ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards
NORMLEX Home > Country profiles >  > Comments

Direct Request (CEACR) - adopted 2023, published 112nd ILC session (2024)

Discrimination (Employment and Occupation) Convention, 1958 (No. 111) - France (Ratification: 1981)

Display in: English - SpanishView all

La commission prend note des observations formulées par la Confédération française de l’encadrement – CGC (CFE-CGC), reçues par le Bureau le 7 novembre 2022.
Article 1 de la convention. Protection contre la discrimination et le harcèlement sexuel. Départements d’outre-mer. La commission note à nouveau avec regret que, malgré ses demandes répétées, le gouvernement ne fournit toujours pas d’informations sur l’application de la convention en Guyane française et à la Réunion. Par conséquent, la commission prie le gouvernement de fournir des informations spécifiques sur: i) toute mesure prise par les autorités, les employeurs et les inspecteurs du travail visant à prévenir et à faire cesser les discriminations dans l’emploi et la profession et le harcèlement sexuel au travail; et ii) tout cas de discrimination et de harcèlement sexuel traité par l’inspection du travail et les tribunaux dans les départements d’outre-mer.
Article 1, paragraphe 1 a). Discrimination fondée sur le sexe. Discrimination fondée sur la grossesse. La commission prend note des informations figurant dans le rapport d’activité du Défenseur des droits (DD) pour 2022, selon lesquelles: 1) «[d]e trop nombreuses réclamations [lui] parviennent encore […] de la part de femmes dont les contrats ont été interrompus (fin de période d’essai, non renouvellement d’un contrat à durée déterminée) parce qu’elles étaient enceintes et auxquelles on reproche régulièrement un "manque de loyauté" lorsqu’elles ne signalent pas, de façon très anticipée, leur grossesse, alors que rien de les y oblige»; et 2) «[m]algré un cadre législatif protecteur et une jurisprudence bien établie, ces discriminations dans l’emploi fondées sur la grossesse restent fréquentes et se trouvent à l’origine de nombreuses saisines du Défenseur des droits» (p. 51). À cet égard, la commission estime que, bien que l’extinction des contrats à durée déterminée à l’issue du terme fixé tienne à leur nature même, il n’en reste pas moins que toute différence dans leur renouvellement ou dans la détermination initiale de leur durée qui serait fondée sur la grossesse, réelle ou potentielle, de la travailleuse est discriminatoire. Compte tenu de ces constats, la commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises ou envisagées pour: i) lutter contre toute discrimination en raison de la grossesse, tant au niveau du recrutement que de la promotion et des conditions de travail en général; et ii) rappeler à l’ensemble des personnes concernées les dispositions juridiques applicables à ce type de discrimination.
Interdiction des agissements sexistes. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur: i) la manière dont l’inspection du travail et les tribunaux traitent les agissements sexistes sur le lieu de travail, dans les secteurs public et privé; et ii) la mise en œuvre du Plan d’action et de mobilisation contre le sexisme lancé en septembre 2016.
Harcèlement sexuel. Secteur privé. La commission accueille favorablement la modification de la définition du harcèlement sexuel à l’article L.1153-1 du Code du travail, suite à l’adoption de la loi no 2021-1018 du 2 août 2021, qui ajoute aux «propos ou comportements à connotation sexuelle répétés» les «propos ou comportements à connotation sexiste répétés» et qui vise aussi les propos ou comportements venant de plusieurs personnes, de manière concertée ou non, même si chacune de ces personnes n’a agi qu’une fois. Elle note aussi que la protection des victimes et des témoins (art. L1153-2 du Code du travail) a été améliorée de manière significative par la loi no 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte. La commission prie le gouvernement de prendre des mesures pour: i) diffuser ces nouvelles dispositions du Code du travail; et ii) encourager et contrôler la mise en œuvre des obligations de l’employeur de prendre toutes les dispositions nécessaires pour prévenir les faits de harcèlement sexuel, d’y mettre un terme et de les sanctionner. Elle le prie également de considérer la possibilité de supprimer l’élément de répétition dans la définition du harcèlement sexuel à l’article L.1153-1-1°) du Code du travail lorsqu’il est exercé par une seule personne.
