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A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 97. Les allégations qui figurent dans la communication du 13 mars 1956 de la Confédération des travailleurs d'Amérique latine, complétée par une communication postérieure du 6 avril 1956, sont les suivantes:
- Allégations ayant trait à la politique syndicale et générale
- 98. Le gouvernement du Honduras aurait instauré une politique de répression du mouvement syndical, attaquant la presse démocratique, les étudiants et les « représentants des courants démocratiques qui luttent pour les droits démocratiques et syndicaux ». Des centaines de patriotes seraient envoyés dans les prisons sans motif. L'Université aurait été occupée par des forces de police le 21 février 1956, divers étudiants étant arrêtés et frappés. Le gouvernement aurait pris une série de décrets interdisant les réunions publiques, ordonnant de forcer des domiciles privés et permettant le vol et la violation de la correspondance privée. Des membres du gouvernement et des entreprises étrangères auraient déclaré qu'ils « cribleront de balles » tout mouvement revendicatif des travailleurs, et auraient organisé des expéditions punitives avec des forces de l'Ecole militaire de base contre des travailleurs des bananeraies. Le gouvernement aurait annoncé son intention de demander l'intervention armée des Etats-Unis pour étouffer toute tentative de libération nationale. L'Ecole militaire de base serait encadrée par des officiers nord-américains et aurait été créée grâce à des fonds de la United Fruit Company.
- 99. Dans sa communication ultérieure du 6 avril 1956, la Confédération des travailleurs d'Amérique latine ajoute - en sus des allégations particulières qui sont analysées plus loin - que «les droits syndicaux et démocratiques, la liberté de réunion, de presse, d'organisation, de circulation et le respect de la vie font l'objet de graves restrictions au Honduras ».
- Allégations ayant trait au décret-loi no 206, du 3 février 1956 sur la défense du régime démocratique
- 100. L'organisation plaignante allègue que le décret-loi no 206, du 3 février 1956, serait dirigé principalement contre la classe ouvrière et d'autres forces démocratiques et « consomme la liquidation totale des garanties individuelles et sociales précaires qui existaient auparavant ».
- Allégations ayant trait à la détention de syndicalistes et d'autres personnes
- 101. Selon les informations publiées par le journal El Cronista du 6 février 1956, le 4 du même mois, la police aurait arrêté, à Tegucigalpa, et torturé ultérieurement MM. Carlos M. Velázquez, dirigeant du Syndicat des bouchers de Tegucigalpa ; Guadalupe Reyes, secrétaire général du Syndicat des travailleurs du bâtiment, et Samuel Aguilera, secrétaire général du Syndicat des tailleurs de Tegucigalpa. Le 5 février, M. Humberto Laitano, du Syndicat de l'industrie de la chaussure, aurait été arrêté et « frappé sauvagement » par la police de Tegucigalpa. L'« ouvrier » Parker, dirigeant syndical, aurait été aussi détenu et torturé par la police de la même ville.
- 102. Suivant des informations parues dans l'hebdomadaire Jornada en date du 6 février 1956, le professeur Julio C. Rivera, du Syndicat des instituteurs, aurait été arrêté à Tegucigalpa le même jour; Francisco Rios, du Syndicat des travailleurs de la Tela Railroad Company, aurait été arrêté à La Ceiba le 25 janvier 1956 ; Francisco Aguilar Martinez, Rubén Rodriguez, Santos Velázquez, Rodolfo López, tous ouvriers, auraient été faits prisonniers à Tegucigalpa à la fin de février.
- 103. MM. Medardo Garcia, Efrain Irias Durón et - F.O. Romero, dirigeants du Syndicat des travailleurs de la Standard Fruit Company, auraient été arrêtés et torturés à La Ceiba le 22 février 1956, ayant été internés ultérieurement au pénitencier de Tegucigalpa.
- 104. MM. Raúl E. Estrada, Roberto Panchamé, Céleo González, Rufino Sosa y José Cubas Gross, membres du Comité exécutif du Syndicat des travailleurs de la Tela Railroad Company, syndicat affilié à auraient été arrêtés dans le port de Tela à la fin de février 1956.
- 105. A la fin de ce mois également, auraient été arrêtés l'ingénieur Francisco Milla Bermúdez, le « docteur » Paredes et le licencié José Pineda Gómez, « militants démocratiques et libéraux » ; M. Manuel de Jesús Pineda,,journaliste, aurait été mortellement blessé, suivant des informations parues dans la presse locale, en représailles de critiques formulées à l'égard du gouvernement ; M. León Adalberto Custodio et le « poète » Pompeyo del Valle, tous deux journalistes progressistes; auraient été frappés par la police de Tegucigalpa ; Buda Gautama Fonseca, étudiant à l'Université, et d'autres dirigeants de la Fédération des étudiants de l'Université du Honduras (F.E.U.H.) auraient été l'objet de menaces de la part du commandant militaire de Tegucigalpa pour avoir tenu une réunion d'étudiants.
- 106. Le 12 mars 1956, auraient été arrêtés les dirigeants de l'exploitation agricole Melcher, à Tela, secteur de La Lima, branche du Syndicat des travailleurs de la Tela Railroad Company, par ordre du commandant militaire de l'endroit. Le Il mars, auraient été arrêtés à Los Planes, secteur de La Ceiba, MM. Arturo Cardona et Daniel Ramos, cheminots, respectivement secrétaire général et secrétaire administratif de la section no 1 du Syndicat de la Standard Fruit Company. Le 12 mars, auraient été arrêtés à Tegucigalpa et envoyés au pénitencier central, les ouvriers suivants : MM. Abraham Castillo Flores, Conrado Zúñiga Zepeda et Rubén Rodriguez Andrade. Le même jour, les syndicalistes Rodolfo López, Abraham Castillo Flores, Conrado Zúñiga Zepeda, Francisco Aguilar Martinez, Samuel Aguilera Bohórquez, Carlos Martinez Velázquez, Guadalupe Reyes Guzmán et Rubén Rodriguez Andrade - tous mentionnés antérieurement à l'occasion de leur arrestation -- furent l'objet d'un arrêt d'inculpation rendu par le tribunal criminel no 1 de Tegucigalpa, pour le délit supposé d'« activités subversives ».
- 107. Le gouvernement du Honduras a présenté ses observations sur les allégations exposées ci-dessus par des communications en date du 18 mai et du 27 juin 1956 ; la seconde de ces communications constitue une analyse des documents transmis comme preuves à l'appui par le gouvernement. Ensuite, sont résumées conjointement les observations du gouvernement et les documents soumis comme preuves.
