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A. Analyse des premières plaintes
A. Analyse des premières plaintes
- Plainte de la Ligue des syndicats ouvriers du Liban
- 384 Par un télégramme du 2 février 1952, La Ligue des syndicats ouvriers du Liban a protesté contre l'arrestation de chefs syndicalistes tunisiens appartenant à l'Union générale tunisienne du travail.
- Plaintes de l'Union générale tunisienne du travail (première, deuxième et troisième communications : 9 et 21 février et 5 mars 1952)
- 385 Par trois communications des 9 et 21 février et 5 mars 1952, l'Union générale tunisienne du travail a allégué les griefs suivants.
- Interdiction des réunions syndicales
- 386 Les réunions syndicales, comme toutes les autres réunions, seraient interdites en raison de l'état de siège qui existe en Tunisie depuis 1938 et qui paralyse la vie syndicale dans le pays, il est entre autres indiqué que des meetings syndicaux auraient été interdits le 20 janvier 1952 et qu'en outre les syndicats se trouveraient dans l'impossibilité de se réunir dans le local de la centrale syndicale de l'U.G.T.T à Tunis du fait que des opérations de police ont fréquemment lieu aux abords de ce local. Le 15 février au soir, le siège de la centrale syndicale aurait été cerné par la police, ce qui aurait rendu impossible l'accès 'des travailleurs à ce local.
- Arrestation de militants syndicalistes
- 387 Des militants syndicalistes auraient été arrêtés dans un certain nombre de localités par simple mesure administrative. La plainte du 21 février cite notamment l'arrestation sans motif du secrétaire administratif du Syndicat des transports le 15 février 1952, de même que celle d'un membre du Syndicat des cafés, hôtels et restaurants. Il est également fait mention de l'arrestation des nommés Bellagha et Tlili, membres de la commission administrative de l'U.G.T.T.
- Sanctions pour faits de grève.
- 388 Des sanctions disciplinaires très sévères, allant dans quelques cas jusqu'au licenciement, auraient été prises contre des travailleurs en grève.
- Mesures vexatoires et actes de violence contre les travailleurs
- 389 Les autorités militaires auraient pris diverses mesures vexatoires contre les travailleurs et le secrétaire adjoint du Syndicat des transports aurait notamment été blessé par une balle tirée par une patrouille, le 6 février 1952.
- Mesures de répression
- 390 Les mesures de répression qui ont été prises en janvier 1952 auraient causé plus de 80 morts, 400 blessés hospitalisés, plus de 8.000 arrestations et internements, et des condamnations à des peines très sévères par les tribunaux militaires : la plainte donne notamment des détails sur le bilan des expéditions punitives qui se seraient produites au cap Bon et sur les excès qui auraient été commis au cours de ces opérations dans diverses localités. Dans sa communication du 5 mars 1952, le plaignant fournit un tableau indiquant le nombre des internés dans divers camps et les mauvais traitements auxquels ils seraient soumis.
- 391 Le plaignant demande en conclusion que l'O.I.T saisisse de l'affaire le Conseil économique et social et qu'une commission d'enquête soit envoyée en Tunisie.
- Plaintes des fédérations nationales de l'enseignement tunisien et de l'Office postal tunisien (1er mai 1952)
- 392 Par télégramme du 1er mai 1952, les représentants de ces organisations ont protesté contre l'interdiction faite par les autorités militaires de Tunisie de fêter le 1er mai.
B. Décision du Comité de la liberté syndicale (mai 1952)
B. Décision du Comité de la liberté syndicale (mai 1952)
- 393. A sa réunion de mai 1952, le Comité de la liberté syndicale a ajourné l'examen de ce cas dans l'attente des observations que le gouvernement français avait déclaré qu'il présenterait sur ces plaintes.
C. Analyse de la première réponse du gouvernement français (26 mai 1952)
C. Analyse de la première réponse du gouvernement français (26 mai 1952)
- 394. Dans sa première réponse en date du 26 mai 1952, le gouvernement français a notamment fait valoir les arguments suivants.
- Interdiction des réunions syndicales
- 395. C'est en raison des incidents violents survenus à. Tunis dans la semaine du 14 au 20 janvier, et des difficultés qu'il y aurait eu à assurer le service d'ordre, que le contrôleur civil de Tunis a dû interdire le meeting syndical que l'U.G.T.T comptait tenir hors de ses locaux, le 20 janvier 1952, à l'occasion du septième anniversaire de cette organisation. Les dirigeants de l'U.G.T.T ont donc été invités à reporter leur meeting à une date ultérieure, mais il leur a été indiqué qu'il ne leur était nullement interdit de célébrer cet anniversaire dans leurs propres locaux. Il n'a jamais été question d'une interdiction systématique des meetings syndicaux, mais d'une mesure commandée par les circonstances et qui ne porte pas atteinte au droit des organisations syndicales de tenir, dans leurs locaux, toute réunion ayant pour objet la défense de leurs intérêts professionnels. Le gouvernement communique le texte de la lettre adressée à cette occasion à l'U.G.T.T par le contrôleur civil de Tunis indiquant qu'en raison des circonstances, toutes réunions publiques ou syndicales paraissent inopportunes et demandant à l'U.G.T.T de reporter le meeting syndical à une date ultérieure.
- Arrestation de militants syndicalistes
- 396. Aucun militant syndicaliste n'a fait l'objet d'une mesure d'arrestation en raison de l'exercice spécifique du droit syndical qui, en vertu du décret beylical du 16 mai 1932, inspiré du Code français du travail, comporte exclusivement l'étude de la défense des intérêts économiques, industriels, commerciaux et agricoles. Si certains militants syndicalistes ont été inquiétés, les motifs retenus à leur encontre ne se rattachent nullement à l'exercice des libertés syndicales, dans les conditions prévues par ce décret, mais à une action dépassant le cadre syndical et préjudiciable à l'ordre public.
- Sanctions pour faits de grève
- 397. Dans le secteur privé, les licenciements pour faits de grève relèveraient de la compétence des tribunaux, appelés à apprécier les effets de la grève sur le contrat de travail : dans le secteur public, il est fait application des règles arrêtées par le Conseil des ministres du gouvernement tunisien, sur la base des principes dégagés en France par la jurisprudence du Conseil d'Etat. Ce dernier, partant du principe de la licéité de la grève, admet qu'à défaut de réglementation législative, le gouvernement, responsable de la marche des services publics, peut, sous le contrôle du juge administratif, prévoir certaines limitations au droit de grève, en vue de prévenir un usage abusif ou contraire aux nécessités de l'ordre public, limitations qui visent en pratique le personnel d'autorité et le personnel de sécurité.
- 398. Les mesures mentionnées dans les plaintes ont été prises dans le cadre de la réglementation en vigueur sur l'ordre public en Tunisie, en raison d'une agitation politique destinée à faire échec à la mission de conciliation du représentant de la France, agitation qui a revêtu, dans de nombreux cas, un caractère de gravité tel qu'il a nécessité l'exécution de mesures de sécurité. Les allégations relatives au nombre de personnes internées ou déférées devant les tribunaux sont exagérées : le nombre des personnes éloignées des centres urbains (et non internées) s'élève à 619 et non à 8.000, et celui des personnes déférées devant les tribunaux s'élève à 1.167 et non à 3.000.
D. Analyse des nouvelles plaintes
D. Analyse des nouvelles plaintes
- Plainte de la Confédération internationale des syndicats libres (23 mai 1952)
- 399 Dans une première communication en date du 23 mai 1952, le secrétaire général de la C.I.S.L présentait une plainte contre les autorités françaises eh indiquant que celles-ci pratiquent en Tunisie l'administration directe et en déclarant d'une manière générale que l'U.G.T.T, qui est affiliée à la C.I.S.L, poursuit la défense des travailleurs sur le plan social, mais estime que ses efforts seraient vains si elle ne se préoccupait d'assurer leur liberté individuelle dans le cadre d'un Etat démocratique, et que cette organisation s'est ainsi trouvée aux côtés des organisations désireuses de voir apporter des réformes au statut de la Tunisie. Les dirigeants de l'U.G.T.T auraient été accusés d'activités politiques subversives par les autorités, qui n'auraient pas admis le caractère strictement syndical de l'activité sociale de l'U.G.T.T, qui serait sa première et principale préoccupation. Le plaignant a allégué en particulier les griefs suivants, relatifs à des mesures législatives, administratives ou autres qu'auraient prises les autorités françaises.
- 400 Interdiction serait faite, par un décret du 4 décembre 1947, aux militants condamnés pour activité syndicale d'occuper des postes responsables dans le mouvement syndical, dont ils devaient être éloignés.
- 401 Selon les régions et les époques, certains droits et garanties d'ordre syndical seraient limités, suspendus ou supprimés à la suite de l'état de siège décrété en avril 1938 et appliqué, depuis, avec plus ou moins de sévérité mais sans interruption, et cela bien que le droit de constituer des syndicats et des fédérations de syndicats ait été reconnu par décret du 19 novembre 1932.
- 402 Il s'agit notamment des droits et garanties suivants.
- Droit de réunion et droit d'organiser des cortèges et manifestations
- 403 Plusieurs réunions syndicales, mentionnées dans la plainte, et notamment les meetings organisés le 20 janvier 1952 à l'occasion de la fondation de l'U.G.T.T et les manifestations du 1er mai auraient été interdits à la suite d'un arrêté du général Garbey du 26 avril 1952, et les réunions, même à l'intérieur des locaux syndicaux, n'ont été autorisées qu'à Tunis et à Sfax et non dans d'autres localités comme Gabès, Gafsa, Sousse, Bizerte, Le Kef et Kairouan le 15 février 1952, le siège de l'U.G.T.T à Tunis a été cerné par la police, ce qui a rendu impossible l'accès des travailleurs à ce local. Le 9 mai 1952, les forces publiques auraient attaqué les ouvriers réunis en une assemblée d'information, présidée par M. Ferhat Hached, secrétaire général de l'U.G.T.T, dans le local même de l'U.G.T.T à Sfax, et un certain nombre de syndiqués auraient été blessés. Les droits d'association et de réunion seraient refusés aux travailleurs de Béja et Mateur, de même que dans le Sud tunisien, région considérée comme territoire militaire, où l'administration est confiée exclusivement à des officiers français, disposant des pouvoirs les plus étendus et où aucune activité syndicale n'est tolérée.
- Droit d'organiser des grèves professionnelles
- 404 Des grèves professionnelles ont été réprimées avec la plus extrême sévérité et un certain nombre de grévistes auraient été tués, blessés ou condamnés à des peines de plus de dix ans de prison, licenciés et détenus pendant plus de trois mois, au cours des grèves survenues à Potinville en janvier 1950 et à Enfidaville en novembre 1950. Le plaignant donne en annexe un tableau sur les sanctions prises à l'occasion de la grève du 1er avril 1952. Ce tableau indique le nombre des travailleurs licenciés dans diverses localités, ainsi que le texte d'une lettre de M. Pons, secrétaire général du gouvernement tunisien, qui considérait la grève du 1er avril 1952 comme politique et donnait des instructions pour que des sanctions disciplinaires, allant dans plusieurs cas jusqu'au licenciement, fussent prises contre les grévistes.
- Absence de garanties de sécurité pour les militants syndicalistes dans l'exécution de leur mandat
- 405 Le plaignant signale de nombreux cas d'arrestation, d'emprisonnement et de mauvais traitements infligés à des militants syndicaux dans l'exercice de leur mandat, dans un certain nombre de localités (Le Kef, Mateur, Bizerte, Kélibia, Ferryville, Fériana) ; dix militants du mouvement syndical ont été traduits devant la justice militaire pour avoir tenu des meetings syndicaux le 1er mai 1951, alors que d'autres dirigeants syndicaux ont été arrêtés et déportés sans qu'aucune justification de ces mesures ait été donnée.