Discrimination fondée sur la race, la couleur ou l’ascendance nationale. Gens du voyage. La commission rappelle les résultats d’une enquête faite en 2017 pour le suivi d’un rapport de la Cour des comptes, selon lesquels l’amélioration des conditions de vie des gens du voyage était lente et inégale et la scolarisation des enfants était mieux encadrée mais souffrait d’insuffisances persistantes. À cet égard, elle prend note de l’adoption de la Stratégie française 2020-2030 - en réponse à la recommandation du Conseil de l’Union européenne du 12 mars 2021 – pour «l’égalité, l’inclusion et la participation des Roms» (janvier 2022) qui concerne aussi les gens du voyage. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures concrètes prises depuis 2017, notamment dans le cadre de la Stratégie 2020-2030, pour promouvoir: i) l’égalité de chances et de traitement des gens du voyage en matière d’accès à l’éducation à tous les niveaux et à l’emploi, notamment les mesures destinées à améliorer les niveaux de qualification, à reconnaître et valider les compétences professionnelles et à permettre l’inscription auprès du service public de l’emploi; et ii) le respect et la tolérance, et lutter de manière effective contre la discrimination et la stigmatisation des gens du voyage.
Discrimination fondée sur la religion. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises pour mettre en œuvre le Plan national de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine 2023-2026, dans le domaine spécifique de l’emploi. Elle réitère sa demande d’informations sur toute évaluation de la loi n° 2010-1192 du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public dans le domaine de l’emploi, compte tenu de ses possibles effets sur l’emploi des femmes musulmanes.
Article 1, paragraphe 1 a), et article 2. Discrimination fondée sur le sexe. Harcèlement sexuel. Égalité femmes-hommes. Fonction publique. La commission prend note de l’adoption, le 9 mars 2018, d’une circulaire relative à la lutte contre les violences sexuelles et sexistes dans la fonction publique et du décret du 13 mars 2020 qui précise la mise en place de dispositifs de signalement (violences, discriminations, harcèlement et agissements sexistes). Elle note aussi l’adoption: 1) en mars 2023, du Plan interministériel pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2023-2027, qui prévoit le développement de dispositifs d’égalité professionnelle dans la fonction publique: déclinaison de l’Index Égalité, négociation d’un nouvel accord, généralisation d’un objectif d’égalité professionnelle dans l’évaluation annuelle des directeurs des services de l’État, renforcement du dispositif des nominations équilibrées, poursuite du testing, etc; et 2) de la loi no 2023-623 du 19 juillet 2023 visant à renforcer l’accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures concrètes prises pour promouvoir l’égalité femmes-hommes dans la fonction publique et les résultats obtenus, dans le cadre de la mise en œuvre du Plan interministériel 2023-2027 et de l’application de la loi du 19 juillet 2023. Elle le prie de fournir des informations sur les mesures concrètes prises pour prévenir et lutter contre les violences sexuelles et sexistes dans la fonction publique.
Discrimination indirecte fondée sur le sexe. Inégalités de traitement entre les travailleuses et travailleurs domestiques et les autres catégories de travailleurs. La commission note que, dans ses observations, la CFE-CGC souligne l’existence d’inégalités entre les travailleuses et travailleurs domestiques et les autres catégories de travailleurs couverts par le Code du travail, notamment en matière d’indemnités légales de licenciement et de réglementation du temps de travail («heures de travail responsable» assimilées à des heures d’astreinte et non à des heures de travail). Le syndicat affirme également que: 1) le principe d’une liste limitative, telle que consacrée à l’article L.7221-2 du Code du travail, des dispositions de droit commun qui s’appliquent aux travailleurs domestiques contribue à précariser davantage leur situation; et 2) les spécificités du travail domestique (temps partiel, plusieurs lieux de travail avec temps de déplacement, etc.) ne sont pas prises en compte. La commission observe que la CFE-CGC souligne que la majorité des personnes travaillant dans cette catégorie sont des femmes. La commission estime par conséquent que ces différences de traitement peuvent constituer une discrimination indirecte fondée sur le sexe. La commission prie le gouvernement de fournir les éléments qu’il jugera utile en réponse aux observations de la CFE-CGC. Elle le prie aussi d’indiquer comment il entend remédier aux inégalités de traitement concernant les travailleuses et travailleurs domestiques par rapport aux autres travailleurs et lutter contre les discriminations indirectes à l’encontre des femmes.