- Allégations ayant trait à la politique syndicale et générale
- 108. Le gouvernement fait savoir à ce sujet qu'à aucun moment, il n'a mis en pratique une politique de répression du mouvement syndical étant, au contraire, l'unique gouvernement dans l'histoire du pays qui ait favorisé le progrès social il a affilié le Honduras à l'Organisation internationale du Travail ; il a promulgué des lois comme la Charte de la protection du travailleur et la loi sur les organisations professionnelles, élaborées avec les conseils techniques de l'O.I.T, qui consacrent un régime syndical du type libéral le plus pur; de plus, postérieurement aux faits allégués par la plainte de la Confédération des travailleurs d'Amérique latine, il a ratifié les conventions (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949. Cette législation, et en particulier les dispositions ayant trait à la liberté syndicale, sont appliquées intégralement : il serait, en effet, inadmissible que le gouvernement ratifie des conventions internationales qu'il ne serait pas en mesure d'appliquer et réprime un mouvement syndical que lui-même a favorisé. Le gouvernement fait remarquer que l'organisation plaignante ne mentionne pas un seul fait qui puisse être considéré comme une violation concrète des normes nationales et internationales mentionnées.
- 109. En ce qui concerne les autres allégations de portée générale -- en mettant de côté celles qui ont trait à des questions universelles que le gouvernement, tout en les repoussant, estime étrangères à la question du libre exercice des droits syndicaux -, le gouvernement fait savoir qu'au Honduras, les nationaux et les étrangers ont la jouissance et l'exercice des libertés inhérentes à la personnalité humaine, sous la même forme et au même degré que dans les autres pays démocratiques. La simple lecture de la presse locale permet de constater jusqu'à quel point s'exercent les droits de réunion et de parole, sans qu'un cas quelconque de répression de ces droits ait été enregistré. Il serait inconcevable, poursuit le gouvernement qu'une autorité quelconque prenne des décrets, comme l'affirme l'organisation plaignante, ordonnant de pénétrer de force dans des domiciles privés, de voler la correspondance et d'en violer le secret, etc. De tels actes peuvent être accomplis, mais seule une dictature cynique et ignorante prescrirait de telles actions par voie de décrets.
- 110. Le gouvernement répète que les allégations de la Confédération des travailleurs d'Amérique latine relatives à des déclarations supposées d'« éléments du gouvernement et des entreprises étrangères » qui auraient dit qu'ils cribleraient de balles tout mouvement revendicatif des travailleurs, manquent de toute précision. Qui sont ces « éléments » du gouvernement et des entreprises étrangères ? Où sont les victimes des prétendues méthodes « punitives » mises en pratique ? L'affirmation selon laquelle le gouvernement aurait sollicité l'intervention armée ouverte des Etats-Unis pour écraser toute tentative de libération nationale constitue une offense gratuite contre un Etat libre et indépendant dont les citoyens n'accepteront jamais l'intervention d'un pouvoir étranger. La United Fruit Company n'a rien à voir avec l'Ecole militaire de base ; les seules écoles que cette entreprise entretienne sont celles que la loi prévoit pour l'instruction des enfants des travailleurs, ainsi que l'Ecole agricole panaméricaine d'El Zamoramo.
- Allégations ayant trait au décret-loi no 206 du 3 février 1956 sur la défense du régime démocratique
- 111. Le décret en question, appelé «loi de défense du régime démocratique qui règne dans la République » n'exerce aucune influence, si minime soit-elle, sur la vie syndicale. En effet, aucune des garanties dont jouissent les organisations de travailleurs en tant que telles, comme aucune des garanties reconnues aux travailleurs pour éviter la discrimination pour des raisons d'ordre syndical, ne souffre un préjudice quelconque du fait de l'application de ce décret. L'application de celui-ci ne peut contrarier celle de la loi sur les organisations syndicales. Si, à l'occasion d'un cas concret, il arrivait que fût soulevée une question de cette nature, elle serait traitée de la manière suivante : la loi des organisations syndicales étant une loi spéciale, elle devrait s'appliquer au cas concret, en écartant l'application du décret-loi no 206, qui a le caractère d'une législation générale de caractère pénal.
- 112. Cependant, affirme le gouvernement, on doit admettre que la promulgation de la loi de défense du régime démocratique constitue la raison fondamentale de l'hostilité manifestée par la Confédération des travailleurs d'Amérique latine envers les autorités du Honduras. Cette loi n'est pas dirigée contre la classe ouvrière et les forces démocratiques, comme l'affirme la plainte, mais contre le communisme international. Elle se borne à interdire l'existence do parti communiste ou d'organisations qui en dépendent et à définir les actes constituant des délits contre la sécurité de l'Etat.
- Allégations ayant trait à la détention de syndicalistes et d'autres personnes
- 113. En ce qui concerne la détention de MM. Carlos M. Velázquez, Guadalupe Reyes et Samuel Aguilera, le gouvernement signale que MM. Velázquez et Aguilera ne peuvent être les dirigeants respectifs de prétendus syndicats de bouchers et de tailleurs puisque, dans le registre des organisations de travailleurs tenu au Bureau du travail du Secrétariat d'Etat - dont le gouvernement présente une copie conforme dûment légalisée - ne figure aucune preuve de l'existence de telles organisations. La qualité de dirigeants syndicaux des personnes en question est une simple affirmation dénuée de preuve et de fondement de la Confédération des travailleurs d'Amérique latine. M. Guadalupe Reyes est effectivement secrétaire général du Syndicat des travailleurs du bâtiment, mais sa qualité de dirigeant syndical ne l'exonère pas de la responsabilité pénale ordinaire. Suivant une attestation légalisée délivrée par le tribunal criminel no 1 du département Francisco Morazán, le 23 mai 1956, les trois personnes en question auraient été dénoncées le 14 janvier 1956 devant ledit tribunal par la direction générale de la police nationale pour délit d'activités communistes. Le 22 février 1956, le même tribunal - suivant une attestation délivrée également le 23 mai 1956 - a prononcé une peine de prison préventive contre les mêmes personnes « pour délit d'activités communistes tendant à l'instauration au Honduras du régime communiste, pour des faits survenus (à Tegucigalpa) dans les derniers mois de l'année précédemment écoulée (1955) et les premiers mois de l'année actuelle ». L'arrêt d'emprisonnement se fonde sur le décret-loi no 206, du 3 février 1956, et la législation ordinaire en matière de procédure. Il s'agit, affirme le gouvernement, d'actes qui relèvent de la juridiction et de la compétence normales du pouvoir judiciaire, à l'égard desquels le chef de l'Etat n'a pas la faculté d'intervenir du fait de la séparation des pouvoirs. Les trois personnes en question se trouvent actuellement à la disposition du juge, au pénitencier central.
