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- 14. Par deux communications des 14 mars et 7 octobre 1957, émanant respectivement de la Fédération syndicale mondiale et de la Confédération générale camerounaise du travail (C.G.K.T), ces organisations ont déposé des plaintes devant l'O.I.T, contenant des allégations selon lesquelles il serait porté atteinte à l'exercice des droits syndicaux au Cameroun.
- 15. Par deux communications en date des 25 mars et 21 octobre 1957, la Fédération syndicale mondiale et la Confédération générale camerounaise du travail ont été respectivement informées de leur droit de présenter, dans un délai d'un mois, des informations complémentaires à l'appui de leurs plaintes. Aucune de ces deux organisations ne s'est prévalue de ce droit.
- 16. Les plaintes de la Fédération syndicale mondiale et de la Confédération générale camerounaise du travail ont respectivement été communiquées au gouvernement français pour observations par deux lettres en date des 25 mars et 18 octobre 1957.
- 17. Par deux communications en date des 7 mai et 30 octobre 1957, le gouvernement français a présenté un certain nombre d'observations sur les points soulevés dans les plaintes. A sa 19ème session (Genève, février 1958), le Comité a chargé le Directeur général d'obtenir des informations complémentaires du gouvernement français avant de formuler ses recommandations au Conseil d'administration et a décidé qu'il ferait rapport sur le cas lorsqu'il serait en possession des informations en question. Le Directeur général a porté cette décision du Comité à la connaissance du gouvernement par une lettre en date du 17 mars 1958. Le gouvernement a fait parvenir sa réponse par une lettre en date du 21 juillet 1958.
- 18. La France a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949. La convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, a été déclarée applicable, sans modification, au Cameroun.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- Allégations relatives aux mesures prises à l'encontre de militants syndicaux et de travailleurs
- 19 Les plaignants allèguent que de nombreux militants syndicaux et de nombreux travailleurs auraient fait l'objet de mesures en raison de leurs opinions politiques ou de leur appartenance syndicale: des centaines de travailleurs et de militants syndicaux auraient été emprisonnés après avoir été torturés, d'autres auraient été assassinés et leurs demeures brûlées; dans un tel climat, l'exercice des droits syndicaux serait devenu impossible. Le gouvernement affirme au contraire que l'exercice des droits syndicaux est scrupuleusement respecté par les autorités du territoire et que les mesures qui ont effectivement été prises à l'encontre de certaines personnes l'ont été, non pas en raison des activités ou de l'appartenance syndicale de ces personnes mais à la suite des activités subversives déployées par elles.
- 20 A l'appui des allégations de caractère général formulées par la F.S.M, cette organisation cite un certain nombre de cas concrets. A Edéa, Hob Lock Thomas, membre de l'Union régionale des syndicats de la C.G.K.T de la Sanaga-Maritime, aurait été tué. Parmi ceux qui auraient été victimes des balles françaises près d'Edéa, on compterait plusieurs travailleurs de l'Alucam et de l'Enalcam. Dans sa réponse, le gouvernement déclare que Hob Lock Thomas a été tué à Edéa au cours d'une attaque menée par des éléments de l'Union du peuple camerounais (U.P.C.) contre le pont d'Ekété, que le combat fit plusieurs victimes tant parmi les forces de l'ordre que parmi les assaillants, au nombre desquels figuraient effectivement des travailleurs de l'Alucam et de l'Enalcam.
- 21 D'après les plaignants, Tonye Kanga John, instituteur et responsable syndical, aurait été arrêté et torturé. Le gouvernement déclare que l'intéressé a été arrêté le 2 janvier 1957 pour reconstitution de ligue dissoute et déféré au parquet d'Edéa. A la suite d'une plainte déposée par Tonye Kanga au sujet de sévices qu'il aurait subis, le Haut-commissaire de la République française a ordonné une enquête, qui a révélé, après un constat médical, que l'intéressé n'avait subi aucuns sévices. Le gouvernement déclare que Tonye Kanga a même adressé une lettre au Haut-commissaire pour le remercier de la diligence apportée à l'examen de son cas.
