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Interim Report - Report No 49, 1961

Case No 192 (Argentina) - Complaint date: 16-JAN-59 - Closed

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  1. 158. La plainte initiale de la F.S.M contenait deux communications, l'une du 16 janvier, l'autre du 26 février 1959, et formulait des accusations concernant la grève des cheminots de novembre 1958, ainsi que sa répression, et la grève des travailleurs de l'entreprise frigorifique d'Etat de janvier 1959, qui devint générale, et sa répression.
  2. 159. Lorsque le Comité a examiné le cas à sa réunion de mai 1959, il était saisi d'une communication du gouvernement du 8 avril 1959 contenant des observations sur la grève des cheminots, et d'une autre communication, du 12 mai 1959, qui constituaient une réponse partielle aux accusations relatives à la grève de l'entreprise frigorifique et où le gouvernement annonçait qu'il ferait parvenir ses observations ultérieurement.
  3. 160. Dans ces conditions, le Comité a soumis au Conseil d'administration ses recommandations sur les allégations relatives à la grève des cheminots de novembre 1958 et sur sa répression, recommandations qui figurent au paragraphe 116 a), b) et c) du trente-sixième rapport du Comité. Ces recommandations ont été approuvées par le Conseil d'administration à sa 142ème session (mai-juin 1959). Lesdites allégations ne seront donc pas présentées à nouveau à l'attention du Comité, et il n'en sera pas tenu compte dans le présent document.
  4. 161. En même temps, le Comité a ajourné l'examen des allégations relatives à la grève des travailleurs de l'entreprise frigorifique, en attendant la réponse complète du gouvernement. La F.S.M a fourni, dans ses lettres des 3 et 24 novembre 1959, de nouveaux renseignements au sujet de ces allégations et elle a présenté de nouvelles allégations en même temps que la Commission permanente de liaison du Mouvement ouvrier unifié d'Argentine formulait une nouvelle plainte. Dans sa communication du 22 juin 1960, le gouvernement a complété les observations qu'il avait formulées dans sa lettre du 12 mai 1959. Le présent document ne traite que des allégations dont le Comité reste saisi.
  5. 162. L'Argentine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  • Allégations relatives à la grève des travailleurs de l'entreprise frigorifique d'Etat, devenue générale
    1. 163 Les plaignants soutiennent que, par voie de décret, le gouvernement a remis à une société privée l'entreprise frigorifique d'Etat Lisandro de la Torre, d'où l'origine de la grève de protestation des 8.000 travailleurs occupés dans cette entreprise; que le gouvernement a envoyé des forces militaires, appuyées de chars, pour déloger les travailleurs qui occupaient pacifiquement les locaux; que de nombreux travailleurs ont été blessés et arrêtés; que la grève est devenue générale et que les autres syndicats argentins ont ordonné une grève de solidarité; que les grévistes ont demandé: l'abrogation du décret relatif à l'entreprise frigorifique, la démobilisation des cheminots, l'annulation des condamnations prononcées par les tribunaux militaires, une augmentation de 1.500 pesos par mois pour tous les salariés et l'adoption de mesures efficaces contre la cherté de la vie et le chômage; que le gouvernement a déclaré ces grèves illégales et décrété la mobilisation des travailleurs du pétrole et du personnel des transports de la ville de Buenos Aires, et qu'en outre, certaines parties du territoire national ont été déclarées zones militaires; qu'en dépit de la reprise du travail entre le 20 et le 22 janvier, le gouvernement a fermé le siège des six organisations syndicales les plus importantes et les a, par la suite, placées sous contrôle d'administrateurs militaires; que 500 travailleurs et dirigeants syndicaux ont été emprisonnés et que les tribunaux militaires ont recommencé à fonctionner; que, selon une déclaration des autorités, 264 de ces détenus se trouvaient à la disposition du pouvoir exécutif, c'est-à-dire sans aucune garantie d'assistance judiciaire; que ces faits viennent s'ajouter à ceux qui ont été exposés dans la lettre du 16 janvier 1959 et qu'ils démontrent « l'ampleur de la politique antidémocratique et antisyndicale du gouvernement argentin et l'urgence, pour le B.I.T, de prendre des mesures efficaces pour faire respecter la liberté syndicale en Argentine».