- 114. En ce qui concerne l'allégation d'arrestation de M. Humberto Laitano, le gouvernement présente une attestation délivrée par le même tribunal le 23 mai 1956, d'où il ressort que ladite personne, ayant été dénoncée par le directeur général de la police nationale pour délit d'activités communistes, est actuellement en fuite. D'autre part, comme il n'existe au Honduras aucun syndicat de l'industrie de la chaussure, on ne peut regarder M. Laitano comme étant un militant d'une organisation qui n'existe pas. En ce qui concerne l'allégation d'arrestation et de torture de l'« ouvrier » Parker - dont l'organisation plaignante omet d'indiquer le nom complet et l'appartenance syndicale -, le gouvernement fait remarquer qu'il s'agit probablement d'un individu dénommé Douglas Parker, jugé par le tribunal criminel no 1 de San Pedro Sula, département de Cortés, pour tentative de séquestration de mineurs. Etant donné la rareté d'un tel délit au Honduras, la presse locale a donné à cette affaire une certaine publicité, et la Confédération des travailleurs d'Amérique latine a certainement - fait observer le gouvernement - tiré cette référence des journaux, ajoutant au nom du délinquant le qualificatif d'« ouvrier » et de « dirigeant syndical ».
- 115. Le gouvernement n'a pas pu recueillir une information quelconque au sujet de l'arrestation alléguée du professeur Julio C. Rivera, si ce n'est que l'hebdomadaire Jornada, source mentionnée par l'organisation plaignante, et le Syndicat des instituteurs, dont le professeur Rivera serait le dirigeant, ne sont pas connus au Honduras. M. Francisco Rios ne figure pas dans les registres du Syndicat des travailleurs de la Tela Railroad Company, comme le confirme une attestation délivrée par le secrétaire de cette organisation le 28 mai 1956. MM. Francisco Aguilar Martinez, Rubén Rodriguez et Rodolfo López (le nommé « Santos Velázquez » étant probablement M. Carlos M. Velázquez mentionné précédemment) ne figurent pas sur les listes de membres des organisations syndicales et sont actuellement détenus au pénitencier central en vertu d'arrêtés d'emprisonnement rendus par le tribunal criminel no 1 du département Francisco Morazán, le 22 février et le 6 mars 1956, pour délit d'activités communistes. Ils ont été dénoncés par la direction générale de la police nationale le 14 janvier 1956, comme il appert des attestations les concernant respectivement, délivrées par ledit tribunal.
- 116. En ce qui concerne l'allégation relative à la détention et à la torture de MM. Medardo Garcia, Efrain Irias Durón et Héctor Romero, dirigeants du Syndicat des travailleurs de la Standard Fruit Company, le gouvernement déclare qu'il n'existe personne du nom de Medardo Garcia parmi les dirigeants de ce Syndicat. MM. Durón et Romero ont présenté des déclarations écrites - que le gouvernement joint dûment légalisées à sa communication -, toutes deux en date du 25 mai 1956. M. Durón déclare qu'« il est vrai... que j'ai été arrêté le 21 février, mais il n'est pas vrai que j'aie été torturé par le directeur de la police ni par une autre autorité quelconque » ; M. Romero déclare que «nous n'avons pas été battus par M le directeur de la police ; au contraire, nous avons été traités avec beaucoup de considération et nous n'avons jamais été molestés par aucune des autorités ». Le gouvernement explique que lorsque les dirigeants en question ont tenté de fomenter une grève en février dernier, sans remplir les formalités de médiation et de conciliation prévues par la loi, ils furent convoqués à la direction de la police de La Ceiba, où on leur notifia l'interdiction des grèves illégales par les autorités. Après avoir pris connaissance de ces faits, le ministère du Travail fit le nécessaire pour que MM. Durón et Romero ne fussent pas entravés dans leurs activités syndicales et envoyèrent à cet effet un fonctionnaire du ministère à La Ceiba. Grâce à l'intervention de celui-ci, on parvint à un accord entre le syndicat et l'entreprise, accord à la négociation duquel les deux dirigeants participèrent activement. Le paragraphe 111 de cet accord, signé à La Ceiba le 30 janvier 1956, fournit la preuve - répète le gouvernement - de ce que « les entretiens se poursuivirent en complète harmonie et les deux parties eurent la possibilité d'exprimer en toute liberté leurs points de vue ». Le gouvernement a transmis une copie dudit accord et déclare que MM. Irías Durón et Romero continuent d'exercer actuellement leurs fonctions de dirigeants syndicaux.
- 117. En ce qui concerne l'arrestation des membres du comité exécutif du Syndicat des travailleurs de la Tela Railroad Company dans le port de Tela, à la fin de février, le gouvernement fait savoir que MM. Raúl Edgardo Estrada, Roberto Panchamé, Céléo González, Rufino Sosa y José Cubas Gross furent arrêtés par la police de Tegucigalpa pendant une période de six jours, délai prévu par la législation en matière de procédure pénale du Honduras pour enquêter dans les cas où l'on a connaissance de faits conduisant à troubler l'ordre public. On avait constaté que lesdites personnes, en dépit de l'interdiction légale d'intervenir dans des activités politiques imposée aux organisations syndicales, « avaient des entrevues de plusieurs heures avec le dirigeant de la campagne d'opposition au gouvernement en vue de collaborer au succès d'une révolte armée ou d'une grève générale de caractère politique ». Le ministère du Travail, ayant eu connaissance de cette arrestation, intervint activement, étant donné la qualité de dirigeants syndicaux des détenus, pour obtenir leur libération à la fin du délai prévu pour l'enquête. Ces deux personnes furent remises en liberté, comme le confirme l'attestation du directeur du pénitencier central, et continuent à s'acquitter de leurs fonctions syndicales. La police, ajoute le gouvernement, étant chargée du maintien de l'ordre public, ne fait aucune discrimination entre les coupables présumés d'une infraction, selon qu'ils sont ou non affiliés à des syndicats.
