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Interim Report - Report No 41, 1960

Case No 172 (Argentina) - Complaint date: 05-FEB-58 - Closed

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  1. 105. Le 5 février 1958, la Confédération internationale des syndicats chrétiens a adressé une lettre au Directeur général du B.I.T contenant des allégations selon lesquelles il aurait été porté atteinte à l'exercice des droits syndicaux en Argentine à l'occasion de la grève des banques qui a eu lieu aux mois de février et de mars 1958. Cette plainte a été communiquée au gouvernement le 17 février 1958.
  2. 106. En date du 30 janvier 1958, l'organisation appelée Action syndicale argentine (A.S.A.) a présenté une série d'allégations relatives à cette même grève, allégations qui ont été communiquées au gouvernement le 21 février 1958. L'Action syndicale argentine a complété sa plainte par une lettre en date du 16 mars 1958, dont la teneur a été portée à la connaissance du gouvernement le 28 mars 1958.
  3. 107. Le 3 mars 1958, l'Internationale du personnel des postes, télégraphes et téléphones a présenté une volumineuse documentation contenant des allégations selon lesquelles il aurait été porté atteinte à l'exercice des droits syndicaux à l'occasion des conflits qui ont éclaté dans les professions de télégraphiste et de téléphoniste au cours des mois de septembre, octobre et novembre 1957. Cette plainte a été communiquée au gouvernement par une lettre en date du 7 mars 1958.
  4. 108. Par une communication en date du 22 octobre 1958, le gouvernement de la République argentine a présenté ses observations sur les diverses plaintes qui lui avaient été communiquées.
  5. 109. Saisi du cas à sa session de novembre 1958 (20ème session), le Comité a présenté au Conseil d'administration un rapport intérimaire, qui a été approuvé par le Conseil lors de sa 140ème session (Genève, 18-21 novembre 1958).
  6. 110. Lors de son examen du cas à sa session de novembre 1958, le Comité a disposé de certaines des allégations qui avaient été formulées (allégations relatives à l'illégalité de la grève du personnel des télégraphes et téléphones, à la suspension de l'inscription syndicale et à la mobilisation du personnel bancaire). Il a par contre estimé que, sur certains points, il lui serait nécessaire, pour pouvoir se prononcer en connaissance de cause, d'obtenir des informations complémentaires du gouvernement au sujet des allégations relatives à la poursuite en justice et à la détention de syndicalistes ainsi qu'à la mise sous contrôle administratif de certaines organisations syndicales.
  7. 111. Les décisions prises par le Conseil d'administration, sur la recommandation du Comité, ainsi que les demandes d'informations complémentaires ont été portées à la connaissance du gouvernement par une communication du Directeur général en date du 27 novembre 1958.
  8. 112. A sa session de février 1959 (vingt et unième session), le Comité, en l'absence des informations complémentaires sollicitées du gouvernement, a décidé d'ajourner l'examen du cas à sa prochaine session, décision qui a été portée à la connaissance du gouvernement par une lettre en date du 13 mars 1959.
  9. 113. Par une communication en date du 17 avril 1959, complétée le 30 avril, l'Action syndicale argentine a déposé une nouvelle plainte devant l'O.I.T relative cette fois au conflit ayant opposé, à partir du début de 1959, les employés des banques argentines à leurs employeurs. Cette plainte a en outre été appuyée le 12 mai 1959 par la Confédération internationale des syndicats chrétiens.
  10. 114. La nouvelle plainte de l'Action syndicale argentine et les informations complémentaires venues l'appuyer ont été communiquées au gouvernement, pour observations, par deux lettres datées respectivement des 30 avril et 13 mai 1959.
  11. 115. A sa session de mai 1959 (vingt-deuxième session), en l'absence, d'une part, des informations complémentaires antérieurement sollicitées du gouvernement, d'autre part, des observations attendues de celui-ci sur la dernière plainte de l'Action syndicale argentine, le Comité a décidé d'ajourner l'examen du cas à sa prochaine session. Cette décision du Comité a été portée à la connaissance du gouvernement par une lettre en date du 9 juin 1959.