    2. 164 Le Comité a observé que les plaignants présentent les faits précités comme des mesures prises par le gouvernement à l'occasion de la grève générale qui a débuté dans l'entreprise frigorifique de l'Etat. On trouve une affirmation identique, exprimée brièvement, dans la lettre du 3 novembre 1959 précitée, où il est dit: « Depuis le mois de janvier de l'année en cours, par suite de la grève générale, grâce à laquelle les travailleurs argentins ont résisté à l'offensive patronale dirigée contre leurs conditions de vie et de travail, le gouvernement s'est lancé dans une violente répression. »
    3. 165 Le gouvernement a répondu à ces accusations par une lettre du 12 mai 1959, dans laquelle il déclare que l'affirmation selon laquelle l'entreprise frigorifique Lisandro de la Torre fut remise par voie de décret à une société privée est inexacte, puisque le pouvoir législatif a approuvé, le 14 janvier 1959, la loi no 14801 - dont le gouvernement joint le texte - en vue d'autoriser le pouvoir exécutif, soit à vendre directement ou à mettre aux enchères publiques l'entreprise frigorifique d'Etat Lisandro de la Torre, soit à la céder à bail, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de ladite loi; que les ouvriers et employés de l'entreprise, en ordonnant la grève, se sont emparés des locaux et s'y sont retranchés, ce qui constitue un acte d'insurrection puisqu'il s'agit de travailleurs de l'Etat qui s'élèvent contre une loi ayant été approuvée par le Congrès national, que la grève a été déclarée illégale puisqu'elle tendait non à des fins syndicales, mais visait un but politique, celui de contrevenir aux décisions prises par les pouvoirs publics, conformément aux attributions qui leur ont été conférées par la Constitution; qu'il est faux que les forces armées aient exercé une « répression brutale » puisque seules ont agi les forces de police pour faire évacuer les travailleurs des locaux de l'entreprise dont ils s'étaient emparés par la force: l'appui des forces armées n'a été que passif, leur seule présence étant suffisante pour démontrer aux travailleurs qu'ils ne pouvaient persister dans leur attitude d'insubordination et de violence; qu'il est également faux qu'à la suite des agissements des forces armées, il y ait eu des blessés, ce que peut démontrer le rapport officiel émanant des autorités médicales de la policlinique adjacente à l'entreprise frigorifique, qui ne fait que mentionner onze personnes contusionnées sans gravité, lesquelles rentrèrent chez elles par leurs propres moyens: ces personnes ont été contusionnées à la suite du désordre dans lequel les travailleurs quittèrent l'établissement.
    4. 166 Du point de vue du droit - ajoute le gouvernement -, il y a lieu de mentionner que la Constitution nationale, en son article 14bis, reconnaît expressément le droit de grève, lequel, comme tous les droits, est limité par les lois qui en réglementent l'exercice. C'est ainsi qu'il découle de la doctrine et de la jurisprudence que la Constitution même permet de restreindre, au moyen de dispositions légales, l'exercice du droit de grève ou bien de la déclarer illicite en certains cas, sans porter préjudice à l'existence d'un tel droit. Ainsi, la grève du personnel employé dans les services nationaux, provinciaux, municipaux ou dans des entreprises officielles ou semi-officielles qui exploitent les « services publics» est illégale. Selon la jurisprudence - poursuit le gouvernement -, les grèves «attentatoires ou révolutionnaires» sont classées comme illégales puisqu'elles visent à bouleverser ou à modifier l'ordre public, ainsi que les grèves « politiques » avec lesquelles les syndicats se proposent d'imposer leur volonté à un organe de l'Etat. Dans ces grèves, la cessation du travail revêt un caractère politique et nullement professionnel. La grève des employés de l'entreprise frigorifique - affirme le gouvernement - a pris l'aspect d'un conflit insurrectionnel et politique, vu que, d'une part, il s'agissait d'une entreprise nationale où les travailleurs sont au service de l'Etat et, d'autre part, la grève avait pour objectif de méconnaître une loi du Congrès national.