- 118. Bien qu'il ne s'agisse pas de cas ayant un rapport avec l'exercice des droits syndicaux, comme il ressort du texte même de la plainte, le gouvernement fournit les explications suivantes en ce qui concerne MM. Francisco Milla Bermúdez, le « docteur » Paredes, José Pineda Gómez, Manuel de Jesús Pineda, León Adalberto Custodio, Pompeyo del Valle et Buda Gautama Fonseca, « tous politiques faisant partie de l'opposition au gouvernement ». M. Bermúdez, ex-conseiller d'Etat, n'a été arrêté en aucune occasion ; M. Pineda Gómez est en liberté ; M. Manuel de Jesús Pineda, avocat à Santa-Rosa de Copán, a été victime d'une agression d'un ennemi personnel ; M. Pompeyo del Valle jouit d'une complète liberté à San-Pedro Tula et n'a jamais été arrêté que l'on sache ; quant à M. Fonseca, il s'acquitte librement à Tegucigalpa de ses fonctions de dirigeant d'organisations d'étudiants. Il n'a pas été possible d'identifier la personne désignée par le plaignant sous le nom de « docteur » Paredes. M. León Adalberto Custodio (ou José León Custodio) est actuellement en fuite, comme le constate une attestation délivrée par le greffier du tribunal criminel no 1 du département Francisco Morazán, ayant été dénoncé le 14 janvier 1956 en même temps que les autres personnes mentionnées précédemment par la police pour délit d'activités communistes.
- 119. En ce qui concerne l'arrestation des dirigeants du Comité de l'exploitation agricole Melcher, à Tela, par ordre du commandant militaire de l'endroit, le gouvernement fait connaître que, de l'enquête effectuée - confirmée par les attestations policières respectives et d'autres documents servant de preuves - il ressort que le 10 mars 1956, le chef des ouvriers agricoles Santiago Olivera, de l'exploitation agricole Melcher, fut victime d'une agression de la part du secrétaire préposé aux réclamations du syndicat de l'exploitation agricole et de trois autres hommes, à l'intérieur du commissariat local, au cours d'une discussion. La victime de l'agression demanda l'intervention de l'autorité ; celle-ci résolut d'arrêter les agresseurs, les plaçant à la disposition du juge compétent au criminel. Le 26 mars, comme il ressort de la documentation soumise, les détenus étaient déjà remis en liberté. Il s'agit donc d'une détention destinée à permettre d'éclaircir les circonstances d'un délit de droit commun d'agression à main armée.
- 120. En ce qui concerne l'arrestation d'Arturo Cardona et de Daniel Ramos, du Syndicat de la Standard Fruit Company, le gouvernement signale que le commandant adjoint local de La Paz les a arrêtés en les trouvant tenant une réunion syndicale préparatoire au Congrès du travail qui devait se tenir à La Ceiba. Informé de cette arrestation abusive par un télégramme en date du 12 mars 1956 émanant d'un autre dirigeant syndical, le ministre du Travail s'adressa le même jour au commandant d'armes du département le priant d'ordonner la mise en liberté des détenus et de punir le commandant adjoint en question. Le même jour la libération des détenus fut ordonnée et le commandant adjoint responsable de l'arrestation abusive fut révoqué de ses fonctions. Les dirigeants libérés remercièrent par télégramme, le 14 mars 1956, le ministre du Travail de son intervention. Ces faits, fait remarquer le gouvernement, constituent une démonstration de la confiance que les dirigeants syndicaux mettent dans les autorités.
- 121. Enfin, en ce qui concerne l'allégation suivant laquelle, le 12 mars 1956, auraient été arrêtés et envoyés au pénitencier central les ouvriers Abraham Castillo Flores, Conrado Zúñiga Zepeda et Rubén Rodríguez Andrade, et un arrêt d'inculpation pour délit d'activités subversives aurait été rendu contre les « syndicalistes » Rodolfo López, Francisco Aguilar Martínez, Samuel Aguilera Bohórquez, Carlos Martínez Velázquez et Guadalupe Reyes Guzmán, le gouvernement s'en remet à l'attestation délivrée le 23 mai 1956 par le tribunal criminel no 1 du département Francisco Morazán, selon laquelle, par des arrêts en date du 22 février et du 6 mars 1956, toutes ces personnes se trouvent en prison préventive au pénitencier central. Le gouvernement insiste sur le fait que le pouvoir exécutif ne peut pas intervenir dans les actes du pouvoir judiciaire, étant donné que les juges et les tribunaux relèvent exclusivement de la Cour suprême de justice et jouissent d'une indépendance absolue dans leurs fonctions.
122. Le Honduras a ratifié, postérieurement aux faits allégués par la Confédération des travailleurs d'Amérique latine, les conventions (n 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et (n 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949. L'enregistrement de ces ratifications a été effectué le 27 juin 1956; ces conventions entreront donc en vigueur le 27 juin 1957.
122. Le Honduras a ratifié, postérieurement aux faits allégués par la Confédération des travailleurs d'Amérique latine, les conventions (n 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et (n 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949. L'enregistrement de ces ratifications a été effectué le 27 juin 1956; ces conventions entreront donc en vigueur le 27 juin 1957.- Allégations ayant trait à la politique syndicale et générale
- 123. Les allégations présentées à cet égard par l'organisation plaignante sont de caractère général, sans que les faits allégués soient caractérisés distinctement par un lieu et une date, sauf en ce qui concerne l'occupation de l'université par des forces de police le 21 février 1956. Il est allégué que le gouvernement aurait instauré une politique de répression syndicale, attaqué la presse et « des représentants des courants démocratiques » ; que des membres du gouvernement et d'entreprises étrangères auraient déclaré leur intention de « cribler de balles » tout mouvement revendicatif des travailleurs ; qu'auraient été organisées des expéditions punitives contre des travailleurs ; qu'aurait été demandée l'intervention armée des Etats-Unis ; et qu'auraient été pris des décrets interdisant les réunions publiques, ordonnant de pénétrer de force dans des domiciles privés et permettant la violation du secret de la correspondance et des droits relatifs à d'autres biens personnels ; la liberté de la presse, d'organisation et de circulation serait l'objet de restrictions.