  12. 116. Par une communication en date du 16 septembre 1959, le gouvernement argentin a fait parvenir au Bureau une nouvelle série d'observations au sujet des plaintes en violation de la liberté syndicale déposées contre lui.
  13. 117. Les paragraphes qui suivent traitent uniquement des allégations restées en suspens depuis la 140ème session du Conseil d'administration (novembre 1958) et de celles qui sont contenues dans la nouvelle plainte de l'Action syndicale argentine, dont le Comité n'a pas encore eu à connaître.
  14. 118. L'Argentine a ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, mais elle n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  • Grève du personnel des téléphones et télégraphes
  • Allégations relatives à la poursuite en justice de syndicalistes
    1. 119 Parmi les rapports contenus dans la documentation présentée par l'Internationale du personnel des postes, télégraphes et téléphones, le rapport de l'Association argentine des télégraphistes, radiotélégraphistes et professions connexes (A.A.T.R.A.) allègue que le président et le secrétaire de cette organisation furent arrêtés sous l'inculpation du délit prévu par les articles 230, paragraphe 2, et 20 du Code pénal. Le gouvernement signalait, dans sa réponse en date du 22 octobre 1958, que la poursuite des deux dirigeants syndicaux était fondée sur ce qui est dit dans la résolution no 104 du Directeur national du travail et de la prévoyance sociale.
    2. 120 A sa session de novembre 1958, le Comité avait constaté que l'exposé des motifs de cette résolution no 104 indiquait que l'A.A.T.R.A avait établi des circulaires dans lesquelles elle rejetait la modification apportée au décret no 14954/46 (loi sur les télégraphes) par le décret-loi no 10774/57, et décidait, en retour, de travailler dorénavant conformément au texte primitif de cette loi sur les télégraphes. Le Comité avait remarqué également que le rapport de l'A.A.T.R.A indiquait que le syndicat avait décidé de ne pas reconnaître le décret-loi no 10774/ 57, « en raison de l'impossibilité de s'y conformer ». Le Comité avait constaté en outre que l'exposé des motifs de la résolution no 104 affirmait que l'attitude adoptée par l'A.A.T.R.A impliquait une méconnaissance et une révolte totales à l'égard de dispositions de caractère légal prises par l'autorité compétente.
    3. 121 Prenant ensuite connaissance de l'article 230 du Code pénal, qui fait partie du chapitre consacré à la « sédition », le Comité avait constaté que cet article disposait: « seront punis d'un emprisonnement d'un mois à deux ans ceux qui se révolteront publiquement pour entraver l'exécution des lois nationales ou provinciales ou des décisions des fonctionnaires publics, nationaux ou provinciaux, à moins que ce fait ne constitue un délit plus sévèrement réprimé par le présent Code ». Il avait constaté également que l'article 20 concernait l'incapacité spéciale qui peut frapper les personnes condamnées pour certains délits.
    4. 122 Ayant remarqué que l'issue du procès éventuellement intenté aux deux dirigeants syndicaux en question ne ressortait pas de la documentation dont il disposait, le Comité avait rappelé avoir toujours eu pour usage de ne pas procéder à l'examen de questions faisant l'objet ou dépendant d'actions judiciaires, à condition que ces actions soient assorties des garanties appropriées de légalité, étant donné que l'action judiciaire en cours est susceptible de fournir des indications pouvant aider le Comité dans l'appréciation du bien-fondé des arguments présentés. C'est ainsi qu'ayant constaté qu'il pouvait exister un procès en cours à l'encontre des deux dirigeants syndicaux intéressés, le Comité avait décidé d'ajourner l'examen de cet aspect du cas et demandé au Directeur général de solliciter du gouvernement argentin des informations relatives aux résultats des actions judiciaires éventuellement intentées.
    5. 123 Etant donné que, dans sa dernière communication, datée du 16 septembre 1959, le gouvernement s'abstient de fournir à cet égard les renseignements qui lui avaient été demandés, le Comité a chargé le Directeur général de réitérer en son nom sa demande.