- 406 Le plaignant signale également l'interdiction faite aux militants syndicaux de pénétrer dans certaines régions, comme Béjà, Mateur, la région du barrage de l'oued Ellil, ainsi que la médina (ville arabe) de Sousse où se trouve le local de l'U.G.T.T (Cette dernière mesure n'a été rapportée qu'en janvier 1952 à la suite de l'intervention d'un délégué de la C.I.S.L). Il est également fait mention des restrictions apportées à l'activité des dirigeants syndicalistes et notamment à celle de M. Ferhat Hached, secrétaire général de l'U.G.T.T, qui, appelé à assister, le 17 mars 1952, à une réunion d'un sous-comité de la C.I.S.L, se vit refuser le visa de sortie qui ne lui fut finalement accordé qu'à la suite de l'intervention de la C.I.S.L. (trop tard pour qu'il lui fût possible d'assister à cette réunion). A sa rentrée à Tunis, le 1er mai 1952, le passeport de M. Hached lui fut retiré; tous les papiers dont il était porteur furent saisis et il est mis, depuis, dans l'impossibilité de correspondre avec l'étranger par la voie postale régulière, et il ne peut notamment tenir la C.I.S.L informée des événements intéressant l'U.G.T.T. Le secrétaire général et un membre de la commission administrative de l'U.G.T.T, condamnés par le tribunal correctionnel à une peine d'emprisonnement pour délit de presse, ont été invités par le parquet à cesser toute activité syndicale.
- 407 Le plaignant mentionne aussi des perquisitions effectuées au local du syndicat de Feriana, à la suite desquelles des documents syndicaux et des cotisations syndicales ont été saisis et le bureau du syndicat mis sous scellés.
- Actes de violence des autorités à l'égard des travailleurs
- 408 Le plaignant signale des mesures vexatoires prises contre les travailleurs par les patrouilles militaires et la police, et signale le cas d'un dirigeant syndical blessé par une balle tirée par une patrouille. Il rappelle les cas dans lesquels des syndiqués ont été empêchés d'assister aux réunions syndicales, arrêtés et maltraités à cette occasion.
- Mesures de répression
- 409 Le plaignant reproduit les allégations contenues dans la plainte de l'U.G.T.T au sujet du nombre des internés dans divers camps et des mauvais traitements auxquels ils seraient soumis.
- Plainte de la Fédération syndicale mondiale (22 janvier 1952)
- 410 Dans une plainte du 22 janvier 1952, soumise au Conseil économique et social et renvoyée par celui-ci, à sa 14ème session, à l'O.I.T, la Fédération syndicale mondiale a allégué les griefs suivants:
- a) arrestation des secrétaires de l'Union des syndicats de travailleurs de Tunisie et d'autres dirigeants d'organisations tunisiennes ;
- b) meurtre de travailleurs tunisiens à Tunis, Ferryville, Bizerte et Mateur, et
- c) vague de répression organisée par le gouvernement français.
- 411 Le plaignant demande qu'une intervention soit faite auprès du gouvernement français afin qu'il libère les militants emprisonnés et déportés et qu'il respecte les droits syndicaux.
- Plaintes de l'Union générale de l'U.G.T.T à Sfax et de la section de Sfax des fonctionnaires tunisiens (télégrammes du 21 juin 1952)
- 412 Par deux télégrammes du 21 juin 1952, les représentants de ces organisations ont protesté contre le fait que les forces armées françaises ont procédé à des perquisitions dans la centrale syndicale de Tunis et ont arrêté les ouvriers qui s'y trouvaient.
- Deuxième communication de la C.I.S.L (23 juin 1952)
- 413 Par lettre du 23 juin 1952, le secrétaire général de la C.I.S.L allègue les faits nouveaux suivants:
- a) Les autorités françaises de Tunisie auraient refusé les visas de sortie à M. Hached et à M. Boudali, qui devaient assister, comme représentants de l'U.G.T.T, au Conseil général de la C.I.S.L, à Berlin, du 1er au 5 juillet 1952.
- b) Le 20 juin 1952, la police a effectué une perquisition au siège central de l'U.G.T.T et y a saisi toute la documentation et la correspondance avec la C.I.S.L ainsi que des machines de bureau.
- Troisième et quatrième communications de la C.I.S.L (2 et 19 août 1952)
- 414 Par lettres des 2 et 19 août 1952, le secrétaire général de la C.I.S.L a allégué le fait nouveau suivant : à la suite d'une décision prise par les autorités françaises de Tunisie, la brochure de la C.I.S.L relative aux travaux du Congrès mondial de cette organisation tenu à Milan, en 1951, a été saisie et sa circulation interdite. Par la suite, huit des dix brochures saisies au siège de l'U.G.T.T ont été restituées à l'U.G.T.T, mais le plaignant indique que, malgré cette réparation partielle, il maintient la plainte formulée à ce sujet.
E. Analyse de la deuxième réponse du gouvernement français (23 octobre 1952)
E. Analyse de la deuxième réponse du gouvernement français (23 octobre 1952)
- 415. Dans une deuxième réponse en date du 23 octobre 1952, le gouvernement français a fait valoir les arguments suivants au sujet de certaines des plaintes présentées contre lui.
- 416. L'interdiction d'organiser les défilés le 1er mai, interdiction faite en application de la réglementation sur l'état de siège, visait essentiellement, pour des raisons d'ordre public, les manifestations sur la voie publique et ne s'appliquait nullement aux réunions syndicales, tenues dans les locaux syndicaux, en vue de la défense des intérêts professionnels. L'U.G.T.T a pu célébrer la fête du 1er mai dans ses locaux de Tunis, sous la présidence de son secrétaire général, M. Ferhat Hached, qui a fait, à cette occasion, un discours purement politique marquant ainsi que, sous le couvert d'activités syndicales, il se livre à des menées antifrançaises.
- 417. En ce qui concerne la surveillance exercée par la police devant le siège de l'U.G.T.T, cette mesure est due au fait que les places publiques de la médina, et plus particulièrement celle où se trouve ce local, sont habituellement le point de rassemblement et de départ des manifestations : cette surveillance, qui ne vise pas particulièrement l'U.G.T.T, a été renforcée le 15 février 1952 en raison de renseignements signalant qu'une manifestation devait se produire. Toutefois, la présence de forces de police près du local de l'U.G.T.T n'a pas empêché l'accès à ce local et la Commission administrative de cette centrale syndicale s'est réunie ce jour-là. Des mesures ont, d'ailleurs, été prises dès le 19 février 1952, pour relâcher la surveillance exercée sur la place où se trouve le local de l'U.G.T.T, afin que cette mesure ne paraisse pas dirigée contre cette organisation.
- 418. En ce qui concerne les arrestations mentionnées dans les plaintes, le gouvernement rappelle que, le 15 février 1952, s'était déroulée une manifestation au cours de laquelle plusieurs grenades avaient été lancées contre le service d'ordre. A la suite de cette manifestation, 37 individus ont été appréhendés en différents points de la ville et parmi ceux-ci figuraient, outre le secrétaire général adjoint du Syndicat des transports, un membre du bureau du Syndicat des cafés, hôtels et restaurants. Les intéressés ont été simplement conduits à la permanence de police, d'où ils ont été relâchés après vérification de leur identité et de leur emploi du temps.
- 419. En ce qui concerne l'arrestation de membres de la Commission administrative de l'U.G.T.T, le gouvernement indique que le nommé Bellagha a été arrêté, le 19 janvier 1952, pour organisation de manifestations non autorisées sur la voie publique, violences à agents et complicité de vol, et a été placé sous mandat de dépôt par le juge d'instruction: cette affaire, d'ordre strictement judiciaire, n'aurait aucun caractère syndical. Le nommé Tlili a été éloigné de Gafsa, le 14 février 1952, à la suite de l'assassinat de deux gendarmes de cette localité. Secrétaire général de la Fédération du Néo-Destour de cette région, il aurait tenté d'organiser plusieurs manifestations néo-destouriennes sur la voie publique à Gafsa, avec participation de Bédouins, qu'il avait réunis en groupes armés pour commettre des attentats et des sabotages. En outre, de graves présomptions, que l'information judiciaire en cours s'attache à établir, pèsent sur lui en ce qui concerne l'instigation du meurtre des gendarmes de Gafsa et du khalifat d'El Guettar.
- 420. Le gouvernement confirme que les mesures prises à l'égard de certains militants syndicalistes n'étaient nullement motivées par l'exercice du droit syndical, mais par une action dépassant le cadre syndical et préjudiciable à l'ordre public.
- 421. En ce qui concerne les actes de violence qui auraient été commis contre des travailleurs, le gouvernement déclare qu'un coup de feu a été tiré, le 6 février 1952, contre le secrétaire général adjoint du Syndicat des transports parce que celui-ci, interpellé par une patrouille dans la nuit, avait cherché, à s'échapper au lieu de répondre aux sommations réglementaires. L'action de la patrouille militaire serait sans rapport avec la qualité de militant syndicaliste de l'intéressé, qu'elle ignorait.
F. Analyse des 3ème et 4ème réponses du gouvernement français (23 octobre et 3 novembre 1952)
F. Analyse des 3ème et 4ème réponses du gouvernement français (23 octobre et 3 novembre 1952)
- 422. Par lettres du 23 octobre et 3 novembre 1952, le gouvernement français a fait valoir les arguments suivants en réponse à la plainte présentée par la C.I.S.L.
- 423. En ce qui concerne l'éviction de dirigeants syndicalistes de postes syndicaux responsables, le gouvernement déclare que le décret beylical du 4 décembre 1947, dont il cite le texte, ne prévoit nullement cette mesure à raison de condamnations pour activité syndicale mais uniquement à la suite de condamnations de droit commun. Le paragraphe 3 du décret en question écarte même expressément les condamnations pour délit politique.
- 424. En ce qui concerne les mesures prises à l'occasion de la grève du 1er avril 1952, le gouvernement déclare que cette grève ne fut pas une grève licite de caractère professionnel, mais une grève illicite de caractère politique destinée à protester contre la formation du nouveau ministère tunisien. Les mesures prises, à cette occasion, sont conformes aux décisions analogues arrêtées dans la métropole dans des cas semblables. La circulaire du secrétaire général du gouvernement tunisien concernant les sanctions applicables à cette grève politique a, d'ailleurs, été suivie d'une circulaire postérieure du 15 avril 1952, qui a suspendu l'effet de ces sanctions.
- 425. En ce qui concerne l'effet qu'auraient eu les mesures prises en application de la réglementation relative à l'état de siège, le gouvernement déclare que ces mesures, prises en considération des seules nécessités de l'ordre public, n'ont, à aucun moment, affecté l'activité des organisations syndicales poursuivant exclusivement la défense des intérêts professionnels de leurs adhérents.
- 426. Les militants syndicalistes inquiétés l'ont été en raison d'une action dépassant le cadre syndical et préjudiciable à l'ordre public.
- 427. En ce qui concerne le nombre des personnes arrêtées, les chiffres donnés par les plaignants sont erronés : la lettre du 23 octobre indique que le nombre des personnes traduites devant les tribunaux aurait été de 2.073, tandis que celui des personnes éloignées par mesure administrative serait de 614, et la lettre du 3 novembre 1952 ajoute que, compte tenu des mesures de libération décidées le 15 septembre 1952, il n'y avait plus en Tunisie que 67 personnes astreintes, par mesure administrative, à une simple résidence forcée.
- 428. Les restrictions apportées à la participation de l'U.G.T.T à des réunions syndicales internationales seraient dues au fait que le dirigeant de cette organisation, M. Ferhat Hached, au cours de ses déplacements à l'étranger, était fréquemment sorti du cadre syndical de sa mission pour se livrer à une propagande purement politique. Ses déclarations au congrès de Milan montrent que, dès 1954 il se servait du couvert du syndicalisme pour procéder à des attaques d'ordre purement politique contre la France.