- 124. Le gouvernement signale en premier lieu que ces allégations de portée générale ne sont étayées d'aucun élément de preuve. Plusieurs d'entre elles - comme celles qui se réfèrent à l'attaque de l'Université, à une prétendue requête d'intervention armée étrangère, etc. - n'offrent aucun rapport avec l'exercice des droits syndicaux. Celles qui ont trait à des violations des droits de l'homme sont repoussées expressément, le gouvernement signalant qu'il n'est pas possible d'attribuer à un gouvernement la promulgation de décrets qui ordonneraient de semblables actes. Les allégations ayant trait à de prétendues attaques de travailleurs et à l'organisation d'expéditions punitives manquent de toute précision. Il est faux, selon le gouvernement, que l'Ecole militaire de base soit financée par une entreprise étrangère. En ce qui concerne une prétendue politique répressive à l'égard des syndicats, le gouvernement fait observer qu'il est absurde de lui attribuer l'intention de détruire ce qu'il a lui-même édifié en édictant des lois comme la Charte de la protection du travail et la loi sur les organisations professionnelles, textes qui consacrent un régime syndical libéral calqué sur celui qui est prévu par les conventions internationales en la matière. En outre, fait remarquer le gouvernement, postérieurement aux plaintes, le gouvernement du Honduras a procédé à la ratification des conventions internationales relatives à la liberté syndicale.
- 125. Dans ces conditions, le Comité estime que les allégations ayant trait à l'occupation de l'Université par des forces de police, à une prétendue demande d'intervention armée à une puissance étrangère et au système d'administration et de financement de l'Ecole militaire de base, sont des questions sans rapport avec l'exercice des droits syndicaux, et que, par conséquent, elles échappent à sa compétence. En ce qui concerne les prétendues attaques de mouvements revendicatifs des travailleurs, l'organisation d'expéditions punitives avec des forces militaires contre les travailleurs des bananeraies et à de prétendues violations de fait et de droit des libertés de réunion, d'organisation, de presse, de circulation, de l'inviolabilité du domicile et du secret de la correspondance, le Comité estime que les allégations présentées manquent de précisions suffisantes pour permettre leur examen, et qu'il y a lieu de signaler que l'organisation plaignante, en présentant des informations complémentaires, conformément à la procédure en vigueur, n'a apporté aucun élément d'information de nature à fournir une base concrète à ces accusations. Compte tenu de toutes ces circonstances, le Comité estime que cette série d'allégations n'appelle pas un examen plus approfondi.
- Allégations ayant trait au décret-loi no 206 du 3 février 1956 sur la défense du régime démocratique
- 126. La plainte se borne à affirmer que ce texte législatif est dirigé contre la classe ouvrière et qu'il « consomme la liquidation » totale des garanties précaires individuelles et sociales qui existaient auparavant. Le gouvernement signale que le décret-loi n'exerce pas de répercussions sur la vie syndicale puisque s'agissant d'une législation de portée générale, en cas de conflit d'interprétation, la législation spéciale, c'est-à-dire la loi sur les organisations syndicales, devra s'appliquer aux questions syndicales. En outre, aucune garantie reconnue aux organisations ou aux travailleurs à titre individuel ne peut souffrir de préjudice du fait du décret-loi ; celui-ci est dirigé uniquement contre le communisme, et définit une série de délits contre la sûreté de l'Etat.
- 127. Le décret-loi no 206 du 3 février 1956 contient les dispositions suivantes:
- Article 1. - Sont interdites, l'existence et l'organisation du parti communiste dans le pays, et, d'une façon générale, de toute organisation, personne morale ou mouvement, quel que soit le nom qu'il adopte, qui, par des paroles ou des écrits, ou par un autre moyen quelconque, aspire à instaurer dans la nation un régime opposé à la démocratie qui nous régit, ou attente à sa souveraineté.
- ......................................................................................................................................................
- Article 3. - Les associations illicites auxquelles se réfèrent les articles précédents constituent un délit du fait même de leur organisation ; les personnes qui en font partie encourront pour infraction aux interdictions ici prononcées, les peines énoncées à l'article suivant.
- Article 4. - Commettent un délit contre la sûreté de l'Etat et seront punis de la peine minimum des travaux forcés:
- 1) ceux qui incitent à des actes de rébellion mettant en péril la sécurité de l'Etat, provoquent ou encouragent de tels actes sous une forme quelconque ou attentent au régime démocratique établi dans la République ;
- 2) ceux qui propagent ou encouragent, par leurs paroles ou leurs écrits, ou par quelque autre moyen, des doctrines qui tendent à détruire l'ordre social, la paix publique et l'organisation politique et juridique de la nation ;
- 3) ceux qui entretiennent des relations avec des personnes ou des associations étrangère en vue de recevoir des instructions ou de l'assistance d'une nature quelconque, afin d'accomplir certains des actes punissables énumérés dans le présent article ;
- 4) ceux qui paraissent appartenir ou adhérer à des associations, personnes morales, groupes ou partis quelconques, qui, à l'étranger, déploient les activités propres à la doctrine communiste ou leur prêtent leur concours en vue de préparer ou d'exécuter les actes prohibés par le présent décret-loi;
- ......................................................................................................................................................
- 128. Le Comité estime que, de la lecture du texte en question et des explications présentées par le gouvernement, il ressort que le décret-loi no 206 ne constitue pas au premier abord une réglementation offrant un rapport direct avec l'exercice des droits syndicaux, mais une législation pénale de portée générale qui prohibe et sanctionne certains types d'activités politiques de la part des individus. Bien que, comme le Comité l'a déclaré dans son premier rapport dans les cas comportant des questions de nature politique, il se réserve le droit de « former son propre critère dans chaque cas » quand sont soulevées « des questions qui influent directement sur l'exercice des droits syndicaux », en ce qui concerne la présente allégation, le Comité estime que celle-ci se rapporte uniquement à l'interprétation donnée à un texte légal de portée générale par une organisation syndicale internationale, sans que soit allégué d'une manière concrète qu'aucune organisation syndicale du Honduras n'ait été sanctionnée ou entravée dans l'exercice de ses droits par l'application du décret-loi en question. Compte tenu de ces considérations et des affirmations formelles du gouvernement du Honduras qu « aucune des garanties - garanties dont jouissent les organisations de travailleurs pour se réunir sans autorisation préalable, se constituer, élaborer leurs statuts et leurs règlements administratifs, élire leurs représentants, organiser leur administration et leurs activités, formuler leur programme d'action, conserver leur indépendance vis-à-vis des partis politiques et, des groupements religieux, n'être ni dissoutes ni suspendues si ce n'est par une sentence des tribunaux judiciaires, jouir d'une protection adéquate contre toute ingérence des autorités et les unes à l'égard des autres ; et, d'autre part, garanties dont jouissent les travailleurs de ne pas voir leur admission à un emploi subordonnée à la condition de s'affilier à un syndicat ou de le quitter, de ne pouvoir être renvoyés ou de subir un autre préjudice quelconque en raison de leur affiliation syndicale ou de leur participation à des activités syndicales licites et de n'être pas forcés d'appartenir ou de ne pas appartenir à une organisation quelconque au moyen d'actes de violence ou d'intimidation - ne souffre un préjudice du fait de l'application du décret-loi en question », le Comité se réservant le droit d'examiner les cas concrets d'application de cette législation qui lui sont soumis de même que les allégations qui lui seront présentées dans l'avenir pour être examinées à cet égard, estime qu'il n'y a pas lieu de procéder à l'examen de l'interprétation générale d'une loi pénale de caractère politique à l'égard de laquelle aucun cas concret de violation des droits des organisations syndicales n'a été allégué et que, par conséquent, cette allégation de caractère général n'appelle pas un examen plus approfondi.