  • Allégations relatives à la détention de syndicalistes
    1. 124 Dans un autre des rapports contenus dans la documentation de l'Internationale du personnel des postes, télégraphes et téléphones, celui de la Fédération des ouvriers et employés de la République argentine (F.O.E.T.R.A.), il était allégué qu'à la suite de la suspension de la personnalité syndicale de la F.O.E.T.R.A, de nombreuses arrestations auraient été opérées.
    2. 125 Ayant constaté que, dans ses observations en date du 22 octobre 1958, le gouvernement ne présentait aucun commentaire à cet égard, le Comité, à sa session de novembre 1958, avait chargé le Directeur général de demander au gouvernement de bien vouloir fournir des informations sur cet aspect du cas.
    3. 126 Etant donné que, dans sa réponse du 16 septembre 1959, le gouvernement s'abstient une fois encore de présenter des observations sur la question, le Comité a chargé le Directeur général de solliciter à nouveau sur ce point, en son nom, les informations qui lui sont nécessaires.
  • Grève des employés de banque (février-mars 1958)
  • Allégations relatives à la désignation d'un contrôleur administratif à l'Association des employés de banque
    1. 127 L'Action syndicale argentine et la Confédération internationale des syndicats chrétiens alléguaient, entre autres choses, au sujet de la grève des employés de banque du début de l'année 1958, que le gouvernement aurait procédé à la nomination d'un administrateur chargé de contrôler l'Association argentine des employés de banque, qui groupe les employés de banque. A sa session de novembre 1958, le Comité avait constaté qu'il ne résultait pas clairement de la documentation dont il disposait que le contrôle administratif de l'Association bancaire ait été levé.
    2. 128 Aussi, le Comité avait-il recommandé au Conseil d'administration de décider, en ce qui concerne la nomination d'un administrateur à l'Association argentine des employés de banque, d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il attache au principe généralement admis que les pouvoirs publics doivent s'abstenir de toute intervention susceptible de limiter le droit, pour les organisations de travailleurs, d'élire librement leurs représentants et d'organiser leur gestion et leurs activités, et d'obtenir du gouvernement un supplément d'information sur le point de savoir si la nomination d'un administrateur à cette organisation professionnelle a été abrogée.
    3. 129 Etant donné que, dans sa dernière communication datée du 16 septembre 1959, le gouvernement s'abstient de fournir sur cet aspect du cas des informations nouvelles, le Comité a abouti à la même conclusion que celle qui est rappelée au paragraphe précédent.
  • Conflit des employés de banque (1959)
    1. 130 Par une communication en date du 17 avril 1959, ultérieurement complétée par une lettre du 30 du même mois, l'Action syndicale argentine allègue que plusieurs atteintes aux droits syndicaux auraient été portées par les autorités publiques à l'occasion du conflit bancaire actuellement en cours en Argentine. Les plaignants donnent des événements l'exposé chronologique suivant.
    2. 131 En raison de l'augmentation considérable du coût de la vie par rapport à l'indice d'août 1958 (date d'entrée en vigueur de la convention de travail intéressant les employés de banque), l'Association des employés de banque - syndicat affilié à l'organisation plaignante - a décidé de demander aux employeurs l'octroi d'une augmentation extraordinaire. A cette fin, le 2 février 1959, elle a adressé des lettres à l'Association des banques (organisme patronal groupant les banques privées de la capitale fédérale), à l'Association des banques de l'intérieur (organisme patronal groupant les banques privées de l'intérieur), aux directeurs des banques d'Etat et au ministère du Travail et de la Sécurité sociale. Seule l'Association des banques a répondu à cette requête, en présentant une offre, offre d'ailleurs rejetée par le syndicat.
    3. 132 Le 18 février 1959, l'Association des employés de banque demande la convocation de la Commission interministérielle - organisme institué pour examiner toutes les questions intéressant la profession d'employé de banque - afin que les représentants de tous les employeurs puissent examiner ensemble, au sein de cette commission, la requête présentée par le syndicat.