- 429. La perquisition du 20 juin 1952 au siège central de l'U.G.T.T aurait été motivée du fait que de nombreux tramways et trolleybus de Tunis ayant été, à plusieurs reprises, lapidés, des renseignements sont parvenus à la police d'après lesquels plusieurs personnes, qui se seraient habituellement rendues coupables de ces actes, auraient cherché refuge après les attentats au siège de l'U.G.T.T. L'autorité militaire a délivré un ordre de perquisition, et dans la soirée du 19 juin 1952, un individu, appréhendé en flagrant délit, a reconnu que lui-même et d'autres personnes responsables de la lapidation des moyens de transports avaient reçu l'ordre de se rendre à 22 heures au siège de l'U.G.T.T où de nouvelles instructions devaient leur être communiquées pour le reste de la nuit. La police ayant appréhendé à la sortie du local syndical un certain nombre de jeunes gens, l'un d'eux réussit à s'échapper et retourna au siège de l'U.G.T.T où il fut poursuivi par la police. Conformément à l'ordre de perquisition, il fut appréhendé en même temps qu'un certain nombre de ses camarades qui se réfugiaient dans ces locaux après avoir lapidé deux tramways rentrant 'au dépôt. Au cours de cette opération, le commissaire de police a procédé à une perquisition, au cours de laquelle des documents ont été saisis et restitués aussitôt, leur examen n'ayant donné aucun résultat. Le Parquet a, par la suite, requis une information du chef d'atteinte volontaire à la sécurité de la circulation des tramways et de violences et voies de fait. Cette information a visé exclusivement les individus appréhendés au siège de l'U.G.T.T, dont 25 ont été placés sous mandat de dépôt, mais n'a touché, à aucun moment, les dirigeants de l'U.G.T.T, bien qu'il eût été possible d'établir une complicité du fait de la transformation du siège de l'U.G.T.T en lieu de réunion et de refuge pour les auteurs d'attentats. Le gouvernement ajoute que ces incidents montrent que l'étiquette des dirigeants de l'U.G.T.T sert le plus souvent de couvert à une action politique.
- 430. En ce qui concerne la saisie, au siège de l'U.G.T.T, d'un certain nombre de brochures de la C.I.S.L, elle a été motivée par la reproduction, dans cette publication, des déclarations faites au congrès de Milan, à la séance du 6 juillet 1952, par M. Ferhat Hached, secrétaire général de l'U.G.T.T, déclaration qui, sous le couvert du syndicalisme, contenait des attaques d'ordre purement politique contre la France. Les propos tenus à Milan par M. Ferhat Hached lui auraient, d'ailleurs, valu un rappel à l'ordre de la part du président du congrès.
G. Analyse de la 4ème communication de (3 octobre 1952)
G. Analyse de la 4ème communication de (3 octobre 1952)
- 431. Dans une quatrième communication, en date du 3 octobre 1952, l'U.G.T.T a allégué les faits nouveaux suivants.
- Interdiction de réunions syndicales
- 432. En septembre 1952, les autorités ont refusé aux Unions générales de l'U.G.T.T l'autorisation de tenir des réunions syndicales à Hammamet et dans diverses autres localités mentionnées dans la plainte. La plainte contient en annexe le texte de la correspondance échangée entre les syndicats et les autorités au sujet des diverses réunions qui ont été interdites.
- Atteinte au droit de grève, violence contre les grévistes
- 433. Les dockers du port de Tunis faisant la grève des heures supplémentaires depuis deux semaines, la direction du port a décidé, le 19 août 1952, de distribuer de nouvelles cartes de travail à une soixantaine de chômeurs sans consulter l'organisation syndicale et alors que l'effectif légal des dockers professionnels est déjà trop élevé par rapport à l'activité normale du port de Tunis. A la suite de cette mesure, le 20 août 1952, les 60 nouveaux dockers ont été introduits sur les quais, alors que les forces de police ont attaqué les dockers qui se trouvaient dans la salle d'embauche, ont lancé des bombes lacrymogènes et ont chargé les dockers à coups de crosse; plus de 70 dockers ont été blessés et une dizaine d'entre eux transportés à l'hôpital.
- Licenciement et arrestation de dirigeants syndicaux
- 434. Le 20 août 1952, l'amiral commandant la marine en Tunisie a congédié un certain nombre d'employés parmi lesquels figurent les délégués détachés par décision de l'autorité maritime pour assurer les fonctions syndicales permanentes, conformément au statut en vigueur. Ces employés affiliés à l'U.G.T.T ont été internés dans des camps ou frappés de mesures d'éloignement sans avoir été inculpés. Il s'agit du personnel statutaire qui devrait normalement bénéficier de la stabilité d'emploi.
- Restriction à l'activité des dirigeants syndicalistes
- 435. Depuis le 1er mai 1952, les responsables syndicaux sont dans l'impossibilité d'exercer leur activité syndicale auprès de la C.I.S.L. M. Ferhat Hached, secrétaire général de l'U.G.T.T, qui s'était vu retirer son passeport à son retour d'une mission syndicale auprès de la C.I.S.L, n'a pu le récupérer depuis. C'est ainsi que, bien que membre du comité exécutif de la C.I.S.L, il n'a pu se rendre à la réunion de celui-ci, le 29 juin 1952, à Berlin, et n'a pu obtenir le visa de sortie pour la réunion du comité du fonds régional de la C.I.S.L qui se tenait les 25 et 26 septembre 1952 en Belgique. Le secrétaire général adjoint de l'U.G.T.T, Nouri Boudali, n'a pu également se rendre à Berlin pour assister aux réunions du conseil général de la C.I.S.L dont il est membre (1er - 5 juillet 1952), et s'est vu refuser le visa de sortie pour se rendre en Libye, où il était chargé d'une mission syndicale pour le compte de la C.I.S.L.
- H. Analyse de la cinquième réponse du gouvernement français (5 février 1953)
- 436. A sa réunion de décembre 1952, le Comité avait chargé le Directeur général de demander au gouvernement français des informations supplémentaires en ce qui concerne, d'une part, les allégations contenues dans la plainte de l'Union générale des travailleurs tunisiens, d'autre part, certaines allégations contenues dans les plaintes antérieures.
- 437. Le gouvernement, par lettre du 5 février 1953, a présenté les observations suivantes.
- Droit d'association et de réunion dans les régions de Béja et Mateur ainsi que dans le Sud tunisien
- 438. Le gouvernement soutient que le droit syndical, reconnu en Tunisie par le décret beylical du 16 novembre 1952, s'exerce de la même manière sur l'ensemble du territoire, sans distinction entre la zone de contrôle civile et la zone militaire du sud. Dans les territoires militaires du sud, l'activité syndicale est cependant moins importante qu'en territoire civil étant donné le degré d'évolution moins élevée des populations formées de pasteurs et de petits cultivateurs, situation de pur fait ne pouvant être imputée à des mesures légales de discrimination qui n'existent pas.
- 439. A Mateur comme à Béja, les travailleurs ont toujours bénéficié du droit d'association et de réunion sans aucune restriction ni entrave. A Béja notamment, l'Union régionale de l'U.G.T.T a tenu au cours de l'année écoulée plusieurs réunions à son siège. Au cours de cette période, le contrôleur civil n'a été amené qu'une seule fois à interdire une réunion de ce groupement. L'autorisation en avait été demandée en vue de procéder à l'élection d'un délégué ouvrier d'une certaine commission de la mine Sidi Ahmed, mais la réunion de cette commission avait eu lieu la veille du jour prévu pour la réunion, de sorte que l'objet de l'autorisation tombait de lui-même.
- Interdiction de réunions à l'occasion du 1er mai 1952 dans les villes de Gabès, Gafsa, Sousse, Bizerte, Le Kef et Kairouan, et attaque perpétrée contre les ouvriers réunis dans le local de l'U.G.T.T à Sfax le 9 mai 1952.
- 440. Le 1er mai 1952, seules les manifestations sur la voie publique ont été interdites par décision du général commandant supérieur des troupes de Tunisie prise en application du régime de l'état de siège. Les réunions dans les locaux syndicaux ont été tolérées.
- 441. A Sfax, la réunion syndicale du 9 mai 1952 s'est tenue au local de l'U.G.T.T et s'est déroulée sans incidents ni interventions de la force publique, qui à ce jour n'a pas pénétré dans le local de l'U.G.T.T à Sfax.
- Arrestation de militants syndicalistes dans l'exercice de leur mandat dans un certain nombre de localités (Le Kef, Mateur, Bizerte, Kélibia, Ferryville, Fériana) ; poursuites engagées contre dix militants en raison de manifestations organisées le 1er mai 1951.
- 442. Dans deux cas seulement des incidents se sont produits : à Mateur, le représentant de l'U.G.T.T, par ailleurs chef local du Néo-Destour, s'est écarté délibérément du programme prévu et approuvé par l'autorité compétente en donnant aux manifestations un caractère nettement politique. Poursuivi devant les tribunaux civils et non militaires pour collecte de fonds et organisation de cortèges non déclarés et non autorisés, il a été condamné à 10.000 francs d'amende. A Fériana, une manifestation sur la voie publique a été organisée sans que l'autorisation en ait été sollicitée. Le cortège s'est accompagné de chants et cris séditieux à caractère politique. Les deux organisateurs n'ont pas été arrêtés, mais simplement entendus par la police pour l'enquête. Traduits devant le tribunal de Sousse, ils ont été condamnés à trois mois de prison avec sursis. La justice militaire n'a jamais été saisie de l'affaire. Dans les autres localités aucun incident ne s'est produit.
- Eviction des postes syndicaux de dirigeants condamnés pour délits de presse
- 443. Le secrétaire général de l'U.G.T.T n'a pas fait l'objet d'une condamnation à une peine d'emprisonnement pour délit de presse, mais la Cour d'appel de Tunis l'a condamné en novembre 1950 à une peine de prison avec sursis, notamment pour infractions à la réglementation relative aux allocations familiales. Il a néanmoins continué à diriger l'U.G.T.T sans être poursuivi, alors que le décret du 4 décembre 1947 interdit, sous peine de sanctions, toute fonction de direction et d'administration des syndicats aux personnes qui ont été condamnées, sauf pour délit politique, à un emprisonnement d'une durée égale ou supérieure à un mois.
- 444. La Résidence générale de France à Tunis n'a pas davantage connaissance qu'un membre de la commission administrative de l'U.G.T.T ait été dans les mêmes conditions invité par le Parquet à cesser toute activité syndicale.
- Interdiction faite aux dirigeants syndicalistes de pénétrer dans certaines régions
- 445. Les dirigeants syndicalistes n'ont jamais fait l'objet d'une quelconque interdiction de pénétrer dans les régions de Mateur, Béjà et Oued-Ellil. En ce qui concerne plus spécialement le barrage de l'Oued-Ellil, la circulation des personnes dans le périmètre des chantiers est simplement soumise à autorisation du directeur des travaux publics en vertu de l'arrêté du 22 décembre 1949. Il s'agit là d'une mesure de sécurité d'ordre général destinée à prévenir les accidents.
- Perquisitions effectuées au local du syndicat de Fériana.
- 446. Le local de l'U.G.T.T à Fériana était également celui du Néo-Destour. C'est à ce dernier titre seulement qu'une perquisition y a été opérée le 29 mars 1952. Les documents saisis ont été restitués par la police aux intéressés chaque fois que leur caractère non politique a été constaté. Quant aux cotisations syndicales, elles n'ont pu être saisies pour la bonne raison qu'elles étaient inexistantes.
- Incidents survenus au cours de grèves à Potinville, en janvier 1950, et à Enfidaville en novembre 1950
- 447. Le 5 janvier 1950, lors des grèves du domaine de Potinville, le service d'ordre, dès son arrivée sur les lieux, était assailli à coups de pierres et de bâtons par 150 grévistes environ. Débordés et sur le point d'être cernés, les gardiens de la paix tirèrent en l'air pour se dégager. Des balles perdues firent quelques victimes : un tué et trois blessés. Le service d'ordre comptait douze blessés.