- Allégations ayant trait à l'arrestation de syndicalistes et d'autres personnes
- 129. Considérant que les allégations relatives à des arrestations se rapportant à des faits qui ont eu lieu en des lieux et à des dates différents, ces allégations seront examinées par groupes distincts.
- Arrestations effectuées en application du décret-loi no 206 do 3 février 1956
- 130. Selon l'organisation plaignante, MM. Carlos Martínez Velázquez, du Syndicat des bouchers de Tegucigalpa, Guadalupe Reyes Guzmán, du Syndicat des travailleurs du bâtiment, et Samuel Aguilera, du Syndicat des tailleurs de Tegucigalpa, auraient été arrêtés par la police de Tegucigalpa le 4 février 1956 et torturés. M. Humberto Laitano, du Syndicat de l'industrie de la chaussure, aurait été arrêté dans la même ville le 5 février 1956 ; à la fin du même mois, auraient été arrêtés: MM. Francisco Aguilar Martínez, Rodolfo López, Rubén Rodríguez Andrade et León Adalberto Custodio ; le 12 mars 1956, MM. Abraham Castillo Flores et Conrado Zúñiga Zepeda. Tous, à l'exception de M. Humberto Laitano, auraient été l'objet d'arrêts d'inculpation pour le délit supposé d'« activités subversives » rendus par le tribunal criminel no 1 de Tegucigalpa.
- 131. Le gouvernement répond en niant que les personnes mentionnées, à l'exception de M. Guadalupe Reyes, soient des dirigeants syndicaux ou des syndicalistes, étant donné qu'aucun des syndicats mentionnés dans la plainte (syndicats de bouchers, de tailleurs, d'industrie de la chaussure) ne sont connus, et qu'ils ne sont pas enregistrés au ministère du Travail comme l'exige la loi. La qualité de syndicalistes de ces personnes est une affirmation dénuée de preuve de l'organisation plaignante ; en ce qui concerne M. Guadalupe Reyes, sa qualité reconnue de dirigeant syndical ne l'exonère pas de la responsabilité pénale ordinaire. Suivant des attestations délivrées le 23 mai 1956 par le tribunal criminel no 1 du département Francisco Morazán, le gouvernement présente des documents comme preuves à l'appui d'où il ressort que le 14 janvier 1956, la Direction générale de la police nationale a dénoncé pour délit d'activités communistes MM. Aguilar Martinez Reyes, Aguilera, Zúñiga Zepeda, Velázquez, López Durón, Castillo Flores, Rodríguez Andrade, Laitano, Custodio et d'autres personnes qui ne sont pas mentionnées dans la plainte. Toutes, à l'exception de MM. Laitano et Custodio actuellement en fuite, ont été détenues au pénitencier central par ordonnance du tribunal. D'autres arrêts du même tribunal en date du 22 février et du 6 mars 1956 ont prévu, en application de la loi sur l'organisation et les attributions des tribunaux, du Code de procédure et du décret-loi no 206 du 3 février 1956, l'emprisonnement préventif des personnes mentionnées « pour délit d'activités communistes tendant à l'instauration au Honduras du régime communiste, faits survenus dans cette ville (Tegucigalpa) dans les derniers mois de l'année récemment écoulée (1955) et les premiers de l'année actuelle ».
- 132. Avec ces éléments d'appréciation à sa disposition, le Comité note, en premier lieu, que l'organisation plaignante attribue seulement à quatre des personnes arrêtées (à savoir MM. Martínez Velázquez, Reyes Guzmán, Aguilera et Laitano) la qualité de dirigeants ou d'adhérents de syndicats particuliers. Le gouvernement, admettant ce fait en ce qui concerne M. Reyes Guzmán, soumet des documents comme preuves de ce qu'aucun des autres syndicats mentionnés n'existe au Honduras comme syndicat enregistré. En second lieu, la plainte n'allègue pas que l'arrestation desdites personnes ait été effectuée en raison de leurs activités syndicales, mais pour leurs « activités subversives », circonstance qui est confirmée par l'arrêt d'emprisonnement préventif communiqué par le gouvernement. En troisième lieu, le Comité constate que l'emprisonnement préventif a été ordonné par un juge conformément aux règles de la procédure ordinaire. Néanmoins, il observe que la date du délit qui leur est imputé et la détention sont antérieures à la date de promulgation du décret-loi no 206, qui définit les délits contre la sûreté de l'Etat, ce qui semblerait impliquer une application rétroactive de la loi pénale incompatible avec le principe nulla poena sine lege.
- 133. Dans un cas antérieur, relatif à l'Inde, que de nombreux autres cas ont reproduit depuis i, le Comité, après examen de la question des mesures d'emprisonnement préventif prises en application de lois sur la sécurité publique, a estimé que ces mesures « peuvent impliquer une grave ingérence dans les activités syndicales... à moins qu'elles ne soient accompagnées de garanties juridiques appropriées, mises en pratique dans des délais raisonnables ». Dans le cas no 63, relatif à l'Union sud-africaine, où il a dû examiner des allégations relatives à une loi d'interdiction du communisme, le Comité a été d'avis que la loi sud-africaine ayant été édictée « en tenant compte uniquement de raisons de caractère politique le cas soulève une question de politique nationale intérieure qui échappe à sa compétence et à l'égard de laquelle il doit s'abstenir d'exprimer son opinion. Cependant, étant donné que de telles mesures de caractère politique peuvent influer indirectement sur l'exercice des droits syndicaux », le Comité a décidé d'attirer l'attention du gouvernement sur la nécessité de garantir le libre exercice des droits syndicaux, et d'accorder aux détenus la garantie d'un juste procès légal.