    4. 133 Au cours de la première réunion de la Commission interministérielle, tenue le 9 mars 1959, les représentants des banques d'Etat se déclarent incompétents pour traiter des questions relatives aux salaires. La discussion se poursuit jusqu'au 18 mars, date à laquelle, devant le refus persistant des banques d'Etat d'engager des négociations, le syndicat décide l'adoption de mesures de rétorsion. C'est ainsi qu'il y eut, entre le 18 et le 25 mars, plusieurs arrêts partiels du travail dans les banques.
    5. 134 Le 30 mars 1959, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale décide la convocation de la Commission paritaire nationale des employés de banque. Au cours de la première séance de cette commission, le 6 avril 1959, le représentant des banques d'Etat déclare qu'« étant donné diverses dispositions restrictives d'ordre juridique et institutionnel, et notamment celles qui touchent à l'autonomie budgétaire des banques d'Etat, les représentants de [suit une énumération d'établissements bancaires] font savoir qu'ils se présentent à cette réunion dans un esprit de collaboration, en vue d'étudier les problèmes qui y sont évoqués, mais qu'ils se réservent de demander des instructions à leurs mandants, conformément au régime juridique qui régit les activités de ceux-ci ».
    6. 135 A la suite de ces déclarations, qui - estiment les plaignants - mettent en cause la nature même d'une réunion organisée en vue d'une négociation collective et où toutes les parties devraient avoir pouvoir de négocier et de prendre des décisions, le ministère du Travail, sur la demande des représentants syndicaux, a engagé les représentants des banques d'Etat à obtenir les pouvoirs nécessaires pour être en mesure de participer à une négociation collective conformément aux termes de la convocation de la Commission paritaire.
    7. 136 Dès l'ouverture des travaux de la réunion suivante de la Commission, tenue le 9 avril 1959, les représentants des banques d'Etat annoncent que le ministère du Travail, consulté, a déclaré que les banques d'Etat ne sauraient prendre part à une négociation collective. Cela revient à dire - déclarent les plaignants - que la personne même qui a appelé les représentants des banques officielles à participer à la négociation collective leur interdit d'y participer effectivement.
    8. 137 Le 10 avril 1959, le ministre du Travail aurait accordé une audience aux dirigeants du syndicat des employés de banque. Il aurait été fait à ces derniers la déclaration suivante « Nous ne pouvons nous en tenir à un formalisme juridique, mais nous devons nous baser sur la réalité économique, et ceci explique la réponse négative du gouvernement ». Au cours de la même audience - déclarent les plaignants -, le représentant du gouvernement aurait annoncé l'abrogation de l'article 31 du décret no 3133/58, qui ouvre, en droit, la possibilité de modifier les barèmes de rémunération dans les banques par le moyen d'une négociation collective. Il aurait fait savoir, enfin, que non seulement il ne saurait être question d'une augmentation extraordinaire des salaires, mais qu'il ne saurait y avoir non plus de négociation collective au sein de la commission interministérielle, convoquée pourtant par le gouvernement lui-même. '
    9. 138 Devant cette position du gouvernement et après consultation de ses adhérents, le syndicat aurait décidé, pour le 14 avril 1959, une grève de vingt-quatre heures et, au cas où une solution ne serait pas intervenue, une grève générale.
    10. 139 Ce même 14 avril - déclarent les plaignants -, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale aurait placé le Syndicat des employés de banque sous l'administration directe de l'Etat; une perquisition aurait eu lieu au siège du syndicat, qui aurait ultérieurement été occupé par la force publique; la police aurait arrêté certains dirigeants syndicaux et se serait mise à la recherche de certains autres. En outre, le ministère du Travail aurait déclaré la grève illégale et aurait fait savoir que ceux qui ne se rendraient pas à leur travail seraient licenciés et que les postes vacants seraient remplis par des fonctionnaires de l'Administration publique.