- 448. Vingt-cinq manifestants arrêtés furent déférés au tribunal correctionnel de première instance de Tunis, qui prononça dans son audience du 27 février 1950 les condamnations suivantes : 2 condamnations à 18 mois de prison et 20.000 francs d'amende, 13 condamnations à 12 mois de prison et 20.000 francs d'amende, 9 condamnations à 6 mois de prison et 20.000 francs d'amende, 1 acquittement.
- 449. En appel, le 27 avril, les condamnations furent ramenées à : 3 condamnations à 10 mois de prison et 12.000 francs d'amende, 13 condamnations de 4 à 6 mois de prison et 6.000 francs d'amende, 8 relaxés.
- 450. Les grèves déclenchées dans le domaine de la Société franco-africaine à Enfidaville, en novembre 1950, ont pris le caractère d'une véritable émeute. Le service d'ordre attaqué et pris à revers par plusieurs centaines de manifestants armés a dû, pour se dégager, alors qu'il comptait vingt blessés, dont deux par balles, et après avoir fait usage sans résultat de grenades lacrymogènes, se servir de ses armes. On a dénombré chez les émeutiers cinq tués et quatorze blessés.
- 451. Un certain nombre de manifestants ont fait l'objet d'inculpations pour violences à gendarmes, entrave à la liberté du travail, port d'armes, provocation et complicité; 72 d'entre eux ont bénéficié d'un non-lieu. Les autres ont été déférés au tribunal correctionnel de Sousse, qui, dans son audience du 27 mars 1951, a relaxé trois inculpés et prononcé les condamnations suivantes : 4 condamnations à 1 mois d'emprisonnement ferme, 1 condamnation à 2 mois d'emprisonnement ferme, 5 condamnations à 3 mois d'emprisonnement ferme, 9 condamnations à 4 mois d'emprisonnement ferme, 6 condamnations à 6 mois d'emprisonnement ferme, 1 condamnation à 6 mois d'emprisonnement avec sursis, 3 condamnations à 1 an d'emprisonnement ferme.
- Meurtre de travailleurs tunisiens à Tunis, Ferryville, Bizerte et Mateur
- 452. Aucun travailleur tunisien n'a été tué dans l'ensemble de la Régence au cours de manifestations syndicales. Il est certes arrivé dans certains cas que le rétablissement de l'ordre public ait entraîné quelques victimes, mais il S'agissait chaque fois de manifestations sur la voie publique à caractère uniquement politique prenant généralement tournure d'émeutes et où le service d'ordre attaqué par les manifestants armés en nombre considérablement supérieur s'est vu dans l'obligation de faire usage de ses armes.
- Atteinte au droit de grève, violences contre les grévistes
- 453. La grève des dockers du port de Tunis qui a eu lieu au mois d'août 1952 était motivée uniquement par la délivrance de cartes professionnelles de dockers à soixante Tunisiens membres d'un nouveau syndicat affilié à la C.G.T.-F.O. Elle était en fait dirigée contre ce nouveau syndicat et constituait à cet égard une atteinte au respect de la liberté du travail. L'administration s'est bornée à faire assurer la liberté du travail en permettant tant aux adhérents des organisations syndicales autres que l'U.G.T.T et l'U.S.T.T qu'aux travailleurs non syndiqués de se livrer à l'exercice normal de leur profession.
- 454. En outre, l'arrêté du 18 août 1952 qui, compte tenu de la constitution du syndicat affilié à la C.G.T. - F.O, a prévu la participation d'un membre de cette organisation aux délibérations du bureau de la main-d'oeuvre du port de Tunis, n'a pas porté atteinte à la représentation numérique antérieure au sein de ce bureau des syndicats de dockers afférent à l'U.G.T.T et à l'U.S.T.T.
- 455. Enfin, la police n'a fait usage qu'une seule fois d'une seule bombe lacrymogène afin de faire évacuer la salle d'embauche occupée par les grévistes. Il n'y a pas eu de blessé.
- Interdiction de réunions syndicales
- 456. En application de la réglementation relative à l'état de siège, les réunions publiques sont soumises à l'autorisation préalable des contrôleurs civils et sont susceptibles d'être interdites. Cependant, les services de la Résidence ont indiqué au contrôleur civil que cette interdiction ne s'appliquait nullement aux réunions de caractère syndical tenues dans les locaux syndicaux et qui avaient pour objet la défense des intérêts professionnels.
- 457. Pour les réunions syndicales tenues ailleurs que dans les locaux syndicaux, de très larges tolérances sont admises, mais il n'a pas été possible d'admettre que sous le couvert de revendications professionnelles soient organisées de véritables manifestations politiques de nature à troubler l'ordre public.
- 458. Les interdictions dont se plaint l'U.G.T.T n'auraient jamais été prononcées si les dirigeants de cette organisation n'avaient systématiquement transformé des réunions syndicales en débats d'ordre purement politique.
- Licenciement de dirigeants syndicalistes
- 459. Aucune sanction comportant le licenciement n'a jamais été prise en Tunisie pour participation à des grèves de caractère professionnel. En cas de grève à caractère politique, par contre, des sanctions ont été prononcées, conformément aux décisions analogues prises dans la métropole.
- 460. L'ordre de licenciement, en date du 25 août 1952, de l'autorité maritime de Bizerte motive précisément les sanctions en cause par la participation des intéressés à des cessations collectives de travail de caractère non professionnel.
Observation générale
Observation générale- 461. Ces diverses allégations se rattachent toutes à la situation politique qui existe en Tunisie et à la tension qui s'y est manifestée récemment. Dans son premier rapport (janvier 1952), le Comité a rappelé qu'une des fonctions qui lui avait été confiées par le Conseil d'administration était de lui faire savoir s'il estime qu'un cas n'appelle pas un examen plus approfondi, lorsqu'il constate que les allégations formulées sont d'un caractère si purement politique qu'il ne semble pas opportun de poursuivre l'affaire. D'autre part, le Comité a indiqué que des allégations dont l'origine est politique on présentant certains aspects politiques peuvent soulever des questions intéressant directement l'exercice des droits syndicaux (paragraphe 29). C'est à la lumière de ces principes que l'examen du présent cas a été abordé.
- 462. Il convient d'ailleurs de souligner que l'aspect politique du problème tunisien a été examiné par l'Assemblée générale des Nations Unies à sa septième session, qui, par 44 voix contre 3 et 8 abstentions, a adopté à ce sujet, le 17 décembre 1952, une résolution ainsi conçue:
- L'Assemblée générale,
- Ayant examiné la question proposée par treize Etats Membres dans le document: A/2152,
- Consciente de la nécessité de développer, entre les nations, des relations amicales fondées sur le respect du principe de l'égalité de droit et du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes,
- Considérant que l'Organisation des Nations Unies, centre où s'harmonisent les efforts des nations vers leurs fins communes aux termes de la Charte, devrait s'efforcer d'éliminer toutes les causes et tous les facteurs qui créent des malentendus entre les Etats Membres, réaffirmant ainsi les principes généraux de coopération dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales,
- 1. Exprime sa confiance que, conformément à sa politique déclarée, le gouvernement français s'efforcera de favoriser le développement effectif des libres institutions du peuple tunisien, conformément aux buts et aux principes de la Charte ;
- 2. Exprime l'espoir que les parties poursuivront sans retard leurs négociations en vue de l'accession des Tunisiens à la capacité de s'administrer eux-mêmes, compte tenu des dispositions pertinentes de la Charte des Nations Unies ;
- 3. Fait appel aux parties intéressées pour qu'elles tiennent compte, dans leurs relations et dans le règlement de leurs différends, de l'esprit de la Charte et qu'elles s'abstiennent de tout acte ou mesure qui risquerait d'aggraver la tension actuelle.
- 463. Dans ces conditions, le Comité estime qu'il devrait se borner à examiner les aspects purement syndicaux de la question.
- Effets de l'état de siège
- 464. Les plaignants allèguent que de nombreux droits et garanties d'ordre syndical se trouveraient limités, suspendus ou supprimés à la suite de l'état de siège décrété en avril 1938 et maintenu depuis, avec plus ou moins de sévérité, mais sans interruption.
- 465. Le gouvernement français déclare que les mesures prises en application de la réglementation relative à l'état de siège l'ont été en considération des seules nécessités de l'ordre public et n'ont à aucun moment affecté l'activité des organisations syndicales poursuivant exclusivement la défense des intérêts professionnels de leurs adhérents.
- 466. Dans ces conditions, le Comité est d'avis que la question de l'état de siège en elle-même présente un aspect purement politique sur lequel il n'est pas appelé à se prononcer, mais qu'il convient, par contre, d'en examiner les effets sur les seuls aspects de la liberté syndicale à propos de chacune des allégations concrètes présentées par les plaignants.
- Droit d'association
- 467. Dans sa plainte présentée le 23 mai 1952, le secrétaire général de la C.I.S.L allègue que le droit d'association, aussi bien que le droit de réunion, seraient refusés aux travailleurs de Béjà et Mateur, de même que dans le Sud tunisien, région considérée comme territoire militaire, où l'administration est confiée exclusivement à des officiers français disposant des pouvoirs les plus étendus et où aucune activité syndicale n'est tolérée.
- 468. Le gouvernement français signale dans sa communication du 5 février 1953 que le droit syndical est reconnu en Tunisie en vertu du décret beylical du 16 novembre 1932 (Série législative, 1932, Tun. 1). Les principales dispositions de cette législation sont les suivantes:
- Article premier. - Des syndicats ou associations professionnels de personnes exerçant en Tunisie depuis un an au moins la même profession, des métiers similaires ou des professions connexes concourant à l'établissement de produits déterminés, pourront se constituer librement sans l'autorisation du gouvernement.
- Article 2. - Les syndicats professionnels ont exclusivement pour objet l'étude et la défense des intérêts économiques, industriels, commerciaux et agricoles de leurs adhérents. Ils jouissent des droits et prérogatives reconnus aux groupements de même nature par la loi française do 12 mars 1920. (Série législative, 1920, Fr. 8).
- Article 7. - Des unions de syndicats régulièrement constitués d'après les prescriptions du présent décret peuvent être formées comme ces syndicats eux-mêmes et en vue des mêmes buts.
- 469. Ces dispositions qui s'inspirent largement de la législation française en la matière assurent aux travailleurs tunisiens la pleine liberté syndicale.
- 470. Le gouvernement français a précisé, en plus, que le droit syndical s'exerce de la même manière sur l'ensemble du territoire tunisien, sans distinction entre les zones civiles et la zone militaire du sud. Dans les territoires militaires, l'activité syndicale est cependant moins importante qu'en territoire civil en raison du degré d'évolution moins élevé de la population. Cette situation n'est donc pas due à des mesures législatives ou administratives, mais à des facteurs de pur fait. Quant aux villes de Mateur et de Béjà en particulier, le gouvernement déclare que les travailleurs y ont toujours bénéficié du droit d'association et de réunion sans aucune restriction ni entrave.
- 471. Dans ces conditions, le Comité conclut que cette allégation n'appelle pas un examen plus approfondi de la part du Conseil d'administration.
- Droit de réunion
- 472. Plusieurs allégations ont été présentées au sujet d'atteintes qui auraient été portées au droit de réunion des travailleurs.
- 473. Les plaignants ont allégué en premier lieu que les syndicats se trouveraient dans l'impossibilité de se réunir dans le local de la centrale syndicale de l'U.G.T.T, à Tunis, du fait que des opérations de police ont fréquemment lieu aux abords de ce local; le 15 février 1952, en particulier, le siège de la centrale aurait été cerné par la police, ce qui aurait rendu son accès impossible aux travailleurs.