- 22 Les plaignants allèguent que Mbilla Marcus, secrétaire de la Fédération des travailleurs agricoles, aurait été emprisonné. Le gouvernement reconnaît que l'intéressé a été arrêté le 20 décembre 1956; il précise qu'il a été condamné par le tribunal correctionnel d'Edéa à huit mois de prison pour reconstitution de ligue dissoute.
- 23 Les plaignants allèguent également qu'Um Mayi Daniel, responsable syndical, aurait été tué. Le gouvernement confirme le décès de l'intéressé; il précise toutefois qu'Um Mayi a été assassiné par des membres du groupement U.P.C dans la nuit du 26 au 27 décembre 1957. La victime avait été un membre notoire de l'U.P.C et la raison de son assassinat résiderait dans le fait qu'il avait refusé de renouveler sa carte d'adhérent au mouvement après la dissolution de celui-ci.
- 24 Aux dires des plaignants, la demeure de Mandeng Pierre aurait été incendiée. L'intéressé était membre de la Commission administrative de la C.G.K.T. Le gouvernement déclare que l'Administration ne possède aucun renseignement sur le prétendu incendie de la demeure de Mandeng, dont elle dit tout ignorer.
- 25 Les plaignants allèguent enfin, sans préciser de noms, d'une part qu'à Douala, la secrétaire-dactylo de la C.G.K.T aurait été emprisonnée, d'autre part, qu'à Bafing, six paysans syndiqués auraient été emprisonnés sur la demande d'un chef administratif. Le gouvernement ne fait aucun commentaire sur ces dernières allégations, mais indique que des enquêtes sont toujours en cours et qu'il en communiquera le résultat lorsque celui-ci sera connu.
- 26 Le Comité a noté que, si les affirmations du plaignant contiennent certaines précisions, elles n'établissent clairement aucune relation de cause à effet entre la qualité ou les activités syndicales des personnes mentionnées dans les plaintes et les actes reprochés au gouvernement, et que celui-ci oppose à ces affirmations des réponses précises et circonstanciées. De ces réponses, il ressort assez clairement que les mesures prises à l'encontre des personnes mentionnées dans la plainte de la F.S.M et les circonstances de la mort de deux d'entre elles n'ont pour origine ni la qualité de syndicalistes de ceux qui en ont été frappés ni les activités syndicales de ces derniers, mais bien d'autres activités d'ordre insurrectionnel et subversif dont la nature exacte est précisée par le gouvernement (reconstitution de ligues dissoutes, attaque armée d'un ouvrage, règlement de comptes politique). De plus, il semble que les intéressés aient, dans les cas d'arrestation, bénéficié des garanties d'une procédure judiciaire régulière.
- 27 Dans ces conditions, en ce qui concerne les cas nommément cités par le plaignant, le Comité a estimé que celui-ci n'a pas apporté la preuve qu'il y ait eu en l'occurrence atteinte à la liberté syndicale et, en conséquence, recommande au Conseil d'administration de décider que cet aspect du cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.
- 28 En ce qui concerne les autres arrestations mentionnées par le plaignant, mais pour lesquelles aucun nom n'est donné, le Comité a estimé que, lorsque des plaignants formulent en termes généraux des allégations selon lesquelles certaines personnes auraient été arrêtées, sans donner de nom ou sans fournir par ailleurs des précisions suffisantes, il serait excessif de demander aux gouvernements intéressés de procéder à ce sujet à des enquêtes qui, étant donné le caractère éminemment vague de telles allégations, seraient particulièrement malaisées. Le Comité recommande donc au Conseil de décider que cet aspect du cas n'appelle pas un examen plus approfondi.