    11. 140 Depuis ces mesures, le gouvernement argentin aurait poursuivi ses arrestations de dirigeants syndicaux et de syndicalistes; parmi les victimes de ces arrestations, se trouverait M. Horacio José Ramon, dirigeant de l'Association des employés de banque (C.R.I.B.A.). Les personnes arrêtées seraient détenues « à la disposition du pouvoir exécutif » en vertu de l'état de siège proclamé dans le pays. Les recours d'habeas corpus interjetés par le syndicat en faveur de ces détenus auraient été rejetés par les tribunaux, qui se seraient déclarés incompétents.
    12. 141 Simultanément, l'Etat aurait continué à intervenir dans les affaires de l'Association des employés de banque, le pouvoir exécutif ayant nommé à cette fin un fonctionnaire du ministère du Travail et de la Sécurité sociale. Plusieurs fonctionnaires de l'Etat auraient offert leur médiation sans aucun résultat, le gouvernement ayant déclaré qu'il « ne discute pas avec des associations professionnelles en grève ».
    13. 142 Les plaignants indiquent que des recours «en protection des droits constitutionnels » auraient été introduits devant les tribunaux du travail pour obtenir que le pouvoir exécutif renvoie le syndicat à ses juges. Le juge de première instance procéderait actuellement à l'étude de la situation.
    14. 143 Dans sa réponse en date du 16 septembre 1959, le gouvernement affirme que les accusations portées contre lui par l'organisation plaignante ne concordent pas avec la réalité des faits et il oppose aux déclarations de l'Action syndicale argentine une version différente des événements.
    15. 144 Il signale tout d'abord que les salaires de la profession bancaire ont été fixés par le décret du pouvoir exécutif no 3133/58 pour une durée minimum de deux ans partant du fer mai 1958. Ce délai est prescrit par l'article 31 du décret en question, qui stipule notamment que ses dispositions pourront «être modifiées par convention collective, un an avant l'expiration du délai d'application si le coût de la vie, selon les données du Bulletin mensuel de statistique publié par le ministère des Finances, a augmenté de 20 pour cent par rapport aux indices correspondants du mois d'août 1958 ». Cela signifie - déclare le gouvernement - qu'en principe, le délai, sans altération des normes, restait établi jusqu'au 30 avril 1960 au moins; que les conditions de rémunération ne pouvaient être révisées qu'à partir du fer mai 1959, à condition qu'une hausse du coût de la vie de 20 pour cent ait été constatée; que cette révision devait se faire par voie de convention collective.
    16. 145 Le gouvernement déclare que, le 18 février 1959, l'Association des employés de banque a adressé au président de la Commission interministérielle une demande de convocation immédiate de cette commission en vue d'examiner une requête d'augmentation d'urgence. En agissant ainsi, déclare le gouvernement, l'Association des employés de banque s'écartait déjà des termes du décret no 3133/58, la possibilité de l'obtention ou de la discussion d'une augmentation de cette nature n'y étant nulle part mentionnée. Néanmoins - et ceci démontre la bonne volonté du ministre à l'endroit des demandeurs - la Commission interministérielle fut convoquée le 9 mars 1959.
    17. 146 Le 13 mars, déclare le gouvernement, les banques officielles ont fait connaître qu'elles ne pouvaient prendre aucune décision sur une question de conditions de travail qui était du ressort de la politique générale du gouvernement en vertu de l'article 10 de la loi no 14794. De leur côté, les banques privées ont fait valoir que la Commission interministérielle était incompétente pour résoudre un problème de cette nature.
    18. 147 Il aurait été à la fois logique et correct, déclare le gouvernement, d'attendre que la question de la compétence de la commission fût réglée avant d'adopter une attitude quelconque. Ce n'est pourtant pas ce que fit l'Association des employés de banque, qui, aux dires du gouvernement, recourut à une série de mesures de force en déclenchant plusieurs mouvements de grève. De l'avis du gouvernement, la position adoptée en l'occurrence par l'Association des employés de banque est indéfendable, car il est d'après lui inadmissible de recourir à des mesures de force - qui sont la négation même de toute conciliation - alors que des négociations sont en cours.