    5. 167 Il découle clairement, tant des affirmations des plaignants que de la réponse du gouvernement, que les mesures prises par le gouvernement au sujet de l'aliénation de l'entreprise frigorifique sont à l'origine de la grève. Or, ces mesures s'appuyaient sur la loi 14801 du 14 janvier 1959. En l'occurrence, les travailleurs voulaient protester contre le changement de propriétaire. Les autres entreprises qui se sont jointes à la grève l'ont fait, comme le disent les plaignants eux-mêmes, par solidarité. Il ne semble donc pas que ladite grève ait visé à améliorer les conditions de travail, bien que les grévistes en aient profité pour formuler quelques revendications. Mais, protester contre une mesure gouvernementale qu'ils prétendaient faire annuler, tel fut l'objectif fondamental et direct des grévistes. C'est ce qu'expriment très clairement les plaignants dans leur lettre du 26 février 1959, lorsqu'ils déclarent « qu'un décret du gouvernement ayant remis l'entreprise frigorifique d'Etat Lisandro de la Torre, située à Mataderos, à une société privée, 8.000 travailleurs de cette entreprise se sont mis en grève le 17 janvier 1959, en signe de protestation, à l'appel du syndicat de l'industrie de la viande ».
    6. 168 Dans un certain nombre de cas antérieurs, le Comité a fait remarquer que le droit de grève est normalement reconnu aux travailleurs et à leurs organisations comme moyen légitime de défense de leurs intérêts sociaux et économiques communs. Il a toutefois rejeté des allégations concernant des grèves en raison de leur caractère non professionnel ou parce qu'elles visaient à faire pression sur le gouvernement sur des questions politiques, ou encore parce qu'elles étaient dirigées contre la politique du gouvernement et ne paraissaient pas « avoir eu pour objet un conflit du travail» o. En l'espèce, il paraît clair que la grève n'a pas été déclenchée à la suite d'un conflit de travail, mais bien en signe de protestation contre l'application par le gouvernement d'une législation visant à faire changer de mains l'entreprise dont il est question.
    7. 169 Dans ces conditions, le Comité estime devoir s'en tenir à sa pratique antérieure de ne pas retenir les allégations concernant des grèves de cette nature et recommande donc au Conseil d'administration de décider que cet aspect du cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.
  • Allégations relatives à la grève des employés de banque et d'assurance
    1. 170 Dans sa communication du 3 juillet 1959, la F.S.M, après avoir accusé le gouvernement d'avoir mobilisé les travailleurs, arrêté des syndicalistes et d'être intervenu dans les affaires des syndicats, déclare que tous ces procédés ont été employés à la suite de la grève des employés de banque et des assurances, qui, selon les plaignants, s'est déroulée de la manière suivante: par suite de l'augmentation du coût de la vie, le Syndicat des employés de banque a réclamé une augmentation de salaire; après plusieurs mois de négociations infructueuses, le 10 avril 1959, le ministre du Travail a fait savoir aux dirigeants dudit syndicat qu'il se proposait d'abroger l'article 31 du décret 3133/58, lequel garantit le rajustement des salaires des employés de banque et déclaré, en même temps, qu'il n'y aurait ni augmentation de salaire ni contrat collectif. Devant cette attitude, le Syndicat des employés de banque a ordonné une grève de vingt-quatre heures, le 14 avril 1959, et une grève générale dans le cas où le conflit n'eût pas été réglé. Le ministère du Travail a décidé alors de contrôler ledit syndicat, dont les locaux furent occupés par la police le 14 avril, laquelle a procédé à l'arrestation de 20 syndicalistes. La grève fut déclarée illégale, et on menaça de licencier les employés qui ne se présenteraient pas à leur travail. Depuis lors, les employés de banque sont en grève et font l'objet de mesures de répression et de persécution. Le 22 mai, le ministre du Travail a fait savoir que tous les employés de banque en grève étaient automatiquement licenciés, mesure qui a touché plus de 40.000 employés. Ce dernier exemple - concluent les plaignants - ne fait que confirmer les différentes méthodes employées par le gouvernement argentin pour enfreindre les droits syndicaux.