- 474. Le gouvernement a répondu à ce sujet que la surveillance exercée par la police devant le siège de l'U.G.T.T est due au fait que les places publiques de la médina, et plus particulièrement celle où se trouve ce local, sont habituellement le point de départ des manifestations : cette surveillance, qui ne vise pas particulièrement l'U.G.T.T, aurait été renforcée le 15 février 1952 en raison de renseignements signalant qu'une manifestation devait se produire. Toutefois la présence de forces de police près du local de l'U.G.T.T n'aurait pas empêché l'accès à ce local et la commission administrative de cette centrale syndicale s'est réunie ce jour-là. Des mesures auraient d'ailleurs été prises, dès le 19 février 1952, pour relâcher la surveillance exercée sur la place où se trouve le local de l'U.G.T.T afin que cette mesure ne paraisse pas dirigée contre cette organisation.
- 475. Il ressort de cette réponse que les mesures de police prises dans le voisinage du siège central de l'U.G.T.T, qui ont pu dans une certaine mesure entraver le libre accès des travailleurs à ce local, étaient dues à des nécessités d'ordre public et n'étaient pas dirigées contre cette organisation syndicale. Le Comité a noté que les événements du 15 février 1952 avaient présenté un caractère exceptionnel et que le gouvernement français indique que des mesures ont été prises pour que la surveillance exercée sur la place où se trouve le local de l'U.G.T.T soit relâchée.
- 476. Dans ces conditions, le Comité conclut que cette allégation n'appelle pas un examen plus approfondi de la part du Conseil d'administration.
- 477. Les plaignants allèguent en outre que les réunions syndicales comme toutes les autres réunions, seraient interdites en Tunisie en raison de l'état de siège qui existe depuis 1938, et mentionnent divers cas d'interdiction de telles réunions.
- 478. Ils allèguent en particulier qu'un meeting syndical que l'U.G.T.T comptait tenir à Tunis le 20 janvier 1952, à l'occasion du septième anniversaire de cette organisation, aurait été interdit.
- 479. Il aurait également été interdit aux organisations de travailleurs de fêter le 1er mai en 1952, à la suite d'un arrêté du général Garbey du 26 avril 1952 les réunions, même à l'intérieur des locaux syndicaux, n'auraient été autorisées qu'à Tunis et Sfax, et non dans d'autres localités comme Gabès, Gafsa, Sousse, Bizerte, Le Kef, Kairouan, etc.
- 480. Dans une dernière communication du 3 octobre 1952, l'U.G.T.T a allégué qu'en septembre 1952 les autorités ont refusé aux unions générales de l'U.G.T.T l'autorisation de tenir des réunions syndicales à Hammamet et dans diverses autres localités mentionnées par les plaignants.
- 481. Le 1er mai 1952, les forces publiques auraient attaqué les ouvriers réunis en une assemblée d'information présidée par M. Ferhat Hached, secrétaire général de l'U.G.T.T, dans le local de l'U.G.T.T à Sfax et un certain nombre de syndiqués auraient été blessés.
- 482. Au sujet de ces diverses allégations, le gouvernement français a donné les précisions suivantes.
- 483. En ce qui concerne l'interdiction faite de tenir un meeting syndical le 20 janvier 1952, cette décision a été prise, déclare le gouvernement dans sa lettre du 23 octobre 1952, en raison des incidents violents survenus à Tunis dans la semaine du 14 au 20 janvier et des difficultés qu'il y aurait eu a assurer le service d'ordre. C'est pour cette raison que les dirigeants de l'U.G.T.T auraient été invités à reporter leur meeting à une date ultérieure, mais il leur aurait été indiqué qu'il ne leur était nullement interdit de célébrer l'anniversaire de la fondation de leur mouvement dans leurs propres locaux.
- 484. Le gouvernement a d'ailleurs précisé à différentes reprises et notamment dans sa lettre du 5 février 1953 qu'il n'a jamais été question d'une interdiction systématique des meetings syndicaux, mais d'une mesure commandée par les circonstances et qui ne porte pas atteinte au droit des organisations syndicales de tenir dans leurs locaux toutes réunions ayant pour objet la défense de leurs intérêts professionnels.
- 485. En application de la réglementation relative à l'état de siège, les réunions publiques sont soumises à une autorisation préalable et sont susceptibles d'être interdites. Cependant, de très larges tolérances sont admises nonobstant ces restrictions. Mais l'interdiction d'organiser des défilés le 1er mai a visé essentiellement, pour des raisons d'ordre public, les manifestations sur la voie publique et ne s'est nullement appliquée aux réunions syndicales tenues dans les locaux syndicaux en vue de la défense des intérêts professionnels. L'U.G.T.T a ainsi pu célébrer le 1er mai.
- 486. A Sfax, la réunion syndicale du 9 mai 1952 s'est tenue au local de l'U.G.T.T sous la présidence du secrétaire général de cette union et en présence de 300 militants environ. Elle s'est déroulée sans incident ni intervention de la force publique.
- 487. Dans un cas précédent (cas no 17), le Comité avait été déjà appelé à examiner des allégations relatives à l'interdiction de réunions publiques par les autorités françaises de Tunisie et il avait indiqué à ce sujet que le droit d'organiser des réunions publiques forme un aspect important des droits syndicaux. Dans le cas en question, le Comité avait relevé que l'interdiction qui faisait l'objet de la plainte ne visait pas spécifiquement une réunion syndicale mais une réunion politique, et avait noté que le gouvernement avait souligné que les réunions publiques d'ordre strictement syndical n'ont jamais été interdites en Tunisie.
- 488. Dans le cas présent, il ressort toutefois des plaintes et de la réponse du gouvernement que, pour des raisons d'ordre public, le gouvernement a cru devoir interdire un certain nombre de réunions publiques de caractère syndical. A ce sujet, le gouvernement indique en effet que les interdictions de réunions publiques, notamment le 20 janvier et le 1er mai 1952, constituent des mesures commandées par les circonstances et qui ne portent pas atteinte au droit des organisations syndicales de tenir, dans leurs locaux, toutes réunions ayant pour objet la défense de leurs intérêts professionnels, et qu'il n'a jamais été question d'une interdiction systématique des meetings syndicaux.
- 489. Etant donné que l'interdiction générale mais passagère de réunions publiques était exclusivement motivée par des raisons d'ordre public et ne visait pas les réunions syndicales dans les locaux des syndicats, le Comité estime que cette allégation ne mérite pas un examen plus approfondi de la part du Conseil d'administration.
- Arrestation de militants syndicalistes
- 490. Les plaignants allèguent que les autorités auraient arrêté plusieurs chefs syndicalistes appartenant soit à l'Union des syndicats des travailleurs de Tunisie, soit à l'Union générale tunisienne du travail. D'après certaines des plaintes, ces arrestations auraient été opérées par simple mesure administrative. Les plaignants mentionnent plus précisément les cas suivants.
- 491. Le 15 février 1952, le secrétaire administratif du Syndicat des transports ainsi qu'un membre du Syndicat des cafés, hôtels et restaurants, auraient été arrêtés sans motif.
- 492. Les nommés Bellagha et Tlili, membres de la commission administrative de l'U.G.T.T auraient également été arrêtés.
- 493. La plainte présentée par la C.I.S.L fait également mention de l'arrestation, de l'emprisonnement et de mauvais traitements qui auraient été infligés à des militants syndicaux dans l'exercice de leur mandat dans un certain nombre de localités (Kef, Mateur, Bizerte, Kélibia, Ferryville, Fériana).
- 494. Il est également allégué dans cette plainte que dix militants du mouvement syndical ont été traduits devant la justice militaire pour avoir tenu des meetings syndicaux le 1er mai 1951.
- 495. Enfin, la plainte présentée par l'U.G.T.T le 3 octobre 1952 fait état du fait qu'un certain nombre d'employés, parmi lesquels figurent les délégués détachés par l'autorité maritime pour assurer des fonctions syndicales permanentes, auraient été internés dans des camps ou frappés de mesures d'éloignement sans avoir été inculpés.
- 496. Le gouvernement français a répondu en date du 23 octobre 1952 qu'en ce qui concerne l'arrestation de deux syndicalistes le 15 février 1952, cette mesure est intervenue à la suite d'une manifestation qui s'était déroulée ce jour-là et au cours de laquelle plusieurs grenades avaient été lancées contre le service d'ordre. A la suite de cette manifestation, 37 personnes ont été appréhendées en différents points de la ville et parmi celles-ci figuraient, outre le secrétaire général adjoint du Syndicat des transports, un membre du bureau du Syndicat des cafés, hôtels et restaurants. Ces deux personnes auraient été simplement conduites à la permanence de police d'où elles furent relâchées après vérification de leur identité et de leur emploi du temps.
- 497. En ce qui concerne MM. Bellagha et Tlili, membres de la commission administrative de l'U.G.T.T, le gouvernement indique que le nommé Bellagha a été arrêté, le 19 janvier 1952, pour organisation de manifestations non auto risées sur la voie publique, violences à agents et complicité de vol, et a été placé sous mandat de dépôt par le juge d'instruction : cette affaire, qui suivra la procédure judiciaire, n'aurait aucun caractère syndical. Le nommé Tlili aurait été éloigné de Gafsa le 14 février 1952 parce qu'il aurait tenté d'organiser plusieurs manifestations politiques sur la voie publique, avec des groupes armés qui auraient été organisés pour commettre des attentats et des sabotages ; en outre, de graves présomptions pèseraient sur lui en ce qui concerne l'instigation de trois meurtres et une information judiciaire serait en cours à ce sujet.
- 498. Dans le cas de MM. Bellagha et Tlili, le Comité a noté que ces personnes, qui sont des dirigeants syndicalistes, sont poursuivies pour des délits de droit commun et sont l'objet d'une procédure judiciaire actuellement en cours.
- 499. En ce qui concerne les allégations relatives aux militants syndicalistes qui auraient été arrêtés dans un certain nombre de localités ainsi qu'aux dirigeants du mouvement syndical qui auraient été traduits devant la justice militaire pour avoir tenu des meetings syndicaux le 1er mai 1951, le gouvernement a déclaré d'une manière générale que les mesures prises à l'égard de certains militants syndicalistes n'étaient nullement motivées par l'exercice du droit syndical, mais par une action dépassant le cadre syndical et préjudiciable à l'ordre public.
- 500. Dans sa communication du 5 février 1953, il a en outre donné les précisions suivantes : aucun incident ne s'est produit à Kélibia, à Kef, à Bizerte et à Ferryville. A Mateur, la manifestation autorisée s'est délibérément écartée du programme prévu et a pris un caractère politique. C'est pour ce motif que l'organisateur, par ailleurs chef local du Néo-Destour, a été traduit en justice et condamné. A Fériana, une manifestation sur la voie publique a été organisée sans que l'autorisation en ait été sollicitée; elle a également pris un caractère politique. C'est pour cette raison que les deux organisateurs ont été condamnés à trois mois de prison avec sursis.
- 501. En ce qui concerne le cas des employés détachés par décision de l'autorité maritime pour assurer des fonctions syndicales permanentes, cas relevé dans la plainte de l'U.G.T.T du 3 octobre 1952, il ressort de la lettre du gouvernement français en date du 5 février 1953 qu'il s'agit là également de faits d'ordre purement politique.
- 502. Le Comité a noté la déclaration du gouvernement d'après laquelle, dans la plupart des localités mentionnées dans la plainte, aucun incident ne s'est produit et si certains militants syndicalistes ont été inquiétés, comme par exemple à Mateur et à Fériana, les motifs retenus à leur encontre ne se rattachent nullement à l'exercice des libertés syndicales, mais seulement à une action dépassant le cadre syndical et qui était soit préjudiciable à l'ordre public, soit de nature politique.
- 503. Dans ces conditions, le Comité conclut que l'allégation n'appelle pas un examen plus approfondi de la part du Conseil d'administration.
- Licenciement de dirigeants syndicaux
- 504. Dans sa communication du 3 octobre 1952, l'U.G.T.T a allégué qu'en août 1952, l'amiral commandant la marine en Tunisie a congédié un certain nombre d'employés, parmi lesquels figurent les délégués détachés par décision de l'autorité maritime pour assurer des fonctions syndicales permanentes conformément au statut en vigueur.