    19. 148 Devant l'attitude adoptée par l'Association des employés de banque, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale, qui est doté de la compétence et des attributions voulues pour intervenir afin de résoudre ce genre de conflit, s'est saisi de l'affaire en déclarant le mouvement illégal en raison du fait que les délais de conciliation obligatoires fixés par la loi n'étaient pas expirés.
    20. 149 Les circonstances étant restées inchangées, la déclaration d'illégalité fut renouvelée lorsque l'Association déclencha de nouveaux arrêts du travail sans s'être jamais soumise aux procédures de conciliation obligatoire.
    21. 150 Pour parer aux inconvénients suscités par le fait que la compétence de la Commission interministérielle avait été contestée, la Direction générale des relations de travail convoqua, à la demande des autorités syndicales, l'organisme de négociation collective prévu par la loi no 14250. Ainsi, déclare le gouvernement, l'on rentrait dans la voie normale prévue pour la révision des conventions (article 31 du décret no 3133/58). Le gouvernement estime que le ministère du Travail et de la Sécurité sociale a déployé, à l'égard de l'Association bancaire, un maximum de bonne volonté, puisque aussi bien il a accepté de discuter au sujet d'une augmentation d'urgence nullement prévue par le décret précité. Ce qui - déclare le gouvernement - « donnait aux dirigeants de l'Association la possibilité de sortir élégamment de la situation de force dans laquelle ils avaient placé l'Association en employant des méthodes illégales ».
    22. 151 Alors que des pourparlers qui se seraient voulus pacifiques avaient repris, l'Association des employés de banque entama une campagne d'intimidation et de menaces selon laquelle elle recourrait à la grève si sa demande d'augmentation exceptionnelle n'avait pas reçu satisfaction le 10 avril. Cela - déclare le gouvernement - revenait à se mettre à nouveau hors la loi. Malgré l'attitude du syndicat, les pourparlers ne furent pas interrompus. Vaine fut cette bonne volonté, puisque l'Association des employés de banque déclencha plusieurs arrêts partiels du travail, qui se transformèrent sur son initiative en grève générale de durée illimitée.
    23. 152 Bien que la grève ainsi déclenchée fût illégale, le ministère, dans une ultime tentative en vue de trancher le différend, convoqua les dirigeants bancaires et offrit une augmentation officielle de 800 pesos en prévoyant la possibilité de discuter la question d'une augmentation plus élevée sur la base d'une productivité accrue. Une telle offre, précise le gouvernement, mettait pourtant en danger la réalisation du Plan économique. Malgré cette bonne volonté évidente des autorités, l'offre faite fut néanmoins totalement repoussée par les dirigeants de l'Association des employés de banque et la grève se poursuit depuis lors.
    24. 153 Cette grève ayant suscité une telle situation d'anarchie au sein de la profession des employés de banque et comportant des dangers si sérieux pour l'économie du pays, le gouvernement, se prévalant des dispositions constitutionnelles relatives à l'état de siège, s'est vu contraint d'intervenir et de placer sous contrôle l'Association des employés de banque en attendant le rétablissement de l'ordre.
  • Question de la légalité de la grève des banques
    1. 154 Les plaignants allèguent que le mouvement de grève déclenché par l'Association des employés de banque aurait arbitrairement été déclaré illégal par le gouvernement alors qu'il s'agissait d'un mouvement authentique de revendication d'ordre économique et professionnel. Sans nier à ce mouvement le caractère qu'entendent y attacher les plaignants, le gouvernement reconnaît l'avoir néanmoins considéré comme illégal. En effet, étant donné les circonstances dans lesquelles il a été déclenché, il ne remplissait pas les conditions requises par la législation pour qu'il soit reconnu comme licite.