- 134. Dans le cas présent, le Comité estime qu'il y a lieu de réitérer ses conclusions antérieures. En effet, de l'examen du texte de la loi sur la base de laquelle a été prononcée la peine de prison préventive des personnes mentionnées dans la plainte, de la teneur des arrêts judiciaires condamnant à la prison préventive et des explications du gouvernement sur la portée du décret-loi no 206 du 3 février 1956, il ressort qu'en l'espèce, il s'agit de mesures de politique nationale intérieure dont l'appréciation échappe à sa compétence et qui n'offrent pas de rapport direct apparent avec l'exercice des droits syndicaux. Considérant néanmoins que, dans le cas de M. Guadalupe Reyes Guzmán, dirigeant du syndicat des travailleurs du bâtiment, l'application du décret-loi no 206 peut avoir comme effet indirect de faire obstacle au libre exercice des droits syndicaux, le Comité, tout en remerciant le gouvernement des informations détaillées qu'il a présentées, attire son attention sur la nécessité de veiller à ce que l'adoption de mesures de caractère politique ne semble pas avoir d'influence directe sur l'exercice des droits syndicaux et à ce que les détenus jouissent de toutes les garanties d'un juste procès légal, y compris la garantie de non-application rétroactive d'une loi pénale. Compte tenu de ces considérations, le Comité prie le gouvernement du Honduras de bien vouloir l'informer de la sentence définitive prise à l'égard de M. Guadalupe Reyes Guzmán, et, sous cette réserve, considère qu'il n'y a pas lieu de poursuivre l'examen de cet aspect du cas.
- Arrestations de dirigeants du Syndical des travailleurs de la Standard Fruit Co., à La Ceiba.
- 135. La Confédération des travailleurs d'Amérique latine allègue que MM. Medardo García, Efrain Irías Durón et Hector Romero, dirigeants du Syndicat des travailleurs de la Standard Fruit Co., auraient été arrêtés et torturés le 22 février 1956, à La Ceiba, et internés ultérieurement au pénitencier de Tegucigalpa. Le gouvernement répond que MM. Irías Durón et Romero sont actuellement en liberté et exercent leurs fonctions syndicales, qu'il est faux qu'ils aient été torturés, comme il appert de déclarations écrites des intéressés jointes à l'appui ; il n'a pas été possible d'identifier le nommé Medardo García. A l'occasion d'une tentative de grève illégale, à la fin de février dernier, les dirigeants mentionnés ci-dessus furent convoqués à la direction de la police de La Ceiba, où il leur fut notifié que les autorités ne permettraient pas des grèves en violation de la loi. Informé de ces faits, le ministère du Travail a effectué les démarches nécessaires pour qu'ils ne soient pas inquiétés dans leurs activités syndicales. Le conflit avec l'entreprise fut résolu à l'amiable, ces deux dirigeants participant aux négociations. Dans l'accord signé - dont un exemplaire est soumis par le gouvernement -, la forme pacifique sous laquelle se déroulèrent les négociations est attestée.
- 136. Dans ces conditions, le Comité, tout en observant que l'accord mentionné par le gouvernement ne paraît pas avoir de rapport avec les faits allégués, étant donné qu'il a été conclu à la date du 30 janvier 1956, alors que l'arrestation de MM. Irías Durón et Romero a eu lieu à tin février, estime que les explications du gouvernement sont suffisantes, celui-ci ayant pris les précautions nécessaires, dans ce cas concret, pour que les dirigeants syndicaux ne soient pas inquiétés dans l'exercice de leurs fonctions et qu'étant donné que ces deux personnes sont actuellement en liberté et exercent librement leurs fonctions syndicales, cet aspect du cas n'appelle pas un examen plus approfondi.
- Arrestation de dirigeants du Syndical des travailleurs de la Tela Railroad Co.
- 137. L'organisation plaignante allègue que MM. Raúl E. Estrada, Roberto Panchamé, Céleo González, Rufino Sosa et José Cubas Gross, du Comité exécutif du Syndicat des travailleurs de la Tela Railroad Co., syndicat affilié à l'O.R.I.T, auraient été arrêtés dans le port de Tela à la fin de février 1956. Le gouvernement, quant à lui, explique que les personnes en question ont été arrêtées par la police de Tegulcigalpa, pendant six jours, délai prévu par la législation du Honduras pour effectuer des enquêtes. Les personnes en question, en dépit de l'interdiction légale faite aux syndicats d'intervenir dans la politique, « avaient des entrevues de plusieurs heures avec le dirigeant de la campagne d'opposition au gouvernement en vue de collaborer au succès d'une révolte armée ou d'une grève générale de caractère politique ». Le ministère du Travail, informé de cette arrestation, intervint, et obtint la liberté des détenus à l'expiration du délai, comme l'atteste un certificat délivré par le directeur du pénitencier central.
- 138. Le Comité observe, dans le cas présent, que l'arrestation des personnes mentionnées est fondée sur leur qualité de membres de syndicat, comme le constate le certificat délivré le 26 mai 1956 par la direction générale de la Police nationale et sur les activités politiques, considérées comme subversives et interdites aux syndicats qui leur sont attribuées. Le décret-loi no 101 du 6 juin 1955, portant loi relative aux organisations syndicales, dispose en son article 2 que les organisations syndicales doivent s'abstenir de « toute intervention dans le domaine politique ou religieux ». Cette interdiction vise exclusivement les organisations syndicales en tant que telles et n'implique pas pour les adhérents ou les dirigeants l'interdiction d'une action politique.
- 139. Etant donné que le gouvernement a pris les mesures nécessaires en vue de la libération des détenus, lesquels jouissent aujourd'hui en toute liberté de leurs droits syndicaux, le Comité estime que cet aspect de la plainte est devenu sans objet et n'appelle pas par suite un examen plus approfondi.
- Arrestation de dirigeants du Comité de l'exploitation agricole Melcher.
