et suffisamment dissuasives, pour garantir que les syndicats ne puissent être dissous qu’au terme d’une procédure régulière et par une autorité judiciaire uniquement en dernier ressort;

- enregistrer sans autre délai le Syndicat national des travailleurs de la santé du Libéria (NAHWUL) en tant qu’organisation syndicale et fournir un complément d’information à la commission d’experts sur toutes les allégations en suspens;

- revoir la Loi sur le travail décent et tout autre texte de loi afférent pour s’assurer que tous les travailleurs soient en mesure d’exercer leur droit à former un syndicat de leur choix et y adhérer, et en particulier s’assurer que les travailleurs du secteur public et les fonctionnaires jouissent des droits et garanties inscrits dans la convention;

- garantir que les droits inscrits dans la convention profitent aux travailleurs maritimes, y compris les stagiaires, de même que tout autre texte de loi ou règlement adopté ou envisagé couvre cette catégorie de travailleurs; et

- garantir que les travailleurs étrangers bénéficient du droit de former des syndicats de leur choix et d’y adhérer, conformément à la convention.

La commission prie instamment le gouvernement de fournir à la commission d’experts, au plus tard le 1er septembre 2023, des informations sur toutes les mesures prises pour donner effet à ces recommandations et pour se conformer à ses obligations au titre de la convention ainsi que sur tout fait nouveau survenu à cet égard.

La commission invite le gouvernement à continuer de se prévaloir de l’assistance technique du BIT et à accepter une mission de contacts directs.

Représentant gouvernemental – Le gouvernement du Libéria prend note des recommandations de la commission relatives à la convention et s’engage à appliquer ladite convention. Nous attendons avec impatience le soutien technique du BIT pour veiller à la mise en œuvre de la convention no 87 et procéder à l’examen de nos lois pour garantir la syndicalisation des travailleurs de la santé du secteur public. Nous nous réjouissons également de continuer d’entretenir de bonnes relations de travail avec la présente commission.

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