    2. 155 Tout d'abord - déclare le gouvernement - les salaires de la profession intéressée avaient été fixés pour deux ans à la date du 1er mai 1958 et il était prévu que leur augmentation pourrait être envisagée uniquement après un an et si le coût de la vie venait à s'accroître de 20 pour cent selon les statistiques officielles (voir paragraphe 144 ci-dessus). Ces conditions n'ayant pas été réunies, l'organisation professionnelle des employés de banque n'avait pas à présenter une demande d'augmentation de salaire et moins encore à l'appuyer par un mouvement de grève.
    3. 156 Ensuite, le gouvernement fait valoir que l'Association des employés de banque n'a pas respecté les délais de conciliation obligatoire fixés par la loi, qu'elle ne s'est même jamais soumise aux procédures de conciliation obligatoire et qu'elle a fait usage de mesures de force alors que des négociations étaient en cours, négociations qui - précise le gouvernement - n'ont cessé de se poursuivre en dépit de l'attitude incorrecte du syndicat et de son intransigeance (voir paragraphes 147-152 ci-dessus).
    4. 157 Ainsi que le Comité l'a constaté à une occasion antérieure, le seul fait qu'une grève soit considérée comme illégale dans un pays donné ne saurait être suffisant pour l'inciter à ne pas examiner le cas plus avant, encore faut-il, en effet, que les conditions posées par la législation pour qu'une grève soit considérée comme un acte licite soient raisonnables et, en tout cas, ne soient pas telles qu'elles constituent une limitation importante aux possibilités d'action des organisations syndicales. A cet égard, dans un certain nombre de cas antérieurs, le Comité a reconnu que, par exemple, une notification préalable aux autorités administratives et l'obligation d'avoir recours à des procédures de conciliation et d'arbitrage dans les différends collectifs avant de déclencher une grève figurent dans les législations d'un nombre important de pays et que des dispositions de cette sorte ne sauraient être considérées comme constituant une atteinte à la liberté syndicale.
    5. 158 Dans le cas d'espèce, il semble bien que l'organisation syndicale intéressée n'ait pas respecté les dispositions relatives à la conciliation et qu'elle ait même - de par son action de grève - rompu des négociations que le gouvernement paraît cependant avoir eu à coeur de mener à bien. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que cet aspect du cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.
  • Question de la mise sous contrôle de l'Association des employés de banque
    1. 159 Les plaignants allèguent qu'à la suite de la grève déclenchée par l'Association des employés de banque, le gouvernement a placé cette organisation sous le contrôle administratif direct des autorités. Le gouvernement ne conteste pas le fait, mais il l'explique par la gravité économique de la situation engendrée par la grève.
    2. 160 Le Comité a déjà eu à connaître, dans le cadre de ce même cas, d'une situation analogue à l'occasion de son examen des allégations relatives à la grève bancaire du printemps de 1958 (voir paragraphes 127-129 ci-dessus).
    3. 161 Les circonstances du cas d'espèce étant les mêmes, le Comité formule les mêmes observations et recommande au Conseil d'administration d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il attache au principe généralement admis que les pouvoirs publics doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter le droit des organisations de travailleurs d'élire librement leurs représentants et d'organiser leur gestion et leur activité.
  • Allégations relatives à l'arrestation de dirigeants et de militants de l'Association des employés de banque
    1. 162 Les plaignants allèguent en termes assez généraux qu'un certain nombre de dirigeants et de militants de l'Association des employés de banque auraient été arrêtés, parmi lesquels M. Horacio José Ramon, dirigeant de la C.R.I.B.A, et se trouveraient, en vertu de l'état de siège proclamé dans le pays, « à la disposition du pouvoir exécutif».
    2. 163 Dans sa réponse, le gouvernement s'abstient de faire allusion à cet aspect du cas. Dans ces conditions, le Comité en a ajourné l'examen et a chargé le Directeur général de demander au gouvernement de bien vouloir présenter sur lui ses observations.