    2. 171 A ce point de vue, les plaignants accusent fermement le gouvernement d'être intervenu dans les affaires du Syndicat des employés de banque et d'avoir pris des mesures contre les grévistes, notamment d'emprisonnement et de licenciement. Le gouvernement ne répond pas expressément à cette allégation, bien qu'il formule des observations sur les accusations d'intervention dans les affaires des syndicats et de détention de syndicalistes.
    3. 172 En conséquence, le Comité a décidé de demander au gouvernement de l'Argentine de présenter ses observations sur l'allégation relative à la grève des employés de banque et des assurances et, en particulier, des informations sur les raisons qu'il a eues de la déclarer illégale. Dans l'attente de telles informations, le Comité a décidé d'ajourner l'examen de cet aspect du cas à sa prochaine réunion.
  • Allégations relatives à la mobilisation des travailleurs du pétrole et des travailleurs des chemins de fer et des transports
    1. 173 Les plaignants soutiennent, dans leur communication du 3 juillet 1959, qu'à l'heure actuelle, 40.000 travailleurs du pétrole sont mobilisés, de même que 280.000 cheminots et 50.000 travailleurs des transports et qu'ils sont soumis à un régime militaire, bien que lors de sa session du 4 juin, la Chambre des députés ait demandé à l'unanimité que soit abrogé l'ordre de mobilisation des travailleurs et que les dirigeants syndicaux emprisonnés soient mis en liberté; que les travailleurs mobilisés sont soumis à la discipline militaire dans toute sa rigueur: du 20 au 26 mars 1959, on a imposé à 162 cheminots qui étaient arrivés avec une ou deux minutes de retard à la station de Floresta, leur lieu de travail, un véritable « travail forcé » en dehors des heures normales de travail et sans qu'ils soient rémunérés; en juin 1959, 15 ouvriers d'atelier de la Compagnie de chemins de fer San Martin ont été arrêtés sous l'inculpation d'insubordination et ont dû comparaître devant un tribunal militaire.
    2. 174 Il n'est pas fait mention de cette allégation dans la réponse du gouvernement. Lors de sa réunion de mai 1959, le Comité a examiné une allégation relative à la mobilisation du personnel des chemins de fer et a recommandé au Conseil d'administration d'attirer l'attention du gouvernement de l'Argentine sur le fait que les droits syndicaux risquent d'être compromis par la possibilité d'abus que comporte la mobilisation de travailleurs lors de conflits du travail et de souligner l'inopportunité d'un recours à de semblables mesures, si ce n'est afin de permettre le fonctionnement des services essentiels dans des circonstances de la plus haute gravité.
    3. 175 Les circonstances des cas des travailleurs du pétrole et des transports, telles qu'elles ressortent des présentes allégations, paraissant impliquer des questions de principe similaires à celles que le Comité avait examinées dans le cas antérieur concernant les cheminots, le Comité recommande au Conseil d'administration d'attirer l'attention du gouvernement sur l'opinion déjà exprimée à cet égard par le Conseil.