- Allégations relatives à l'intervention des autorités dans des réunions syndicales
- 29 Les plaignants allèguent, en termes généraux, qu'il est impossible de tenir au Cameroun une réunion syndicale publique sans être inquiété par la police. Le gouvernement répond à cela que la fréquence des réunions syndicales tenues au Cameroun suffirait à démentir cette affirmation s'il en était besoin. Le gouvernement s'abstient toutefois de répondre à l'allégation précise de la F.S.M selon laquelle un fonctionnaire de la police aurait, sur ordre de ses supérieurs, assisté à la séance du 12 janvier 1957 de la Commission administrative de la C.G.K.T, tenue à Douala, afin «d'entendre ce que les responsables syndicaux allaient dire ».
- 30 Etant donné que les plaignants formulent ici une allégation précise, le Comité a estimé qu'il serait opportun de demander au gouvernement français de bien vouloir présenter ses observations sur cet aspect particulier du cas et, en attendant d'être en possession desdites observations, d'ajourner l'examen de cet aspect de la plainte.
- Allégations relatives au refus de négocier avec la Confédération générale camerounaise du travail
- 31 La Confédération générale camerounaise du travail allègue que l'entreprise R. Guerpillon & Cie, de Douala, refuserait d'avoir avec elle aucun rapport et joint à l'appui de cette allégation copie d'une lettre de la compagnie d'où il ressort que tel serait bien le cas. Aux yeux du plaignant, une telle attitude est contraire aux dispositions et à l'esprit des conventions nos 87 et 98, toutes deux ratifiées par la France; elle est contraire en outre à l'article 4 du Code du travail des territoires d'outre-mer, qui établit le droit de tous les travailleurs et de tous les employeurs d'adhérer aux syndicats de leur choix. L'organisation plaignante demande à l'O.I.T d'intervenir en vue d'obtenir réparation de l'injustice invoquée par la C.G.K.T.
- 32 Dans sa réponse, le gouvernement déclare qu'une enquête effectuée par l'Inspection du travail a révélé qu'en 1955, 1956 et 1957, ce sont des travailleurs figurant sur des listes autres que celle présentée par la C.G.K.T qui ont été élus délégués du personnel. Le gouvernement précise que, lors des trois années en question, ce sont respectivement les candidats présentés sous les étiquettes «Libres», «Indépendants» et «Union des syndicats autonomes du Cameroun» qui ont été élus délégués du personnel de l'entreprise incriminée. Le gouvernement ajoute que les élections se sont déroulées dans les conditions les plus régulières et qu'elles n'ont fait l'objet d'aucune réclamation, même de la part de la C.G.K.T.
- 33 Le refus, de la part d'un employeur, de négocier avec un syndicat donné - ce qui semble être le cas en l'occurrence - n'a pas, dans le passé, été considéré par le Comité comme constituant une atteinte à la liberté syndicale méritant de retenir son attention; il a adopté cette attitude en partant du principe que les négociations collectives devaient, pour conserver leur efficacité, revêtir un caractère volontaire et ne pas impliquer un recours à des mesures de contrainte qui auraient pour effet de transformer ce caractère.
- 34 De plus, dans le cas présent, le gouvernement a indiqué que les délégués du personnel ont été librement choisis par les travailleurs de l'entreprise incriminée et que ces délégués n'étaient pas ceux des listes présentées par la C.G.K.T, lesquels n'ont pas eu l'adhésion des travailleurs en question.
- 35 Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que cet aspect du cas n'appelle pas un examen plus approfondi de sa part.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 36. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
- a) de décider que, pour les raisons indiquées aux paragraphes 19 à 28 ci-dessus, les allégations relatives aux mesures prises à l'encontre de militants syndicaux et de travailleurs n'appellent pas de sa part un examen plus approfondi;
- b) de décider, pour les raisons indiquées aux paragraphes 31 à 35 ci-dessus, que les allégations relatives au refus de négocier avec la Confédération générale camerounaise du travail n'appellent pas de sa part un examen plus approfondi;
- c) de prendre note du présent rapport intérimaire en ce qui concerne les allégations relatives à l'intervention des autorités dans certaines réunions syndicales, étant entendu que le Comité fera de nouveau rapport sur cet aspect du cas lorsqu'il sera en possession des informations complémentaires sollicitées du gouvernement français.