    3. 164 Par ailleurs, l'organisation plaignante déclare que des recours « en protection des droits constitutionnels» ont été introduits, en faveur des syndicalistes arrêtés, auprès des tribunaux du travail «pour obtenir que le pouvoir exécutif renvoie le syndicat à ses juges», et que le juge de première instance procéderait actuellement à l'étude de la situation.
    4. 165 Le Comité a toujours eu pour usage de ne pas procéder à l'examen de questions faisant l'objet d'actions judiciaires, estimant que lesdites actions sont susceptibles de fournir des indications pouvant aider le Comité dans l'appréciation du bien-fondé des arguments présentés. Conformément à cette pratique, le Comité a chargé le Directeur général d'obtenir du gouvernement le résultat de l'action mentionnée au paragraphe précédent ainsi que les motifs de la décision qui a éventuellement été prise.
  • Situation syndicale générale
    1. 166 Dans sa deuxième communication, en date du 30 avril 1959, l'organisation plaignante présente en outre certaines observations générales relatives à la situation du syndicalisme en Argentine.
    2. 167 D'après les plaignants, la classe laborieuse argentine serait complètement privée de sa liberté syndicale, situation qui se serait traduite par l'intervention de l'Etat dans les affaires des organisations professionnelles suivantes: Union des ouvriers de la métallurgie, Union des ouvriers du textile, Union des ouvriers de la construction, Union des ouvriers de l'industrie du bois, Association bancaire, Association des travailleurs de la boucherie et des entreprises connexes, Union ferroviaire, Syndicat unique du personnel des exploitations pétrolières de l'Etat.
    3. 168 «En un mot - déclarent les plaignants -, la moitié des travailleurs argentins se trouvent soumis au contrôle du pouvoir exécutif, qui couronne ainsi l'action liberticide dont le début remonte à la promulgation de la loi sur les associations professionnelles. »
    4. 169 L'organisation plaignante allègue, en outre, que les membres de l'Union ferroviaire et de l'Union des transports automobiles auraient été soumis à un régime militaire, qu'ils relèveraient ainsi du droit militaire et auraient été soustraits à leurs juges naturels.
    5. 170 Dans sa réponse, le gouvernement déclare que l'intervention des contrôleurs de syndicats a cessé dans les organisations suivantes: Union des ouvriers du textile, Union ferroviaire, Union des ouvriers de la métallurgie, Syndicat unique du personnel des exploitations pétrolières, Union des transports urbains et Association des travailleurs de la boucherie, à savoir, dans la quasi-totalité des organisations mentionnées par les plaignants.
    6. 171 Par ailleurs, le gouvernement déclare que, par un décret no 8197, l'état de mobilisation a été révoqué à partir du 30 juin 1959 pour le personnel de l'entreprise ferroviaire de l'Etat argentin et des administrations relevant d'elle ainsi que pour le personnel de l'administration générale des transports (Entreprise nationale des transports).
    7. 172 Dans ces conditions, la situation incriminée par les plaignants ayant pratiquement cessé d'exister, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider qu'il serait pour lui sans objet de poursuivre plus avant l'examen de cet aspect du cas.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 173. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de décider, en ce qui concerne la mise sous contrôle administratif de l'Association des employés de banque, d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il attache au principe généralement admis selon lequel les pouvoirs publics doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter le droit des organisations de travailleurs d'élire librement leurs représentants et d'organiser leur gestion et leur activité, et de demander au gouvernement de bien vouloir lui faire savoir si le contrôle de l'organisation syndicale en question a pris fin;
    • b) de décider, en ce qui concerne la question de la légalité de la grève des banques de 1959, que, pour les raisons indiquées aux paragraphes 154 à 158 ci-dessus, cet aspect du cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi;
    • c) de décider, en ce qui concerne les allégations relatives à la situation syndicale générale, qu'il serait, pour les raisons indiquées aux paragraphes 166 à 172 ci-dessus, sans objet de poursuivre l'examen de cet aspect du cas;
    • d) de prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu que le Comité fera à nouveau rapport sur les aspects du cas restés en suspens lorsqu'il sera en possession des informations sollicitées du gouvernement.
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