  • Allégations relatives à la détention et à l'arrestation de syndicalistes
    1. 176 Les plaignants affirment, dans leur communication du 3 juillet 1959, que des dirigeants syndicaux ont été de nouveau arrêtés; que, le 12 février, M. Rubens Iscaro, secrétaire général de l'Union ouvrière de la construction et dirigeant du Mouvement d'unité et de coordination syndicales et membre du Comité exécutif de la F.S.M a été emprisonné, quoiqu'il ait été mis en liberté en raison de la protestation unanime des organisations auxquelles il appartenait; que, dans des circonstances semblables, MM. Arturo Vásquez et Vicente Marischi, secrétaire général et secrétaire adjoint, respectivement, de l'Union des syndicats du bois ont été arrêtés, et qu'ils se trouvent encore en prison, et que M. Andrés Framini, secrétaire de l'Association ouvrière de l'industrie textile a été arrêté lui aussi; que les travailleurs incarcérés font l'objet de mauvais traitements: par exemple, les cheminots, les tramelots et les ouvriers du pétrole incarcérés à la prison de Magdalena en raison de leur participation à la grève ont été obligés de travailler gratuitement pour les autorités, bien que le règlement de l'établissement pénitencier interdise expressément le travail forcé; que ceux qui refusent de travailler sont punis et jetés au cachot, sont privés de distraction, de visites, et n'ont pas le droit d'envoyer des lettres et d'en recevoir; que le directeur de la prison s'est servi des détenus pour effectuer des travaux de pavage au profit d'une entreprise privée; qu'il s'agit, en somme, aux yeux des plaignants, d'un autre cas de travail forcé imposé en Argentine.
    2. 177 La Commission permanente de liaison du Mouvement ouvrier unifié d'Argentine, dans sa plainte du 3 novembre 1959, renforce les allégations précitées en déclarant que c'est à présent une pratique courante du gouvernement argentin que d'effectuer des violations de domicile à toute heure de la nuit et de procéder à des arrestations de dirigeants et de militants syndicaux, lesquels, sans motif ni procès et sans explication des pouvoirs publics sur les délits qu'ils sont censés avoir commis, sont mis à la disposition du pouvoir exécutif et incarcérés dans des prisons de la capitale ou de l'intérieur du pays; qu'on compte actuellement une centaine de dirigeants emprisonnés, entre autres: MM. Andrés Framini, secrétaire général de l'Association ouvrière du textile, Rubens Iscaro, secrétaire général de l'Union ouvrière de la construction, Luis Parmi, José Rucci et Luis Hinojosa, de l'Union ouvrière de la métallurgie, et bien d'autres encore; qu'un bon nombre d'entre eux ont été internés dans des camps de concentration qui ont été rouverts en Patagonie, tels que les camps de Viedma et Esquel.
    3. 178 La F.S.M, dans une communication du 24 novembre 1959, fournit de nouvelles allégations dans ce sens lorsqu'elle affirme qu'à la faveur de l'état de siège, les autorités viennent d'arrêter de nombreux militants et dirigeants syndicaux; qu'en raison de la grève générale de quarante-huit heures organisée les 23 et 24 septembre par les syndicats affiliés au Mouvement ouvrier unifié, de nombreuses arrestations ont été opérées; que plus d'une centaine de dirigeants et militants syndicaux sont emprisonnés et internés dans des régions inhospitalières situées au sud du pays et mis à la disposition des autorités gouvernementales, sans avoir fait l'objet d'un mandat d'arrestation prononcé par un tribunal; que, parmi ces détenus, il y a lieu de mentionner MM. Rubens Iscaro, secrétaire général de la Fédération ouvrière de la construction et membre du comité directeur de la F.S.M.; Andrés Framini, secrétaire général de la Fédération ouvrière du textile, et Luis Trossi, secrétaire de l'organisation de la Fédération ouvrière de la construction; et la F.S.M joint une liste des militants syndicaux détenus le 5 octobre passé. La Fédération ajoute que, durant le mois de novembre, divers dirigeants syndicaux emprisonnés ont été exilés en des lieux très éloignés de Buenos Aires, ville où résident leurs familles. La Fédération cite ensuite les noms de 10 personnes « déportées à Viedma » et de 3 personnes qui ont été envoyées à la prison de Santa Rosa, dans la province de la Pampa, et ajoute que la police a arrêté le 7 novembre 1959 José Miguel Zárate, secrétaire adjoint de l'Union ouvrière de la construction et membre de la direction du Mouvement ouvrier unifié, au moment où se tenait la première assemblée plénière nationale du Mouvement ouvrier unifié.
    4. 179 Aux allégations précitées, le gouvernement répond, dans sa communication du 22 juin 1960, en déclarant que, devant une série d'actes de terrorisme perpétrés en diverses parties du pays et dont les conséquences furent tragiques et entraînèrent d'énormes pertes matérielles, il s'est vu obligé d'appliquer le plan de sécurité de l'Etat, à savoir le Plan Conintes, dont le texte est joint à sa communication. Grâce à l'intervention des forces armées, intervention autorisée en vertu dudit plan, la situation s'est rétablie et des enquêtes ont été menées en chacun des lieux qui furent le théâtre des attentats; il fut indispensable à l'époque de procéder à l'arrestation de toutes les personnes intéressées, y compris celles qui sont mentionnées par les plaignants en annexe à leur plainte; cependant, elles ont toutes été libérées depuis lors, sauf trois qui sont à la disposition du pouvoir exécutif. Le gouvernement conclut en déclarant qu'en ce qui concerne la procédure judiciaire de recours fondée sur l'habeas corpus (amparo), la manière dont elle a été menée prouve le fonctionnement normal des institutions judiciaires propres à tout Etat respectueux du droit, où les travailleurs peuvent mettre à profit tous les recours tendant à la défense de leurs droits.
    5. 180 La liste des personnes qui figure en annexe à la plainte de la F.S.M. (militants détenus dans cinq prisons différentes), dont le gouvernement déclare que toutes, sauf trois, ont été libérées après avoir été arrêtées au moment de l'enquête effectuée à la suite des troubles, comprend en fait les noms de MM. Rubens Iscaro, Luis Parmi, José Rucci et Luis Hinojosa (dont le cas est mentionné au paragraphe 176 ci-dessus) et de M. Luis Trossi (voir paragraphe 177 ci-dessus). La situation n'est pas claire, toutefois, en ce qui concerne M. Arturo Vasquéz et M. Vicente Marischi, respectivement secrétaire général et secrétaire général adjoint de la Fédération des travailleurs du bois et assimilés, et M. José Miguel Zárate, secrétaire adjoint de la Fédération des ouvriers du bâtiment, ou en ce qui concerne les travailleurs dont on allègue qu'ils auraient été déportés à Viedma, Esquel et Santa Rosa. De même, le gouvernement s'abstient de répondre aux allégations relatives aux mauvais traitements que des travailleurs auraient subis à la prison de Magdalena (qui n'est pas une des cinq prisons mentionnées en annexe à la plainte de la F.S.M.).
    6. 181 Dans ces conditions, le Comité demande au gouvernement de bien vouloir fournir d'urgence des informations complémentaires sur ces aspects particuliers du cas.
  • Allégations relatives à l'intervention des pouvoirs publics dans l'administration des syndicats
    1. 182 Dans leur communication du 3 juillet 1959, les plaignants allèguent que, le 6 mars 1959, le ministère du Travail et de la Prévoyance a publié un nouveau décret qui mettait fin au mandat des dirigeants élus des organisations mentionnées dans la lettre du 26 février et habilitait les contrôleurs désignés par les autorités, les chefs militaires de grade élevé, « à nommer de nouveaux dirigeants pour représenter les travailleurs dans leur conflits collectifs et individuels, à examiner les contrats sur les conditions de travail et à assumer les fonctions administratives et judiciaires nécessaires pour maintenir la vie syndicale ».
    2. 183 Dans leur communication du 3 novembre 1959, les plaignants ont renforcé les accusations précitées en déclarant qu'une douzaine de fédérations ouvrières ont été placées sous contrôle et dotées de chefs militaires qui, avec l'appui des troupes, ont entrepris une action visant ouvertement à briser l'organisation syndicale; qu'en même temps, le contrôle exercé sur la Confédération générale du travail, qui est privée de son autonomie depuis quatre ans, a été maintenu et renforcé.
    3. 184 Dans leur communication du 24 novembre 1959, les plaignants soutiennent que, si en juillet 1959 le gouvernement a supprimé le contrôle qu'il exerçait sur quelques syndicats, il a néanmoins continué à placer sous l'autorité d'une administration militaire les organisations suivantes: Fédération ouvrière de la construction; Association des employés de banque; Fédération argentine des travailleurs des industries chimiques; Fédération ouvrière de l'industrie du bois, Syndicat des travailleurs des produits pétroliers de l'Etat, et qu'en outre, depuis 1955, le gouvernement a placé sous son contrôle la Centrale ouvrière nationale et la Confédération générale du travail.
    4. 185 A ce sujet, le gouvernement déclare dans sa réponse du 22 juillet 1960, que l'intervention des pouvoirs publics dans les activités syndicales, autorisée par le décret no 16200 du 4 décembre 1959, a été ordonnée en vertu de la loi no 14785 proclamant l'état de siège; que, d'autre part, le message présidentiel à la Chambre des députés, en date du 1er décembre 1959, faisait savoir que le pouvoir exécutif a la ferme intention de cesser le plus tôt possible d'exercer ces contrôles et d'en conférer de nouveau l'exercice à ses autorités légalement élues aussitôt que prendra fin la situation d'urgence actuelle.
    5. 186 Le Comité, lors de son examen du cas à sa session de mai 1959, avait étudié des allégations selon lesquelles le Syndicat des cheminots et certaines de ses branches auraient été placés sous le contrôle d'administrateurs militaires et avait recommandé au Conseil d'administration, au paragraphe 116 c) de son trente-sixième rapport, d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il attache au principe généralement reconnu selon lequel les pouvoirs publics doivent s'abstenir de toute intervention susceptible de limiter le droit des organisations de travailleurs d'élire leurs représentants en toute liberté et d'organiser leur gestion et leurs activités. Le trente-sixième rapport du Comité a été approuvé par le Conseil d'administration à sa 142ème session (mai-juin 1959).
    6. 187 Dans le cas no 1721, relatif à l'Argentine, le Comité a examiné des allégations selon lesquelles l'Association des employés de banque aurait été placée sous contrôle administratif. Il était saisi d'une déclaration du gouvernement, contenue dans une communication du 13 mars 1960, selon laquelle ce dernier avait l'intention de mettre un terme à son intervention dans les affaires des l'Association des employés de banque et de faire procéder à des élections dès que la situation le permettrait. Le Comité avait donc recommandé au Conseil d'administration de prendre note de l'intention manifestée par le gouvernement de faire cesser tout contrôle de l'Association bancaire et d'exprimer l'espoir que la levée dudit contrôle aurait lieu dans un proche avenir; il avait également recommandé au Conseil d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il attache au principe énoncé par l'article 3 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ratifiée par l'Argentine et mentionné au paragraphe 186 ci-dessus. Ces recommandations ont été approuvées par le Conseil d'administration à sa 145ème session (mai 1960).

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 188. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) d'attirer l'attention du gouvernement sur les recommandations approuvées par le Conseil d'administration lors de l'adoption du paragraphe 116 c) du trente-sixième rapport du Comité et le paragraphe 60 a) et b) de son quarante-septième rapport, et de réaffirmer l'importance qu'il attache au principe contenu à l'article 3 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ratifiée par l'Argentine, selon lequel les organisations de travailleurs doivent avoir le droit d'élire leurs représentants en toute liberté et d'organiser leur gestion et leur activité, et selon lequel les pouvoirs publics doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal;
    • b) de prendre note de la mention faite par le gouvernement dans sa lettre du 22 juin 1960 de la déclaration du Président de la République du 1er décembre 1959, d'après laquelle le pouvoir exécutif entendait faire cesser toutes ces « interventions » le plus rapidement possible et remettre l'administration des syndicats aux autorités qu'ils auront eux-mêmes élues;
    • c) de noter encore, toutefois, que dans sa lettre du 22 juin 1960, le gouvernement ne réfute pas l'allégation selon laquelle une «intervention» était encore maintenue en ce qui concerne un certain nombre d'organisations syndicales importantes, dont la Confédération générale du travail;
    • d) de demander au gouvernement de bien vouloir faire connaître au Conseil d'administration la date à laquelle il entend permettre à tous les syndicats, y compris la Confédération générale du travail, de reprendre librement leurs activités sous l'administration de dirigeants et de comités qu'ils auront eux-mêmes élus;
    • e) de décider, compte tenu de la ratification par l'Argentine de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, d'attirer sur ces conclusions l'attention de la Commission d'experts de l'O.I.T sur l'application des conventions et des recommandations.
  2. 189. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de décider que, pour les raisons indiquées aux paragraphes 163 à 169 ci-dessus, les allégations relatives à la grève des travailleurs du frigorifique de l'Etat (devenue générale) n'appellent pas de sa part un examen plus approfondi;
    • b) de décider, en ce qui concerne les allégations relatives à la mobilisation des travailleurs du pétrole, des cheminots et des travailleurs des transports, d'attirer l'attention du gouvernement, comme il l'avait fait à une autre occasion à propos d'allégations similaires en adoptant le paragraphe 116 a) du trente-sixième rapport du Comité, sur le fait que les droits syndicaux risquent d'être compromis par la possibilité d'abus que comporte la mobilisation de travailleurs lors de conflits du travail et de souligner l'inopportunité d'un recours à de semblables mesures, si ce n'est afin de permettre le fonctionnement des services essentiels dans des circonstances de la plus haute gravité;
    • c) de décider, en ce qui concerne les allégations relatives à l'intervention du gouvernement dans l'administration des syndicats:
    • i) d'attirer l'attention du gouvernement sur les recommandations approuvées par le Conseil d'administration lors de l'adoption du paragraphe 116 c) du trente-sixième rapport du Comité et le paragraphe 60 a) et b) de son quarante-septième rapport, et de réaffirmer l'importance qu'il attache au principe contenu à l'article 3 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ratifiée par l'Argentine, selon lequel les organisations de travailleurs doivent avoir le droit d'élire leurs représentants en toute liberté et d'organiser leur gestion et leur activité, et selon lequel les pouvoirs publics doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal;
    • ii) de prendre note de la mention faite par le gouvernement dans sa lettre du 22 juin 1960 de la déclaration du Président de la République du 1er décembre 1959 d'après laquelle le pouvoir exécutif entendait faire cesser toutes les « interventions » le plus rapidement possible et remettre l'administration des syndicats aux autorités qu'ils auront eux-mêmes élues;
    • iii) de noter encore, toutefois, que dans sa lettre du 22 juin 1960, le gouvernement ne réfute pas l'allégation selon laquelle une« intervention » était encore maintenue en ce qui concerne un certain nombre d'organisations syndicales importantes, parmi lesquelles la Confédération générale du travail;
    • iv) de demander au gouvernement de bien vouloir faire connaître au Conseil d'administration la date à laquelle il entend permettre à tous les syndicats, y compris la Confédération générale du travail, de reprendre librement leurs activités sous l'administration de dirigeants et de comités qu'ils auront eux-mêmes élus;
    • v) compte tenu de la ratification par l'Argentine de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, d'attirer sur ces conclusions l'attention de la Commission d'experts de l'O.I.T sur l'application des conventions et des recommandations;
    • d) de prendre note du présent rapport intérimaire en ce qui concerne les allégations relatives à la grève des employés de banque et des compagnies d'assurance, et à l'arrestation et à l'emprisonnement de syndicalistes, étant entendu que le Comité fera à nouveau rapport sur ces aspects du cas lorsqu'il sera en possession des informations complémentaires sollicitées du gouvernement.
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