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Interim Report - Report No 56, 1961

Case No 216 (Argentina) - Complaint date: 14-DEC-59 - Closed

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  1. 146. Par une communication du 14 décembre 1959, l'Union internationale des syndicats du textile, de l'habillement et des cuirs et peaux (département professionnel de la F.S.M.) a déposé devant l'O.I.T une plainte en violation de la liberté syndicale dirigée contre le gouvernement argentin. L'organisation plaignante a fait appuyer sa plainte par la Fédération syndicale mondiale, laquelle, par une communication en date du 26 février 1960, a signifié à l'O.I.T qu'elle reprenait ladite plainte à son compte.
  2. 147. Par deux communications du 14 mars 1960, la plainte a été communiquée au gouvernement pour observations et la F.S.M a été informée de son droit de présenter, dans le délai d'un mois, des informations complémentaires à l'appui de sa plainte. Le gouvernement a fait parvenir sa réponse par une lettre du 5 septembre 1960.
  3. 148. Saisi du cas à sa vingt-sixième session (novembre 1960), le Comité a présenté au Conseil d'administration un rapport intérimaire, approuvé par ce dernier à sa 147-0 session (novembre 1960), et contenant certaines demandes d'informations complémentaires à l'adresse du gouvernement.
  4. 149. Informé des conclusions intérimaires du Comité, telles qu'elles avaient été approuvées par le Conseil d'administration, par une lettre du Directeur général du 24 novembre 1960, le gouvernement argentin a fait parvenir sa réponse au Bureau par une communication du 24 février 1961, parvenue trop tard pour être examinée par le Comité à la vingt-septième session de celui-ci (février 1961).
  5. 150. L'Argentine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  • Allégations relatives à l'arrestation de M. Andrés Framini, secrétaire général de l'Association argentine des travailleurs du textile
    1. 151 Faisant allusion à la lettre portant la même date et contenant les mêmes affirmations qu'ils ont adressées au Président de la République argentine, les plaignants allèguent dans leur plainte que M. Andrés Framini, secrétaire général de l'Association argentine des travailleurs du textile, aurait été arrêté.
    2. 152 Dans sa réponse du 5 septembre 1960, le gouvernement déclare que la plainte relative au fait que l'arrestation de M. Andrés Framini, secrétaire général de l'Association argentine des travailleurs du textile, constituerait une atteinte à la liberté syndicale est dénuée de fondement juridique puisque « M. Andrés Framini a été arrêté et qu'il est tenu à la disposition du pouvoir exécutif pour des raisons politiques et non syndicales ». La preuve en est - poursuit le gouvernement - que l'organisation syndicale dont fait partie M. Framini continue à fonctionner sans entrave. D'autre part - déclare le gouvernement -, la détention de l'intéressé est juridiquement justifiée par l'article 23 de la Constitution nationale, en raison de l'état de siège proclamé dans le pays.
    3. 153 A sa session du mois de novembre 1960, le Comité a constaté que le gouvernement ne contestait pas le fait de la détention de M. Framini, mais qu'il niait toutefois que cette détention constituât une violation de la liberté syndicale. D'une part, il justifiait la détention de l'intéressé par le jeu de l'article 23 de la Constitution dans le cadre de la proclamation de l'état de siège, d'autre part, il faisait valoir que la mesure en question présentait un caractère non pas antisyndical, mais politique, puisque aussi bien, l'organisation dont fait partie M. Framini continuait à fonctionner. Le Comité avait alors rappelé que, dans un certain nombre de cas antérieurs, il avait attiré l'attention sur l'importance qu'il a toujours attachée à ce que dans tous les cas, y compris lorsque des syndicalistes sont accusés de délits politiques ou de délits de droit commun que le gouvernement considère comme étrangers à leurs activités syndicales, les personnes en question soient jugées promptement par une autorité judiciaire impartiale et indépendante. Par le passé - rappelait en outre le Comité -, lorsque les gouvernements ont répondu aux allégations selon lesquelles les dirigeants syndicaux ou des travailleurs avaient été arrêtés pour activités syndicales en déclarant que les personnes en cause avaient en fait été arrêtées pour leurs activités subversives pour des raisons de sécurité intérieure ou pour des délits de droit commun, le Comité a toujours suivi la règle consistant à prier les gouvernements intéressés de fournir des informations complémentaires aussi précises que possible sur les arrestations, et en particulier sur la procédure légale ou judiciaire engagée à la suite des arrestations et sur le résultat de ces procédures.
    4. 154 Suivant en cela sa pratique habituelle, le Comité avait recommandé au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir indiquer au Conseil si M. Framini se trouvait encore emprisonné ou interné et de lui fournir des informations sur les procédures légales ou judiciaires en cours dans cette affaire ainsi que sur le résultat de ces procédures.
    5. 155 Cette demande d'informations complémentaires a été présentée au gouvernement par une lettre du 24 novembre 1960, à laquelle ce dernier a répondu par une communication du 24 février 1961.
    6. 156 Dans sa réponse, le gouvernement déclare que la procédure de détention des personnes mises à la disposition du pouvoir exécutif ne constitue en rien une procédure arbitraire, mais qu'elle obéit aux normes clairement établies par la Constitution nationale en cas d'état de siège. L'article 23 de la Constitution est en effet ainsi conçu: «En cas de troubles intérieurs ou d'attaque extérieure mettant en péril la Constitution et les autorités créées par elle, l'état de siège sera déclaré dans la province ou le territoire où l'ordre public est troublé, et les garanties constitutionnelles y seront suspendues. Pendant cette suspension, le Président de la République ne pourra cependant ni condamner lui-même ni appliquer de peines. En pareil cas, son pouvoir se limitera, quant aux personnes, à les arrêter ou à les transférer d'un point à un autre du pays, à moins qu'elles ne préfèrent quitter le territoire argentin ». Et le gouvernement poursuit en déclarant: «Il convient donc de bien se rendre compte que, pendant l'état de siège et l'application du plan Conintes qui ont suspendu les garanties constitutionnelles, le pouvoir exécutif national s'est limité, en observant strictement les dispositions de l'article 23 de la Constitution, à transférer dans des endroits sûrs les personnes en question qui n'ont pas fait usage du droit d'option en quittant le territoire argentin; c'est-à-dire que le pouvoir exécutif ne s'est pas attribué des fonctions judiciaires, mais qu'il a toujours agi en vertu de normes juridiques prévues dans la Constitution. »
    7. 157 Dans les nombreux cas où il avait été saisi de plaintes concernant de prétendues atteintes portées à la liberté syndicale sous le régime de l'état de siège ou d'exception ou encore en vertu d'une loi sur la sécurité de l'Etat, le Comité a indiqué qu'il n'était pas appelé à se prononcer sur la nécessité ou sur l'opportunité d'une telle législation, question d'ordre purement politique, mais il a toujours estimé, toutefois, qu'il devait examiner les répercussions que cette législation pourrait avoir sur les droits syndicaux. En l'espèce, tout en reconnaissant que les mesures qui ont été prises l'ont été en application des dispositions constitutionnelles prévues en cas d'état de siège, le Comité, comme il l'avait fait en plusieurs occasions antérieures, juge opportun de recommander au Conseil d'administration d'exprimer l'espoir que, dans toute la mesure du possible, le gouvernement aura recours, dans ses rapports avec les organisations professionnelles et leurs représentants, à des mesures prévues par le droit ordinaire plutôt qu'à des mesures d'exception qui risquent de comporter, par leur nature même, certaines restrictions à des droits fondamentaux.
    8. 158 En ce qui concerne le cas particulier de M. Framini, le gouvernement fournit les renseignements suivants. Par un décret no 5048, du 29 avril 1959, M. Framini a été arrêté pour être mis à la disposition du pouvoir exécutif, conformément aux normes constitutionnelles qui régissent l'état de siège. Il était reproché à l'intéressé d'avoir fomenté des activités subversives totalement étrangères à ses fonctions syndicales. Par un décret no 6799, du 4 juillet de la même année, M. Framini a été libéré. A la demande de la police fédérale, un décret, no 12070, du 27 septembre 1959, a de nouveau décidé la mise à la disposition du pouvoir exécutif de M. Framini en raison des activités subversives déployées par lui. Celui-ci n'ayant pas fait usage du droit d'option qu'accorde l'article 23 de la Constitution - et qui permet, on l'a vu, aux personnes mises à la disposition du pouvoir exécutif d'opter pour l'exil -, il a été envoyé aux pénitenciers de Viedma et Santa Rosa. Par un décret no 14077, du 8 novembre 1960, M. Framini a recouvré la liberté. Par un décret no 15094, du 1er décembre 1960, il a, une fois encore, été mis à la disposition du pouvoir exécutif pour activités contraires à l'ordre public et étrangères à l'action syndicale. Dès le lendemain, toutefois, ce décret de mise à disposition a été déclaré sans effet (décret no 15122, du 2 décembre 1960) et M. Framini se trouve aujourd'hui en liberté.
    9. 159 Etant donné le nombre de fois où M. Framini a été placé en détention, et étant donné surtout la procédure tant soit peu exceptionnelle qui a été suivie en la matière (voir paragraphes 156 et 157 ci-dessus), le Comité recommande au Conseil d'administration d'attirer de nouveau l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il a toujours attachée à ce que dans tous les cas, y compris lorsque des syndicalistes sont accusés de délits politiques ou de délits de droit commun que le gouvernement considère comme étrangers à leurs activités syndicales, les personnes en question soient jugées promptement par une autorité judiciaire impartiale et indépendante.
    10. 160 Sous cette réserve, étant donné que M. Framini se trouve aujourd'hui en liberté, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider qu'il serait sans objet pour lui de poursuivre l'examen de cet aspect du cas.
  • Allégations relatives à la grève des travailleurs du textile et aux mesures prises contre les grévistes
    1. 161 Les plaignants allèguent qu'après cent jours de négociations infructueuses et devant le refus des employeurs d'améliorer leurs conditions de travail, les 200.000 travailleurs du textile se seraient vus contraints de déclencher la grève. A la suite de cette grève, de nombreux syndicalistes et travailleurs du textile auraient été envoyés dans des camps de concentration établis dans le sud du pays, où ils seraient l'objet de mauvais traitements.
    2. 162 Dans sa réponse du 24 février 1961, le gouvernement nie l'existence de camps de concentration dans le sud du pays; seuls des établissements pénitentiaires existent dans cette région - déclare-t-il --, où purgent leur peine d'exil ceux qui y ont été condamnés en vertu de sentences prononcées par les juges compétents. En outre, dans un addendum télégraphique à sa réponse, le gouvernement indique que la Commission d'enquête sur les ordonnances illégales de la Chambre des députés est en train de préparer une information « qui sera portée à la connaissance du Comité de la liberté syndicale en temps opportun», au sujet de l'accusation concernant de prétendus camps de concentration et de mauvais traitements subis par les travailleurs détenus.
    3. 163 Dans ces conditions, estimant que les informations complémentaires annoncées par le gouvernement seront susceptibles de lui apporter d'utiles éléments d'appréciation, le Comité a décidé d'ajourner l'examen de cet aspect du cas en attendant d'être en possession desdites informations.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 164. En ce qui concerne le cas dans son ensemble, le Comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) en ce qui concerne les allégations relatives à l'arrestation de M. Andrés Framini, secrétaire général de l'Association argentine des travailleurs du textile:
    • i) d'exprimer l'espoir que, dans toute la mesure du possible, le gouvernement aura recours, dans ses rapports avec les organisations professionnelles et leurs représentants, à des mesures prévues par le droit ordinaire plutôt qu'à des mesures d'exception qui risquent de comporter, par leur nature même, certaines restrictions à des droits fondamentaux ;
    • ii) d'attirer de nouveau l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il a toujours attachée à ce que dans tous les cas, y compris lorsque des syndicalistes sont accusés de délits politiques ou de délits de droit commun que le gouvernement considère comme étrangers à leurs activités syndicales, les personnes en question soient jugées promptement par une autorité judiciaire impartiale et indépendante;
    • iii) de décider, étant donné que M. Framini se trouve aujourd'hui remis en liberté, que, sous réserve des observations présentées aux alinéas i) et ii) ci-dessus, il serait pour lui sans objet de poursuivre l'examen de cet aspect du cas;
    • b) de prendre note du présent rapport intérimaire en ce qui concerne les allégations relatives à la grève des travailleurs du textile et aux mesures prises contre les grévistes, étant entendu que le Comité fera de nouveau rapport sur cet aspect du cas lorsqu'il sera en possession des informations complémentaires annoncées à cet égard par le gouvernement.
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