- 505. Dans sa communication en date du 5 février 1953, le gouvernement, se référant par ailleurs aux explications déjà données précédemment, signale qu'aucune sanction comportant licenciement n'a jamais été prise en Tunisie pour participation à des grèves de caractère professionnel. Par contre, en cas de grèves à caractère politique, des sanctions ont été prononcées conformément aux décisions analogues prises dans la métropole.
- 506. L'ordre de licenciement de l'autorité maritime de Bizerte, en date du 25 août 1952, a été motivé par la participation des intéressés à des cessations collectives de travail de caractère non professionnel.
- 507. Etant donné les précisions fournies par le gouvernement français, le Comité estime que cette allégation n'appelle pas un examen plus approfondi de la part du Conseil d'administration.
- Eviction de dirigeants syndicalistes des postes syndicaux
- 508. La C.I.S.L allègue qu'un décret du 4 décembre 1947 interdirait aux militants condamnés pour activité syndicale d'occuper des postes responsables dans le mouvement syndical dont ils devraient être éloignés. D'autre part, le secrétaire général et un membre de la commission administrative de l'U.G.T.T, qui auraient été condamnés par le tribunal correctionnel à une peine d'emprisonnement pour délit de presse, auraient été invités par le Parquet à cesser toute activité syndicale.
- 509. Le gouvernement déclare, dans sa communication du 23 octobre 1952, que le décret beylical du 4 décembre 1947, dont il cite le texte, ne prévoit nullement l'éviction des dirigeants syndicalistes en raison d'une condamnation pour activité syndicale, mais uniquement en raison d'une condamnation de droit commun. Il souligne que le paragraphe 3 du décret en question écarte même expressément les condamnations pour délit politique.
- 510. Quant à l'allégation relative à l'invitation qui aurait été faite aux dirigeants de l'U.G.T.T condamnés pour délit de presse à cesser toute activité syndicale, le gouvernement, dans sa communication du 5 février 1953, précise que le secrétaire général de l'U.G.T.T n'a pas fait l'objet d'une condamnation à une peine d'emprisonnement pour délit de presse. Par contre, il a été condamné en novembre 1950 à une peine de prison avec sursis notamment pour infraction à la réglementation relative aux allocations familiales. Il a toujours continué à diriger l'U.G.T.T sans être poursuivi, alors que le décret du 4 décembre 1947 interdit, sous peine de sanction, toute fonction de direction et d'administration syndicale aux personnes qui ont été condamnées, sauf pour délit politique, à un emprisonnement d'une durée égale ou supérieure à un mois.
- 511. Le gouvernement fait observer également qu'il n'a pas connaissance qu'un autre membre de la Commission administrative de l'U.G.T.T ait été, dans les mêmes conditions, invité par le Parquet à cesser toute activité syndicale.
- 512. Il ressort de la réponse du gouvernement que la législation en vigueur ne prévoit l'éviction des dirigeants syndicaux que pour des condamnations de droit commun, à l'exclusion des condamnations pour délits politiques. Le texte dont il est question (décret beylical, du 4 décembre 1947) est rédigé comme suit:
- Les fonctions de direction et d'administration de tout syndicat professionnel sont interdites:
- 1) aux individus qui ont été condamnés, par quelque juridiction que ce soit, à une peine criminelle ;
- 2) aux individus qui ont été condamnés pour Vol; recel; escroquerie; abus de confiance; abus de blanc-seing; abus des besoins, des faiblesses ou des passions d'un mineur, réprimé par l'article 406 du Code pénal français, ou abus de l'inexpérience, de la légèreté ou des besoins d'une personne ne disposant pas de ses biens pour la déterminer à souscrire, sans avantage correspondant, une opération pécuniaire ou tout autre acte engageant ses biens, réprimé par l'article 301 du Code pénal tunisien; soustraction ou détournement commis par un dépositaire de deniers publics ;
- 3) aux individus qui ont été condamnés par quelque juridiction que ce soit, sauf pour délit politique, à un emprisonnement d'une durée égale ou supérieure à un mois;
- 4) aux interdits ;
- 5) aux notaires, greffiers et officiers ministériels destitués en vertu de jugements ou décisions judiciaires ;
- 6) aux individus déclarés en faillite, soit par les tribunaux français, soit par un jugement rendu à l'étranger mais exécutoire en Tunisie et non réhabilités.
- 513. Par ailleurs, le Comité tient à indiquer à cet égard que le droit pour les travailleurs d'élire librement leurs représentants est un aspect particulièrement important de la liberté syndicale et que ce droit devrait faire l'objet du minimum de limitation possible. Tout en appréciant le fait que la législation en vigueur stipule expressément que les condamnations politiques ne sauraient constituer une cause d'incompatibilité ou de déchéance des fonctions de direction ou d'administration d'un syndicat, le Comité note que, parmi ses causes, figure la condamnation « par quelque juridiction que ce soit, sauf pour délits politiques, à un emprisonnement d'une durée égale ou supérieure à un mois». Cette disposition générale pourrait être interprétée de manière à exclure des fonctions syndicales responsables des personnes condamnées pour une activité en rapport avec l'exercice du droit syndical, comme pour un délit de presse, et à restreindre ainsi indûment le droit des syndiqués d'élire librement leurs représentants.
- 514. Sous réserve des observations qui précèdent, le Comité conclut qu'il n'y a pas lieu de soumettre cette allégation au Conseil d'administration pour un examen plus approfondi.
- Restrictions apportées ci l'activité des dirigeants syndicaux
- 515. Les plaignants signalent diverses restrictions qui auraient été apportées à l'activité des dirigeants syndicaux.
- 516. M. Ferhat Hached, secrétaire général de l'U.G.T.T, qui était appelé à assister, en mars 1952, à une réunion d'un sous-comité de la C.I.S.L, se serait vu refuser le visa de sortie qui ne lui aurait été finalement accordé qu'à la suite de l'intervention de la C.I.S.L et trop tard pour qu'il pût assister à cette réunion. A sa rentrée à Tunis, le 1er mai 1952, le passeport de M. Hached lui aurait été retiré et il n'aurait pu obtenir le visa de sortie, pas plus que M. Boudali, pour assister, comme représentant de l'U.G.T.T, au conseil général de la C.I.S.L à Berlin, du 1er au 5 juillet 1952. Dans l'impossibilité de correspondre avec l'étranger par la voie postale régulière, M. Hached n'aurait pu notamment tenir la C.I.S.L informée des événements intéressant l'U.G.T.T. --NI. Hached n'aurait pu récupérer depuis son passeport ni obtenir le visa de sortie pour la réunion du comité du fonds régional de la C.I.S.L qui se tenait les 25 et 26 septembre 1952 en Belgique. Le secrétaire général adjoint de l'U.G.T.T, M. Boudali, se serait également vu refuser le visa de sortie pour se rendre en Libye, où il était chargé d'une mission syndicale pour le compte de la C.I.S.L.
- 517. Il aurait été interdit aux militants syndicaux de pénétrer dans certaines régions, comme Béja, Mateur, la région du barrage de l'Oued-Ellil, ainsi que la médina (ville arabe) de Sousse où se trouve le local de l'U.G.T.T (Cette dernière mesure n'aurait été rapportée qu'en janvier 1952 à la suite de l'intervention d'un délégué de la C.I.S.L)
- 518. Le gouvernement français a répondu qu'en ce qui concerne les restrictions apportées à la participation de l'U.G.T.T à des réunions syndicales internationales, elles seraient dues au fait que le dirigeant de cette organisation, M. Ferhat Hached, au cours de ses déplacements à l'étranger, serait fréquemment sorti du cadre syndical de sa mission pour se livrer à une propagande purement politique. Le gouvernement français ajoute que les déclarations de M. Ferhat Hached au congrès de Milan montreraient que, dès 1951, il se serait servi du couvert du syndicalisme pour procéder à des attaques d'ordre purement politique contre la France.
- 519. Il ressort de la réponse du gouvernement que les restrictions apportées à l'activité des dirigeants syndicalistes tunisiens, et notamment l'impossibilité où serait mis M. Ferhat Hached de quitter la Tunisie pour participer à des réunions de la C.I.S.L, sont dues au fait que le gouvernement considère l'activité de cette personne comme étant plus politique que syndicale ; le gouvernement a reproché notamment à M. Ferhat Hached de s'être livré, au cours du congrès de la C.I.S.L, qui a eu lieu à Milan en 1951, à des attaques d'ordre purement politique contre la France, à l'occasion desquelles il a été rappelé à l'ordre par le président du congrès.
- 520. Il convient de rapprocher cette explication de la déclaration générale contenue dans la plainte de la C.I.S.L, d'après laquelle l'U.G.T.T, qui est affiliée à la C.I.S.L, poursuit la défense des travailleurs sur le plan social, ruais estime que ces efforts seraient vains si elle ne se préoccupait d'assurer leur liberté individuelle dans le cadre d'un Etat démocratique ; cette organisation se serait ainsi trouvée aux côtés des organisations désireuses de voir apporter des réformes au statut de la Tunisie. La C.I.S.L a ajouté que les dirigeants de l'U.G.T.T auraient été accusés d'activités politiques subversives par les autorités, qui n'auraient pas admis le caractère strictement syndical de l'activité sociale de l'U.G.T.T qui serait sa première et principale préoccupation.
- 521. Le problème des aspects politiques des mouvements syndicaux, dont il est ainsi question dans le présent cas, a déjà préoccupé la Conférence au cours de sa 35ème session (Genève, juin 1952), lorsque celle-ci a adopté une résolution concernant l'indépendance du mouvement syndical, résolution dont les paragraphes 1 et 5 ont la teneur suivante:
- 1) L'objectif fondamental et permanent du mouvement syndical est le progrès économique et social des travailleurs.
- ......................................................................................................................................................
- 5) Lorsque les syndicats décident, en se conformant aux lois et usages en vigueur dans leurs pays respectifs et à la volonté de leurs membres, d'établir des relations avec des partis politiques ou d'entreprendre une action politique conforme à la Constitution pour favoriser la réalisation de leurs objectifs économiques et sociaux, ces relations ou cette action politique ne doivent pas être de nature à compromettre la continuité du mouvement syndical ou de ses fonctions sociales et économiques, quels que soient les changements politiques qui peuvent survenir dans le pays.
- 522. Le Comité estime par ailleurs que, si le refus d'accorder un passeport ou des visas est une question qui touche à la souveraineté d'un Etat, cette question pourrait, dans certains cas, avoir des répercussions sur l'exercice des droits syndicaux. Il est d'avis que, plus précisément, le droit des organisations nationales de travailleurs de s'affilier à des organisations internationales, droit qui constitue un aspect important de la liberté syndicale, entraîne normalement le droit pour les représentants des organisations nationales de se tenir en contact avec les organisations internationales auxquelles sont affiliées leurs organisations, et de participer aux travaux de ces organisations internationales.
- 523. Cette participation devant toutefois se faire dans le cadre du principe d'indépendance du mouvement syndical, qui a notamment été exposé dans la résolution mentionnée ci-dessus, le Comité estime qu'il convient de réaffirmer ce principe à cette occasion et d'indiquer le prix qu'il attache à ce que, dans le cadre de ce principe, toute latitude soit donnée aux représentants des organisations syndicales de participer aux travaux des organisations internationales de travailleurs auxquelles sont affiliées les organisations qu'ils représentent. Tenant compte des faits de l'espèce, le Comité estime que, tout en attirant l'attention des plaignants et du gouvernement sur ces principes, il ne serait pas opportun que le Conseil d'administration se livre à un examen plus approfondi de cette allégation.
- 524. Le Comité a noté que l'interdiction faite aux militants syndicaux de pénétrer dans la médina (villa arabe) de Sousse, où se trouve le local de l'U.G.T.T, a été levée en janvier 1952 à la suite de l'intervention d'un délégué de la C.I.S.L et estime que cet aspect de la plainte est devenu sans objet.
- 525. Quant à l'interdiction qui aurait été faite aux militants syndicalistes de pénétrer dans certains régions comme il est indiqué plus haut (paragraphe 517), le gouvernement, dans sa lettre du 5 février 1953, précise que les militants syndicalistes n'ont jamais fait l'objet, de la part des autorités, d'une quelconque interdiction de pénétrer dans les régions de Mateur, Béja et Oued-Ellil. En ce qui concerne plus spécialement le barrage de l'Oued-Ellil, la circulation générale, dans le périmètre des chantiers, est soumise à une autorisation en vertu d'un arrêté du 22 décembre 1949. Il s'agit là d'une mesure de sécurité destinée à prévenir des accidents.
- 526. Etant donné les explications données par le gouvernement, le Comité est d'avis que cette allégation ne mérite pas un examen plus approfondi de la part du Conseil d'administration.
- Saisie d'une brochure de la C.I.S.L.
- 527. La C.I.S.L a allégué qu'à la suite d'une décision prise par les autorités françaises de Tunisie, la brochure de la C.I.S.L relative aux travaux du congrès mondial de cette organisation tenu à Milan en 1951 a été saisie et sa distribution interdite. Par la suite, huit desdites brochures saisies au siège de l'U.G.T.T ont été restituées à l'U.G.T.T, mais le plaignant indique que, malgré cette réparation partielle, il maintient la plainte formulée à ce sujet.
- 528. Le gouvernement français a répondu à ce sujet que la saisie de ces brochures a été motivée par la reproduction dans cette publication des déclarations faites au congrès de Milan, à la séance du 6 juillet 1952, par M. Ferhat Hached, secrétaire général de l'U.G.T.T, déclarations qui, sous le couvert du syndicalisme, contenaient des attaques d'ordre purement politique contre la France. Les propos tenus à Milan par M. Ferhat Hached l'ont, d'ailleurs, fait rappeler à l'ordre par le président du congrès.
- 529. Cette allégation n'est pas sans rapport avec l'allégation précédente, au sujet de laquelle le gouvernement a mis en cause le caractère politique qu'aurait eu l'intervention de M. Ferhat Hached dans les travaux du congrès de Milan, intervention à la suite de laquelle celui-ci aurait été rappelé à l'ordre par le président du congrès. Tout en rappelant le principe de l'indépendance du mouvement syndical dont il a été question ci-dessus (voir paragraphe 523), le Comité tient à indiquer que le principe d'après lequel les organisations nationales de travailleurs ont le droit de s'affilier à des organisations internationales entraîne, pour ces organisations, le droit de se tenir en contact, et notamment, d'échanger leurs publications d'ordre syndical. Le Comité a noté, cependant, qu'après avoir saisi, au siège de l'U.G.T.T à Tunis, dix exemplaires de la brochure de la C.I.S.L, sur les travaux du congrès de Milan de 1951, les autorités françaises ont restitué huit de ces exemplaires.
- 530. Dans ces conditions, le Comité conclut que, sous réserve de ces observations, cette allégation n'appelle pas un examen plus approfondi de la part du Conseil d'administration.
- Perquisition dans les locaux syndicaux
- 531. Les plaignants ont allégué que les autorités françaises ont effectué, le 20 juin 1952, une perquisition au siège central de l'U.G.T.T à Tunis, ont arrêté les ouvriers qui s'y trouvaient et ont saisi toute la documentation et la correspondance avec la C.I.S.L, ainsi que des machines de bureau.
- 532. La C.I.S.L allègue également que des perquisitions ont été effectuées au local du syndicat de Fériana et qu'à la suite de ces perquisitions, des documents syndicaux et des cotisations syndicales ont été saisis et le bureau du syndicat mis sous scellés.
- 533. Le gouvernement a répondu par une communication du 23 octobre 1952 que la perquisition du 20 juin 1952 au siège central de l'U.G.T.T aurait été motivée du fait que de nombreux tramways et trolleybus de Tunis ayant été à plusieurs reprises lapidés, la police aurait été informée que les coupables se réfugieraient après les attentats au siège de l'U.G.T.T. Un ordre de perquisition fut alors délivré et un individu appréhendé en flagrant délit aurait confirmé ces renseignements ; un jeune homme appréhendé à la sortie du local syndical ayant par la suite réussi à s'échapper et à y retourner, la police le poursuivit conformément à l'ordre de perquisition et l'appréhenda dans ce local en même temps qu'un certain nombre de ses camarades qui se seraient réfugiés dans ces locaux après avoir lapidé deux tramways rentrant au dépôt. Le gouvernement ajoute qu'au cours de cette opération, le commissaire de police a procédé à une perquisition au cours de laquelle des documents ont été saisis et restitués aussitôt, leur examen n'ayant donné aucun résultat. Le Parquet aurait par la suite requis une information du chef d'atteinte volontaire à la sécurité de la circulation des tramways et de violences. Cette information viserait exclusivement les individus appréhendés au siège de l'U.G.T.T dont vingt-cinq ont été placés sous mandat de dépôt, mais n'a touché, à aucun moment, les dirigeants de l'U.G.T.T. Le gouvernement conclut en indiquant que ces incidents démontrent que l'étiquette syndicale des dirigeants de l'U.G.T.T servirait souvent de couvert à une action politique.
- 534. Il ressort de la réponse du gouvernement que la perquisition effectuée au siège de l'U.G.T.T à Tunis, sur la base d'un mandat des autorités, a constitué une mesure exceptionnelle sans rapport avec l'exercice des droits syndicaux et motivée par les nécessités de l'ordre public, les arrestations survenues l'ayant été pour un délit de droit commun. Le Comité a noté que si, au cours de la perquisition, les autorités ont examiné des documents de nature syndicale de cette organisation, ceux-ci ont été restitués aussitôt.
- 535. Ainsi qu'il ressort, d'autre part, de la communication du gouvernement français en date du 5 février 1953 au sujet de l'allégation relative à des perquisitions qui auraient été effectuées dans le local syndical de Fériana, ce local était également celui du Néo-Destour.
- 536. Le Comité estime que, s'il était avéré que des locaux syndicaux ont été utilisés comme lieu de refuge par des auteurs d'attentats ou comme lieu de rassemblement d'une organisation politique, les syndicats intéressés ne sauraient se prévaloir d'aucune sorte d'immunité contre une intervention des autorités dans les locaux syndicaux. Il est pourtant d'avis que cet aspect de la plainte n'appelle pas un examen plus approfondi de la part du Conseil d'administration.
- Sanctions pour faits de grève et répression de grèves.
- 537. Les plaignants allèguent que des sanctions disciplinaires très sévères, allant dans quelques cas jusqu'au licenciement, ont été prises contre des travailleurs en grève. Des grèves professionnelles auraient été réprimées avec la plus extrême sévérité et un certain nombre de grévistes auraient été tués, blessés ou condamnés à des peines de plus de dix ans de prison, licenciés et détenus pendant plus de trois mois, au cours de grèves survenues à Potinville, en janvier 1950, et à Enfidaville, en novembre 1951.
- 538. La plainte contient également en annexe un tableau sur les sanctions prises pendant la grève du 1er avril 1952. Ce tableau indique le nombre des travailleurs licenciés dans diverses localités et contient le texte d'une lettre de M. Pons, secrétaire général du gouvernement tunisien, qui considérait la grève du 1er avril comme politique et donnait des instructions pour que des sanctions disciplinaires, allant dans plusieurs cas jusqu'au licenciement, soient prises contre les grévistes.
- 539. La plainte de l'U.G.T.T, communiquée le 3 octobre 1952, fait en outre état des mesures qui auraient été prises par les autorités du port de Tunis à la suite de la grève des heures supplémentaires que faisaient les dockers, décision en vertu de laquelle une nouvelle carte de travail aurait été distribuée le 19 août 1950 à une soixantaine de chômeurs, sans que fût consultée l'organisation syndicale et alors que l'effectif légal des dockers professionnels serait déjà trop élevé par rapport à l'activité normale du port de Tunis. A la suite de cette mesure, le 20 août 1952, les soixante nouveaux dockers auraient été introduits sur les quais alors que les forces de police auraient attaqué les dockers qui se trouvaient dans la salle d'embauche, lancé une bombe lacrymogène et chargé les dockers à coups de crosse ; plus de soixante-dix dockers auraient été blessés et une dizaine d'entre eux transportés à l'hôpital.
- 540. Le gouvernement français a répondu qu'en ce qui concerne les sanctions pour faits de grève, les licenciements relèveraient, dans le secteur privé, de la compétence des tribunaux appelés à apprécier les effets de la grève sur le contrat de travail. Dans le secteur public, il est fait application des règles arrêtées par le Conseil des ministres du gouvernement tunisien sur la base des principes dégagés en France par la jurisprudence du Conseil d'Etat. Ce dernier, partant du principe de la licéité de la grève, admet qu'à défaut de réglementation législative, le gouvernement, responsable de la marche des services publics, peut, sous le contrôle du juge administratif, prévoir certaines limitations du droit de grève en vue de prévenir un usage abusif ou contraire aux nécessités de l'ordre public, limitations qui visent en pratique le personnel d'autorité et le personnel de sécurité.
- 541. En ce qui concerne les mesures prises à l'occasion de la grève du 1er avril 1952, le gouvernement déclare dans sa réponse du 23 octobre 1952 que cette grève ne fut pas une grève licite de caractère professionnel, mais une grève illicite de caractère politique, destinée à protester contre la formation du nouveau ministère tunisien. Les mesures prises, à cette occasion, auraient été conformes aux décisions analogues arrêtées dans la métropole dans des cas semblables. La circulaire du secrétaire général du gouvernement tunisien concernant les sanctions applicables à cette grève politique aurait, d'ailleurs, été suivie d'une circulaire postérieure au 15 avril 1952, qui a suspendu l'effet de ces sanctions.
- 542. Au sujet des incidents qui se seraient produits à Potinville et à Enfidaville en 1950 et auraient provoqué un certain nombre de victimes et entraîné des condamnations pénales, le gouvernement, dans sa réponse du 5 février 1953, a donné les précisions suivantes.
- 543. Lors des grèves du domaine de Potinville, le service d'ordre a été assailli par les ouvriers grévistes et a dû faire usage de ses armes. Des balles perdues ont fait un tué et trois blessés. Des vingt-cinq manifestants arrêtés, vingt-quatre ont été condamnés à des peines de prison et d'amende alors qu'une personne a été acquittée. En appel, seize condamnations ont été maintenues, mais les peines ont été diminuées ; huit personnes ont été relaxées.
- 544. Des incidents similaires se sont produits dans le domaine de la Société franco-africaine à Enfidaville, lors des grèves, en novembre 1950. Ici encore, le service d'ordre, attaqué, a dû faire usage de ses armes. Cinq personnes ont été tuées et quatorze blessées. Le service d'ordre comptait lui-même vingt blessés. Un certain nombre de manifestants ont fait l'objet d'inculpations pour délits de droit commun (violences à gendarmes, entraves à la liberté du travail, port d'armes, etc.). Toutefois, soixante-douze d'entre eux ont bénéficié d'un non-lieu ; la plupart des autres ont été condamnés par le tribunal correctionnel compétent à des peines d'emprisonnement.
- 545. Enfin, au sujet de l'allégation relative à la grève des dockers du port de Tunis figurant dans la communication de l'U.G.T.T du 3 octobre 1952, le gouvernement, dans sa communication du 5 février 1953, fait observer que la grève était motivée uniquement par le fait que des cartes professionnelles de dockers ont été délivrées à des ouvriers membres d'un nouveau syndicat affilié à la C.G.T.-F.O. Il s'agissait donc, non pas d'un conflit professionnel, mais d'un conflit intersyndical. La police n'a fait usage qu'une seule fois d'une bombe lacrymogène afin de faire évacuer la salle d'embauche occupée par les grévistes, mais il n'y a pas eu de blessés.
- 546. En ce qui concerne la grève du 1er avril 1952, il ressort de la réponse du gouvernement français en date du 23 octobre 1952 qu'elle avait un caractère purement politique. En ce qui concerne les grèves de Potinville et Enfidaville, il se dégage des explications données par le gouvernement le 5 février 1953 que les cas mentionnés dans la plainte relevaient du droit commun et, quant à la grève des dockers tunisiens, il ressort de la réponse du gouvernement en date du 5 février 1953 non seulement qu'il ne s'agissait pas d'un conflit de travail proprement dit, mais qu'il n'y a même pas eu de victimes.
- 547. Le Comité estime qu'en raison du caractère non professionnel de ces différentes grèves, cet aspect de la plainte n'appelle pas un examen plus approfondi de la part du comité d'administration.
- 548. Par ailleurs, le gouvernement a signalé, le 23 octobre 1952, qu'en ce qui concerne la question générale des sanctions applicables en droit aux faits de grève, la situation est différente selon qu'il s'agit du secteur privé ou du secteur public : dans le secteur privé, les tribunaux sont appelés à apprécier les effets de la grève sur le contrat de travail et une procédure judiciaire normale est requise.
- 549. Pour le secteur public, le gouvernement déclare qu'il peut, sous le contrôle du juge administratif, prévoir certaines limitations du droit de grève, licite en principe, en vue de prévenir un usage abusif ou contraire aux nécessités de l'ordre public.
- 550. Le Comité estime que le gouvernement français a justifié les restrictions apportées à certaines formes de grève dans le secteur public - restrictions qui au demeurant sont analogues à celles prévues dans la métropole - et que cet aspect de la plainte n'appelle pas un examen plus approfondi.
- Actes de violence et mesures vexatoires contre les travailleurs
- 551. Les plaignants allèguent que les autorités militaires auraient pris diverses mesures vexatoires contre les travailleurs et signalent notamment que le secrétaire général adjoint du Syndicat des transports aurait été blessé par une balle tirée par une patrouille le 6 février 1952. Dans certains cas, des syndiqués auraient été empêchés d'assister aux réunions syndicales, arrêtés et maltraités à cette occasion. Des travailleurs tunisiens auraient été tués à Tunis, Ferryville, Bizerte et Mateur.
- 552. Le gouvernement français déclare, dans sa réponse du 23 octobre 1952, qu'en ce qui concerne le coup de feu tiré le 6 février 1952 contre le secrétaire général adjoint du Syndicat des transports, l'incident se serait produit parce que celui-ci, interpellé par une patrouille dans la nuit, avait cherché à s'échapper au lieu de répondre aux sommations réglementaires. L'action de la patrouille militaire serait sans rapport avec la qualité de militant syndicaliste de l'intéressé, qu'elle ignorait.
- 553. Il ressort de la réponse du gouvernement que, si le secrétaire général adjoint du Syndicat des transports a été blessé par une patrouille, cet incident ne semble pas être en rapport avec l'activité syndicale de l'intéressé.
- 554. Le Comité estime que, pour cette raison, ce grief n'appelle pas un examen plus approfondi par le Conseil d'administration.
- 555. En ce qui concerne l'allégation d'après laquelle des syndiqués auraient été empêchés d'assister aux réunions syndicales, arrêtés et maltraités à cette occasion, cette question se rattache à celle du droit de réunion qui a été examinée ci-dessus (voir paragraphes 472 et suivants).
- 556. Pour ce qui est, enfin, de l'allégation d'après laquelle des travailleurs tunisiens auraient été tués à Tunis, Ferryville, Bizerte et Mateur, le gouvernement français a fait observer dans sa note du 5 février 1953 qu'aucun travailleur tunisien n'a été tué dans l'ensemble de la région au cours d'une manifestation syndicale. Dans certains cas, toutefois, la responsabilité de maintenir l'ordre publie a entraîné quelques victimes, mais il s'agissait chaque fois de manifestations sur la voie publique à caractère purement politique, prenant généralement tournure d'émeutes et où le service d'ordre, attaqué par des manifestants armés en nombre considérablement supérieur, s'est vu dans l'obligation de faire usage de ses armes.
- 557. Etant donné que les plaignants n'ont pas apporté de preuves suffisantes que les faits allégués avaient un rapport direct avec les activités syndicales des travailleurs tunisiens, le Comité conclut que cette allégation n'appelle pas non plus un examen plus approfondi de la part du Conseil d'administration.
- Mesures de répression
- 558. Les plaignants allèguent que les autorités françaises auraient, en janvier 1952, pris des mesures de répression qui auraient causé plus de 80 morts, 400 blessés hospitalises, plus de 8.000 arrestations et internements et des condamnations à des peines très sévères par les tribunaux militaires ; ils donnent de nombreux détails sur le bilan des expéditions punitives qui se seraient notamment produites au cap Bon et sur les excès qui auraient été commis au cours de ces opérations dans les diverses localités. Ils ont également fourni des indications sur le nombre des internés dans divers camps et les mauvais traitements auxquels ils seraient soumis.
- 559. Le gouvernement français déclare que les mesures mentionnées dans les plaintes ont été prises dans le cadre de la réglementation en vigueur sur l'ordre public en Tunisie et en raison d'une agitation politique destinée à faire échec à la mission de conciliation du représentant de la France, agitation qui aurait revêtu, dans de nombreux cas, un caractère de gravité qui aurait nécessité l'exécution de mesures de sécurité. Les allégations relatives au nombre de personnes internées ou déférées devant les tribunaux seraient exagérées : le nombre de personnes éloignées des centres urbains (et non internées) n'aurait pas été de 8.000, mais de 619 et, d'après la dernière communication du 3 novembre 1952, de 67 ; celui des personnes déférées devant les tribunaux ne serait pas de 3.000, mais de 1.167, et, d'après la communication du 23 octobre 1952, de 2.073.
- 560. Le Comité est d'avis que les mesures prises par les autorités françaises à la suite des événements politiques récents survenus en Tunisie sont d'un caractère si purement politique qu'il n'est pas opportun que le Conseil d'administration en poursuive l'examen, la question de la situation en Tunisie ayant fait l'objet d'un examen par l'Assemblée générale des Nations Unies qui a adopté, à sa 7ème session, une résolution à ce sujet dont le texte est reproduit plus haut au paragraphe 462.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 561. En conclusion de son examen de l'ensemble du cas, le Comité recommande au Conseil d'administration de prendre acte des faits suivants:
- i) En ce qui concerne le statut juridique des syndicats, la législation actuellement en vigueur en Tunisie accorde aux travailleurs tunisiens la liberté syndicale dans des conditions substantiellement identiques à celles des travailleurs de la métropole, étant donné qu'aux termes du décret beylical du 16 novembre 1932 régissant les droits syndicaux en Tunisie, les syndicats tunisiens bénéficient notamment des droits suivants:
- 1) les syndicats ou associations professionnels de personnes exerçant en Tunisie depuis un an au moins la même profession, des métiers similaires ou des professions connexes concourant à l'établissement de produits déterminés pourront se constituer librement sans l'autorisation du gouvernement ;
- 2) les syndicats jouissent des droits et prérogatives reconnus aux groupements de même nature par la loi française du 12 mars 1920 ;
- 3) les syndicats peuvent librement former des unions, fédérations et confédérations syndicales et s'affilier librement à des organisations internationales;
- ii) En raison de la situation politique actuelle en Tunisie, le gouvernement a proclamé l'état de siège - question sur laquelle le Comité n'a pas à se prononcer - et pris certaines mesures qui, sans viser directement l'exercice des droits syndicaux, ont toutefois eu des répercussions sérieuses sur la situation syndicale, notamment en ce qui concerne la liberté de réunion publique, le droit de libre circulation des dirigeants syndicalistes, la liberté de distribuer des publications syndicales etc.
- iii) Les aspects politiques de la question ont fait l'objet d'un examen par l'Assemblée générale des Nations Unies et, par conséquent, le Comité s'est borné à examiner les aspects purement syndicaux de la question.
- iv) Si des sanctions parfois sévères ont été infligées à des chefs ou à des membres de syndicats, ce ne fut pas en raison de leur activité syndicale proprement dite, mais uniquement en raison de leur participation à des activités d'ordre politique considérées comme préjudiciables à l'ordre publie.
- v) Si ces différentes mesures ont pu avoir des répercussions graves sur le mouvement syndical, ce fut notamment en raison des liens étroits qui unissent les syndicats professionnels de Tunisie aux différents partis politiques.
- 562. En se fondant sur ces constatations, le Comité recommande au Conseil d'administration de souligner l'intérêt qu'il y aurait à ce que des pourparlers puissent s'engager entre les autorités gouvernementales compétentes et les organisations syndicales appropriées, en vue de prendre les mesures qui paraîtraient nécessaires pour assurer une application plus stricte des principes de la liberté syndicale et à cet effet:
- i) D'attirer l'attention du gouvernement français sur l'opportunité qu'il y aurait à accorder au mouvement syndical tunisien la plus grande liberté d'action professionnelle compatible avec la sauvegarde de l'ordre public, et à assurer notamment aux organisations de travailleurs tunisiens le droit de maintenir librement les contacts avec les organisations internationales auxquelles elles sont affiliées et de faire circuler librement les publications des organisations syndicales internationales;
- ii) D'indiquer que le droit des organisations nationales de travailleurs de s'affilier à des organisations internationales de travailleurs, droit qui constitue un aspect important de la liberté syndicale, entraîne normalement le droit pour les représentants des organisations nationales de se tenir en contact avec les organisations internationales de travailleurs auxquelles sont affiliées leurs organisations et de participer à leurs travaux, et qu'il convient que toute latitude leur soit donnée à cet effet;
- iii) D'indiquer en outre que le principe d'après lequel les organisations nationales de travailleurs ont le droit de s'affilier à des organisations internationales de travailleurs entraîne, pour ces organisations, le droit d'échanger leurs publications d'ordre syndical;
- iv) De suggérer au gouvernement français d'envisager la possibilité d'accepter, en accord avec les autorités de la Tunisie et en leur nom, les obligations de la convention (no 84) sur le droit d'association (territoires non métropolitains), 1947.
- v) De suggérer au gouvernement français d'envisager la possibilité de revenir, aussitôt que les circonstances le permettront, à une situation normale assurant, dans les limites de la légalité, le libre exercice des droits fondamentaux.
- 563. Afin de mettre les syndicats tunisiens à l'abri des vicissitudes politiques, et sans préjudice du droit que doivent avoir les travailleurs syndiqués, au même titre que les autres citoyens, de militer en faveur de réformes propres à promouvoir leur condition sociale ou politique, le Comité recommande au Conseil d'administration d'exprimer l'avis que, dans l'intérêt du développement normal du mouvement syndical en Tunisie, il serait désirable que les parties intéressées s'inspirent des principes énoncés dans la résolution adoptée par la Conférence internationale du Travail à sa 35ème session (1952), qui prévoit notamment que l'objectif fondamental et permanent du mouvement syndical est le progrès économique et social des travailleurs, et que, lorsque les syndicats décident, en se conformant aux lois et usages en vigueur dans leurs pays respectifs et à la volonté de leurs membres, d'établir des relations avec les partis politiques ou d'entreprendre une action politique conformément à la Constitution pour favoriser la réalisation de leurs objectifs économiques et sociaux, ces relations ou cette action politique ne doivent pas être de nature à compromettre la continuité du mouvement syndical ou de ses fonctions sociales et économiques, quels que soient les changements politiques qui peuvent survenir dans le pays.
- 564. Sous réserve des observations faites aux paragraphes 561, 562 et 563 ci-dessus, le Comité recommandé au Conseil d'administration de décider que le présent cas n'appelle pas un examen plus approfondi de sa part.