- 140. Le 12 mars 1956, suivant l'allégation de l'organisation plaignante, les dirigeants du Comité de l'exploitation agricole Melcher, à Tela, secteur de La Lima, branche du Syndicat des travailleurs de la Tela Railroad Co., auraient été arrêtés par ordre du commandant adjoint de l'endroit. Le gouvernement explique, sur la base des attestations policières qu'il présente, que le 10 mars 1956, un chef des ouvriers agricoles fut l'objet d'une agression de la part du secrétaire du Syndicat de l'exploitation agricole et de trois autres personnes, dans le local du commissariat de l'endroit, au cours d'une discussion. La victime de l'agression réclama l'intervention de l'autorité, qui plaça les agresseurs à la disposition du magistrat compétent. A la fin de mars, les détenus avaient déjà été remis en liberté.
- 141. Le Comité, compte tenu des explications détaillées présentées par le gouvernement, qui a fourni des documents comme preuves à l'appui, estime que cette allégation a trait à un délit de droit commun, sans rapport avec l'exercice des droits syndicaux et que, par suite, elle n'appelle pas un examen plus approfondi.
- Arrestation de dirigeants du Syndicat de la Standard Fruit Co. de Los Planes
- 142. L'organisation plaignante allègue que MM. Arturo Cardona et Daniel Ramos, dirigeants de la section no 1 du Syndicat des travailleurs de la Standard Fruit Co., auraient été arrêtés le 11 mars 1956 à Los Planes. Le gouvernement explique que le commandant adjoint local de La Paz mit en arrestation ces deux personnes qu'il avait trouvées tenant une réunion syndicale. Informé de cette arrestation, le ministre du Travail s'adressa par télégramme au supérieur hiérarchique du commandant adjoint de l'endroit et obtint la mise en liberté immédiate des détenus. L'autorité qui avait procédé à cette arrestation abusive fut frappée par une mesure de révocation ; les dirigeants libérés adressèrent le 14 mars au ministre du Travail des remerciements pour son intervention.
- 143. Dans ces circonstances, le Comité estime que les explications du gouvernement sont suffisantes et que cette allégation n'appelle pas un examen plus approfondi.
- Arrestation d'autres personnes non syndicalistes.
- 144. L'organisation plaignante allègue l'arrestation, en février 1956, du professeur Julio C. Rivera, du Syndicat des instituteurs ; de M. Francisco Ríos, du Syndicat des travailleurs de la Tela Railroad Co. ; de l'« ouvrier» Parker ; de l'ingénieur Francisco Milla Bermúdez ; du «docteur» Paredes ; du licencié José Pineda Gómez ; du journaliste Manuel de Jesús Pineda ; du « poète » Pompeyo del Valle, et de l'étudiant Buda Gautama Fonseca, ainsi que d'autres dirigeants de la Fédération des étudiants de l'université. Le gouvernement fait savoir qu'il n'a pas été possible d'identifier M. Julio C. Rivera, bien qu'il soit possible de vérifier la non-existence du syndicat d'instituteurs mentionné dans l'allégation, ou de la publication périodique dont l'organisation plaignante déclare avoir extrait l'information ; selon un certificat délivré par le Syndicat des travailleurs de la Tela Railroad Co., personne du nom de Francisco Ríos ne fait partie de cette organisation ; quant à l'« ouvrier » Parker, il doit s'identifier avec un individu poursuivi à San-Pedro Sula pour tentative de séquestration de mineurs. En ce qui concerne les autres personnes, le gouvernement indiquant qu'il ressort de la plainte même qu'il ne s'agit pas de cas en rapport avec l'exercice de droits syndicaux, déclare que toutes sont en liberté. M. Manuel de Jesús Pineda a été l'objet d'une agression personnelle ; il n'a pas été possible d'identifier le « docteur » Paredes, étant donné que c'est là un nom assez répandu au Honduras.
- 145. Dans ces conditions, compte tenu des explications détaillées fournies par le gouvernement et du fait que le plaignant ne donne pas de plus grandes précisions sur les personnes mentionnées et considérant que de la teneur même de la plainte et des preuves présentées, il ressort que les personnes arrêtées ne sont pas des syndicalistes et qu'elles n'ont pas été arrêtées pour des activités syndicales, le Comité estime que ces allégations n'appellent pas un examen plus approfondi.
- 146. Dans ces conditions, le Comité note en premier lieu le fait qu'à une date postérieure aux faits examinés, le Honduras a ratifié les conventions (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949. Le Comité note, en outre, que dans deux circonstances précises - la détention de dirigeants du Syndicat des travailleurs de la Tela Railroad Co. et du Syndicat des travailleurs de la Standard Fruit Co. à Los Planes -, le ministère du Travail a reconnu la nécessité d'attirer l'attention de la police sur la question de la sauvegarde de la liberté syndicale en intervenant pour protéger des syndicalistes contre certaines mesures abusives qui avaient été prises à leur encontre. A ce sujet, le Comité exprime le voeu que le gouvernement veuille bien examiner si les autorités administratives (police, etc.) sont à l'heure actuelle suffisamment informées des dispositions contenues dans les deux conventions ratifiées par le Honduras et dans la législation nationale en vigueur en la matière, et considérer les mesures qu'il pourrait être approprié de prendre afin de porter ces dispositions à leur connaissance.
- 147. Pour ce qui est de certaines autres allégations relatives à la prétendue détention de syndicalistes, le Comité constate que l'organisation plaignante a négligé de faire usage de la possibilité que lui donne la procédure en vigueur de présenter des preuves à l'appui d'allégations demeurées imprécises. De plus, tout en rappelant, comme il l'a fait dans plusieurs cas antérieurs, l'importance qu'il attache à ce que, lorsque des syndicalistes sont placés en détention préventive, ceux-ci bénéficient de toutes les garanties d'une procédure judiciaire régulière, le Comité note que, dans le cas d'espèce, les personnes qui ont été placées en détention préventive l'ont été conformément à la procédure judiciaire normale ; toutefois, le Comité attire l'attention du gouvernement sur le fait qu'une telle procédure risque d'impliquer une application rétroactive de la loi pénale, application qui serait contraire aux garanties judiciaires régulières.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 148. Compte tenu de toutes ces considérations, le Comité recommande au Conseil d'administration:
- a) de prendre note de la ratification par le Honduras de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949;
- b) de décider, en attirant l'attention du gouvernement du Honduras sur les observations contenues aux paragraphes 134, 146 et 147, que le cas dans son ensemble n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.