Article 2. Égalité de chances et de traitement en matière d’éducation, de formation professionnelle et d’emploi. Personnes en situation de handicap. La commission prend note de l’adoption, en 2019, de la Stratégie pour l’emploi des personnes en situation de handicap et de la création de comités chargés de suivre son exécution. Elle note aussi les observations finales du Comité des droits des personnes handicapées des Nations Unies dans lesquelles il s’est déclaré préoccupé par: 1) les taux élevés de chômage et d’emploi à bas salaire parmi les personnes handicapées, et la ségrégation de celles-ci dans des lieux de travail protégés qui associent logement et emploi; 2) les taux élevés de chômage et d’emploi à temps partiel chez les femmes handicapées, la surreprésentation de celles-ci dans les emplois précaires et les difficultés qu’elles rencontrent s’agissant des perspectives de carrière et de l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle; 3) le faible niveau de qualifications professionnelles chez les personnes handicapées; et 4) le manque de sensibilisation des employeurs et leur réticence à procéder à des aménagements raisonnables (CRPD/C/FRA/CO/1, 4 octobre 2021, paragr. 54). La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur: i) les mesures prises, en collaboration avec les partenaires sociaux, pour promouvoir et assurer l’égalité de chances et de traitement des personnes en situation de handicap en matière d’emploi et de profession dans le cadre de la Stratégie de 2019 ou autrement, notamment sur toute mesure prise afin d’améliorer l’accès des jeunes en situation de handicap à l’éducation et à la formation professionnelles; et ii) les résultats obtenus en termes d’insertion à l’école et dans l’emploi ou la profession.
Contrôle de l’application. Institution de lutte contre les discriminations et de promotion de l’égalité. La commission note que le rapport d’activité du DD indique que «l’institution reste structurellement sous-dotée pour assurer plus efficacement l’ensemble de ses missions et traiter l’augmentation des réclamations, d’environ 15 pour cent chaque année». Par ailleurs, la commission note avec intérêt que la mise en place de la plateforme «antidiscriminations.fr», en février 2021, dont la gestion a été confiée au DD, a permis une augmentation très importante du nombre d’appels pour «discrimination» adressés à cette institution et, par conséquent, un meilleur accès des victimes au droit. Soulignant à nouveau le rôle fondamental du DD dans la lutte, la commission veut croire que le gouvernement continuera de prendre les mesures nécessaires pour que la mission de «lutte contre les discriminations et de promotion de l’égalité» au sein de cette institution puisse disposer des moyens et du personnel nécessaires pour lui permettre d’accomplir non seulement ses missions de traitement des réclamations, mais également ses missions de sensibilisation et d’information, de formation, de recherche et d’analyse, et de recommandation et d’avis auprès des autorités publiques.
Inspection du travail. La commission note les informations détaillées fournies par le gouvernement sur l’action de l’inspection du travail. Compte tenu de l’augmentation continue du nombre de réclamations pour discrimination déposées auprès du DD au fil des années, la commission demande au gouvernement de fournir des informations sur toute mesure prise pour mieux équiper les inspecteurs du travail de moyens et d’outils leur permettant de détecter et faire cesser tout type de discrimination, tant lors de l’embauche que dans le cadre de l’emploi.
Tribunaux. La commission note que, dans sa contribution à l’examen de la France par le Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) (octobre 2022), le DD mentionne: 1) le taux de non-recours très élevé et un contentieux difficile, rare et peu dissuasif; 2) le bilan très mitigé du dispositif des pôles anti-discrimination des juridictions (notamment en raison des exigences lourdes de la preuve de l’intention discriminatoire en matière pénale); 3) le très faible montant des condamnations pénales prononcées; et 4) le faible impact financier des sanctions civiles. À cet égard, le DD recommande de: 1) modifier les articles 225-1 et suivants du Code pénal en prévoyant un mécanisme d’aménagement de la charge de la preuve en cas de discrimination; 2) permettre au juge civil d’ordonner des diagnostics et de prononcer des mesures correctrices sous astreinte à l’encontre des organisations condamnées dans des contentieux individuels pour des faits de discriminations structurels; et 3) prévoir la possibilité d’accorder des dommages civils punitifs en cas de discrimination directe ou de harcèlement discriminatoire. S’agissant des actions de groupe en cas de discrimination prévues par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, la commission note que le DD souligne l’absence de cadre procédural précis pour accompagner la prise en charge de ce nouveau contentieux à la fois lourd et complexe ainsi que les problèmes de financement de ces actions. La commission demande au gouvernement de fournir des informations sur: i) tout cas de discrimination dans l’emploi et la profession (motif invoqué, sanctions prononcées et compensations accordées) traités par les tribunaux; ii) toute suite donnée aux recommandations du DD concernant le contentieux des discriminations; et iii) toute évaluation de l’effectivité des recours en cas de discrimination et d’accès des victimes au droit, y compris dans le cadre des actions de groupe.
Statistiques. Notant que le DD recommande, dans sa contribution de 2022 au CERD, la création d’un Observatoire des discriminations «pour développer la statistique publique sur les discriminations et l’utiliser comme un véritable instrument de pilotage et d’action pour la promotion des politiques d’égalité», la commission demande au gouvernement de fournir des informations sur: i) toute suite donnée à cette recommandation; et ii) la manière dont est évalué l’impact des mesures prises et les progrès ainsi accomplis.
© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer