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Definitive Report - Report No 12, 1954

Case No 78 (Switzerland) - Complaint date: 31-DEC-53 - Closed

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A. Analyse de la plainte

A. Analyse de la plainte
  1. 200. Le plaignant allègue que, par des instructions en date du 5 septembre 1950, le Conseil fédéral aurait décidé que les fonctionnaires, employés et ouvriers de la Confédération qui, à cause de leurs activités politiques, ne peuvent plus être jugés dignes de la confiance qu'exige leur position devraient être licenciés. Conformément à ces instructions, trois employés des postes, MM. Keller, Harry et Merky, auraient été licenciés, bien qu'ils aient assuré leur service comme facteurs depuis des années à la satisfaction des autorités et du public. Leur licenciement aurait été motivé par leur participation, en qualité d'observateurs, à la session du Comité administratif de l'Union internationale des travailleurs des postes, télégraphes, téléphones et de la radio qui s'est tenue à Prague en août 1950.

B. Analyse de la réponse

B. Analyse de la réponse
  1. 201. Dans sa réponse, le gouvernement rappelle en premier lieu que la Suisse n'a ratifié ni la convention no 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention no 98 sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
  2. 202. Il souligne, d'autre part, que l'organisation plaignante, rattachée à la Fédération syndicale mondiale, ne comprend aucune section en Suisse, et il estime que le fait que les anciens postiers Keller, Harry et Merky aient passé par le canal d'une section étrangère de l'Union internationale des syndicats des travailleurs des postes, télégraphes, téléphones et de la radio pour déposer une plainte devant l'Organisation internationale du Travail, pourrait constituer un motif suffisant pour qu'il ne soit pas répondu à cette plainte.
  3. 203. Le gouvernement présente cependant des observations sur le fond de la plainte. Il souligne que les instructions du Conseil fédéral en date du 5 septembre 1950, inexactement reproduites par le plaignant, concernent la non-réélection des agents de la Confédération indignes de confiance à la fin de la période administrative 1948-1950. Les fonctionnaires fédéraux ne sont, en effet, « élus » que pour une période administrative de trois ans, aucun d'eux n'ayant droit à être réélu à l'expiration d'une période administrative. C'est l'autorité qui décide librement du renouvellement des rapports de service à ce moment et il va de soi qu'elle ne peut pas redésigner des fonctionnaires qui ne lui inspirent plus confiance. La décision portant non-réélection d'un fonctionnaire est notifiée à l'intéressé au plus tard trois mois avant l'expiration de la période administrative avec indication des motifs et peut faire l'objet d'un recours devant le Conseil fédéral. Les fonctionnaires non réélus sans faute de leur part conservent leurs droits aux prestations de la Caisse d'assurance du personnel.
  4. 204. Si MM. Keller, Harry et Merky n'ont pas été réélus pour la période 1951-1953, c'est non pas à cause de leurs opinions politiques, mais en raison d'actes concrets laissant supposer qu'ils pourraient être amenés suivant les circonstances à faire passer les intérêts de leur parti ou d'organisations d'inspiration étrangère avant ceux de leur pays. Leur participation au congrès de Prague en août 1950 ne fut que l'un des actes retenus. Les intéressés ont recouru devant le Conseil fédéral et ils ont été entendus au cours de la procédure. Ils ont, d'autre part, bénéficié des prestations de la Caisse d'assurance.
  5. 205. Le gouvernement conteste catégoriquement que la non-réélection de ces trois agents ait constitué une violation des droits syndicaux et des libertés démocratiques.

C. C. Conclusions du comité

C. C. Conclusions du comité
  • Question préjudicielle quant à la recevabilité de la plainte
    1. 206 Le gouvernement indique que le fait que la plainte a été présentée par une organisation qui ne comprend aucune section en Suisse pourrait constituer un motif suffisant pour qu'il ne réponde pas à cette plainte.
    2. 207 Le Comité estime que le fait qu'une plainte ait été déposée par une organisation syndicale n'ayant aucune section dans le pays mis en cause est une circonstance qui devrait, en effet, retenir spécialement son attention lorsqu'il procède à l'examen du bien-fondé de cette plainte, pour la simple raison que, comme il l'a constaté dans son premier rapport, il peut être difficile de savoir dans certains cas dans quelle mesure l'on peut se fier aux témoignages de personnes ne résidant pas dans le pays en question. Il est par conséquent nécessaire, en de tels cas, que les preuves soumises au Comité soient particulièrement solides.
    3. 208 Cette circonstance ne devrait toutefois pas être prise en considération pour juger de la recevabilité de la plainte. Il peut, en effet, arriver que seules des personnes se trouvant à l'extérieur du pays mis en cause jouissent de la liberté nécessaire pour soumettre à l'appréciation du Comité un cas de violation incontestable de la liberté syndicale. D'autre part, aux termes des décisions adoptées d'un commun accord, en 1951, par le Conseil économique et social et le Conseil d'administration du B.I.T, les seules plaintes recevables, à l'exception de celles qui sont, officiellement transmises à l'O.I.T par les Nations Unies sont celles qui émanent soit d'organisations de travailleurs ou d'employeurs, soit de gouvernements. Dans son neuvième rapport, le Comité a précisé que les plaintes devaient être présentées par écrit, dûment signées par un représentant d'un organisme habilité à les soumettre et accompagnées, dans toute la mesure du possible, de preuves à l'appui des allégations concernant des cas précis d'atteinte aux droits syndicaux. Or, dans le cas présent, la plainte, présentée dans les formes requises par une organisation syndicale internationale, est, par le fait même recevable.
    4. 209 Au demeurant, la question ne présente, en l'espèce, qu'un intérêt purement théorique, puisque le gouvernement a bien voulu fournir des observations sur le fond même de la plainte.
  • Allégation relative au licenciement de trois postiers
    1. 210 Le plaignant allègue que MM. Keller, Harry et Merky auraient été licenciés alors que, depuis des années, ils assuraient leur service comme facteurs à la satisfaction des autorités et du public. Le motif de leur licenciement serait qu'en vertu d'instructions du Conseil fédéral en date du 5 septembre 1950, ils auraient été estimés indignes de confiance pour avoir participé en août 1950, à Prague, à une session du Comité administratif de l'Union internationale des travailleurs des postes, télégraphes, téléphones et de la radio.
    2. 211 Selon les indications fournies par le gouvernement, le statut des fonctionnaires de la Confédération suisse présente certaines caractéristiques particulières. Les fonctionnaires fédéraux sont élus, c'est-à-dire désignés, pour une période administrative de trois ans, mais, à l'expiration de cette période, ils n'ont aucun droit à être à nouveau désignés. C'est l'autorité qui décide librement du renouvellement des rapports de service à la fin de chaque période administrative. Si, dans la pratique, il semble que les cas de non-réélection de fonctionnaires soient assez rares, il n'en reste pas moins, comme le rappelle le gouvernement, que les autorités fédérales sont pleinement libres de ne pas redésigner des fonctionnaires qui ne lui inspirent plus confiance. Le gouvernement est seulement tenu, aux termes de la réglementation, de notifier à l'intéressé, au plus tard trois mois avant l'expiration de la période, administrative, la décision prévoyant sa non-réélection, avec indication des mos pour lesquels il est estimé « indigne de confiance ». Il ressort de ces indications que, contrairement à ce qu'allègue le plaignant, les intéressés n'ont pas fait l'objet d'une véritable mesure de licenciement, étant donné qu'ils ne possédaient aucun droit à la conservation de leur emploi et qu'il a été mis fin aux rapports de service au terme d'une période administrative.
    3. 212 Le gouvernement indique que le fait pour MM. Keller, Harry et Merky d'avoir participé au congrès de Prague en août 1950 a été l'un des motifs pour lesquels ceux-ci ont été jugés indignes de confiance. A cet égard, le Comité, tout en soulignant à nouveau l'importance qu'il attache au principe selon lequel un travailleur ne devrait jamais subir un préjudice quelconque en raison du fait qu'il est affilié à un syndicat ou qu'il participe à des activités syndicales, note toutefois, que, si les intéressés ont été estimés indignes de confiance par le gouvernement, ce n'est pas à cause de leur seule participation au congrès de Prague, mais en raison d'actes concrets laissant supposer que les intéressés pourraient être amenés, suivant les circonstances, à faire passer les intérêts de leur parti ou d'organisations étrangères avant ceux de leur pays.
    4. 213 Le Comité remarque également que la décision de non-réélection des trois fonctionnaires en question a fait l'objet d'un recours devant le Conseil fédéral et que les intéressés ont été entendus au cours de la procédure.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 214. Dans ces conditions, le Comité, après avoir noté que, compte tenu des caractéristiques particulières du statut des fonctionnaires fédéraux, les intéressés n'ont pas été l'objet d'une véritable mesure de licenciement, que l'Administration a simplement décidé, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, de ne pas procéder au renouvellement de leurs contrats lorsque ceux-ci étaient arrivés à l'expiration et qu'ils ont bénéficié du droit de recourir contre cette décision et d'être entendus au cours de la procédure, estime, tout en réaffirmant l'importance qu'il attache au principe selon lequel un travailleur ne devrait jamais subir un préjudice quelconque en raison d'activités syndicales licites, que le plaignant n'a pas apporté la preuve que le gouvernement ait dans l'espèce porté atteinte aux droits syndicaux ; pour cette raison, il recommande au Conseil d'administration de décider que le cas n'appelle pas un examen plus approfondi.
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